VII. - Sur l'article 56
A. - L'article 56 prévoit le remboursement par la Caisse nationale des allocations familiales aux différents organismes payeurs ainsi qu'à l'Etat des dépenses afférentes au congé de paternité créé par l'article 55 de la même loi.
Tirant argument du caractère de cette prestation, qui relèverait du domaine de l'assurance maladie-maternité, les sénateurs, auteurs du second recours considèrent que cette disposition méconnaît le 3o du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale qui, selon eux, imposerait qu'une prestation servie par une branche déterminée soit financée par cette même branche. Il estiment en outre que le remboursement de cette prestation à l'Etat méconnaît le principe d'universalité budgétaire qui fait obstacle à ce que des charges permanentes de l'Etat ne soit pas prises en charge par le budget.
B. - Ces moyens sont inopérants.
Ils reposent, là aussi, sur une confusion entre la détermination de la collectivité ou de l'organisme à qui incombe certaines dépenses et les modalités de financement des dépenses en cause.
Or le 3o du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, qui ne concerne que la présentation, par branche, des objectifs de dépenses des régimes obligatoires n'a ni pour objet, ni pour effet de déterminer les conditions dans lesquelles ces dépenses devraient être financées. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs déjà admis qu'une prestation servie par une branche puisse être financée par une autre branche dans la mesure où cette prestation entre bien par nature dans le périmètre de la branche. Il en est ainsi des majorations de pension pour enfants, avantages familiaux différés pris en charge par la branche famille (no 2000-437 DC du 19 décembre 2000).
Le congé de paternité ressortit incontestablement à la politique familiale. Il vise à permettre l'épanouissement, dès la naissance, des liens entre les pères et leurs enfants et un égal exercice de l'autorité parentale par le père et la mère. Cette mesure s'inscrit dans une politique plus large de renforcement des liens de filiation, que portent également par exemple la proposition de loi en cours d'examen sur l'autorité parentale ou l'expérimentation d'un livret de paternité, et des conditions d'exercice de l'autorité parentale.
Le recours aux caisses d'assurance maladie pour le service de la prestation se justifie par l'objectif d'assurer, y compris dans la façon dont les jours de repos sont indemnisés, un égal exercice de leurs droits par les parents : les pères en congé sont indemnisés de la même façon que le sont les femmes en congé de maternité appartenant au même régime. Or il n'aurait pas été de bonne gestion de faire servir par les caisse d'allocations familiales une prestation que les organismes d'assurance maladie ont d'ores et déjà l'habitude de liquider et de servir. Le service de la prestation par les caisses d'assurance maladie, pour lesquelles elles reçoivent une rémunération de la branche famille, est donc une modalité de mise en oeuvre de la mesure cohérente avec l'objectif qu'elle poursuit.
De même le principe d'universalité budgétaire, tel qu'il a été énoncé par le Conseil constitutionnel dans la décision no 94-351 DC du 29 décembre 1994, n'est-il nullement en cause ici : les dépenses correspondant aux versements effectués par l'Etat à ses agents au titre de la nouvelle prestation sont retracées par le projet de loi de finances pour 2002, puisque les agents concernés conservent leur traitement. L'article 56 de la loi déférée se borne à définir les modalités de participation de la CNAF à ces dépenses.
Les fonctionnaires de l'Etat ne bénéficient pas d'indemnités journalières mais voient l'intégralité de leur rémunération maintenue durant la durée du congé de maternité. Par symétrie, les pères en congé de paternité verraient donc maintenue l'intégralité de leur traitement durant le congé.
Une partie de cette rémunération sera prise en charge par la CNAF et donnera lieu à remboursement par la CNAF à l'Etat. Cette part sera calculée, pour des raisons d'équité, dans des conditions équivalentes à l'allocation servie aux salariés du régime général (rémunération nette sous plafond). L'Etat garantira par ailleurs, au-delà du remboursement opéré par la CNAF, le maintien de la rémunération du fonctionnaire, de la même façon que les employeurs privés pourront garantir, s'ils le souhaitent, le maintien du salaire à leurs agents.
Le congé de paternité, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, est une prestation de la politique familiale et son financement relève de la branche famille. Or l'Etat n'est pas son propre assureur en matière de politique familiale : il ne fait que servir pour le compte de la CNAF les prestations - en application de l'article L. 212-1 du code de la sécurité sociale - mais est assujetti, comme les autres employeurs, à une cotisation assise sur le traitement de ses agents (au même taux de 5,4 % minoré de 0,2 point en contrepartie du service des prestations). En pratique, il verse à la CNAF le solde de la contribution à laquelle il est assujetti et des prestations servies sur son budget.
La part de la rémunération servie par l'Etat aux fonctionnaires pendant la durée du congé de paternité et compensée par la CNAF n'est donc que la contrepartie de la cotisation versée par l'Etat au titre de la branche famille, dont le taux est maintenu. Il ne s'agit donc pas d'un transfert de charges, pas plus que ne pourrait être qualifiée de transfert la création ou l'augmentation d'une prestation familiale. Sans compensation du coût par la CNAF, l'Etat employeur serait dans une situation inéquitable puisque, bien que cotisant au titre des prestations familiales comme les employeurs privés, il serait obligé de supporter le coût du congé de paternité alors que ce coût serait pris en charge pour les employeurs privés par la branche famille.
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