Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise sur le fondement de l'article 19 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière. Il propose l'adoption des mesures relevant du domaine de la loi :
i) Complétant et adaptant les dispositions du code monétaire et financier relatives aux succursales d'établissement de crédit ayant leur siège social dans un Etat qui n'est ni membre de l'Union européenne ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen pour assurer leur mise en conformité avec celles du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement (dit « règlement CRR »), ainsi qu'avec celles de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (dite « directive CRD4 ») ;
ii) Permettant, d'une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du même code et, le cas échéant, d'autres codes et lois dans leur rédaction résultant des dispositions prises en application du i) pour celles qui relèvent de la compétence de l'Etat et, d'autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.
La directive CRD4 et le règlement CRR ont été adoptés le 26 juin 2013 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Il s'agit de la déclinaison européenne des accords internationaux dits « Bâle 3 » de renforcement et d'harmonisation des exigences en fonds propres bancaires. Ces textes comprennent également plusieurs mesures, non directement liées aux accords « Bâle 3 », d'harmonisation des pratiques européennes, notamment en matière d'agrément, de gouvernance, de supervision et de sanctions. La transposition de la directive CRD4 a été achevée, notamment par l'ordonnance n° 2014-158 du 20 février 2014 portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière financière et le décret n° 2014-1316 du 3 novembre 2014 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière financière et relatif aux sociétés de financement.
L'article 47 (1) de la directive CRD4 exige que, pour le démarrage de l'activité et la continuation de son exercice, les Etats membres n'imposent pas aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans un pays tiers des dispositions conduisant à un traitement plus favorable que celui appliqué aux succursales d'établissements de crédit ayant leur administration centrale dans l'Union. Les dispositions négatives n'ayant pas besoin d'être transposées, l'ordonnance du 20 février 2014 n'a pas prévu le dispositif applicable aux succursales dont le siège social est situé en dehors de l'Espace économique européen. Ce dispositif est l'objet de la présente ordonnance.
Les principales dispositions de l'ordonnance sont les suivantes :
Concernant l'agrément des succursales d'établissement de crédit de pays tiers :
i) Les bases légales de la pratique actuelle sont rehaussées, à savoir que ces succursales sont agréées par l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en tant qu'établissement de crédit (1) ;
ii) La délivrance de l'agrément est conditionnée à l'engagement par l'établissement de crédit dont dépend la succursale d'exercer, à l'égard de la succursale, des missions équivalentes à celles qui sont confiées, par la réglementation prudentielle française, au conseil d'administration ou organe équivalent et à l'assemblée générale ;
iii) Une clause de transition est prévue selon laquelle les succursales agréées avant la date de publication de la présente ordonnance disposent d'un délai de dix-huit mois à compter de cette date pour produire l'engagement mentionné au ii).
Concernant les ratios de gestion :
L'ACPR peut exempter totalement ou partiellement les succursales des exigences de solvabilité, de liquidité, de levier et de grands risques, dès lors que certaines conditions sont remplies. Notamment, la réglementation du pays d'origine doit être jugée équivalente à la réglementation française, l'établissement de crédit dont dépend la succursale doit s'engager à assurer lui-même la surveillance des opérations de la succursale et faire en sorte que la succursale ait en France les fonds suffisants pour la couverture de ses engagements, tandis que les établissements de crédit français doivent bénéficier d'un traitement équivalent de la part de l'autorité compétente de l'Etat de l'établissement de crédit dont dépend la succursale (condition de réciprocité). L'ACPR peut également exempter une succursale des obligations de publication (le « pilier 3 » qui fait l'objet de la huitième partie du règlement CRR) dès lors que cette succursale bénéficie des exemptions décrites précédemment.
Concernant la gouvernance :
- la réglementation applicable aux autres établissements de crédit s'applique de la même manière ;
- les succursales de taille significative sont tenues de justifier de l'existence d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations ou d'un dispositif permettant d'atteindre les mêmes finalités, compétents pour ces succursales ;
- certaines adaptations sont prévues, notamment l'obligation faite aux succursales de transmettre à l'organe de l'établissement de crédit dont dépend la succursale qui exerce des fonctions équivalentes à celles d'un conseil d'administration (ou organe équivalent) les informations nécessaires à l'accomplissement des missions qui sont dévolues au conseil (ou équivalent) par la réglementation française.
L'extension du paquet CRD4 aux succursales d'établissements de crédit de pays tiers comprendra un volet réglementaire. Notamment, le règlement CRR sera étendu via un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 611-1 (13) du code monétaire et financier.
L'article 1er modifie le chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier.
Au 1°, à l'article L. 511-1, les mots : « personnes morales » sont remplacés par le mot : « entreprises ». Cette modification permet de tenir compte des succursales d'établissements de crédit de pays tiers tout en adoptant une rédaction plus fidèle à celle du règlement CRR, qui est d'application directe.
Au 2°, un II est ajouté à l'article L. 511-8-1, qui prévoit des règles similaires à celles qui s'appliquent en vertu du I aux succursales dont le siège social est situé dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen autre que la France.
Au 3°, l'article L. 511-10 est modifié pour préciser que les succursales de pays tiers sont agréées par l'ACPR en qualité de banque ou d'établissement de crédit spécialisé autre qu'une société de crédit foncier ou une société de financement de l'habitat, dans la limite des opérations que les établissements de crédit dont elles dépendent sont autorisés à réaliser. Il est précisé que, sauf disposition contraire, lorsque le mot personne désigne dans le présent code un établissement de crédit, ce mot désigne également une succursale de pays tiers.
Un alinéa est ajouté disposant que l'ACPR n'accorde l'agrément à une succursale de pays tiers que si l'établissement de crédit dont dépend la succursale s'engage à exercer, à l'égard de cette succursale, des missions équivalentes à celles qui sont confiées, par la section 8 du chapitre Ier du titre Ier du livre V, relative à la gouvernance des établissements de crédit et des sociétés de financement, au conseil d'administration, au conseil de surveillance ou à tout autre organe exerçant des fonctions de surveillance équivalentes, ainsi qu'à l'assemblée générale.
Au 5°, l'article L. 511-13 est modifié pour exclure les succursales de pays tiers de la règle selon laquelle le siège social de tout établissement de crédit est situé en France.
Au 6°, l'article L. 511-15 est modifié pour préciser que le retrait d'agrément d'une succursale de pays tiers est prononcé par l'ACPR.
Au 8°, l'article L. 511-17 est modifié pour préciser, sur le modèle de ce que prévoit le premier alinéa pour les autres établissements de crédit, que, dans les cas où, en application des articles L. 612-39 et L. 612-40, la commission des sanctions de l'ACPR prononce le retrait total d'agrément d'une succursale de pays tiers, cette décision entraîne la liquidation des éléments du bilan et du hors-bilan de ladite succursale.
Au 9°, un alinéa est ajouté pour clarifier que les dispositions relatives au libre établissement et à la libre prestation de services sur le territoire des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen (passeport européen) ne s'appliquent pas aux succursales de pays tiers.
Au 11°, des adaptations sont prévues à l'article L. 511-35, de sorte que, dans le cas des succursales de pays tiers, les obligations prévues à l'article L. 232-1 du code de commerce, relatif à l'établissement des comptes annuels et du rapport de gestion, sont remplies par les dirigeants effectifs de la succursale, et que le cinquième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce, relatif aux informations sur les engagements sociétaux de l'entreprise devant figurer dans le rapport annuel, n'est pas applicable aux succursales de pays tiers.
Au 12°, des adaptations sont prévues à l'article L. 511-39, notamment pour obliger les dirigeants effectifs des succursales de pays tiers à communiquer au conseil d'administration (ou équivalent) de l'établissement de crédit dont dépend la succursale les conventions mentionnées à l'article L. 225-38 du code de commerce.
Au 13°, un II est ajouté à l'article L. 511-41 afin de prévoir des possibilités pour les succursales de pays tiers de demander à l'ACPR une exemption de certaines exigences prudentielles. L'ACPR peut exempter totalement ou partiellement les succursales des exigences de solvabilité, de liquidité, de levier et de grands risques, dès lors que certaines conditions sont remplies. Notamment, la réglementation du pays d'origine doit être jugée équivalente à la réglementation française, l'établissement de crédit dont dépend la succursale doit s'engager à assurer lui-même la surveillance des opérations de la succursale et faire en sorte que la succursale ait en France les fonds suffisants pour la couverture de ses engagements, tandis que les établissements de crédit français doivent bénéficier d'un traitement équivalent de la part de l'autorité compétente de l'Etat de l'établissement de crédit dont dépend la succursale (condition de réciprocité). L'ACPR peut également exempter une succursale des obligations de publication (le « pilier 3 », qui fait l'objet de la huitième partie du règlement CRR) dès lors que cette succursale bénéficie des exemptions précédemment décrites.
Au 14°, l'article L. 511-58 fait l'objet d'une adaptation disposant que, dans le cas d'une succursale de pays tiers, l'interdiction selon laquelle la présidence du conseil d'administration (ou organe équivalent) ne peut être exercée par le directeur général s'entend de l'exercice des fonctions de dirigeant effectif et de la présidence du conseil d'administration (ou organe équivalent) de l'établissement de crédit dont dépend la succursale.
Aux 15°, 16° et 17°, les articles L. 511-59, L. 511-60 et L. 511-62 font respectivement l'objet d'adaptations disposant que, dans le cas des succursales de pays tiers, les dirigeants effectifs doivent transmettre à l'organe de l'établissement de crédit dont dépend la succursale qui exerce des fonctions équivalentes à celles d'un conseil d'administration (ou organe équivalent) les informations nécessaires à l'exercice des missions confiées au conseil d'administration (ou organe équivalent) par les articles L. 511-59, L. 511-60 et L. 511-62.
Au 18°, une adaptation est prévue à l'article L. 511-67 disposant que, sur le modèle de ce qui est prévu pour les autres établissements de crédit, les dirigeants effectifs des succursales de pays tiers mettent en œuvre des dispositifs de surveillance afin de garantir une gestion efficace et prudente de leur succursale.
Au 19°, l'article L. 511-72 fait l'objet d'une adaptation disposant que, dans le cas des succursales de pays tiers, les dirigeants effectifs doivent transmettre à l'organe de l'établissement de crédit dont dépend la succursale qui exerce des fonctions équivalentes à celles d'un conseil d'administration (ou organe équivalent) les informations nécessaires à l'exercice des missions confiées au conseil d'administration (ou organe équivalent) par l'article L. 511-72.
Au 20°, l'article L. 511-74 fait l'objet d'une adaptation disposant que, dans le cas des succursales de pays tiers, sur le modèle de ce qui est prévu par le même article pour les autres établissements de crédit, la mise en œuvre de la politique de rémunération fait l'objet, au moins une fois par an, d'une évaluation interne centrale et indépendante afin de s'assurer du respect de la conformité de la politique et des procédures en matière de rémunérations adoptées par la succursale.
Au 21°, l'article L. 511-89 fait l'objet d'une adaptation disposant que les succursales de pays tiers, lorsqu'elles revêtent une importance significative, sont tenues de justifier de l'existence d'un comité des risques et d'un comité des rémunérations, ou d'un dispositif permettant d'atteindre les mêmes finalités, compétents pour cette succursale.
Au 22°, l'article L. 511-90 fait l'objet d'une adaptation disposant que, dans le cas des succursales de pays tiers, les personnes composant les comités ou dispositifs prévus à l'article L. 511-89 sont indépendantes des dirigeants effectifs et qu'elles sont soumises au secret professionnel.
Au 23°, l'article L. 511-93 fait l'objet d'une adaptation disposant que, dans le cas des succursales de pays tiers, le comité des risques ou dispositif mentionné à l'article L. 511-89 communique à l'organe de l'établissement de crédit dont dépend la succursale qui exerce des fonctions de surveillance équivalentes à celles d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance les informations nécessaires à la détermination de la stratégie de la succursale et de son appétence en matière de risques, tant actuels que futurs. Il est également précisé que le comité des risques contrôle la mise en œuvre de cette stratégie par les dirigeants effectifs.
Au 24°, l'article L. 511-94 fait l'objet d'une adaptation disposant que, sur le modèle de ce qui est prévu pour les autres établissements de crédit, lorsque les prix des produits et services mentionnés aux livres II et III proposés aux clients ne reflètent pas correctement les risques, le comité des risques ou dispositif mentionné à l'article L. 511-89 en informe l'organe de l'établissement de crédit dont dépend la succursale qui exerce des fonctions de surveillance équivalentes à celles d'un conseil d'administration ou d'un conseil de surveillance et lui présente un plan d'action pour y remédier.
Au 25°, l'article L. 511-102 est complété d'un II permettant que le comité des rémunérations ou dispositif mentionné à l'article L. 511-89 des succursales de pays tiers poursuivent des finalités équivalentes à celles qui sont confiées à celui des autres établissements de crédit.
L'article 2 modifie le livre VI du code monétaire et financier et procède à des mesures de coordination.
L'article 3 prévoit l'extension des dispositions des articles 1er et 2 de la présente ordonnance dans les collectivités du Pacifique, en incluant quelques adaptations techniques pour tenir compte des spécificités locales et pour préciser que ce nouveau régime concerne, pour les collectivités du Pacifique, non seulement les succursales d'établissements de crédit originaires d'un Etat tiers mais également celles qui sont originaires d'un Etat de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen. Enfin, l'article propose des adaptations pour l'application de ces dispositions dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy afin d'indiquer que l'ACPR conserve dans ces territoires hors Union européenne le pouvoir de délivrance de l'agrément relatif aux établissements de crédit.
L'article 4 prévoit que les succursales de pays tiers déjà installées sur le territoire de la République disposent d'un délai de dix-huit mois, à compter de la publication de la présente ordonnance, pour produire l'engagement de l'établissement de crédit dont dépend la succursale prévu au dernier alinéa du III de l'article L. 511-10 dans sa rédaction issue de l'ordonnance.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.
(1) Plus précisément, l'article L. 511-10, dans sa rédaction issue de la présente ordonnance, prévoit que ces succursales seront agréées en qualité de banque ou d'établissement de crédit spécialisé autre qu'une société de crédit foncier ou une société de financement de l'habitat, dans la limite des opérations que l'établissement de crédit dont dépend la succursale est autorisé à réaliser.
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