IV. - Sur l'article 18
A. - L'article 18 de la loi déférée modifie le cadre conventionnel régissant les relations entre les caisses d'assurance maladie et les professions de santé afin d'associer ces derniers à la mise en oeuvre du dispositif de régulation des dépenses d'assurance maladie.
L'objet du dispositif adopté a été présenté par la ministre de l'emploi et de la solidarité et le ministre délégué à la santé lors de la présentation de l'amendement en première lecture. Il s'agit de « lier le contrat et les mécanismes de régulation ». Ainsi, le « respect des engagements conventionnels... exonère les professionnels (concernés) de l'application des lettres clés flottantes » (JO, AN, 2e séance du 23 octobre 2001, page 6441). Ce dispositif a été précisé en deuxième lecture en articulation avec des dispositions existantes du code de la sécurité sociale sur les contrats de bonne pratique et les accords de bon usage. Il correspond à une architecture conventionnelle à deux étages :
- un accord-cadre concernant l'ensemble des professions qui permet aux professionnels et aux caisses de se mettre d'accord sur des dispositions transversales concernant l'exercice libéral ;
- des conventions professionnelles qui doivent prévoir des engagements collectifs et individuels, dont le respect exonère les professionnels concernés de l'application du mécanisme dit des « lettres clefs flottantes ».
Selon les sénateurs, auteurs du second recours, cet article, dont une partie résulte d'amendements introduits en nouvelle lecture, aurait été adopté en méconnaissance des règles régissant l'exercice du droit d'amendement.
De leur côté, les députés requérants font valoir que le mécanisme retenu pénalise, en méconnaissance du principe d'égalité, les médecins conventionnés par l'effet du règlement conventionnel minimal, qui relèveraient seuls du dispositif de maîtrise comptable.
B. - Ces critiques appellent les remarques suivantes :
- S'agissant de la procédure au terme de laquelle cet article a été adopté, on notera qu'il a été introduit dans le texte en discussion lors de la première lecture à l'Assemblée nationale, le 25 octobre 2001 et que, s'il a ensuite été complété en nouvelle lecture, c'est pour tenir compte de la poursuite de la concertation avec les organismes et professions concernés, tout en respectant les contraintes régissant l'exercice du droit d'amendement.
a) En premier lieu, au regard des règles régissant l'exercice du droit d'amendement, il importe de relever que les éléments essentiels du dispositif ont été introduits avant la réunion de la commission mixte paritaire, et que, dès lors, la procédure de conciliation entre les deux assemblées organisée par l'article 45 de la Constitution - sur laquelle repose la jurisprudence issue de la décision no 98-402 DC du 25 juin 1998 - a pu pleinement jouer.
Chacune des deux assemblées a pu débattre de ce sujet au cours de la navette. Le débat a eu lieu devant les deux assemblées en première lecture, sur un dispositif certes moins complet mais dont les principales dispositions étaient identiques à celle du dispositif définitivement adopté.
Ainsi ce texte introduisait une disposition commune à l'ensemble des conventions nationales, intégrant notamment dans le champ de celles-ci la définition d'engagements individuels et collectifs des professionnels, les modalités de suivi de la réalisation de ces engagements et les dispositions applicables en cas de non-respect des engagements. En outre, le texte supprimait le pouvoir unilatéral des caisses en matière de régulation de l'évolution des dépenses pour les professions régies par une convention nationale.
Au regard des préoccupations qui sont à l'origine de la jurisprudence dont se prévalent les sénateurs requérants, il importe de souligner que l'on n'est pas en présence d'un sujet nouveau introduit dans un texte à un stade où la procédure de conciliation ne pouvait plus jouer. Il ne s'agit pas d'un projet improvisé en dernière minute au cours du débat mais d'un dispositif dont les éléments substantiels ont été introduits dans le texte en première lecture, puis ont pu être précisés et complétés du fait de l'arrivée à son terme d'un long processus de concertation.
S'agissant de ces précisions et compléments, ils appellent les remarques suivantes :
Sans doute les points I et II qui instaurent un accord-cadre commun à tout ou partie des professions de santé, et qui résultent de la concertation menée et de la demande forte des professionnels et des caisses d'assurance maladie, ne découlent-ils pas nécessairement des dispositions adoptées en première lecture. Mais l'ensemble des autres précisions contenues dans l'amendement introduit en nouvelle lecture sont étroitement liées aux dispositions de l'article restant en discussion. Ces précisions portaient ainsi :
- sur les engagements collectifs et individuels : la concertation a conduit à situer les engagements collectifs et individuels dans le cadre d'avenants aux conventions, ce qui nécessitait de procéder aux ajustements des dispositifs existants, accords de bon usage des soins (IV) et contrats de bonne pratique (V et, suite à un amendement parlementaire, XIV). Ces dispositions s'avéraient nécessaires pour utiliser ces instruments, conformément à l'obligation nouvelle posée dans l'amendement adopté en première lecture. Il en était de même des pouvoirs de substitution de l'Etat en cas de carence des partenaires conventionnels (VI) ;
- et sur les modalités de l'exonération de l'application unilatérale du dispositif de régulation pour les professions régies par une convention, exonération également inscrite dès la première lecture et dont il fallait tirer les conséquences quant au dispositif de régulation existant (VIII, IX, XIII) et aux dispositifs de substitution applicables (extension du règlement conventionnel minimal : X, XI).
b) En second lieu, il convient de souligner que, s'il est apparu préférable de différer la mise au point du dispositif sous sa forme achevée, c'est parce qu'en matière de relations entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, il est nécessaire, pour légiférer efficacement, de mener à bien une concertation associant les caisses, les partenaires sociaux et les syndicats représentants les professionnels de santé.
En effet, seule une telle concertation est susceptible de permettre que les professionnels adhèrent au dispositif projeté, condition nécessaire à la mise en oeuvre effective et à l'efficacité de ce dispositif. C'était d'autant plus indispensable en l'espèce que le dispositif de régulation mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 n'a pas fonctionné en 2001, notamment du fait du refus de la CNAMTS de le mettre en oeuvre.
Il était donc impossible d'imaginer une quelconque maîtrise des dépenses de ville sans évolution de ce dispositif, qu'il revenait à la présente loi de financement de réaliser. Le recours à des amendements gouvernementaux a ainsi été imposé par le calendrier. Les négociations n'ont pu aboutir avant le dépôt du projet de loi en raison principalement du renouvellement du conseil d'administration de la CNAMTS, qui a été installé le 10 octobre 2001. C'est pourquoi le Gouvernement, lorsqu'il a proposé ce dispositif en première lecture, a expliqué aux parlementaires qu'il aurait vocation à être enrichi et précisé à l'issue de la concertation. Il s'agissait d'articuler le calendrier de la loi de financement avec les contraintes de la concertation et de la négociation, dans un souci de transparence à l'égard du Parlement et en respectant les limites du droit d'amendement.
En outre, c'est à tort que les sénateurs, auteurs de la seconde saisine, soutiennent que le Gouvernement a entendu se soustraire à l'avis de la CNAMTS. En l'occurrence, le projet d'amendement complétant en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le dispositif initial lui a été officiellement transmis et son conseil d'administration a émis un avis favorable sur ce texte, à l'unanimité, lors de sa séance du 20 novembre 2001.
En résumé, le Gouvernement considère que la procédure suivie est conforme à la Constitution, dès lors, d'une part, que l'économie générale du nouveau dispositif avait été exposée et débattue au Parlement et adoptée par l'Assemblée avant la réunion de la commission mixte paritaire, d'autre part, que les compléments introduits dans ce même article en nouvelle lecture étaient bien en relation directe avec le texte en discussion : il ne s'agissait alors que de préciser, au vu de la concertation qui s'était poursuivie, les éléments utiles pour compléter le dispositif initial.
- Quant au moyen invoqué à l'encontre de ce même article dans la saisine des députés, il repose sur une lecture erronée de la loi dans la mesure où, contrairement à ce qu'ils indiquent, les professionnels régis par le règlement conventionnel minimal ne sont pas régis par un texte conventionnel.
En effet, il résulte clairement du deuxième alinéa de l'article L. 162-5-9 du code de la sécurité sociale, dont la rédaction est issue de l'ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996, que les dispositions du règlement conventionnel minimal ne s'appliquent qu' « en l'absence de convention nationale ». Il résulte tout aussi clairement de la rédaction de ce texte, résultant de l'article 18 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, que le pouvoir unilatéral des caisses de prendre des mesures n'est maintenu qu' « en l'absence de convention nationale » pour la profession concernée.
Il s'ensuit que les professionnels régis par le règlement conventionnel minimal ne sont pas placés sous un régime de convention et qu'ils se trouvent ainsi dans une situation objectivement différente des professions ayant conclu une convention nationale. Il est donc normal que la loi applique des mécanismes différents à ces deux situations.
Ce point a d'ailleurs été évoqué au cours des débats à l'Assemblée nationale et le rapporteur a expliqué qu'il était logique que l'existence d'une convention nationale entraîne des conséquences différentes de son absence (cf. JO, Assemblée nationale, 1re séance du 22 novembre, page 8468).
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