JORF n°0089 du 15 avril 2011

Rapport relatif à l'ordonnance n° 2011-398 du 14 avril 2011

Monsieur le Président de la République,
Présentation générale.
L'article 34 de la loi de régulation bancaire et financière n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres (directive « finalités ») et la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées (directive « collatéral »). Le délai de transposition est fixé au 31 décembre 2010, mais la directive entre en vigueur au 30 juin 2011.
La présente ordonnance a pour objet la transposition de cette directive : elle a fait l'objet d'un travail approfondi entre les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la Banque de France et l'Autorité des marchés financiers. Elle a également fait l'objet d'une consultation des acteurs de la place en décembre 2010.
La directive « collatéral » a créé un cadre juridique européen uniforme pour l'utilisation transfrontalière des garanties financières et a supprimé la plupart des exigences formelles imposées aux contrats de garantie. La directive 2009/44/CE harmonise le cadre juridique pour l'utilisation des créances privées comme garantie des transactions transfrontalières, depuis que la Banque centrale européenne reconnaît (1er janvier 2007) les créances privées des professionnels comme une garantie admissible pour les opérations de crédit de l'Eurosystème (1). L'article 1er de la directive 2009/44/CE permet aux Etats membres d'exclure du champ d'application des garanties admissibles les créances privées lorsque le débiteur est un consommateur. L'utilisation des créances privées comme collatéral via une démarche de titrisation pourrait introduire un risque de solvabilité. Pour autant, faire jouer la clause d'exclusion emporterait de lourdes conséquences pour le refinancement des banques. Elle présenterait également un risque d'impact sur les portefeuilles de la Société de financement de l'économie française, où ce type de collatéral est largement utilisé par les établissements de crédit. Aucun Etat membre n'a, à notre connaissance, pour l'heure fait jouer cette clause. Les modifications apportées à la directive « collatéral » par la directive 2009/44/CE n'impliquent donc pas de modifier le code monétaire et financier : l'article L. 211-38 couvre d'ores et déjà le cas des créances privées.
La directive « finalité » a établi un régime selon lequel le caractère définitif des ordres de transfert ainsi que leur opposabilité aux tiers sont assurés pour les participants dans les systèmes de paiement et de règlement livraison des titres financiers. La directive 2009/44/CE apporte plusieurs modifications techniques au cadre juridique existant pour permettre notamment l'interopérabilité entre plusieurs systèmes de paiement ou de règlement livraison. Ces nouvelles dispositions impliquent de modifier les articles L. 330-1 et L. 330-2 du code monétaire et financier.
Par ailleurs, il apparaît que le cadre juridique existant n'est pas cohérent avec la directive modifiée, en matière de protection des acteurs en cas de faillite. La présente ordonnance modifie donc le code monétaire et financier pour mettre en cohérence le droit national avec le droit européen.
Enfin, le champ de l'habilitation autorise le Gouvernement à apporter des correctifs techniques à la partie concernée du code monétaire et financier.

(1) Auparavant, seules les espèces et les titres financiers étaient admissibles en tant que garanties.

Présentation article par article.
La présente ordonnance contient six articles.
L'article 1er modifie l'article 330-1 du code monétaire et financier. Il introduit d'abord plusieurs modifications techniques :
― la possibilité de prévoir qu'un système puisse être lié par un contrat d'interopérabilité à un autre système éventuellement en devenant participant à cet autre système ;
― la clarification du statut de participant indirect à un système de paiement ou de règlement livraison, prévoyant notamment l'établissement d'une relation contractuelle entre participant direct et participant indirect ; la précision que ce contrat ne saurait limiter cependant la responsabilité du participant direct quand il introduit un ordre dans un système pour le compte du participant indirect ;
― la réglementation des systèmes dits « interopérables » ;
― la précision que les gestionnaires de systèmes sont les entités responsables de leur exploitation.
Par ailleurs, le code monétaire et financier prévoit aujourd'hui que les paiements et les livraisons de titres financiers, jusqu'à l'expiration du jour où est rendu un jugement d'ouverture de procédure collective, ne peuvent être annulés et que les instructions de paiement et de livraison de titres financiers sont opposables dès lors qu'elles ont acquis un caractère irrévocable dans le système jusqu'à l'expiration du jour où est rendu un jugement d'ouverture de procédure collective. Les paiements et livraisons réalisés en application de ces instructions les jours suivant l'ouverture de la procédure collective sont donc protégés.
La directive distingue, quant à elle, le régime des instructions selon le moment de leur introduction dans le système par rapport à l'ouverture de la procédure collective. Lorsque l'instruction est introduite avant l'ouverture de la procédure collective, elle produit ses effets et est opposable quelle que soit la date de dénouement prévue. Lorsque l'instruction est introduite après l'ouverture de la procédure collective, elle ne peut produire ses effets en droit et être opposable aux tiers que si elle est devenue irrévocable avant que l'opérateur ait eu connaissance de l'événement, et que si elle est exécutée le jour même. Le texte prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités selon lesquelles le jugement de faillite est notifié par l'Autorité de contrôle prudentiel à l'opérateur du système. Le code monétaire et financier est donc modifié sur ce point.
L'article 2 modifie l'article L. 330-2 du code monétaire et financier pour apporter quelques correctifs techniques en miroir des modifications introduites à l'article L. 330-1.
Les articles 3 et 4 modifient les articles L. 440-7 et L. 440-8 du code monétaire et financier qui écartent tout droit des créanciers de l'adhérent compensateur ou de tout mandataire judiciaire désigné dans le cadre d'une procédure de prévention des difficultés ou d'une procédure de sauvegarde (ou de toute procédure étrangère équivalente) ouverte à l'encontre de l'adhérent compensateur sur les dépôts conservés à titre de garantie par l'adhérent compensateur.
La référence expresse aux types de procédures visés est indispensable, car les dispositions des articles L. 440-7 et L. 440-8 du code monétaire et financier dérogent au droit des procédures collectives. Dès lors, il est souhaitable de modifier les articles L. 440-7 et L. 440-8 du code monétaire et financier pour remplacer les références aux titres Ier et II du livre VI du code de commerce par des références au livre VI du code de commerce.
Conformément aux dispositions de la directive, les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur au 30 juin 2011.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.