JORF n°0177 du 2 août 2014

Chapitre VII : Dispositions relatives à certaines valeurs mobilières

La présente ordonnance sécurise en premier lieu la catégorie des « titres de créance innomés » et s'attache en second lieu à simplifier le régime des valeurs mobilières complexes.
1° Les titres de créance innomés :
De nombreuses valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance (tels les warrants financiers et les certificats de valeur garantie) sont utilisées sur les marchés financiers alors que le code de commerce ne vise que les obligations, les titres participatifs et les valeurs mobilières complexes au sens des articles L. 228-91 et suivants du code de commerce.
Ces créations de la pratique boursière induisent deux difficultés s'agissant de ces titres : la validité de leur émission et l'identification de leur régime juridique.
En précisant le régime de ces titres de créance, la présente ordonnance mettra fin à l'incertitude juridique qui prévalait en la matière et renforcera l'attractivité de la place française.
A cet égard, l'article 25 consacre un principe général de libre émission de ces valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance et renvoie, pour celles dont le régime juridique n'est pas expressément prévu par le code de commerce, à un régime juridique qui devra être défini par les statuts de la société ou, le cas échéant, par le contrat d'émission.
L'institution de cette nouvelle catégorie de titres a rendu nécessaire la réorganisation du chapitre VIII du titre II du livre II du code de commerce par la création d'une section relative aux valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance, qui peuvent être émises par les sociétés par actions. Au sein de cette section figurent, d'une part, la référence au régime juridique des titres innomés et, d'autre part, deux sous-sections relatives aux obligations et aux titres participatifs dont les régimes juridiques restent inchangés. Tel est l'objet des articles 25 et 26 de la présente ordonnance. Une modification de coordination est prévue à l'article L. 228-97 (article 32) ;
2° Les valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance dites valeurs mobilières complexes :
A titre d'illustration, il s'agit d'obligations avec bon de souscription d'actions (OBSA), d'obligations échangeables en actions (OEA), d'obligations convertibles en actions (OCA), d'obligations remboursables en actions (ORA) ou d'obligations convertibles et/ou échangeables en actions nouvelles ou existantes (OCEANE), cette liste n'étant pas exhaustive.
Il est apparu que les dispositions du code de commerce relatives à la compétence de l'assemblée générale extraordinaire en matière d'émission de valeurs mobilières complexes alourdissaient inutilement la charge de ces dernières.
En effet, cette dévolution de compétence, qui à l'heure actuelle n'opère pas de distinction entre les valeurs mobilières complexes à effet dilutif et celles qui en sont dépourvues ne s'appuie, en ce qui concerne ces dernières, ni sur les règles ordinaires de compétence des assemblées générales, faute de modification statutaire, ni sur les conséquences indirectes de la décision d'émettre ces produits non dilutifs, à défaut d'incidence sur la répartition du capital social.
C'est la raison pour laquelle la présente ordonnance propose d'optimiser le fonctionnement de cette assemblée en restreignant son intervention à l'émission des titres complexes ayant un effet dilutif, à savoir l'émission de valeurs mobilières complexes se traduisant immédiatement ou à terme par une émission de titres de capital.
Par conséquent, la présente ordonnance propose de limiter l'autorisation de l'assemblée générale extraordinaire aux seules émissions de valeurs mobilières constituées de titres de capital donnant accès à d'autres titres de capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance et aux émissions de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre (article 28).
S'agissant des autres valeurs mobilières complexes qui sont constitutives de titres de créance donnant droit à l'attribution d'autres titres de créance ou à des titres de capital existants, leur émission sera autorisée désormais par le conseil d'administration, le directoire, le ou les gérants, sauf clause contraire des statuts, par application de l'article L. 228-40, s'il s'agit d'obligations ou de titres participatifs. S'il s'agit d'autres valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance, leur émission sera autorisée dans les conditions prévues par les statuts ou le contrat d'émission, en vertu de l'article L. 228-36-A (article 28).
La présente ordonnance transpose cette nouvelle répartition de compétences aux émissions de valeurs mobilières au sein d'un groupe de sociétés.
Ainsi, selon l'article 29, ce n'est que lorsqu'une société par actions émet des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital à émettre par la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou par la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital que cette opération doit, à peine de nullité, être autorisée par l'assemblée générale extraordinaire de la société appelée à émettre ces valeurs mobilières et par celle de la société appelée à émettre ces titres de capital, dans les conditions prévues par l'article L. 228-93.
En outre, est expressément autorisée l'émission de valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital existants ou donnant droit à l'attribution de titres de créance émis par la société qui possède directement ou indirectement plus de la moitié de son capital ou par la société dont elle possède directement ou indirectement plus de la moitié du capital.
L'article L. 228-93 précise en effet que les émissions, au sein d'un groupe de sociétés, de valeurs mobilières complexes dépourvues d'effet dilutif, qui sont constitutives de titres de créance donnant droit à l'attribution d'autres titres de créance ou à des titres de capital existants, répondent aux règles prévues soit par l'article L. 228-40, s'il s'agit d'obligations ou de titres participatifs, soit par l'article L. 228-36-A, s'il s'agit d'autres valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance, transposant ainsi au groupe de sociétés la règle applicable au sein d'une même société (article 29).
Plus généralement, la présente ordonnance rétablit un article L. 228-94 qui prévoit que, lorsqu'une société par actions émet des valeurs mobilières donnant accès à des titres de capital existants ou donnant droit à l'attribution de titres de créance émis par une autre société avec laquelle elle n'a pas directement ou indirectement un lien capitalistique majoritaire, l'autorisation de l'assemblée générale extraordinaire n'est plus systématiquement requise.
En pareilles hypothèses, si la valeur mobilière émise est une action ou une action de préférence donnant accès à des titres de capital existants ou donnant droit à l'attribution de titres de créance, la compétence incombera à l'assemblée générale extraordinaire ; s'il s'agit au contraire d'une obligation ou d'un titre participatif donnant accès à des titres de capital existants ou donnant droit à l'attribution de titres de créance, elle sera émise sur décision du conseil d'administration dans les conditions prévues par l'article L. 228-40 ; s'il s'agit enfin d'un autre titre de créance, l'organe compétent pour émettre un tel titre sera désigné par les statuts ou à défaut par le contrat d'émission (article 30). Toutefois, est maintenue l'interdiction figurant au cinquième alinéa de l'article L. 228-91 et prohibant la conversion ou la transformation d'un titre de capital en valeurs mobilières représentatives de créances, devenues des valeurs mobilières représentatives d'un droit de créance (articles 27 et 31).
De manière subséquente, cette simplification entraîne deux séries de modifications du code de commerce.
La première tout d'abord concerne le droit préférentiel de souscription des actionnaires qui est adapté à la nouvelle réglementation :
Par le truchement de l'abrogation des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 228-91, le droit préférentiel de souscription bénéficiant aux actionnaires sur les valeurs mobilières complexes émises par la société n'est plus automatique (article 27).
Un tel droit ne bénéficie plus qu'aux actionnaires d'une même société émettrice de valeurs mobilières complexes constitutives de titres de capital (et donnant accès, indifféremment, soit à des titres de capital, soit à des titres de créances) ou de valeurs mobilières complexes constitutives d'un titre de créance donnant accès à des titres de capital à émettre, soit les émissions à effet dilutif (article 28).
Ce principe est transposé à l'émission intragroupe de valeurs mobilières complexes. En pareil cas, seuls les actionnaires de la société appelée à émettre de nouveaux titres de capital disposent d'un droit de préférence, proportionnel au montant de leurs actions, à la souscription de ces valeurs mobilières donnant accès aux titres de capital émis à cette occasion, et ce que ces valeurs mobilières soient un titre de capital ou un titre de créance. L'application de cette règle peut conduire, dans certaines opérations financières, à ce que plusieurs droits préférentiels de souscription portent in fine sur un même titre de capital. Afin de pallier les inconvénients nécessairement engendrés par une telle configuration, il est prévu, à peine de nullité de leur décision, que les assemblées qui autorisent ces émissions prévoient la suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires dans l'une ou plusieurs de ces sociétés (article 29).
Deux dispositions de coordination visent à adapter en conséquence l'exercice du droit préférentiel de souscription. D'une part, les décisions prises en violation de ce droit préférentiel de souscription continuent à encourir la nullité (article 31). D'autre part, la renonciation au droit préférentiel de souscription prévue au troisième alinéa de l'article L. 228-101 continue à s'appliquer aux actionnaires de la société bénéficiaire des apports ou de la société nouvelle dans les mêmes conditions en cas de fusion ou de scission (article 35).
Le second volet de modifications subséquentes consiste à clarifier la législation applicable à la protection des porteurs de valeurs mobilières complexes :
Il est procédé à une modification rédactionnelle afin de clarifier le sens de l'article L. 228-98 (article 33).
Il est prévu la faculté de renforcer, par la voie du contrat d'émission, la protection des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital. Les règles de protection prévues par l'article L. 228-99 interdisant à la société de modifier sa forme ou son objet à compter de l'émission de telles valeurs mobilières pourront ainsi être enrichies (article 34).
Enfin, il est conféré une base légale qui faisait défaut à l'article R. 228-90 qui prévoit les modalités d'ajustement du nombre d'actions auxquelles ces valeurs mobilières dites complexes donnent droit, dans les cas où la société émettrice viendrait à racheter ses propres actions (article 35).