L'oeuvre de modernisation et de rééquilibrage des institutions de la Ve République ne saurait se limiter à la clarification et à l'encadrement des prérogatives des gouvernants, non plus qu'au renforcement du Parlement. Elle implique que des droits nouveaux soient reconnus aux citoyens eux-mêmes, seuls détenteurs de la souveraineté et, d'une manière plus générale, à tous les individus.
C'est pourquoi le Comité a attaché le plus grand prix à définir quels pouvaient être ces droits nouveaux, de quelles garanties ils pourraient être entourés, dans quelles enceintes ils seraient le mieux à même de s'exprimer, selon quelles procédures ils pourraient être consacrés.
Le premier de ces droits est, pour les citoyens, celui d'être représentés dans la diversité de leurs opinions, consultés à raison de leur situation et de leurs intérêts, entendus dans l'expression de leurs aspirations. Aussi le Comité a-t-il porté ses réflexions sur les modes de scrutin, sur la réforme du Conseil économique et social et sur le droit d'initiative populaire.
Le deuxième de ces droits est de disposer d'une justice plus ouverte sur la société et plus protectrice des libertés. A ce titre, le Comité formule des propositions relatives à la composition et au rôle du Conseil supérieur de la magistrature et fait état de sa réflexion sur la création d'une fonction de procureur général de la nation.
Enfin, la protection et les garanties des droits fondamentaux dans un monde en pleine transformation ont paru au Comité constituer une priorité. Aussi a-t-il souhaité, après avoir étudié la possibilité d'une mise à jour du Préambule de la Constitution, élargir cette protection et renforcer ces garanties en proposant une extension du contrôle de conformité des lois à la Constitution. Dans le même esprit, il propose la mise en place d'une autorité nouvelle, chargée de coordonner et de mieux assurer la défense des libertés de la personne humaine et de ses droits fondamentaux et d'un Conseil du pluralisme chargé de veiller à la liberté d'expression et au pluralisme des courants de pensée et d'opinion dans le domaine de l'information et de la communication audiovisuelles ; l'une et l'autre de ces institutions nouvelles verraient leur existence consacrée dans la loi fondamentale.
A. - Une vie publique plus ouverte sur la société
- Améliorer la représentativité des parlementaires :
A côté d'un Président de la République élu au suffrage universel direct, les membres du Parlement sont désignés selon des modes de scrutin différents dans chaque assemblée. Sur ce sujet, la Constitution est muette, le constituant de 1958 ayant choisi, conformément à la tradition républicaine, de ne pas inclure les modes de scrutin dans le texte de la loi fondamentale. Celle-ci se borne à préciser, à l'article 24, que les députés sont élus au suffrage direct tandis que les sénateurs le sont au suffrage indirect.
a) La représentation des courants politiques minoritaires à l'Assemblée nationale :
Saisi, par la lettre de mission du Président de la République, de la question des modes de scrutin, le Comité a fondé sa réflexion sur une triple conviction. D'une part, il n'est ni opportun ni utile de « constitutionnaliser » les modes de scrutin ; d'autre part, le nombre des parlementaires ne doit pas être accru par quelque réforme que ce soit des modes de scrutin ; enfin, le fait majoritaire a profondément marqué le fonctionnement des institutions et, dans la mesure où celles-ci devraient continuer à fonctionner dans le cadre d'un régime parlementaire, rien ne doit être entrepris qui puisse le mettre à mal.
On peut débattre à l'infini du point de savoir si le fait majoritaire est issu du seul mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, utilisé constamment depuis 1958 pour l'élection des députés, à la seule exception des élections législatives de mars 1986, ou si ce mode de scrutin s'est borné à le favoriser. Toujours est-il que le Comité ne recommande pas d'abandonner le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l'élection des députés. Il a pris acte du souhait, formulé par certaines des personnalités politiques qu'il a entendues, que la sur-représentation des grands partis qui en résulte au détriment de formations politiques dont les candidats réunissent pourtant un nombre significatif de suffrages soit corrigée par l'introduction, pour l'élection de l'Assemblée nationale, de ce qu'il est convenu d'appeler la représentation proportionnelle « compensatrice » (proposition n° 62). Ce mode de scrutin, réservé à un nombre de sièges compris entre vingt et trente, permettrait aux partis que le scrutin majoritaire a défavorisés parce que le nombre de leurs élus est proportionnellement très inférieur au nombre de voix qu'ils ont obtenues et dont le total des voix aurait, au premier tour, franchi un seuil de 5 % des voix, de bénéficier d'une représentation plus équitable.
Faute de dégager en son sein une nette majorité en faveur soit du maintien du scrutin majoritaire actuel, soit de la représentation proportionnelle intégrale, le Comité s'est accordé sur cette proposition, tout en demeurant sensible à la difficulté supplémentaire créée par le problème du redécoupage des circonscriptions, évoqué plus loin.
b) Une représentation équilibrée des collectivités territoriales au Sénat :
Comme la Constitution y oblige, un sort distinct doit être réservé au Sénat. Le mode de scrutin qui s'applique à la désignation des sénateurs n'a pas paru au Comité devoir être modifié. Il comporte une part importante de représentation proportionnelle, dont l'augmentation ne renforcerait pas de manière significative la représentation des grandes communes et des villes importantes. C'est bien davantage l'adaptation du collège des « grands électeurs » aux évolutions démographiques qui a retenu l'attention du Comité. Ce collège est composé de représentants des 36 780 communes, 100 départements, 26 régions et 5 collectivités d'outre-mer dotées d'un statut spécial. Il n'est pas douteux que le régime électoral applicable au fonctionnement de ce collège favorise à l'excès la représentation de zones faiblement peuplées, au détriment des zones urbaines. En 2000, un projet de loi avait prévu de fixer uniformément à un délégué sénatorial pour 300 habitants le critère de représentation de l'ensemble des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel a censuré ce dispositif au motif qu'il méconnaissait la nature même du Sénat, qui doit rester « élu par un corps électoral qui est lui-même l'émanation de ces collectivités ».
A l'issue des auditions qui ont enrichi sa réflexion, le Comité a estimé qu'il était possible d'améliorer la représentativité du corps électoral du Sénat en recommandant que soit affecté à chacune des collectivités territoriales dont les représentants concourent à la désignation un nombre de délégués déterminé de telle manière que soit garantie une représentation équilibrée de chacune d'elles en fonction de sa population. Ainsi serait assuré un meilleur équilibre dans la représentation des populations. Quelle que soit la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par la Constitution, les zones peu peuplées ne peuvent être représentées au détriment de celles qui le sont davantage. La modification qu'il propose à cet effet lui paraît de nature à atteindre cet objectif d'équité. Elle suppose que l'article 24 de la Constitution soit modifié de telle sorte qu'y apparaisse clairement le critère tiré de la proportionnalité de la population. Ainsi pourrait-on écrire : « Le Sénat est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République en fonction de leur population (...) » (proposition n° 63).
c) Un redécoupage transparent, impartial et périodique des circonscriptions électorales :
La réflexion du Comité sur les scrutins ne pouvait faire l'économie de la question du redécoupage des circonscriptions législatives. Aucun découpage des circonscriptions n'est intervenu depuis la loi du 24 novembre 1986, alors que le deuxième alinéa de l'article L. 125 du code électoral prescrit la révision des limites des circonscriptions en fonction de l'évolution démographique après le deuxième recensement général suivant la dernière délimitation. Autrement dit, c'est le recensement général de 1982 qui demeure la base du découpage actuel des circonscriptions. Entre-temps, le système de recensement général a été remplacé par un mode de recensement permanent qui permet, chaque année, la publication d'un décret authentifiant le dénombrement de la population. Le Conseil constitutionnel s'est ému à plusieurs reprises de cette situation. Il a recommandé qu'un redécoupage des circonscriptions soit entrepris au lendemain des élections législatives de 2007.
Le Comité ne peut que prendre acte de ces recommandations, et s'y associer. Il ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice, sans doute accrue par la proposition, si elle était retenue, d'élection à la représentation proportionnelle d'une fraction des députés ainsi que par la tradition, il est vrai non consacrée par la Constitution, qui veut qu'aucun département ne compte moins de deux députés. Mais il souhaite saisir cette occasion pour rappeler son attachement à ce que le nombre des députés ne soit pas augmenté et à ce que soit mis à l'étude le sort réservé à la représentation de celles des collectivités d'outre-mer à statut spécial qui ne comptent souvent qu'une très faible population. Surtout, il demande que ces opérations soient conduites selon des règles strictes d'impartialité et dans la plus grande transparence. A cet effet, il forme le voeu que l'article 25 de la Constitution prévoie une révision régulière des circonscriptions, par exemple tous les dix ans, et renvoie à une loi organique le soin de préciser les garanties procédurales particulières qui conviennent. Il souhaite notamment que soit instaurée une commission indépendante chargée de veiller au respect du principe d'impartialité dans la préparation de cette opération (proposition n° 64).
d) La représentation des Français de l'étranger :
Il a également été demandé au Comité d'examiner le problème de la représentation au Parlement des Français de l'étranger. Les intéressés sont au nombre de deux millions. Leur représentation est aujourd'hui assurée au Sénat, par l'élection de douze sénateurs, désignés par les 155 membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le Comité a pris acte de la grande diversité, dans les pays comparables au nôtre, des modes de représentation des nationaux résidant à l'étranger. Parfois, ils sont représentés dans les deux chambres, parfois dans une seulement. S'il fallait assurer l'élection de députés des Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, cela ne pourrait se concevoir que par le biais d'un scrutin de liste appliqué à de vastes circonscriptions regroupant plusieurs régions du monde. Cela supposerait, par ailleurs, l'élection d'une vingtaine de députés au moins. Compte tenu des contraintes qui ont été rappelées quant à l'impossibilité d'augmenter le nombre des députés, à l'éventualité de désigner de vingt à trente députés à la représentation proportionnelle et aux difficultés inhérentes aux opérations de découpage des circonscriptions, il est apparu au Comité qu'il était inopportun de modifier le mode de représentation des Français de l'étranger. Il recommande donc que le système actuel de représentation des Français de l'étranger par le Sénat ne soit pas modifié.
2. Moderniser le Conseil économique et social :
Mentionné au titre XI de la Constitution, le Conseil économique et social, saisi par le Gouvernement, donne son avis sur « les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis » (article 69 de la Constitution). Il peut également, aux termes de l'article 70 de la Constitution, être consulté par le Gouvernement « sur tout problème à caractère économique et social ».
Après avoir entendu le président du Conseil économique et social, le Comité a orienté sa réflexion dans deux directions.
En premier lieu, il souhaite que les termes de l'article 70 de la Constitution qui prévoient que « (...) tout projet de loi de programme à caractère économique et social lui est soumis pour avis » soient actualisés et complétés. Cette terminologie est devenue partiellement inadaptée, et il n'y aurait que des avantages à ce que la Constitution mentionne que le Conseil économique sera également appelé à donner un avis sur tout projet de loi ayant pour objet principal la préservation de l'environnement (proposition n° 65).
En second lieu, le Comité a estimé que sa composition, fixée par l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social, devait impérativement être actualisée (proposition n° 66). Elle correspond à l'état de la société française telle que le législateur organique a pu l'apprécier en 1958. C'est assez dire combien une modification s'impose. Etant observé, et le président du Conseil économique et social a d'ailleurs été particulièrement net sur ce point, que la modification de la composition du Conseil ne peut être envisagée qu'à effectif constant, il est apparu au Comité qu'elle devait obéir à des principes simples : revoir le poids de la représentation du monde agricole ; modifier la pondération entre les représentants des entreprises publiques et ceux des entreprises privées ainsi qu'entre les représentants des entreprises et ceux des salariés ; réserver une place, au nombre des personnalités qualifiées, à celles d'entre elles qui sont dotées d'une expertise reconnue en matière scientifique et dans le domaine de la protection de l'environnement.
Pour ce qui concerne la question de la représentation des syndicats, ce n'est pas par le biais d'une modification de la composition du Conseil qu'elle peut être traitée. C'est au Gouvernement qu'il appartient de modifier les règles de représentativité des organisations syndicales, à charge pour le législateur organique d'en tirer les conséquences pour ce qui est de la composition même du Conseil économique et social.
Saisi de la question de savoir s'il n'y aurait pas lieu de représenter au Conseil les « forces spirituelles » qui participent de la diversité de la société française, le Comité n'a pas estimé que cette question devait recevoir une réponse positive. Il a en effet relevé qu'outre les problèmes de principe posés par la présence de ministres des cultes dans une institution de la République les représentants des différentes confessions risquaient, en tout état de cause, de ne pas trouver une place utile dans le fonctionnement de l'institution, tandis que les représentants des forces spirituelles ne relevant d'aucune confession religieuse seraient difficiles à choisir.
Au total, le Comité propose une actualisation du champ des missions dévolues par la Constitution au Conseil économique et social ainsi que de sa composition.
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Instaurer un droit d'initiative populaire :
Le Comité a relevé que la démocratisation des institutions qu'il appelle de ses voeux implique un élargissement du champ de la démocratie.
Certes, les consultations référendaires sont souvent perturbées par les circonstances politiques du moment, qui prennent parfois le pas sur la question posée ; reconnaître aux citoyens un droit d'initiative peu ou mal encadré ne serait pas dépourvu de risques, surtout à une époque où les moyens technologiques rendent vaines les garanties tenant au nombre de signatures nécessaires pour déposer une demande d'initiative populaire ; quant aux mécanismes de référendums abrogatifs qui existent dans certains pays, ils donnent bien souvent des résultats peu satisfaisants.
La difficulté de l'exercice consiste donc à concilier le droit d'initiative des citoyens et les garanties indispensables dont il convient de l'entourer pour pallier les inconvénients qui pourraient résulter du choix de certains sujets de société. Surtout, le Comité a estimé qu'il y aurait quelque contradiction dans son propos s'il recommandait à la fois d'émanciper le Parlement et d'étendre de manière excessive le champ de la démocratie directe. Il lui est donc apparu qu'il était indispensable d'associer les parlementaires, dès son origine, à une procédure nouvelle. C'est pourquoi il entend, pour l'essentiel, se référer à la proposition formulée en ce sens, en février 1993, par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par le doyen Vedel.
Aussi est-il suggéré qu'un référendum puisse être proposé, sur l'un des objets mentionnés à l'article 11 de la Constitution, à l'exception de la révision de la Constitution, à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement soutenue par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. La proposition élaborée par les parlementaires serait transmise au Conseil constitutionnel, qui, après déclaration de sa conformité à la Constitution, organiserait la collecte des pétitions des électeurs et, après vérification de leur nombre et de leur validité, les transmettrait au Parlement. Si cette proposition n'était pas inscrite à l'ordre du jour des assemblées dans un délai d'un an, le Conseil constitutionnel constaterait la nécessité d'organiser un référendum (proposition n° 67).
L'article 11 de la Constitution devrait être modifié en conséquence de ce qui précède. -
Démocratiser la procédure de révision de la Constitution :
L'article 89 de la Constitution prévoit actuellement qu'un projet ou une proposition de révision de la Constitution doit être voté par les deux assemblées dans les mêmes termes et que la révision est définitive après avoir été approuvée par référendum, sauf si, s'agissant d'un projet de loi constitutionnelle, le Président de la République décide de le soumettre au vote du Congrès, auquel cas le texte doit être adopté à la majorité des trois cinquièmes.
Il résulte de ces dispositions que chacune des deux assemblées dispose, en dehors du cas où une révision de la Constitution emprunterait la voie de l'article 11, d'un pouvoir de blocage de toute révision constitutionnelle.
Par cohérence avec les propositions formulées plus haut (voir proposition n° 12) qui tendent à obliger le chef de l'Etat à organiser, dans les six mois, un référendum portant révision de la Constitution lorsque le projet ou la proposition de loi constitutionnelle a été adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, le Comité souhaite que l'article 89 de la Constitution soit également modifié pour permettre qu'en cas de refus d'une révision constitutionnelle par l'une des deux assemblées, tandis que l'autre a adopté le texte à la majorité des trois cinquièmes, il soit organisé un référendum, de telle sorte que le peuple souverain soit appelé à trancher (proposition n° 68).
B. - Une justice mieux garantie :
Les questions posées par la modernisation de l'autorité judiciaire sont, il serait inutile de le nier, au nombre des plus délicates que le Comité ait eu à aborder au cours de ses travaux.
Aussi estime-t-il nécessaire d'indiquer les principes qui ont guidé sa réflexion en ce domaine. Le premier de ces principes est que la justice est une fonction de l'Etat, exercée au nom du peuple français. Il s'ensuit, d'une part, que les citoyens ont le droit d'être jugés par des magistrats impartiaux mais qu'ils ont également le droit de demander compte des défauts de fonctionnement éventuels du service public de la justice et, d'autre part, que le Gouvernement, responsable devant l'Assemblée nationale de la mise en oeuvre de la politique pénale, ne peut être tenu totalement à l'écart des organismes chargés par la Constitution de veiller au bon fonctionnement de la justice.
Le deuxième de ces principes est que l'indépendance des juges est essentielle à l'équilibre de toute société démocratique ; qu'elle doit être constitutionnellement garantie et protégée parce qu'elle est la pierre angulaire du respect des droits de la personne.
Le troisième de ces principes est que le corps judiciaire constitue, dans la tradition juridique française, un corps unique de magistrats.
Compte tenu de ces principes, le Comité, éclairé par l'audition des plus hautes autorités judiciaires, a porté sa réflexion sur deux sujets importants : est-il utile et opportun d'instaurer un procureur général de la nation ? Faut-il modifier le rôle et la composition du Conseil supérieur de la magistrature tels qu'ils ont été fixés par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 ?
- Instituer un procureur général de la nation ?
Telle qu'imaginée depuis plusieurs années à différents échelons de la hiérarchie judiciaire, la création d'une fonction de procureur général de la nation poursuivrait un double objectif : renforcer la cohérence du parquet afin que la loi soit appliquée de manière égale sur l'ensemble du territoire national ; décharger le garde des sceaux du soin d'adresser aux procureurs les « instructions individuelles » écrites et versées au dossier dont on sait que l'existence même entretient le soupçon sur l'indépendance des magistrats, fussent-ils du parquet, à l'égard du pouvoir politique.
Il n'est, en effet, pas douteux que les liens entre le pouvoir politique et le parquet font l'objet d'un débat permanent et que la répartition des compétences entre le ministre de la justice et les procureurs de la République n'est pas délimitée de manière claire et efficace.
Le principe est que le ministre, qui exerce le pouvoir hiérarchique sur les magistrats du parquet, a le pouvoir de donner des instructions de politique pénale générale. Mais il peut aussi donner aux procureurs généraux des instructions individuelles tendant à l'engagement de poursuites. Depuis 1994, ces instructions doivent être écrites et versées au dossier. Mais le code de procédure pénale ne prévoit pas expressément que le ministre puisse donner des instructions de ne pas poursuivre, même s'il ne le lui interdit pas non plus.
Dès lors que l'architecture des textes est peu claire, il est sans doute utile de s'interroger sur la manière de garantir aux citoyens que la loi est appliquée de manière égale pour tous. L'instauration d'un procureur général de la nation permettrait, selon ses défenseurs, d'atteindre cet objectif tout en renforçant l'indépendance du parquet par rapport au pouvoir politique. Placé au sommet de la hiérarchie, il serait le vrai responsable de l'application de la loi sur tout le territoire ; il serait statutairement indépendant du ministre de la justice et les magistrats du parquet dépendraient de lui seul ; proposée par le Gouvernement, sa nomination serait soumise au Parlement et approuvée par le Président de la République.
Le Comité s'est montré sensible aux avantages que la création d'une autorité de cette nature serait susceptible d'apporter au fonctionnement de la justice. Mais il n'a pas été moins sensible aux inconvénients théoriques et pratiques qui pourraient en résulter. C'est ainsi qu'il a relevé que le procureur général de la nation exercerait un mandat d'une nature et d'une durée particulières, qui le placeraient immanquablement dans une position délicate à l'égard du Gouvernement. Si l'on admet en effet que le Gouvernement demeurerait, en tout état de cause, responsable devant le Parlement de la définition et de la mise en oeuvre des orientations générales de la politique pénale, un procureur général de la nation pourrait être tenu d'avoir à appliquer, à l'issue d'un changement de gouvernement ou de majorité, une politique pénale distincte de celle pour l'application de laquelle il aurait été choisi. Quelle serait, dès lors, son autorité ?
Surtout, il est apparu au Comité que le ministre de la justice verrait alors son rôle tellement amoindri que le risque de voir la politique pénale échapper au contrôle de la représentation nationale serait accru et l'unicité du corps judiciaire menacée. Attaché au pouvoir hiérarchique du ministre de la justice sur les magistrats du parquet, qui lui a semblé correspondre à la conception française du ministère public dans la mesure où l'exercice de ce pouvoir par un membre du Gouvernement, responsable devant le Parlement, est la garantie d'un contrôle démocratique de la politique pénale conduite par le pouvoir exécutif, le Comité n'a donc pas retenu la proposition dont il était saisi. Il a, en conséquence, choisi de ne pas recommander au Président de la République de s'engager dans la voie de la création d'un procureur général de la nation. - Rénover le Conseil supérieur de la magistrature :
La place, le rôle et la composition du Conseil supérieur de la magistrature dans les institutions sont l'une des questions récurrentes de la vie publique depuis plusieurs dizaines d'années. Initialement placé, par la Constitution de 1958, sous la présidence du Président de la République et composé exclusivement de membres nommés par lui, le Conseil supérieur de la magistrature a été profondément modifié par la révision du 27 juillet 1993.
a) La composition et les fonctions actuelles du Conseil supérieur de la magistrature :
Des articles 64 et 65 de la Constitution, de la loi organique du 5 février 1994 et du décret du 9 mars 1994, il résulte qu'en l'état actuel du droit le Conseil supérieur de la magistrature comprend douze membres, dont dix désignés pour un mandat de quatre ans non renouvelable immédiatement. Outre le Président de la République et le garde des sceaux, qui y siègent en qualité de président et de vice-président, il compte quatre membres communs aux deux formations qui le composent (trois personnalités extérieures et un conseiller d'Etat) et six magistrats élus appartenant à chacune de ces deux formations. Lorsque le Conseil siège en tant qu'instance disciplinaire, la présidence est assurée par le premier président de la Cour de cassation pour la formation compétente pour les magistrats du siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet.
La désignation des trois personnalités qualifiées qui siègent dans chacune des deux formations, respectivement par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, s'inspire des règles applicables au Conseil constitutionnel. Etant observé que le conseiller d'Etat, qui siège dans les deux formations du Conseil supérieur de la magistrature, est élu par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, les magistrats, au nombre de six dans chaque formation, sont tous désignés par la voie de l'élection, le principe étant qu'à chaque formation appartienne un magistrat n'exerçant pas les fonctions, du siège ou du parquet, à l'égard desquelles cette formation est compétente.
Ainsi constitué, le Conseil supérieur de la magistrature exerce une triple fonction.
En premier lieu, il a l'initiative de la nomination aux plus hauts emplois de la hiérarchie judiciaire (conseillers à la Cour de cassation, premiers présidents de cour d'appel et présidents de tribunaux de grande instance). Pour les autres nominations aux fonctions de magistrats du siège, le ministre de la justice sollicite l'avis du conseil, mais il ne peut procéder à la nomination qu'il envisage que si cet avis est favorable. En ce qui concerne les magistrats du parquet, le conseil formule un avis simple pour les emplois qui ne sont pas les plus élevés de la hiérarchie. Pour ceux de procureur général près la Cour de cassation et près les cours d'appel, auxquels il est pourvu en conseil des ministres, le Conseil supérieur de la magistrature n'est pas consulté.
En deuxième lieu, le conseil exerce des attributions disciplinaires. Chacune de ses deux formations est dotée d'un pouvoir distinct : pouvoir de décision pour les magistrats du siège ; pouvoir consultatif pour ceux du parquet.
En troisième lieu, le conseil peut être consulté par le Président de la République si celui-ci le souhaite, mais il ne dispose pas, selon la lettre des textes, d'un pouvoir consultatif général. En revanche, il peut charger l'un ou plusieurs de ses membres de missions d'information auprès des juridictions, et l'article 20 de la loi organique du 5 février 1994 prévoit que le conseil publie tous les ans le rapport d'activité de chacune de ses deux formations.
Au terme des travaux qu'il a consacrés aux problèmes rencontrés par l'autorité judiciaire et des auditions auxquelles il a procédé, le Comité s'est forgé une triple conviction : la réforme de 1993 n'a pas atteint ses objectifs dans la mesure où elle n'a pas mis fin aux conflits entre le Gouvernement et le Conseil supérieur de la magistrature ; en dépit de la lettre des textes, aussi bien constitutionnels qu'organiques, le conseil a instauré en son sein une prétendue « réunion plénière » dont l'existence même alimente le reproche de corporatisme trop souvent adressé à l'institution ; celle-ci s'avère insuffisamment ouverte sur l'extérieur.
Aussi le Comité formule-t-il les propositions suivantes, qui lui paraissent de nature à conforter l'indépendance et l'unicité de la magistrature, à répondre aux griefs adressés au Conseil supérieur de la magistrature et à mieux garantir les droits des justiciables.
b) La fin de la présidence du Conseil supérieur de la magistrature par le chef de l'Etat :
Le Comité suggère que le président de la République et le garde des sceaux ne soient plus membres de droit du Conseil supérieur de la magistrature (proposition n° 69). La présidence du Conseil supérieur de la magistrature devrait échoir à une personnalité indépendante, qui n'appartienne pas au corps judiciaire et qui soit nommée, comme le président du Conseil constitutionnel, selon la procédure déjà décrite après audition par la commission ad hoc du Parlement. Ainsi, serait mieux illustrée et assurée l'indépendance du conseil à l'égard du pouvoir politique.
c) Une composition plus ouverte sur la société :
Le Comité recommande que la composition du conseil soit modifiée de telle sorte qu'aux six membres magistrats élus soient ajoutés deux conseillers d'Etat désignés par l'assemblée générale du Conseil d'Etat, un avocat et un professeur d'université désignés dans les conditions fixées par la loi organique et deux personnalités qualifiées, n'appartenant ni au Parlement ni au corps judiciaire, désignées respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat (proposition n° 70). Ces nominations obéiraient aux règles d'encadrement prévues à l'article 13 modifié de la Constitution.
d) Des attributions élargies en matière de nominations :
S'agissant des attributions du Conseil supérieur de la magistrature, le Comité recommande que la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet soit appelée à donner au ministre de la justice un avis simple sur les nominations aux emplois de procureurs généraux, alors qu'il ne le fait aujourd'hui qu'à l'égard des procureurs et des substituts. Une telle disposition permettrait de renforcer l'indépendance des magistrats du parquet (proposition n° 71).
e) La saisine par les justiciables :
Le Comité suggère aussi que le conseil soit véritablement mis en mesure d'apporter des réponses disciplinaires aux désordres qui, survenant dans le service public de la justice, mettent en cause non pas le fond des décisions de justice, mais le respect des garanties procédurales et le comportement professionnel des magistrats. A cette fin, le législateur organique devrait prévoir que le conseil puisse être saisi par les justiciables eux-mêmes - et non plus seulement, comme aujourd'hui, par le garde des sceaux ou les premiers présidents de cour d'appel - de requêtes visant de tels cas, à charge pour le conseil d'instruire ces demandes, après avoir sélectionné celles d'entre elles qui le justifient, avec le concours de la direction des services judiciaires de la Chancellerie et de leur réserver la suite disciplinaire qu'elles lui paraîtront devoir comporter (proposition n° 72).
Ces propositions impliquent une modification de l'article 64 de la Constitution : il y a lieu en effet de prévoir que le Président de la République, s'il demeure « garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire » n'est plus « assisté par le Conseil supérieur de la magistrature ». Elles impliquent également une modification de l'article 65 de la Constitution pour ce qui a trait à la composition du Conseil supérieur de la magistrature et une refonte importante de la loi organique du 5 février 1994 et des textes pris pour son application.
Le Comité forme le voeu que ses propositions soient de nature à accroître la confiance qu'ont les citoyens en la justice et à donner à l'institution judiciaire la place et le rôle auxquels elle aspire légitimement.
C. - Des droits fondamentaux mieux protégés :
La protection et la garantie des droits fondamentaux de la personne sont l'un des fondements les plus nobles de la tradition juridique française. Mais celle-ci ne peut conserver force et vigueur que si elle englobe progressivement les droits nouveau-nés des pratiques sociales et consacrés par la jurisprudence.
Le Préambule de la Constitution a vocation, par nature, à conférer à ces droits, dont chacun porte la marque de l'époque à laquelle ils ont été consacrés, une place éminente. Mais les termes du Préambule ne peuvent, en dépit de la solennité qui s'attache à leur formulation, être regardés comme intangibles ; le pouvoir constituant a le devoir de veiller à leur adaptation.
Comme l'y invitait la lettre de mission du Président de la République, le Comité a donc porté sa réflexion sur ce point.
Mais il n'a pas cru devoir borner ses travaux à cet aspect du sujet, qu'il n'était, au demeurant, on le verra, pas le mieux armé pour traiter dans les délais qui lui étaient impartis. Il s'est davantage attaché à donner une traduction effective aux droits fondamentaux des citoyens en leur ouvrant des voies nouvelles pour les faire valoir.
C'est pourquoi il a choisi de recommander aux pouvoirs publics, d'une part, de favoriser une extension du contrôle de la conformité des lois aux droits fondamentaux reconnus par la Constitution en ouvrant aux justiciables la faculté de contester, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, la conformité à la Constitution de la loi dont il leur est fait application et, d'autre part, de créer, au profit des citoyens confrontés à un différend avec les administrations publiques ou victimes d'atteintes à leurs libertés, un Défenseur des droits fondamentaux dont le statut et les attributions soient à la mesure d'un enjeu trop longtemps méconnu.
C'est pourquoi, également, il a choisi de proposer au Gouvernement de créer une autorité chargée de veiller au respect, dans le domaine de la communication, des principes et des règles du pluralisme.
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Modifier le Préambule de la Constitution ?
Tel qu'il est actuellement rédigé, le premier alinéa du Préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, modifié par la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, se réfère « aux Droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis par la Charte de l'environnement de 2004 ».
Le Comité a constaté qu'il n'était pas en mesure de trancher la question de l'éventuelle contrariété entre telle ou telle des dispositions des textes auxquels se réfère le Préambule. Sont en cause de délicates questions de principe, plus idéologiques que proprement juridiques.
La même raison l'a conduit à ne pas souhaiter recommander aux pouvoirs publics d'ajouter au Préambule des principes nouveaux, même s'ils font l'objet d'un large assentiment au sein de la société. Ainsi en est-il de la diversité qui caractérise la composition de la société française, du principe de parité entre les femmes et les hommes, du principe de la dignité de la personne humaine. Ces principes sont soit trop récents pour que leur contenu juridique soit figé dans un texte aussi solennel que le Préambule, soit déjà consacrés par une jurisprudence constante et désormais bien admise qu'il serait inutile sinon fâcheux de perturber.
La seule hésitation du Comité a porté sur le principe dit de la « sécurité juridique » qui veut que les destinataires d'une norme de droit soient en mesure de la comprendre et qu'ils soient assurés de bénéficier d'une certaine prévisibilité. Les délibérations du Comité sur cette question ont montré la difficulté qu'il y avait à percevoir l'ensemble des implications de ce principe. Surtout, le Comité a constaté que la jurisprudence du Conseil d'Etat en avait déjà fait, à l'égard des actes administratifs, un principe général du droit et que, de son côté, le Conseil constitutionnel avait, au cours des dernières années, pris la mesure de l'importance des exigences qui découlent concrètement du principe de sécurité juridique et était parvenu à y répondre, sur le fondement d'autres normes ou principes de niveau constitutionnel. Il a considéré que l'équilibre ainsi atteint était satisfaisant et que, si l'on ne peut que partager la préoccupation fréquemment exprimée devant l'instabilité des normes juridiques et leur manque de prévisibilité, la meilleure réponse à apporter viendrait désormais d'une amélioration de la qualité des normes juridiques et non d'une consécration, dans le texte de la Constitution, d'un principe dont une acception trop rigide pourrait entraver la volonté réformatrice de quelque gouvernement que ce soit.
Quant au régime des dénonciations anonymes, le Comité a pris acte du fait qu'un texte législatif est en cours de préparation sur ce sujet.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Comité n'a pas cru devoir recommander aux pouvoirs publics de modifier le Préambule de la Constitution.
En revanche, les problèmes posés par la rétroactivité des lois ont retenu l'attention du Comité, qui s'est montré sensible à l'instabilité juridique qui en résulte trop souvent. Certes, la loi doit pouvoir rétroagir en certaines circonstances et il ne s'agit pas, là non plus, de brider l'action conjuguée du Gouvernement et du Parlement, qui peuvent être confrontés à la nécessité de modifier la loi ou de tirer les conséquences de l'annulation par le juge de certains actes administratifs. Mais la jurisprudence constitutionnelle a dégagé sur ces points des principes clairs, qu'il ne serait sans doute pas inutile de consacrer dans le texte même de la Constitution. C'est pourquoi le Comité recommande que l'article 34 de la Constitution soit complété par un alinéa qui disposerait que, sauf motif déterminant d'intérêt général, la loi ne dispose que pour l'avenir (proposition n° 73). -
Reconnaître aux justiciables un droit nouveau : l'exception d'inconstitutionnalité :
Le contrôle français de conformité de la loi à la Constitution entendue au sens large, introduit dans la pratique de notre droit depuis une trentaine d'années seulement, n'est plus guère contesté aujourd'hui. Du fait de l'élargissement, par la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974, à soixante députés ou soixante sénateurs de la possibilité de saisir le Conseil constitutionnel de la question de savoir si une loi adoptée mais non encore promulguée est ou non conforme à la Constitution, une grande majorité des textes législatifs importants sont soumis à ce contrôle.
Pour autant, les lois antérieures à 1958 et certains des textes adoptés depuis lors qui, pour des raisons diverses, accidentelles ou parfois plus politiques, n'ont pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel sont valides, sans qu'il soit loisible aux juges judiciaires ou administratifs qui ont à en faire application de les déclarer contraires à la Constitution. Sans doute cette anomalie ne vaut-elle que pour un nombre relativement limité de textes de forme législative. Il n'en reste pas moins qu'elle introduit dans notre système juridique un élément de trouble et qu'elle peut priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits.
Surtout, l'extension du contrôle de conformité de la loi aux conventions internationales en vigueur et qui, aux termes mêmes de l'article 55 de la Constitution, « ont une autorité supérieure à celle des lois », met en lumière la disparité des contrôles dont une même loi peut faire l'objet. Ainsi, tout juge de l'ordre judiciaire ou administratif peut, à l'occasion du litige dont il est saisi, écarter l'application d'une disposition législative au motif qu'il l'estime contraire à une convention internationale, mais il ne lui appartient pas d'apprécier si la même disposition est contraire à un principe de valeur constitutionnelle. Or, les principes dont il fait application dans le premier cas sont, en pratique, souvent voisins de ceux qu'il aurait à retenir si lui-même ou le Conseil constitutionnel était habilité à statuer sur la conformité à la Constitution de la loi promulguée. Il s'ensuit que les justiciables sont portés à attacher plus de prix à la norme de droit international qu'à la Constitution elle-même.
Le Comité n'a donc guère éprouvé d'hésitation à recommander aux pouvoirs publics de s'engager dans la voie d'une réforme qui aurait pour objet de permettre à tout justiciable d'invoquer, par la voie dite de l'exception, devant le juge qu'il a saisi, la non-conformité à la Constitution de la disposition législative qui lui est appliquée, à charge pour ce juge d'en saisir le Conseil constitutionnel dans des conditions à définir. Ne seraient naturellement invocables que les normes constitutionnelles de fond, le justiciable n'ayant pas vocation à s'ériger en gardien de la procédure législative ou du respect des compétences respectives du législateur et du pouvoir réglementaire.
Ses interrogations ont été plus grandes quand il s'est agi de définir les voies et moyens de ce type nouveau de contrôle de conformité de la loi à la Constitution qui, par construction, interviendrait postérieurement à la promulgation de la loi. Il n'a pas retenu l'argument selon lequel cette voie de droit supplémentaire porterait atteinte à la sécurité juridique : il y a en effet quelque paradoxe à soutenir que la correction d'une erreur juridique n'améliorerait pas la sécurité dont doit bénéficier le justiciable.
Plus sérieux lui est apparu l'argument, dont il a été expressément saisi, tiré de ce qu'une telle réforme, pour souhaitable qu'elle soit, ne saurait être mise en oeuvre sans que soit, dans le même temps, conférée au Conseil constitutionnel une compétence nouvelle, qui consisterait à réguler lui-même, sur renvoi obligatoire du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation saisis d'une question nouvelle ou d'une question présentant une difficulté sérieuse, le contrôle de conformité de la loi aux conventions internationales ou, à tout le moins, à celles d'entre elles qui, à l'échelon européen, consacrent les droits fondamentaux reconnus à toute personne.
Le Comité n'a pas sous-estimé le caractère novateur de cette proposition, dont il a bien compris qu'elle tendait moins à accroître, par principe, la compétence du Conseil constitutionnel qu'à permettre aux contrôles de conformité de la loi aux conventions internationales et à la Constitution de s'exercer dans des conditions plus cohérentes qu'à l'heure actuelle.
Mais il a considéré qu'il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à regrouper sous la seule autorité du Conseil constitutionnel le contrôle de la conformité de la loi à la Constitution et aux principes fondamentaux consacrés par tout ou partie des conventions internationales.
Le contrôle de la conformité de la loi aux conventions internationales est en voie d'acclimatation dans notre système juridictionnel et, quel que soit son caractère perfectible, on ne peut tenir pour certain que sa « régulation » par le Conseil constitutionnel ouvrirait aux citoyens un « droit nouveau » de quelque consistance. Surtout, reconnaître au Conseil constitutionnel cette compétence supplémentaire altérerait profondément la nature de cette institution sans qu'on discerne clairement le profit qu'en retirerait le justiciable dans le déroulement de son procès. En revanche, on devine sans trop de peine le risque qui s'attacherait à placer le Conseil constitutionnel dans une position délicate, entre les deux cours suprêmes que sont la Cour de cassation et le Conseil d'Etat, d'une part, et, d'autre part, les juridictions supranationales que sont, notamment, la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l'homme. L'intervention de ces juridictions européennes priverait, pour le justiciable, le détour par le Conseil constitutionnel d'une grande partie de sa vertu d'harmonisation et de simplification.
On ajoutera qu'une éventuelle censure d'une loi par le Conseil constitutionnel sur le terrain de l'incompatibilité avec une convention internationale, alors même que les juridictions européennes n'auraient pas encore eu à se prononcer, placerait le pouvoir constituant dans la quasi-impossibilité de surmonter une telle interprétation. A la différence de la faculté, toujours ouverte au pouvoir constituant en cas de censure d'une loi sur le terrain de la non-conformité à la Constitution, de recourir, comme ce fut le cas lors de la révision constitutionnelle opérée par la loi constitutionnelle du 25 novembre 1993 à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993, à ce que le doyen Vedel appelait un « lit de justice constitutionnel », la possibilité, en termes politiques, de réviser ou de dénoncer un traité est faible et on imagine assez mal, en toute hypothèse, une révision constitutionnelle revenant sur l'inclusion d'un traité parmi les normes de référence du contrôle.
A l'inverse, si le Conseil constitutionnel ne s'opposait pas à l'application d'une loi qu'il estimerait compatible avec un engagement international mais que cette interprétation venait à être démentie par une juridiction internationale, les juges français se trouveraient dans une situation très inconfortable dès lors qu'ils sont tenus par l'article 62 de la Constitution de se conformer à la chose jugée par le Conseil constitutionnel.
Aussi le Comité, fidèle à son objectif premier, a-t-il estimé qu'il devait écarter cette hypothèse de travail qui introduirait dans notre système juridique trop d'incertitudes et de rigidités à la fois et bien plutôt s'attacher à définir ce que pourrait être le principe d'une extension du contrôle de conformité de la loi à la seule Constitution, par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité, invoquée par un justiciable.
Divers systèmes lui ont été exposés. Chacun a ses avantages et ses inconvénients et il n'a pas souhaité trancher cette question de pure technique juridictionnelle. Le système de saisine du Conseil constitutionnel sur renvoi exclusif du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de toute juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre, mis au point par le comité consultatif constitutionnel présidé, en 1993, par le doyen Vedel a ses mérites, et notamment celui de la simplicité. D'autres mécanismes, donnant plus de latitude aux juges de première instance ou d'appel, sont envisageables et ont été proposés au Comité. Le choix devra reposer sur une analyse approfondie des flux de requêtes susceptibles d'être engendrés par cette réforme, appréciation que le Comité n'a pas été en mesure de porter.
En l'état de la question, le Comité recommande aux pouvoirs publics que l'article 61 de la Constitution soit modifié de telle sorte qu'il prévoie : « Le Conseil constitutionnel peut, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, être saisi par voie d'exception aux fins d'apprécier la conformité d'une loi aux libertés et droits fondamentaux reconnus par la Constitution./ Le Conseil constitutionnel, à la demande d'un justiciable, est saisi, dans les conditions prévues par une loi organique, sur renvoi du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, des juridictions qui leur sont subordonnées ou de toute autre juridiction ne relevant ni de l'un ni de l'autre » (proposition n° 74).
Il propose que l'article 62 de la Constitution précise que les dispositions déclarées inconstitutionnelles dans ce cadre sont abrogées à compter d'une date déterminée par le Conseil constitutionnel dans sa décision et ne peuvent être appliquées aux procédures en cours. Il suggère que les conditions dans lesquelles le Conseil constitutionnel pourrait être saisi sur renvoi des juridictions fassent l'objet d'une loi organique. Cette même loi organique porterait également sur les modifications d'organisation, de fonctionnement et de procédure qui résulteraient de cette extension de la compétence du Conseil constitutionnel. Il forme le voeu qu'au-delà des débats techniques qui ne manqueront pas de s'engager, aux échelons appropriés, sur la détermination des modes de renvoi au Conseil constitutionnel qui paraîtront les mieux adaptés au succès de cette réforme, l'importance de celle-ci soit mise en lumière. Si cette avancée juridique est réalisée, il s'agira, le Comité croit devoir y insister, d'un progrès important de l'Etat de droit.
Il n'est pas apparu au Comité que ce renforcement du caractère juridictionnel de la mission assignée au Conseil constitutionnel devait rester sans effet sur la composition de cette institution. C'est pourquoi il souhaite que le deuxième alinéa de l'article 56 de la Constitution qui prévoit que les anciens Présidents de la République « font de droit partie à vie du Conseil constitutionnel » soit abrogé pour l'avenir (proposition n° 75). Les intéressés tiennent généralement à continuer à prendre part à la vie publique et cette volonté entre parfois en contradiction avec les obligations de discrétion et de réserve qui s'imposent aux membres du Conseil. Aussi n'y aurait-il que des avantages à ce que les anciens Présidents de la République soient dotés d'une retraite leur assurant des conditions de vie dignes des fonctions qu'ils ont exercées, sans qu'ils aient à remplir un rôle juridictionnel. -
Instituer un Défenseur des droits fondamentaux :
La protection des droits fondamentaux ne concerne pas exclusivement, il s'en faut de beaucoup, les seuls litiges dont les juridictions ont à connaître. Les différends qui opposent les citoyens aux administrations ainsi qu'aux organismes publics et privés de toute nature sont multiples, qu'il soient dus à la lenteur des services administratifs, à l'absence de réponse aux questions posées, aux erreurs qui surviennent dans le traitement des dossiers, aux négligences de certains agents publics, au refus d'appliquer la loi ou encore à des conflits de compétence entre services. Ce ne sont là que quelques exemples des circonstances qui sont susceptibles de menacer non seulement les droits légitimes des citoyens, mais aussi et surtout certains de leurs droits fondamentaux.
Auditionné par le Comité, le Médiateur de la République n'a pas manqué de donner de nombreux exemples de l'ampleur de la tâche qui est la sienne.
Cette mission est d'autant plus malaisée à remplir que le Médiateur de la République, institution récente créée par la loi du 3 janvier 1973, n'a pas vu son existence consacrée par la Constitution et qu'il ne peut être saisi que de manière indirecte, par des parlementaires. Surtout, à côté du Médiateur de la République, chargé par la loi d'aider à résoudre les difficultés qui peuvent s'élever entre les citoyens et les administrations, autorisé à adresser des recommandations, éventuellement publiques, voire des injonctions aux administrations qui n'appliquent pas une décision de justice rendue en faveur d'un plaignant, sont apparues ces dernières années des autorités aux attributions voisines. Le Défenseur des enfants, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et bientôt le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont, parmi d'autres et avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés, au nombre de ces autorités administratives indépendantes dont les champs de compétence respectifs paraissent empiéter en tout ou partie sur celui du Médiateur de la République.
Il en résulte une dilution des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux droits des citoyens. Ces derniers, confrontés à des erreurs administratives mettant en cause leurs droits fondamentaux, ne savent pas même à quel organisme s'adresser pour faire valoir leurs droits...
Face à ce constat, le Comité a souhaité qu'une étape importante soit franchie dans le sens d'une amélioration de la protection des droits des citoyens. Inspiré par le succès rencontré en Espagne par le Défenseur du Peuple mentionné à l'article 55 de la Constitution, il formule les recommandations suivantes.
Il souhaite que le Médiateur de la République voie sa dénomination modifiée et que l'existence d'un « Défenseur des droits fondamentaux » soit expressément consacrée par un titre de la Constitution (proposition n° 76).
Doté d'un mandat de six ans non renouvelable, désigné par l'Assemblée nationale à la majorité des trois cinquièmes sur proposition d'une commission ad hoc de cette assemblée qui sélectionnerait les candidatures, substitué à l'ensemble des autorités administratives indépendantes qui oeuvrent dans le champ de la protection des libertés et recevant autorité sur ceux de leurs services qui seraient appelés à subsister, le Défenseur des droits fondamentaux pourrait être saisi directement par les intéressés et disposerait des compétences actuellement dévolues au Médiateur de la République. S'y ajouteraient le droit de procéder à des contrôles sur place et sur pièces dans les services des administrations, le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration, la faculté, comme les parlementaires, de saisir le Conseil constitutionnel d'une loi non encore promulguée, enfin le droit de s'adresser directement au Parlement pour l'assister dans sa mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. La loi organique préciserait quels sont ceux des services des autorités, notamment de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, auxquelles le Défenseur des droits fondamentaux se substituerait, qui devraient lui être directement rattachés. Compte tenu de l'ampleur prévisible de la tâche qui incombera au Défenseur des droits fondamentaux, la même loi organique pourra prévoir que des Défenseurs adjoints l'aident à exercer sa mission.
Le Comité a la conviction qu'eu égard aux difficultés auxquelles nos concitoyens sont parfois confrontés la création d'une telle autorité, seule élue par l'Assemblée nationale et dont la mission serait incompatible avec l'exercice d'un mandat parlementaire, non seulement répondrait à un besoin réel, mais encore améliorerait le fonctionnement global de nos institutions.
Proposition du Comité
Titre XIII bis (nouveau)
Le Défenseur des droits fondamentaux
Article 78 (nouveau)
Le Défenseur des droits fondamentaux veille à leur respect à son initiative ou sur saisine de toute personne.
Sur réclamation des intéressés, il s'assure également du bon fonctionnement des organismes investis d'une mission de service public.
Il formule recommandations et mises en demeure dans les cas et selon les procédures précisés par une loi organique. Celle-ci peut lui confier des pouvoirs de décision, de médiation ou de transaction dans les conditions qu'elle définit.
Le Défenseur des droits fondamentaux peut saisir le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61.
Il ne peut intervenir dans une procédure juridictionnelle ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle.
Il rend compte de son activité au Président de la République et au Parlement.
Il est élu pour un mandat de six ans non renouvelable par l'Assemblée nationale statuant à la majorité des trois cinquièmes.
4. Instaurer un Conseil du pluralisme :
L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen consacre la liberté d'expression. C'est sur ce fondement que, par ses décisions des 10 et 11 octobre 1984, le Conseil constitutionnel s'est engagé dans la voie d'une protection vigilante du pluralisme des courants de pensée et d'opinion dont le respect est, selon ses propres termes, l'une des garanties essentielles des autres droits et libertés et de la souveraineté nationale.
Nombre de dispositions législatives appliquent ces principes dans plusieurs secteurs de la vie publique. Elles ont instauré divers organismes chargés d'y veiller, qu'il s'agisse du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de la Commission des sondages ou de la Commission nationale de contrôle de la campagne pour l'élection présidentielle qui, une fois tous les cinq ans, se réunit à cette fin. La relative dispersion de ces organismes ne permet pas d'assurer sa pleine efficacité à la garantie recherchée par le législateur.
C'est pourquoi il est apparu au Comité qu'il serait opportun que la Constitution elle-même comporte un titre consacré à la protection du pluralisme et prévoie qu'un organisme unique serait chargé de veiller à son respect, dans les conditions définies par la loi (proposition n° 77).
Le Comité recommande que le champ de compétence de cette institution nouvelle recouvre celui résultant de la fusion des trois autorités qui viennent d'être mentionnées.
Plus délicate est la question du respect du pluralisme dans le secteur de la presse et des communications électroniques. En effet, s'il est admis, comme le prévoit la loi du 30 septembre 1986, que l'actuel CSA adresse aux éditeurs de services de radio ou de télévision des « recommandations » portant sur le contenu même de leurs programmes et qui ont, en jurisprudence, valeur de décisions faisant grief, l'usage de prérogatives de même nature à l'égard de la presse écrite ou des organes de communication électronique serait perçu comme un recul de la liberté de la presse et de la liberté d'expression. Aussi le Comité souhaite-t-il que le Conseil du pluralisme ne dispose, dans ces deux derniers domaines, que d'un pouvoir de recommandation simple.
Mais le besoin existe d'une institution disposant d'une vision globale des questions relatives au pluralisme et qui soit en mesure d'intervenir avec des instruments variés selon la nature des problèmes posés : fonctions consultatives, recommandations aux pouvoirs publics, avis ou autorisations dans le cadre des procédures administratives, sanctions, rapports annuels sur l'état du pluralisme. Ceux de ces actes qui revêtiraient le caractère de décisions seraient, comme il est de règle, soumis au contrôle du juge.
Le Comité souhaite que le Conseil du pluralisme dont il propose la création puisse émettre des avis mais sans se substituer au Parlement dans la définition de règles touchant aux libertés publiques, par exemple en ce qui concerne les dispositifs de lutte contre les concentrations, la transparence des entreprises de communication ou les relations entre les propriétaires de ces entreprises et les responsables éditoriaux.
La composition du Conseil du pluralisme serait fixée dans la Constitution. Le Conseil pourrait comprendre neuf membres désignés pour un mandat de six ans non renouvelable. Deux de ses membres, dont le président, pourraient être nommés par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par celui du Sénat. Trois autres membres, issus du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes et désignés par ces trois institutions, renforceraient l'indépendance du Conseil. Tous les membres du Conseil du pluralisme seraient nommés dans les conditions prévues au dernier alinéa nouveau de l'article 13 de la Constitution.
Il a semblé au Comité que la mise en place d'une telle structure permettrait d'améliorer la protection effective de l'un des principes essentiels du fonctionnement démocratique des institutions.
Proposition du Comité
Titre XIII ter (nouveau)
Le Conseil du pluralisme
Article 79 (nouveau)
Le Conseil du pluralisme concourt au respect de la liberté d'expression et du pluralisme des courants de pensée et d'opinion dans le domaine de l'information et de la communication audiovisuelles. Il veille également à la qualité des sondages d'opinion publiés et diffusés en rapport direct ou indirect avec les élections politiques, ainsi que, sous réserve des dispositions des articles 58 et 60, à l'équité des campagnes électorales et référendaires organisées à l'échelon national.
Le Conseil du pluralisme rend des avis et prononce des décisions dans les cas et selon les procédures définies par la loi.
Il est consulté sur tout projet de loi, d'ordonnance ou de décret portant sur son domaine de compétence.
Dans le respect de la liberté d'expression, il peut également formuler toute recommandation concernant les autres modes d'information et de communication.
Article 80 (nouveau)
Le Conseil du pluralisme comprend neuf membres, dont le mandat dure six ans et n'est pas renouvelable.
Deux de ses membres, dont le président, sont nommés par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par le président du Sénat.
En sus des six membres prévus ci-dessus, font partie du Conseil du pluralisme un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'Etat, un conseiller à la Cour de cassation désigné par la Cour de cassation et un conseiller maître à la Cour des comptes désigné par la Cour des comptes.
Les membres du Conseil du pluralisme sont nommés dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article 13.
Le président du Conseil du pluralisme a voix prépondérante en cas departage.
Conclusion
Encadrer le pouvoir exécutif et clarifier, sans la rigidifier, la répartition des compétences en son sein ; émanciper le Parlement et lui reconnaître un rôle effectif de contrôle de l'action du Gouvernement ; conférer et garantir des droits nouveaux aux citoyens : telles sont les priorités que le Comité a dégagées de ses réflexions.
Il a élaboré les propositions correspondantes et les a rédigées en la forme de dispositions constitutionnelles lorsqu'elles lui ont paru en relever. Celles-ci sont au nombre de 77 et portent sur près de la moitié des articles de la Constitution. Il a par ailleurs indiqué les grandes lignes des lois organiques et des lois ordinaires dont il recommande l'adoption ou la modification.
Au cours de ses travaux, le Comité a relevé que le texte de la Constitution de 1958 mériterait, sur certains points, d'être réécrit. Au fil des révisions constitutionnelles, ont été insérées des dispositions sur la nature constitutionnelle desquelles on peut s'interroger ; l'ajout d'articles supplémentaires devrait normalement entraîner une nouvelle numérotation de l'ensemble des titres et des articles de la Constitution. Mais il n'entrait pas dans les attributions du Comité de procéder à la mise à jour que ces remarques justifieraient. Le pouvoir constituant pourra y procéder le moment venu, s'il l'estime utile.
L'essentiel de l'effort du Comité a porté sur le fond des réformes. Mises en oeuvre, elles moderniseraient et rééquilibreraient les institutions et la Ve République s'engagerait dans une voie nouvelle.
C'est à la démocratisation des institutions que le Comité s'est attaché. C'est cette démocratisation qu'il appelle unanimement de ses voeux.
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