JORF n°299 du 26 décembre 2001

V. - Sur l'article 20

A. - Cet article modifie l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution dont sont redevables les entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou de médicaments agréés aux collectivités et autres services publics.

L'assiette de cette contribution est égale au total des charges comptabilisées au cours du dernier exercice clos au titre des frais de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation en France des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agrées aux collectivités. En sont exonérées les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France est inférieur à 15 millions d'euros (100 MF).

Pour freiner la progression des dépenses de médicaments remboursables induite par la forte croissance du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique attendue sur l'exercice 2001, il apparaît nécessaire d'intervenir en vue d'infléchir l'activité promotionnelle des laboratoires pharmaceutiques en direction des prescripteurs. En effet, les dépenses de promotion peuvent donner lieu, au-delà d'un certain montant, à une pression excessive sur les prescripteurs. C'est pourquoi l'article 20 de la loi déférée accroît le rendement et la progressivité de cette contribution, les sommes ainsi perçues devant bénéficier à la branche maladie.

Selon les députés, auteurs du premier recours, les règles de détermination du taux de cette contribution ne prennent en compte ni les différences de situation pouvant exister entre les redevables, ni leurs capacités contributives. La référence aux dépenses de promotion ne serait pas non plus rationnelle, dans la mesure où elle inciterait à la réduction des effectifs de visiteurs médicaux et porterait ainsi atteinte à leur droit du travail. En outre, ces mêmes règles avantageraient les laboratoires réalisant le plus gros chiffre d'affaires. Enfin, la loi introduirait des effets de seuil contraires au principe posé par l'article 13 de la Déclaration de 1789.

Les requérants contestent aussi l'assiette de la contribution. Ils estiment que la prise en compte des activités de pharmacovigilance pour introduire un abattement n'est pas rationnelle et que la loi ne pouvait s'abstenir de préciser ce que sont les frais de prospection qu'elle entend prendre en compte. Cette incompétence négative serait d'autant plus grave que seraient en cause plusieurs libertés dont les limites ne peuvent être fixées que par la loi. Ils ajoutent que l'article contesté méconnaît le principe de nécessité de l'impôt.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que ces dispositions sont conformes aux principes constitutionnels.

  1. S'agissant en premier lieu du taux de la taxe, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait de retenir les dépenses de promotion comme dividende du rapport déterminant ce taux est bien fondé sur un critère en rapport avec les capacités contributives des redevables.

Il convient en effet de souligner que le diviseur de ce même rapport est précisément le chiffre d'affaires des entreprises, lequel constitue naturellement un élément déterminant de leur capacité contributive. En outre, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 MF sont exonérées de cette contribution.

Dans ces conditions, le fait qu'une part prépondérante des dépenses de promotion soit consacrée à la rémunération des visiteurs médicaux ne saurait faire obstacle au pouvoir du législateur de déterminer l'assiette et les taux de la contribution en tenant compte du montant de ses dépenses. Quant au droit au travail de ces salariés, la loi n'y porte évidemment aucune atteinte.

On ajoutera que c'est précisément pour viser non le montant en valeur absolue des dépenses de promotion mais leur part relative que le chiffre d'affaires a été choisi comme diviseur de ce rapport. Il est parfaitement logique que les dépenses de promotion varient en fonction de la taille des entreprises et de l'importance de leurs chiffres d'affaires. Ne pas tenir compte de cette réalité serait précisément méconnaître les capacités contributives des redevables.

Il faut souligner en effet que la définition de l'assiette de la taxe est avant tout en cohérence avec l'objectif poursuivi, qui est de diminuer la pression promotionnelle qui s'exerce sur les prescripteurs. Dans cet objectif, il est logique que cette assiette soit constituée de l'effort promotionnel mesuré par le rapport entre les dépenses promotionnelles et le chiffre d'affaires. Il est logique également que le taux de la taxe soit d'autant plus élevé que ce ratio est plus fort.

Quant à l'argument selon lequel ce choix aurait en fait pour conséquence d'inciter les entreprises à augmenter leur chiffre d'affaires, il est dépourvu de portée : en tout état de cause, l'objectif même de toute entreprise est d'accroître son chiffre d'affaires et il est vraisemblable que les modalités d'établissement de la contribution sur les dépenses de promotion sont indifférentes sur ce point. En revanche, l'objectif poursuivi par la mesure - et dont la rationalité ne peut être contestée - est d'inciter les entreprises à modérer leurs dépenses de promotion et les modalités de détermination de la contribution sont bien cohérentes avec cet objectif.

S'agissant des effets de seuil, on relèvera qu'ils sont limités par le mode de calcul de la contribution. En effet, contrairement à ce que semblent considérer les députés auteurs de la saisine, le calcul s'effectue par tranches : il est ainsi de 9,5 % pour la part des dépenses correspondant à un ratio inférieur à 10 %, puis de 17 % pour la part des dépenses correspondant à un ratio compris entre 10 % et 12 %, de 25 % entre 12 % et 14 % et de 31 % pour la part correspondant à un ratio supérieur à 14 %. Les effets de seuil sont ainsi lissés et leur effet est considérablement minoré par cette technique de calcul, qui n'est pas sans précédent en matière fiscale, notamment pour l'impôt sur le revenu.

  1. En second lieu, l'argumentation mettant en cause l'abattement introduit par la loi ne peut davantage être accueillie.

Contrairement, en effet, à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, l'article L. 5122-11 du code de la santé publique impose aux visiteurs médicaux de relayer les effets indésirables constatés par les prescripteurs. La pharmacovigilance n'est donc pas étrangère à leur activité. L'abattement introduit dans le régime de cette contribution est ainsi justifié par l'existence de cette obligation qui incombe aux visiteurs médicaux et donc, par voie de conséquence, aux employeurs de ces derniers.

On remarquera ensuite que le législateur a retenu un mécanisme d'abattement forfaitaire de 3 % sur l'ensemble des rémunérations des visiteurs médicaux et non une déductibilité de dépenses réellement engagées, dont le montant serait, par définition, difficile à mesurer. Le montant de l'abattement est ainsi défini sans ambiguïté par le législateur, qui n'est nullement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer.

De même peut-on relever que les dispositions relatives à l'assiette de la taxe sont fixées par l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, issu de l'ordonnance no 82-290 du 30 mars 1982, qui la définit avec la précision souhaitable. Les dispositions en cause ne sont pas modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 qui se borne à ajouter, dans cet article qui en comporte déjà, des abattements supplémentaires.


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Version 1

V. - Sur l'article 20

A. - Cet article modifie l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution dont sont redevables les entreprises assurant l'exploitation en France d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques donnant lieu à remboursement par les caisses d'assurance maladie ou de médicaments agréés aux collectivités et autres services publics.

L'assiette de cette contribution est égale au total des charges comptabilisées au cours du dernier exercice clos au titre des frais de prospection et d'information des praticiens afférents à l'exploitation en France des spécialités pharmaceutiques remboursables ou des médicaments agrées aux collectivités. En sont exonérées les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France est inférieur à 15 millions d'euros (100 MF).

Pour freiner la progression des dépenses de médicaments remboursables induite par la forte croissance du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique attendue sur l'exercice 2001, il apparaît nécessaire d'intervenir en vue d'infléchir l'activité promotionnelle des laboratoires pharmaceutiques en direction des prescripteurs. En effet, les dépenses de promotion peuvent donner lieu, au-delà d'un certain montant, à une pression excessive sur les prescripteurs. C'est pourquoi l'article 20 de la loi déférée accroît le rendement et la progressivité de cette contribution, les sommes ainsi perçues devant bénéficier à la branche maladie.

Selon les députés, auteurs du premier recours, les règles de détermination du taux de cette contribution ne prennent en compte ni les différences de situation pouvant exister entre les redevables, ni leurs capacités contributives. La référence aux dépenses de promotion ne serait pas non plus rationnelle, dans la mesure où elle inciterait à la réduction des effectifs de visiteurs médicaux et porterait ainsi atteinte à leur droit du travail. En outre, ces mêmes règles avantageraient les laboratoires réalisant le plus gros chiffre d'affaires. Enfin, la loi introduirait des effets de seuil contraires au principe posé par l'article 13 de la Déclaration de 1789.

Les requérants contestent aussi l'assiette de la contribution. Ils estiment que la prise en compte des activités de pharmacovigilance pour introduire un abattement n'est pas rationnelle et que la loi ne pouvait s'abstenir de préciser ce que sont les frais de prospection qu'elle entend prendre en compte. Cette incompétence négative serait d'autant plus grave que seraient en cause plusieurs libertés dont les limites ne peuvent être fixées que par la loi. Ils ajoutent que l'article contesté méconnaît le principe de nécessité de l'impôt.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que ces dispositions sont conformes aux principes constitutionnels.

1. S'agissant en premier lieu du taux de la taxe, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, le fait de retenir les dépenses de promotion comme dividende du rapport déterminant ce taux est bien fondé sur un critère en rapport avec les capacités contributives des redevables.

Il convient en effet de souligner que le diviseur de ce même rapport est précisément le chiffre d'affaires des entreprises, lequel constitue naturellement un élément déterminant de leur capacité contributive. En outre, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 100 MF sont exonérées de cette contribution.

Dans ces conditions, le fait qu'une part prépondérante des dépenses de promotion soit consacrée à la rémunération des visiteurs médicaux ne saurait faire obstacle au pouvoir du législateur de déterminer l'assiette et les taux de la contribution en tenant compte du montant de ses dépenses. Quant au droit au travail de ces salariés, la loi n'y porte évidemment aucune atteinte.

On ajoutera que c'est précisément pour viser non le montant en valeur absolue des dépenses de promotion mais leur part relative que le chiffre d'affaires a été choisi comme diviseur de ce rapport. Il est parfaitement logique que les dépenses de promotion varient en fonction de la taille des entreprises et de l'importance de leurs chiffres d'affaires. Ne pas tenir compte de cette réalité serait précisément méconnaître les capacités contributives des redevables.

Il faut souligner en effet que la définition de l'assiette de la taxe est avant tout en cohérence avec l'objectif poursuivi, qui est de diminuer la pression promotionnelle qui s'exerce sur les prescripteurs. Dans cet objectif, il est logique que cette assiette soit constituée de l'effort promotionnel mesuré par le rapport entre les dépenses promotionnelles et le chiffre d'affaires. Il est logique également que le taux de la taxe soit d'autant plus élevé que ce ratio est plus fort.

Quant à l'argument selon lequel ce choix aurait en fait pour conséquence d'inciter les entreprises à augmenter leur chiffre d'affaires, il est dépourvu de portée : en tout état de cause, l'objectif même de toute entreprise est d'accroître son chiffre d'affaires et il est vraisemblable que les modalités d'établissement de la contribution sur les dépenses de promotion sont indifférentes sur ce point. En revanche, l'objectif poursuivi par la mesure - et dont la rationalité ne peut être contestée - est d'inciter les entreprises à modérer leurs dépenses de promotion et les modalités de détermination de la contribution sont bien cohérentes avec cet objectif.

S'agissant des effets de seuil, on relèvera qu'ils sont limités par le mode de calcul de la contribution. En effet, contrairement à ce que semblent considérer les députés auteurs de la saisine, le calcul s'effectue par tranches : il est ainsi de 9,5 % pour la part des dépenses correspondant à un ratio inférieur à 10 %, puis de 17 % pour la part des dépenses correspondant à un ratio compris entre 10 % et 12 %, de 25 % entre 12 % et 14 % et de 31 % pour la part correspondant à un ratio supérieur à 14 %. Les effets de seuil sont ainsi lissés et leur effet est considérablement minoré par cette technique de calcul, qui n'est pas sans précédent en matière fiscale, notamment pour l'impôt sur le revenu.

2. En second lieu, l'argumentation mettant en cause l'abattement introduit par la loi ne peut davantage être accueillie.

Contrairement, en effet, à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, l'article L. 5122-11 du code de la santé publique impose aux visiteurs médicaux de relayer les effets indésirables constatés par les prescripteurs. La pharmacovigilance n'est donc pas étrangère à leur activité. L'abattement introduit dans le régime de cette contribution est ainsi justifié par l'existence de cette obligation qui incombe aux visiteurs médicaux et donc, par voie de conséquence, aux employeurs de ces derniers.

On remarquera ensuite que le législateur a retenu un mécanisme d'abattement forfaitaire de 3 % sur l'ensemble des rémunérations des visiteurs médicaux et non une déductibilité de dépenses réellement engagées, dont le montant serait, par définition, difficile à mesurer. Le montant de l'abattement est ainsi défini sans ambiguïté par le législateur, qui n'est nullement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer.

De même peut-on relever que les dispositions relatives à l'assiette de la taxe sont fixées par l'article L. 245-2 du code de la sécurité sociale, issu de l'ordonnance no 82-290 du 30 mars 1982, qui la définit avec la précision souhaitable. Les dispositions en cause ne sont pas modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 qui se borne à ajouter, dans cet article qui en comporte déjà, des abattements supplémentaires.