JORF n°0083 du 8 avril 2016

Rapport relatif à l'ordonnance n° 2016-415 du 7 avril 2016

Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance prévoit les dispositions nécessaires pour rendre applicables au Département de Mayotte les articles de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire qui requièrent une adaptation.
Elle est prise sur le fondement de l'article 76 de la loi n° 2015-1268 du 14 octobre 2015 d'actualisation du droit des outre-mer, qui, dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de ladite loi, les mesures permettant l'application, avec les adaptations nécessaires, de la loi du 31 juillet 2014 précitée au Département de Mayotte.
La loi du 31 juillet 2014 précitée consolide le cadre légal de l'économie sociale et solidaire pour promouvoir son développement, accélérer la croissance de ses activités et renforcer son dynamisme en termes de création d'emplois. Elle définit le champ et les caractéristiques des entreprises et des structures intégrées à l'économie sociale et solidaire afin de lui donner une meilleure visibilité, une plus grande sécurité juridique et de lui ouvrir le bénéfice des dispositifs spécifiques, notamment financiers, mis en place pour consolider et accompagner son expansion. Elle affirme l'engagement de l'Etat en faveur de la promotion, de la valorisation, de l'organisation du soutien et du développement de l'économie sociale et solidaire et en détermine les modalités de représentation et de dialogue avec les pouvoirs publics. Elle facilite la reprise d'activités par des salariés. Elle simplifie et complète sur certains aspects le statut coopératif. Elle renforce enfin les politiques de développement local, encourage les dynamiques locales entre acteurs privés et acteurs publics favorables à l'expansion de l'économie sociale et solidaire et promeut le commerce équitable à l'échelle locale.
Les dispositions contenues dans la loi sont pour la plupart applicables de plein droit à Mayotte.
Certaines nécessitent, cependant, des adaptations de terminologie ou de coordination pour y trouver pleinement effet. Pour celles-ci, le projet d'ordonnance se borne à procéder aux adaptations nécessaires à leur applicabilité.
D'autres dispositions, en revanche, sont subordonnées à l'extension de dispositifs législatifs qui relèvent de domaines pour lesquels existent à Mayotte des textes spécifiques faisant obstacle à leur application directe. Il en est ainsi, notamment, des dispositions portant sur le droit du travail.
Selon les cas, il est procédé dans l'ordonnance à l'extension des dispositions adéquates dans le code du travail applicable à Mayotte pour permettre une réelle émergence d'activités relevant de l'économie sociale et solidaire compte tenu de l'enjeu qu'elles peuvent représenter pour ce territoire. Toutefois, certaines dispositions de la loi du 31 juillet 2014 précitée demeurent non applicables à Mayotte, jusqu'à l'application du code du travail de droit commun envisagé d'ici 2018 et prévu dans le document stratégique « Mayotte 2025 ». Il s'agit à titre essentiel de certaines dispositions des articles 21 et 22 relatives aux plans de sauvegarde de l'emploi et de plusieurs alinéas de l'article 32 faisant référence à la réserve spéciale de participation et au plan d'épargne entreprise. En l'absence de dispositions de code de la sécurité sociale permettant de créer à Mayotte des institutions de prévoyance, les articles 51 et 54 restent également non applicables.
L'article 1er de l'ordonnance adapte, pour l'ensemble de la loi du 31 juillet 2014 précitée, la terminologie visant les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire pour y substituer le nom de « chambre de l'économie sociale et solidaire de Mayotte » et remplace la référence à la région par la référence au Département de Mayotte, telles qu'elles sont mentionnées aux articles 6, 7 et 8 du titre Ier de la loi sur les politiques territoriales. Ces articles portant sur les dispositions communes du champ de l'économie sociale et solidaire sont d'application directe à Mayotte.
L'article 1er de l'ordonnance modifie également la référence à l'article L. 3332-17-1 du code du travail (agrément des « entreprises solidaires d'utilité sociale ») mentionnée aux articles 8 et 61 de la loi du 31 juillet 2014 précitée. Cet article procède de même pour l'application des articles 31 et 32 de la loi du 31 juillet 2014 précitée en remplaçant les références du code du travail de droit commun mentionnées par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 modifiée portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production par ces articles par les références équivalentes du code du travail applicable à Mayotte.
L'article 2 ajoute, au sein du livre VIII du code du travail applicable à Mayotte, un titre III comprenant deux chapitres.
Le chapitre Ier, intitulé « Activités relevant de l'économie sociale et solidaire », reprend les dispositions de l'article 11 de la loi du 31 juillet 2014 précitée qui définissent les caractéristiques et les conditions de l'agrément d'une société commerciale comme « entreprise solidaire d'utilité sociale », label qui favorise l'accès de ces entreprises aux financements privés issus de la collecte d'épargne longue, et notamment de l'épargne salariale solidaire. Il crée à cette fin un article L. 831-1 au code du travail applicable à Mayotte.
Dans la liste des entreprises d'économie sociale et solidaire, il n'est pas fait mention aux entreprises de travail temporaire d'insertion car il n'existe pas à Mayotte d'entreprises de travail temporaire.
Le chapitre II, intitulé « Entrepreneurs salariés associés d'une coopérative d'activité et d'emploi », introduit dans le code du travail applicable à Mayotte les articles L. 832-1 à L. 832-10 pour y rendre applicable l'article 48 de la loi du 31 juillet 2014 précitée, concernant le statut des entrepreneurs salariés d'une coopérative d'activité et d'emploi. En effet, l'article 47 de la loi du 31 juillet 2014 précitée qui crée les coopératives d'activité et d'emploi en modifiant la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération est de droit applicable à Mayotte, cette loi ayant été étendue initialement par son article 29 aux territoires d'outre-mer dont faisait partie Mayotte. L'ensemble de ses modifications successives dont la loi du 18 juillet 1978 sont devenues applicables de plein droit à compter du 1er janvier 2008. Toutefois, pour que des coopératives d'activité et d'emploi puissent être créées à Mayotte, il convient d'introduire une disposition adéquate dans le code du travail applicable à Mayotte.
L'article 3 de l'ordonnance insère dans les articles L. 322-7 et L. 322-46 du code du travail applicable à Mayotte des dispositions intégrant les sociétés coopératives d'intérêt collectif dans la liste des entreprises pouvant recevoir, d'une part, l'aide à l'insertion professionnelle au titre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi et, d'autre part, l'aide relative à un emploi d'avenir. Il permet ainsi l'application de l'article 34 de la loi du 31 juillet 2014 précitée qui introduisait les sociétés coopératives d'intérêt collectif dans les articles équivalents du code du travail de droit commun, les articles L. 5134-21 et L. 5134-111.
L'article 4 crée une disposition d'adaptation pour l'application à Mayotte de l'article L. 522-6 du code rural et de la pêche maritime modifié par l'article 46 de la loi du 31 juillet 2014 précitée. Si les dispositions de ce code sont pleinement applicables à Mayotte, il convient néanmoins de tenir compte de la réalité de la démographie territoriale à Mayotte : toutes les communes mahoraises dépassant le nombre de 3 500 habitants, il n'est pas pertinent de prévoir une limite portant sur ce nombre d'habitants pour autoriser les coopératives d'utilisation de matériel agricole (CUMA) à y réaliser des travaux agricoles ou d'aménagement rural au profit des collectivités, de leurs groupements ou de leurs établissements publics, sans qu'il soit besoin de le prévoir dans leurs statuts. L'article 4 prévoit ainsi de ne retenir que le second critère évoqué au I de l'article 46, c'est-à-dire la limite du chiffre d'affaires de la CUMA.
Enfin, l'article 5 prévoit différentes mesures d'adaptation du code de l'environnement.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.