JORF n°303 du 31 décembre 2000

VII. - Sur l'article 35

A. - Depuis le 1er janvier 1997, il a été institué une taxe sur les achats de viande, dite taxe d'équarrissage, qui est codifiée à l'article 302 bis ZD du code général des impôts.

Les dispositions de cet article prévoient notamment que la taxe est due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes et autres produits taxables, à condition que leur chiffre d'affaires de l'année civile précédente et le montant des achats mensuels hors taxes de viande soient respectivement supérieurs à 2 500 000 F et 20 000 F.

L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 élargit l'assiette de la taxe à l'ensemble des produits à base de viandes, et porte les taux plafond de 0,6 % à 2,1 % et de 1 % à 3,9 %. Corrélativement, le seuil d'imposition de la taxe est relevé à 5 MF de chiffre d'affaires hors taxes.

Par ailleurs, l'affectation au CNASEA est supprimée à compter du 1er janvier 2001, le produit de la taxe revenant au budget général de l'Etat.

Pour contester cette mesure, les sénateurs requérants font valoir que la taxe ne pèsera désormais que sur une catégorie restreinte de débiteurs, la grande distribution, qui n'est pas dans une situation différente des autres entreprises qui achètent de la viande, au regard de l'objet de la taxe. Ils estiment que la référence au chiffre d'affaires global n'est pas pertinente et ne rend pas compte de la faculté contributive.

Enfin, ils soutiennent qu'en raison de l'ambiguïté de la notion de « produits à base de viande », la loi est entachée d'incompétence négative.

B. - Cette argumentation ne peut être accueillie.

  1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le nouveau seuil d'imposition de 5 MF est fondé sur des critères objectifs et rationnels.

a) En premier lieu, en effet, ce seuil correspond au seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel les entreprises relève du régime simplifié d'imposition en matière de TVA.

A ce sujet, il faut rappeler que la taxe sur les achats de viandes est recouvrée et contrôlée selon les règles applicables en matière de TVA. Par ailleurs, un seuil de même montant a déjà été retenu pour d'autres taxes indirectes (exemple : taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par l'article 23 de la loi de finances pour 1998 et codifiée à l'article 302 bis MA du CGI).

b) En deuxième lieu, ce seuil permet de dispenser des petites entreprises de formalités déclaratives complexes pour un enjeu financier faible.

Il importe, à cet égard, de souligner que les principaux contributeurs de la taxe étaient, d'ores et déjà, les moyennes et grandes surfaces. Ainsi, sur les 31 309 bouchers et charcutiers identifiés par la DGI, 27 264, soit 87 %, réalisaient un chiffre d'affaires inférieur à 2,5 MF. Les mêmes constatations peuvent être opérées pour les commerces d'alimentation générale (18 284 sur 20 860 en deçà de 2,5 MF).

Seront désormais dispensées de la taxe environ 2 289 entreprises, pour un produit de 16 MF, soit 2,4 % du recouvrement global de la taxe sur les achats de viande. En 1999, le produit de cette taxe s'est élevé à 657 MF pour 9 370 entreprises.

En relevant le seuil d'imposition, la loi déférée ne modifie que marginalement la répartition du poids de la taxe entre les catégories de professionnels.

En résumé, le relèvement du seuil conduit à exonérer le quart des redevables actuels, lesquels ne contribuaient qu'à hauteur de 2 % des recettes totales. La fixation de ce seuil répond donc à des considérations d'intérêt général en entraînant, pour un coût très limité, une réelle simplification.

On peut relever que, dans une hypothèse analogue, le Conseil constitutionnel a jugé pertinents de tel motifs de fixation de limites d'imposition, à propos des seuils de 500 000 F et 175 000 F pour le régime des « micro-entreprises » qui concourent à la détermination des résultats professionnels et à la franchise en matière de TVA (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).

c) Le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas non plus méconnu en raison des effets de seuil, qui peuvent d'ailleurs exister quel que soit le niveau auquel est fixée l'exonération. En l'espèce, ils sont atténués par deux dispositifs ;

- l'application d'un taux réduit jusqu'à 125 000 F d'achats mensuels (soit 1,5 MF/an) ;

- et le fait que la taxe n'est pas due lorsque le montant d'achats mensuel est inférieur à 20 000 F hors TVA (soit 240 000 F par an).

En conséquence, les redevables qui réalisent un chiffre d'affaires élevé comprenant une faible part de vente de produits carnés sont exonérés.

Par ailleurs, et compte tenu des coefficients de bénéfice moyen dans la boucherie (de l'ordre de 2), une entreprise dont le chiffre d'affaires reposerait uniquement sur la vente de viande serait imposée, à partir d'un chiffre d'affaires de 5 MF, sur un montant d'achats de l'ordre de 2,5 MF.

On observera que, contrairement aux conclusions tirées par les requérants dans l'exemple cité pour étayer leur démonstration, une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 245 000 F de viande sur un total de chiffre d'affaires de 5,1 MF ne sera pas redevable de taxe sur les achats de viande. C'est la conséquence du dispositif d'atténuation mentionné plus haut, qui permet d'éviter la taxation des entreprises qui procèdent à des achats inférieurs à 240 000 F par an, ce qui correspond à un chiffre d'affaires d'environ 500 000 F, et qui retient un taux d'imposition plus faible pour la tranche d'achats mensuels allant jusqu'à 125 000 F.

  1. En recourant à la notion de « produits à base de viandes » pour étendre l'assiette de la taxe, la loi ne méconnaît pas les exigences de l'article 34 de la Constitution.

En effet, sont actuellement soumis à la taxe les achats de viande, d'aliments pour animaux, de salaisons, produits de charcuterie, saindoux, conserves de viandes et abats transformés. Cette dernière catégorie fait partie des produits à base de viande définis par la directive 1992/5/CEE qui a été transposée par un arrêté du 22 janvier 1993 (JO du 16 mars 1993). Aux termes de cet arrêté les produits à base de viande s'entendent :

a) Des produits transformés qui ont été élaborés à partir de viandes ou avec de la viande qui a subi un traitement tel que la surface de coupe à coeur permet de constater la disparition des caractéristiques de la viande fraîche ;

b) Des plats cuisinés à base de viande correspondant à des préparations culinaires cuites ou précuites et conditionnées et conservées par le froid.

En adoptant cette expression pour définir l'assiette de la taxe, le législateur a ainsi entendu faire référence à une définition qui existe déjà et qui, étant parfaitement connue des intéressés, ne risque pas de donner lieu à des interprétations divergentes de la part des professionnels et de l'administration.


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VII. - Sur l'article 35

A. - Depuis le 1er janvier 1997, il a été institué une taxe sur les achats de viande, dite taxe d'équarrissage, qui est codifiée à l'article 302 bis ZD du code général des impôts.

Les dispositions de cet article prévoient notamment que la taxe est due par les personnes qui réalisent des ventes au détail de viandes et autres produits taxables, à condition que leur chiffre d'affaires de l'année civile précédente et le montant des achats mensuels hors taxes de viande soient respectivement supérieurs à 2 500 000 F et 20 000 F.

L'article 35 de la loi de finances rectificative pour 2000 élargit l'assiette de la taxe à l'ensemble des produits à base de viandes, et porte les taux plafond de 0,6 % à 2,1 % et de 1 % à 3,9 %. Corrélativement, le seuil d'imposition de la taxe est relevé à 5 MF de chiffre d'affaires hors taxes.

Par ailleurs, l'affectation au CNASEA est supprimée à compter du 1er janvier 2001, le produit de la taxe revenant au budget général de l'Etat.

Pour contester cette mesure, les sénateurs requérants font valoir que la taxe ne pèsera désormais que sur une catégorie restreinte de débiteurs, la grande distribution, qui n'est pas dans une situation différente des autres entreprises qui achètent de la viande, au regard de l'objet de la taxe. Ils estiment que la référence au chiffre d'affaires global n'est pas pertinente et ne rend pas compte de la faculté contributive.

Enfin, ils soutiennent qu'en raison de l'ambiguïté de la notion de « produits à base de viande », la loi est entachée d'incompétence négative.

B. - Cette argumentation ne peut être accueillie.

1. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le nouveau seuil d'imposition de 5 MF est fondé sur des critères objectifs et rationnels.

a) En premier lieu, en effet, ce seuil correspond au seuil de chiffre d'affaires en deçà duquel les entreprises relève du régime simplifié d'imposition en matière de TVA.

A ce sujet, il faut rappeler que la taxe sur les achats de viandes est recouvrée et contrôlée selon les règles applicables en matière de TVA. Par ailleurs, un seuil de même montant a déjà été retenu pour d'autres taxes indirectes (exemple : taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par l'article 23 de la loi de finances pour 1998 et codifiée à l'article 302 bis MA du CGI).

b) En deuxième lieu, ce seuil permet de dispenser des petites entreprises de formalités déclaratives complexes pour un enjeu financier faible.

Il importe, à cet égard, de souligner que les principaux contributeurs de la taxe étaient, d'ores et déjà, les moyennes et grandes surfaces. Ainsi, sur les 31 309 bouchers et charcutiers identifiés par la DGI, 27 264, soit 87 %, réalisaient un chiffre d'affaires inférieur à 2,5 MF. Les mêmes constatations peuvent être opérées pour les commerces d'alimentation générale (18 284 sur 20 860 en deçà de 2,5 MF).

Seront désormais dispensées de la taxe environ 2 289 entreprises, pour un produit de 16 MF, soit 2,4 % du recouvrement global de la taxe sur les achats de viande. En 1999, le produit de cette taxe s'est élevé à 657 MF pour 9 370 entreprises.

En relevant le seuil d'imposition, la loi déférée ne modifie que marginalement la répartition du poids de la taxe entre les catégories de professionnels.

En résumé, le relèvement du seuil conduit à exonérer le quart des redevables actuels, lesquels ne contribuaient qu'à hauteur de 2 % des recettes totales. La fixation de ce seuil répond donc à des considérations d'intérêt général en entraînant, pour un coût très limité, une réelle simplification.

On peut relever que, dans une hypothèse analogue, le Conseil constitutionnel a jugé pertinents de tel motifs de fixation de limites d'imposition, à propos des seuils de 500 000 F et 175 000 F pour le régime des « micro-entreprises » qui concourent à la détermination des résultats professionnels et à la franchise en matière de TVA (no 98-405 DC du 29 décembre 1998).

c) Le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas non plus méconnu en raison des effets de seuil, qui peuvent d'ailleurs exister quel que soit le niveau auquel est fixée l'exonération. En l'espèce, ils sont atténués par deux dispositifs ;

- l'application d'un taux réduit jusqu'à 125 000 F d'achats mensuels (soit 1,5 MF/an) ;

- et le fait que la taxe n'est pas due lorsque le montant d'achats mensuel est inférieur à 20 000 F hors TVA (soit 240 000 F par an).

En conséquence, les redevables qui réalisent un chiffre d'affaires élevé comprenant une faible part de vente de produits carnés sont exonérés.

Par ailleurs, et compte tenu des coefficients de bénéfice moyen dans la boucherie (de l'ordre de 2), une entreprise dont le chiffre d'affaires reposerait uniquement sur la vente de viande serait imposée, à partir d'un chiffre d'affaires de 5 MF, sur un montant d'achats de l'ordre de 2,5 MF.

On observera que, contrairement aux conclusions tirées par les requérants dans l'exemple cité pour étayer leur démonstration, une entreprise qui réalise un chiffre d'affaires annuel de 245 000 F de viande sur un total de chiffre d'affaires de 5,1 MF ne sera pas redevable de taxe sur les achats de viande. C'est la conséquence du dispositif d'atténuation mentionné plus haut, qui permet d'éviter la taxation des entreprises qui procèdent à des achats inférieurs à 240 000 F par an, ce qui correspond à un chiffre d'affaires d'environ 500 000 F, et qui retient un taux d'imposition plus faible pour la tranche d'achats mensuels allant jusqu'à 125 000 F.

2. En recourant à la notion de « produits à base de viandes » pour étendre l'assiette de la taxe, la loi ne méconnaît pas les exigences de l'article 34 de la Constitution.

En effet, sont actuellement soumis à la taxe les achats de viande, d'aliments pour animaux, de salaisons, produits de charcuterie, saindoux, conserves de viandes et abats transformés. Cette dernière catégorie fait partie des produits à base de viande définis par la directive 1992/5/CEE qui a été transposée par un arrêté du 22 janvier 1993 (JO du 16 mars 1993). Aux termes de cet arrêté les produits à base de viande s'entendent :

a) Des produits transformés qui ont été élaborés à partir de viandes ou avec de la viande qui a subi un traitement tel que la surface de coupe à coeur permet de constater la disparition des caractéristiques de la viande fraîche ;

b) Des plats cuisinés à base de viande correspondant à des préparations culinaires cuites ou précuites et conditionnées et conservées par le froid.

En adoptant cette expression pour définir l'assiette de la taxe, le législateur a ainsi entendu faire référence à une définition qui existe déjà et qui, étant parfaitement connue des intéressés, ne risque pas de donner lieu à des interprétations divergentes de la part des professionnels et de l'administration.