JORF n°0286 du 10 décembre 2010

Rapport du

Monsieur le Président de la République,
La présente ordonnance est prise en application de l'article 56 de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, qui habilite le Gouvernement à « prendre par voie d'ordonnance [...] les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2007/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 concernant l'exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées ».
Cette directive vise à supprimer les principaux obstacles à l'exercice de leurs droits par les actionnaires des sociétés ayant leur siège social sur le territoire d'un Etat membre et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé établi ou opérant au sein de l'Union européenne. Elle tend à favoriser une participation effective de ces actionnaires aux assemblées générales, notamment lorsqu'ils ne résident pas dans l'Etat membre où se tiennent ces assemblées.
A cette fin, la directive organise les conditions d'information des actionnaires avant la tenue de l'assemblée générale en fixant les modalités, le contenu et les délais d'émission de la convocation.
Elle précise les conditions dans lesquelles les actionnaires peuvent inscrire des points à l'ordre du jour de l'assemblée, déposer des projets de résolution ou poser des questions. Elle fixe les modalités de leur participation à l'assemblée, y compris par voie électronique, réglemente le vote par procuration et par correspondance, et prévoit une publicité du résultat des votes en aval de la tenue de l'assemblée.
Si le droit français est déjà conforme au texte communautaire sur de nombreux points, des adaptations restent nécessaires afin d'assurer une parfaite transposition de la directive.
La présente ordonnance modifie à cette fin la partie législative du code de commerce.
L'article 1er annonce ces modifications.
L'article 2 complète les dispositions de l'article L. 225-105 du code de commerce afin de permettre aux actionnaires d'inscrire des points à l'ordre du jour de l'assemblée, sans déposer simultanément de projet de résolution. En effet, l'article 6 de la directive fait obligation aux Etats membres de veiller à ce que les actionnaires aient le droit :
― d'inscrire des points à l'ordre du jour de l'assemblée générale, à condition que chacun de ces points soit accompagné d'une justification ou d'un projet de résolution à adopter lors de l'assemblée générale ; et
― de déposer des projets de résolution concernant des points inscrits ou à inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
Une adaptation apparaît donc nécessaire, le droit français ne reconnaissant en l'état que la faculté de requérir l'inscription à l'ordre du jour de projets de résolution.
Les articles 3 et 4 organisent le nouveau régime des votes par procuration. L'article 10 de la directive pose en effet le principe selon lequel chaque actionnaire a le droit de désigner comme mandataire toute personne physique ou morale de son choix pour participer à l'assemblée générale et y voter en son nom. La transposition de cette disposition implique de profondes modifications de notre droit, qui prévoit en l'état qu'un actionnaire ne peut se faire représenter que par un autre actionnaire ou par son conjoint.
L'article 3 procède à cet assouplissement, en posant le principe selon lequel, dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation organisé, l'actionnaire peut se faire représenter par toute personne physique ou morale de son choix (nouveau I de l'article L. 225-106 du code de commerce). La règle traditionnelle voulant que l'actionnaire puisse se faire représenter en toute hypothèse par un autre actionnaire ou par son conjoint est rappelée et complétée par la possibilité d'une représentation par le partenaire avec lequel il a conclu un pacte civil de solidarité (ibid.).
Un nouveau II est en outre introduit, à l'article L. 225-106, afin de préciser, conformément à l'article 11 de la directive, que le mandat doit être écrit et communiqué à la société. Il en va de même en cas de révocation.
L'article 4 encadre l'exercice du droit de vote dans le cadre des procurations données à des personnes autres que le conjoint de l'actionnaire ou le partenaire avec lequel il a conclu un pacte civil de solidarité. Il tend, ce faisant, à prévenir d'éventuels conflits d'intérêts qui pourraient intervenir du fait de l'ouverture du recours aux procurations, en accord avec les dispositions de l'article 10, paragraphe 3, de la directive.
Un nouvel article L. 225-106-1 est introduit à cette fin dans le code de commerce, qui institue l'obligation pour le mandataire d'informer l'actionnaire de tout fait permettant à ce dernier de mesurer le risque que le premier poursuive un intérêt autre que celui du mandant. Cette information, qui doit être actualisée, porte notamment sur la situation du mandataire à l'égard de la société. En cas de changement de situation en cours de mandat au regard de l'une des situations visées par le texte, le mandat est caduc, sauf confirmation expresse par l'actionnaire.
Un nouvel article L. 225-106-2 encadre par ailleurs les pratiques de sollicitation active de mandats, qui pourraient se développer du fait de l'ouverture précitée. Il institue notamment une publicité de la politique de vote de la personne se livrant à cette activité de collecte.
Le non-respect par le mandataire de ses obligations peut quant à lui être sanctionné, sur décision de justice, par la privation de la possibilité d'exercer cette fonction dans les assemblées de la société concernée, pour une durée maximale de trois ans (art. L. 225-106-3 nouveau).
L'article 5 transpose deux options offertes par l'article 9 de la directive concernant les questions écrites posées par les actionnaires. Il modifie l'article L. 225-108 du code de commerce, qui consacre d'ores et déjà le droit des actionnaires de poser des questions écrites auxquelles le conseil d'administration ou le directoire est tenu de répondre au cours de l'assemblée, afin de préciser, d'une part, qu'une réponse commune peut être apportée à ces questions dès lors qu'elles présentent le même contenu et, d'autre part, que la réponse est réputée avoir été donnée dès lors qu'elle figure sur le site internet de la société dans une rubrique consacrée aux questions-réponses.
L'article 6 étend les dispositions de l'ordonnance outre-mer.
L'article 7 diffère son entrée en vigueur afin de permettre aux acteurs concernés de disposer d'un temps de préparation et d'adaptation au nouveau régime institué.
L'article 8 est l'article d'exécution.
Tel est l'objet de la présente ordonnance que nous avons l'honneur de soumettre à votre approbation.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de notre profond respect.