JORF n°177 du 2 août 2000

V. - Sur le respect du principe d'égalité

A. - Trois séries de dispositions sont contestées sur le terrain du principe d'égalité.

  1. Le I de l'article 26 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi déférée, transfère aux chaînes publiques le droit d'usage des ressources radioélectriques qui étaient précédemment assignées à la société Télédiffusion de France (TDF).

Le II de l'article 26 nouveau, qui s'inspire très étroitement de la rédaction des alinéas 4 et suivants de l'actuel article 26, prévoit que le CSA et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), pour les fréquences de télécommunications, accordent en priorité aux chaînes publiques (auxquelles il faut ajouter la chaîne culturelle européenne ARTE et La Chaîne parlementaire) « le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public ».

Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions introduisent une discrimination injustifiée entre les chaînes publiques et les chaînes privées, lesquelles doivent participer à une procédure d'appel à candidatures pour obtenir une autorisation de diffusion et ne peuvent obtenir, en tout état de cause, plus de cinq canaux.

  1. L'article 58 de la loi déférée, qui modifie la rédaction de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, apporte quelques changements au régime applicable aux opérateurs qui distribuent par câble une offre de services de communication audiovisuelle (les câblo-opérateurs), sans remettre en cause l'économie générale de ce régime. En particulier, l'autorisation d'exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une commune devra, comme aujourd'hui, être initialement délivrée par le CSA sur proposition de la commune concernée.

L'article 60 de la loi déférée, qui modifie la rédaction des articles 34-1 et 34-2 de la loi du 30 septembre 1986, instaure quant à lui un régime nouveau pour les opérateurs qui distribuent par satellite une offre de services de communication audiovisuelle (les opérateurs de bouquet satellitaire). Aux termes de ces nouvelles dispositions, les opérateurs doivent, avant de commencer leur activité, déposer une déclaration auprès du CSA, lequel peut, dans le mois suivant la réception de celle-ci, s'opposer à l'exploitation.

Selon les requérants, la coexistence de ces régimes distincts est contraire au principe d'égalité dans la mesure où, au regard du droit de la concurrence, les cablo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire s'adressent à un même marché.

  1. Enfin, le quatrième alinéa du I de l'article 34 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 58 de la loi déférée, prévoit que : « Pour le territoire de la Polynésie française, un tel réseau (c'est-à-dire un réseau distribuant par câble des services de communication audiovisuelle) peut comporter une ou plusieurs liaisons radioélectriques permettant la réception directe et individuelle par les foyers abonnés des signaux transportés. »

Les auteurs de la saisine prétendent que cette disposition, dont l'introduction dans la loi déférée n'aurait pas été justifiée, porte atteinte au principe d'égalité.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que les dispositions en cause sont conformes au principe d'égalité.

  1. S'agissant de la distinction entre chaînes publiques et chaînes privées, on observera, à titre liminaire, que la dernière affirmation des requérants est inexacte. En vertu des dispositions figurant dans la loi déférée, une même société ne peut pas détenir directement cinq autorisations de diffusion en mode numérique. Chaque autorisation doit en effet être détenue par une société distincte. La loi permet simplement à une société mère d'exercer son contrôle sur cinq sociétés détentrices chacune d'une autorisation de diffusion en mode numérique.

Sur le fond, il apparaît que les saisissants se méprennent sur la portée de la disposition qu'ils contestent. En réalité, celle-ci ne change rien à l'état du droit qui, depuis 1986, prévoit des régimes distincts d'attribution des fréquences pour les chaînes publiques et les chaînes privées.

L'article 26 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction actuellement en vigueur, dispose déjà que le CSA et l'ART doivent attribuer aux chaînes publiques les fréquences nécessaires à l'accomplissement par celles-ci de leurs missions de service public. Simplement, cet article prévoit que les fréquences utilisées par les sociétés nationales de programme (c'est-à-dire France 2, France 3, RFO, Radio France et RFI) sont assignées à la société TDF.

La nouvelle rédaction de l'article 26, telle qu'elle résulte de la loi déférée, se borne à introduire les modifications suivantes :

- il remplace le terme « fréquences » par les termes « ressources radioélectriques » pour tenir compte de l'évolution des données techniques liée à la numérisation des signaux. En effet, dès lors que plusieurs programmes peuvent être diffusés sur une même bande de fréquences, on ne peut plus établir une correspondance exacte entre une chaîne et une portion déterminée du spectre hertzien. Il faut donc écrire que chaque chaîne bénéficie d'un droit d'usage de la « ressource radioélectrique » et non d'un droit d'usage d'une fréquence ;

- en deuxième lieu, l'article prévoit que les chaînes publiques deviennent désormais directement titulaires du droit d'usage des ressources radioélectriques, alors qu'auparavant ce droit appartenait à TDF, qui l'exerçait pour le compte des sociétés nationales de programme ;

- en troisième et dernier lieu, cet article ajoute La Chaîne parlementaire parmi les sociétés ayant un droit de réservation prioritaire des ressources radioélectriques pour l'accomplissement de leurs missions de service public.

L'article contesté par les saisissants ne crée donc nullement une distinction nouvelle entre le régime des chaînes publiques et le régime des chaînes privées. Il conserve au contraire une distinction existant depuis 1986, en l'adaptant pour tenir compte de l'apparition des technologies numériques.

Quant à l'existence de cette distinction, elle est justifiée par la différence de situation entre les chaînes publiques, qui accomplissent des missions de service public et dont l'organisation et les ressources obéissent à des règles propres, et les autres services de communication audiovisuelle. On rappellera, à cet égard, que les missions des chaînes publiques étaient jusqu'à maintenant fixées dans leurs cahiers des charges établis par voie réglementaire. Les articles 3 et 4 de la loi déférée modifieront cet état du droit puisqu'ils définissent dans leurs grands traits les missions incombant au secteur public audiovisuel dans son ensemble et à chacune des sociétés nationales de programme.

  1. Les critiques adressées aux articles 58 et 60 ne peuvent davantage être accueillies.

Il convient de rappeler que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement ainsi établie soit en rapport direct avec l'objet de la loi. En outre, les éventuels effets d'une différence de traitement sur les conditions de la concurrence dans un secteur économique donné ne rendent pas celle-ci contraire au principe d'égalité dès lors qu'elle est fondée sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objet de la loi (décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998, considérant no 21).

En l'espèce, la principale différence de situation entre un réseau câblé et un bouquet satellitaire est que, pour exploiter le premier, il faut installer des infrastructures sur le domaine public de la collectivité concernée, alors que, pour proposer une offre satellitaire, il n'est pas nécessaire d'empiéter sur le domaine public. C'est pour cette raison que l'autorisation d'exploiter un réseau câblé doit demeurer soumise à une autorisation du CSA prise sur proposition des communes concernées.

Au regard de l'impératif de protection du domaine public, il ne serait pas acceptable qu'une entreprise puisse, après une simple déclaration, être autorisée à commencer des travaux sur la voie publique pour implanter des réseaux câblés. On observera, à cet égard, que la loi no 96-659 du 26 juillet 1996, qui a institué un droit de passage sur le domaine public routier au profit des opérateurs de télécommunications privés (art. L. 45-1 à L. 47 du code des postes et télécommunications), a subordonné la mise en oeuvre de ce droit à la délivrance d'une permission de voirie par l'autorité compétente et a prévu qu'il pouvait être fait obstacle à ce droit de passage si cela était nécessaire pour assurer le respect des exigences essentielles du domaine.

On observera également que, dans la loi actuellement en vigueur, la différence de régime juridique entre les câblo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire est bien plus importante que ce qui est prévu par la loi déférée.

En effet, l'article 34 actuel de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les câblo-opérateurs ne peuvent exploiter leur réseau qu'après obtention d'une autorisation délivrée par le CSA sur proposition de la commune. Seuls les réseaux desservant moins de 100 foyers et qui ne distribuent pas de programmes propres sont soumis à déclaration préalable en vertu du a du 2o de l'article 43. Quant aux chaînes de télévision ou de radio, elles ne peuvent être incluses par un câblo-opérateur dans son offre de programmes, si elles n'ont pas déjà été autorisées par ailleurs, qu'après avoir conclu une convention avec le CSA (art. 34-1 de la loi du 30 septembre 1986).

Contrairement aux câblo-opérateurs, les opérateurs de bouquet satellitaire ne sont actuellement soumis à aucune obligation. La loi du 30 septembre 1986 se borne à prévoir un régime applicable aux chaînes diffusées par satellite : si ces chaînes utilisent des fréquences affectées à la radiodiffusion, elles doivent être autorisées par le CSA selon une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat (art. 31 de la loi du 30 septembre 1986) ; si elles utilisent des fréquences non affectées à la radiodiffusion (dont le CSA n'a pas la maîtrise) elles doivent faire l'objet d'un agrément préalable du CSA en vertu de l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986, cet agrément étant lui même subordonné à la conclusion d'une convention lorsque le programme diffusé ne consiste pas en la reprise intégrale d'un service déjà autorisé.

En réalité, le régime prévu par l'article 31 précité de la loi du 30 septembre 1986 n'est pas appliqué car tous les bouquets satellitaires se sont développés dans des bandes de fréquences affectées en principe aux télécommunications. C'est donc l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986 qui fixe le droit commun applicable aux chaînes de télévision diffusées par satellite.

Aucune obligation ne s'impose ainsi aux opérateurs lorsqu'ils composent leur offre de programmes, contrairement aux câblo-opérateurs qui doivent notamment retransmettre les chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre, affecter un canal à un programme d'intérêt local et proposer des chaînes dont la programmation échappe à leur contrôle.

L'argumentation des requérants est donc paradoxale, dans la mesure où elle fait grief à la loi déférée d'instituer un traitement différent entre le câble et le satellite. En réalité le législateur, en adoptant la loi déférée, a précisément pris acte de ce que, avec le développement, dans les années 1990, de trois bouquets satellitaires, cette nouvelle offre de programmes se situait sur un même marché que l'offre émanant des câblo-opérateurs. Il a donc cherché à rapprocher les conditions juridiques d'exercice de ces deux activités.

Il n'a cependant pas soumis celles-ci à un régime uniforme, compte tenu de la différence de situation entre les deux catégories d'opérateurs. Les exploitants de réseaux câblés, qui utilisent le domaine public communal, s'intègrent dans un cadre territorial et peuvent adapter leur offre aux spécificités locales (programme d'information d'intérêt local, offre de services complémentaires - notamment d'accès à l'internet ou de télésurveillance - grâce à l'interactivité que permet le câble). Les opérateurs de bouquet satellitaire proposent au contraire une offre nationale et n'utilisent pas le domaine public terrestre.

Dans cette perspective, le législateur a totalement unifié le régime applicable aux chaînes distribuées par câble ou diffusées par satellite. Les actuels articles 24, 31 et 33 de la loi du 30 septembre 1986 ont ainsi été remplacés par l'article 33 nouveau de cette même loi (dont la rédaction résulte de l'article 55 de la loi déférée), qui n'opère aucune distinction entre les services de communication audiovisuelle selon qu'ils empruntent l'un ou l'autre mode de diffusion.

S'agissant des câblo-opérateurs, l'article 58 de la loi déférée maintient le régime actuel d'autorisation préalable, accordée par le CSA sur proposition de la collectivité concernée, mais uniquement pour le démarrage de l'exploitation. En effet, alors que l'actuel article 34 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « toute modification de l'autorisation d'exploitation est autorisée dans les mêmes conditions que l'autorisation initiale » (donc nécessite l'accord de la commune concernée puis du CSA), le III du nouvel article 34 prévoit que « toute modification de la composition et de la structure d'une offre est notifiée au CSA qui peut s'y opposer par décision motivée (...) s'il estime qu'elle est de nature à remettre en cause l'autorisation ». Ainsi, les collectivités territoriales perdent tout droit de regard sur l'évolution de la composition de l'offre de programmes. Les câblo-opérateurs seront tenus uniquement de faire une déclaration au CSA qui disposera d'un droit d'opposition.

S'agissant des opérateurs de bouquet satellitaire, l'article 60 de la loi déférée met en place un régime très proche. Sur le fond, ces opérateurs seront astreints, dans la composition de leur offre de programmes, à des obligations similaires à celles qui s'imposent aux câblo-opérateurs : inclusion dans le bouquet de chaînes indépendantes de l'opérateur, reprise des chaînes publiques diffusées par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Bien entendu, l'obligation de réserver un canal à un programme d'intérêt local n'a pas été imposée aux opérateurs de bouquet satellitaire. Dans la forme, ces opérateurs devront déposer une déclaration auprès du CSA avant de commencer leur exploitation et le CSA pourra s'opposer à celle-ci par décision motivée, prise dans le délai d'un mois, s'ils estiment que l'offre ne satisfait pas aux critères et obligations posés par la loi et les textes réglementaires pris pour son application. Les modifications ultérieures de l'offre de programme seront soumises à une procédure identique de déclaration préalable.

On constate ainsi que, contrairement à ce que suggère la saisine, les règles applicables aux câblo-opérateurs et celles applicables aux opérateurs de bouquet satellitaire seront en réalité assez proches. Les différences qui subsistent sont justifiées par les conditions propres à chaque activité. En particulier, le régime d'autorisation préalable, qui est maintenu pour l'installation initiale d'un câblo-opérateur dans une commune, est fondé, comme on l'a vu, sur le caractère territorial de ce mode de distribution des programmes.

  1. S'agissant enfin des règles applicables en Polynésie française, elles sont issues d'un amendement qui a donné lieu à des débats abondants. Il s'agit de tirer les conséquences d'une annulation contentieuse.

L'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi déférée, permettait en effet d'utiliser des liaisons micro-ondes (MMDS) afin d'assurer les transmissions internes à un réseau câblé dans les zones d'habitat dispersé, la diffusion directe par voie hertzienne jusqu'à l'abonné étant cependant exclue.

Deux décrets sont intervenus pour préciser la notion de zone d'habitat dispersé. Le premier (no 92-710 du 24 juillet 1992) ne comportait aucune disposition spécifique à l'outre-mer. Il a été modifié par le second (no 93-946 du 22 juillet 1993), qui a assoupli la définition de la zone d'habitat dispersé et a prévu des adaptations pour l'outre-mer. En particulier, ce second décret prévoyait que, dans les collectivités d'outre-mer, « des liaisons radioélectriques peuvent être établies dans les agglomérations dont la densité d'habitation est inférieure à 2 000 habitants au kilomètre carré, à condition que les foyers situés dans des immeubles d'habitation collective reçoivent les signaux transportés par ces liaisons radioélectriques à travers un réseau collectif de distribution par câble ».

C'est sur la base de cette disposition que le CSA a, par une décision en date du 18 janvier 1994, autorisé une société à exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une dizaine de communes de Polynésie française.

Toutefois, le décret du 22 juillet 1993 ayant fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir de la part du gouvernement territorial de la Polynésie française, le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation de la disposition visant la Polynésie française au motif qu'elle autorise la réception directe et individuelle des signaux transportés par des liaisons radioélectriques en violation de l'interdiction posée par l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986.

L'autorisation délivrée par le CSA en 1994 se trouve ainsi privée de base juridique alors même que la société autorisée distribue des programmes depuis cette date.

L'alinéa déféré vise à modifier le texte de l'article 34 pour qu'un nouveau décret puisse être régulièrement pris.

En autorisant la réception directe par liaisons micro-ondes dans le seul territoire de la Polynésie française, le législateur prend en compte les particularités géographiques de cette zone où l'habitat est particulièrement dispersé et où l'offre de programmes diffusés par satellite est peu abondante.


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Version 1

V. - Sur le respect du principe d'égalité

A. - Trois séries de dispositions sont contestées sur le terrain du principe d'égalité.

1. Le I de l'article 26 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi déférée, transfère aux chaînes publiques le droit d'usage des ressources radioélectriques qui étaient précédemment assignées à la société Télédiffusion de France (TDF).

Le II de l'article 26 nouveau, qui s'inspire très étroitement de la rédaction des alinéas 4 et suivants de l'actuel article 26, prévoit que le CSA et l'Autorité de régulation des télécommunications (ART), pour les fréquences de télécommunications, accordent en priorité aux chaînes publiques (auxquelles il faut ajouter la chaîne culturelle européenne ARTE et La Chaîne parlementaire) « le droit d'usage de la ressource radioélectrique nécessaire à l'accomplissement de leurs missions de service public ».

Les auteurs de la saisine soutiennent que ces dispositions introduisent une discrimination injustifiée entre les chaînes publiques et les chaînes privées, lesquelles doivent participer à une procédure d'appel à candidatures pour obtenir une autorisation de diffusion et ne peuvent obtenir, en tout état de cause, plus de cinq canaux.

2. L'article 58 de la loi déférée, qui modifie la rédaction de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, apporte quelques changements au régime applicable aux opérateurs qui distribuent par câble une offre de services de communication audiovisuelle (les câblo-opérateurs), sans remettre en cause l'économie générale de ce régime. En particulier, l'autorisation d'exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une commune devra, comme aujourd'hui, être initialement délivrée par le CSA sur proposition de la commune concernée.

L'article 60 de la loi déférée, qui modifie la rédaction des articles 34-1 et 34-2 de la loi du 30 septembre 1986, instaure quant à lui un régime nouveau pour les opérateurs qui distribuent par satellite une offre de services de communication audiovisuelle (les opérateurs de bouquet satellitaire). Aux termes de ces nouvelles dispositions, les opérateurs doivent, avant de commencer leur activité, déposer une déclaration auprès du CSA, lequel peut, dans le mois suivant la réception de celle-ci, s'opposer à l'exploitation.

Selon les requérants, la coexistence de ces régimes distincts est contraire au principe d'égalité dans la mesure où, au regard du droit de la concurrence, les cablo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire s'adressent à un même marché.

3. Enfin, le quatrième alinéa du I de l'article 34 nouveau de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de l'article 58 de la loi déférée, prévoit que : « Pour le territoire de la Polynésie française, un tel réseau (c'est-à-dire un réseau distribuant par câble des services de communication audiovisuelle) peut comporter une ou plusieurs liaisons radioélectriques permettant la réception directe et individuelle par les foyers abonnés des signaux transportés. »

Les auteurs de la saisine prétendent que cette disposition, dont l'introduction dans la loi déférée n'aurait pas été justifiée, porte atteinte au principe d'égalité.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que les dispositions en cause sont conformes au principe d'égalité.

1. S'agissant de la distinction entre chaînes publiques et chaînes privées, on observera, à titre liminaire, que la dernière affirmation des requérants est inexacte. En vertu des dispositions figurant dans la loi déférée, une même société ne peut pas détenir directement cinq autorisations de diffusion en mode numérique. Chaque autorisation doit en effet être détenue par une société distincte. La loi permet simplement à une société mère d'exercer son contrôle sur cinq sociétés détentrices chacune d'une autorisation de diffusion en mode numérique.

Sur le fond, il apparaît que les saisissants se méprennent sur la portée de la disposition qu'ils contestent. En réalité, celle-ci ne change rien à l'état du droit qui, depuis 1986, prévoit des régimes distincts d'attribution des fréquences pour les chaînes publiques et les chaînes privées.

L'article 26 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction actuellement en vigueur, dispose déjà que le CSA et l'ART doivent attribuer aux chaînes publiques les fréquences nécessaires à l'accomplissement par celles-ci de leurs missions de service public. Simplement, cet article prévoit que les fréquences utilisées par les sociétés nationales de programme (c'est-à-dire France 2, France 3, RFO, Radio France et RFI) sont assignées à la société TDF.

La nouvelle rédaction de l'article 26, telle qu'elle résulte de la loi déférée, se borne à introduire les modifications suivantes :

- il remplace le terme « fréquences » par les termes « ressources radioélectriques » pour tenir compte de l'évolution des données techniques liée à la numérisation des signaux. En effet, dès lors que plusieurs programmes peuvent être diffusés sur une même bande de fréquences, on ne peut plus établir une correspondance exacte entre une chaîne et une portion déterminée du spectre hertzien. Il faut donc écrire que chaque chaîne bénéficie d'un droit d'usage de la « ressource radioélectrique » et non d'un droit d'usage d'une fréquence ;

- en deuxième lieu, l'article prévoit que les chaînes publiques deviennent désormais directement titulaires du droit d'usage des ressources radioélectriques, alors qu'auparavant ce droit appartenait à TDF, qui l'exerçait pour le compte des sociétés nationales de programme ;

- en troisième et dernier lieu, cet article ajoute La Chaîne parlementaire parmi les sociétés ayant un droit de réservation prioritaire des ressources radioélectriques pour l'accomplissement de leurs missions de service public.

L'article contesté par les saisissants ne crée donc nullement une distinction nouvelle entre le régime des chaînes publiques et le régime des chaînes privées. Il conserve au contraire une distinction existant depuis 1986, en l'adaptant pour tenir compte de l'apparition des technologies numériques.

Quant à l'existence de cette distinction, elle est justifiée par la différence de situation entre les chaînes publiques, qui accomplissent des missions de service public et dont l'organisation et les ressources obéissent à des règles propres, et les autres services de communication audiovisuelle. On rappellera, à cet égard, que les missions des chaînes publiques étaient jusqu'à maintenant fixées dans leurs cahiers des charges établis par voie réglementaire. Les articles 3 et 4 de la loi déférée modifieront cet état du droit puisqu'ils définissent dans leurs grands traits les missions incombant au secteur public audiovisuel dans son ensemble et à chacune des sociétés nationales de programme.

2. Les critiques adressées aux articles 58 et 60 ne peuvent davantage être accueillies.

Il convient de rappeler que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes pourvu que la différence de traitement ainsi établie soit en rapport direct avec l'objet de la loi. En outre, les éventuels effets d'une différence de traitement sur les conditions de la concurrence dans un secteur économique donné ne rendent pas celle-ci contraire au principe d'égalité dès lors qu'elle est fondée sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objet de la loi (décision no 98-405 DC du 29 décembre 1998, considérant no 21).

En l'espèce, la principale différence de situation entre un réseau câblé et un bouquet satellitaire est que, pour exploiter le premier, il faut installer des infrastructures sur le domaine public de la collectivité concernée, alors que, pour proposer une offre satellitaire, il n'est pas nécessaire d'empiéter sur le domaine public. C'est pour cette raison que l'autorisation d'exploiter un réseau câblé doit demeurer soumise à une autorisation du CSA prise sur proposition des communes concernées.

Au regard de l'impératif de protection du domaine public, il ne serait pas acceptable qu'une entreprise puisse, après une simple déclaration, être autorisée à commencer des travaux sur la voie publique pour implanter des réseaux câblés. On observera, à cet égard, que la loi no 96-659 du 26 juillet 1996, qui a institué un droit de passage sur le domaine public routier au profit des opérateurs de télécommunications privés (art. L. 45-1 à L. 47 du code des postes et télécommunications), a subordonné la mise en oeuvre de ce droit à la délivrance d'une permission de voirie par l'autorité compétente et a prévu qu'il pouvait être fait obstacle à ce droit de passage si cela était nécessaire pour assurer le respect des exigences essentielles du domaine.

On observera également que, dans la loi actuellement en vigueur, la différence de régime juridique entre les câblo-opérateurs et les opérateurs de bouquet satellitaire est bien plus importante que ce qui est prévu par la loi déférée.

En effet, l'article 34 actuel de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les câblo-opérateurs ne peuvent exploiter leur réseau qu'après obtention d'une autorisation délivrée par le CSA sur proposition de la commune. Seuls les réseaux desservant moins de 100 foyers et qui ne distribuent pas de programmes propres sont soumis à déclaration préalable en vertu du a du 2o de l'article 43. Quant aux chaînes de télévision ou de radio, elles ne peuvent être incluses par un câblo-opérateur dans son offre de programmes, si elles n'ont pas déjà été autorisées par ailleurs, qu'après avoir conclu une convention avec le CSA (art. 34-1 de la loi du 30 septembre 1986).

Contrairement aux câblo-opérateurs, les opérateurs de bouquet satellitaire ne sont actuellement soumis à aucune obligation. La loi du 30 septembre 1986 se borne à prévoir un régime applicable aux chaînes diffusées par satellite : si ces chaînes utilisent des fréquences affectées à la radiodiffusion, elles doivent être autorisées par le CSA selon une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat (art. 31 de la loi du 30 septembre 1986) ; si elles utilisent des fréquences non affectées à la radiodiffusion (dont le CSA n'a pas la maîtrise) elles doivent faire l'objet d'un agrément préalable du CSA en vertu de l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986, cet agrément étant lui même subordonné à la conclusion d'une convention lorsque le programme diffusé ne consiste pas en la reprise intégrale d'un service déjà autorisé.

En réalité, le régime prévu par l'article 31 précité de la loi du 30 septembre 1986 n'est pas appliqué car tous les bouquets satellitaires se sont développés dans des bandes de fréquences affectées en principe aux télécommunications. C'est donc l'article 24 de la loi du 30 septembre 1986 qui fixe le droit commun applicable aux chaînes de télévision diffusées par satellite.

Aucune obligation ne s'impose ainsi aux opérateurs lorsqu'ils composent leur offre de programmes, contrairement aux câblo-opérateurs qui doivent notamment retransmettre les chaînes diffusées par voie hertzienne terrestre, affecter un canal à un programme d'intérêt local et proposer des chaînes dont la programmation échappe à leur contrôle.

L'argumentation des requérants est donc paradoxale, dans la mesure où elle fait grief à la loi déférée d'instituer un traitement différent entre le câble et le satellite. En réalité le législateur, en adoptant la loi déférée, a précisément pris acte de ce que, avec le développement, dans les années 1990, de trois bouquets satellitaires, cette nouvelle offre de programmes se situait sur un même marché que l'offre émanant des câblo-opérateurs. Il a donc cherché à rapprocher les conditions juridiques d'exercice de ces deux activités.

Il n'a cependant pas soumis celles-ci à un régime uniforme, compte tenu de la différence de situation entre les deux catégories d'opérateurs. Les exploitants de réseaux câblés, qui utilisent le domaine public communal, s'intègrent dans un cadre territorial et peuvent adapter leur offre aux spécificités locales (programme d'information d'intérêt local, offre de services complémentaires - notamment d'accès à l'internet ou de télésurveillance - grâce à l'interactivité que permet le câble). Les opérateurs de bouquet satellitaire proposent au contraire une offre nationale et n'utilisent pas le domaine public terrestre.

Dans cette perspective, le législateur a totalement unifié le régime applicable aux chaînes distribuées par câble ou diffusées par satellite. Les actuels articles 24, 31 et 33 de la loi du 30 septembre 1986 ont ainsi été remplacés par l'article 33 nouveau de cette même loi (dont la rédaction résulte de l'article 55 de la loi déférée), qui n'opère aucune distinction entre les services de communication audiovisuelle selon qu'ils empruntent l'un ou l'autre mode de diffusion.

S'agissant des câblo-opérateurs, l'article 58 de la loi déférée maintient le régime actuel d'autorisation préalable, accordée par le CSA sur proposition de la collectivité concernée, mais uniquement pour le démarrage de l'exploitation. En effet, alors que l'actuel article 34 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que « toute modification de l'autorisation d'exploitation est autorisée dans les mêmes conditions que l'autorisation initiale » (donc nécessite l'accord de la commune concernée puis du CSA), le III du nouvel article 34 prévoit que « toute modification de la composition et de la structure d'une offre est notifiée au CSA qui peut s'y opposer par décision motivée (...) s'il estime qu'elle est de nature à remettre en cause l'autorisation ». Ainsi, les collectivités territoriales perdent tout droit de regard sur l'évolution de la composition de l'offre de programmes. Les câblo-opérateurs seront tenus uniquement de faire une déclaration au CSA qui disposera d'un droit d'opposition.

S'agissant des opérateurs de bouquet satellitaire, l'article 60 de la loi déférée met en place un régime très proche. Sur le fond, ces opérateurs seront astreints, dans la composition de leur offre de programmes, à des obligations similaires à celles qui s'imposent aux câblo-opérateurs : inclusion dans le bouquet de chaînes indépendantes de l'opérateur, reprise des chaînes publiques diffusées par voie hertzienne terrestre en mode analogique. Bien entendu, l'obligation de réserver un canal à un programme d'intérêt local n'a pas été imposée aux opérateurs de bouquet satellitaire. Dans la forme, ces opérateurs devront déposer une déclaration auprès du CSA avant de commencer leur exploitation et le CSA pourra s'opposer à celle-ci par décision motivée, prise dans le délai d'un mois, s'ils estiment que l'offre ne satisfait pas aux critères et obligations posés par la loi et les textes réglementaires pris pour son application. Les modifications ultérieures de l'offre de programme seront soumises à une procédure identique de déclaration préalable.

On constate ainsi que, contrairement à ce que suggère la saisine, les règles applicables aux câblo-opérateurs et celles applicables aux opérateurs de bouquet satellitaire seront en réalité assez proches. Les différences qui subsistent sont justifiées par les conditions propres à chaque activité. En particulier, le régime d'autorisation préalable, qui est maintenu pour l'installation initiale d'un câblo-opérateur dans une commune, est fondé, comme on l'a vu, sur le caractère territorial de ce mode de distribution des programmes.

3. S'agissant enfin des règles applicables en Polynésie française, elles sont issues d'un amendement qui a donné lieu à des débats abondants. Il s'agit de tirer les conséquences d'une annulation contentieuse.

L'article 34 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction antérieure à la loi déférée, permettait en effet d'utiliser des liaisons micro-ondes (MMDS) afin d'assurer les transmissions internes à un réseau câblé dans les zones d'habitat dispersé, la diffusion directe par voie hertzienne jusqu'à l'abonné étant cependant exclue.

Deux décrets sont intervenus pour préciser la notion de zone d'habitat dispersé. Le premier (no 92-710 du 24 juillet 1992) ne comportait aucune disposition spécifique à l'outre-mer. Il a été modifié par le second (no 93-946 du 22 juillet 1993), qui a assoupli la définition de la zone d'habitat dispersé et a prévu des adaptations pour l'outre-mer. En particulier, ce second décret prévoyait que, dans les collectivités d'outre-mer, « des liaisons radioélectriques peuvent être établies dans les agglomérations dont la densité d'habitation est inférieure à 2 000 habitants au kilomètre carré, à condition que les foyers situés dans des immeubles d'habitation collective reçoivent les signaux transportés par ces liaisons radioélectriques à travers un réseau collectif de distribution par câble ».

C'est sur la base de cette disposition que le CSA a, par une décision en date du 18 janvier 1994, autorisé une société à exploiter un réseau câblé sur le territoire d'une dizaine de communes de Polynésie française.

Toutefois, le décret du 22 juillet 1993 ayant fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir de la part du gouvernement territorial de la Polynésie française, le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation de la disposition visant la Polynésie française au motif qu'elle autorise la réception directe et individuelle des signaux transportés par des liaisons radioélectriques en violation de l'interdiction posée par l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986.

L'autorisation délivrée par le CSA en 1994 se trouve ainsi privée de base juridique alors même que la société autorisée distribue des programmes depuis cette date.

L'alinéa déféré vise à modifier le texte de l'article 34 pour qu'un nouveau décret puisse être régulièrement pris.

En autorisant la réception directe par liaisons micro-ondes dans le seul territoire de la Polynésie française, le législateur prend en compte les particularités géographiques de cette zone où l'habitat est particulièrement dispersé et où l'offre de programmes diffusés par satellite est peu abondante.