JORF n°172 du 27 juillet 2000

IV. - Sur le respect, par le législateur, des principes constitutionnels relatifs au droit de propriété et à la liberté des individus

A. - Selon les requérants, quatre dispositions mettent en cause ces principes.

Ils critiquent d'abord la formulation adoptée, à l'article 2 du texte déféré, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse. Selon eux, la troisième phrase du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, aux termes de laquelle la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété », porte en réalité atteinte à ce droit. Ils estiment que les usages ainsi visés sont eux-mêmes l'un des éléments du droit de propriété. Il s'agirait donc d'une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, faute de nécessité publique et d'indemnisation juste et préalable.

Les requérants contestent ensuite, sur le même fondement, ainsi que sur celui des articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, les dispositions du IV de l'article 14 qui définissent les conséquences de l'exercice du droit d'opposition ouvert par le 5o nouveau de l'article L. 222-10. Ils estiment que le législateur ne pouvait, sans porter une atteinte excessive à ces principes, prévoir, comme le fait le nouvel article L. 222-13-1, que cette opposition n'est recevable que si elle porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires ou copropriétaires en cause.

C'est également une atteinte excessive au droit de propriété qui résulterait, selon la saisine, de l'article 24 de la loi qui interdit la pratique de la chasse à tir un jour par semaine. Ce faisant, le législateur priverait le propriétaire de son droit de faire un libre usage de ses biens. De plus, les requérants estiment qu'aucune nécessité publique évidente ne justifie une telle mesure et relèvent qu'aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité n'est prévu.

Enfin, le droit de propriété serait méconnu par l'article 28 de la loi, dont le cinquième alinéa prévoit une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes. Cette disposition conduirait, selon eux, le propriétaire visé par l'obligation ainsi instituée, s'il n'est pas également propriétaire des plans d'eau situés à proximité de son installation, à pénétrer sur des terres sur lesquelles il ne dispose d'aucun droit.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère qu'aucune de ces dispositions ne méconnaît les principes invoqués.

Il convient à cet égard de souligner que les requérants se méprennent tant sur la portée des principes déduits de l'article 17 de la Déclaration de 1789 que sur la nature exacte des dispositions qu'ils critiquent.

S'agissant des principes, et s'il n'est pas douteux que le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, il est tout aussi constant que le législateur peut, sans prévoir une indemnisation préalable ni méconnaître l'article 17 de la Déclaration, en réglementer l'exercice en fonction de considération d'intérêt général (no 84-172 DC du 26 juillet 1984 ; no 85-189 DC du 17 juillet 1985 ; no 98-403 DC du 28 juillet 1998).

Dans toutes ces hypothèses - y compris, comme le souligne la décision no 98-403 en matière de réquisition - on se situe hors du champ des exigences posées par l'article 17 de la Déclaration, notamment en matière d'indemnisation préalable, pour le seul cas de privation du droit de propriété.

Compte tenu de cette jurisprudence, et eu égard à la nature exacte des dispositions contestées, l'argumentation des auteurs de la saisine est largement inopérante.

  1. C'est évidemment en vain qu'ils invoquent l'article 17 pour contester la formulation adoptée, à l'article 2 de la loi déférée, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse : il résulte des termes mêmes du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, que si la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature », c'est aussi « dans le respect du droit de propriété ».

La formulation de ces principes ne saurait donc avoir pour effet de porter au droit de propriété une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789.

  1. Cet article n'est pas davantage méconnu, non plus que les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, par les dispositions de l'article 14 relatives aux conséquences du droit, ouvert par la loi aux propriétaires dont les terrains sont inclus dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée, de s'opposer à l'exercice de cette activité sur leurs terrains.

D'une part, en effet, il n'y a, là encore, aucune privation du droit de propriété, au sens de l'article 17.

D'autre part, et compte tenu des finalités d'intérêt général poursuivies par ces associations, le législateur était fondé à soumettre à des conditions le droit d'opposition. Et dès lors que ce droit, fondé sur une objection de conscience, est ouvert aux personnes qui sont hostiles à la pratique de la chasse, il peut sembler cohérent que l'opposition porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires en cause.

Au demeurant, on observera qu'il ne résulte pas des termes du nouvel article L. 222-13-1, qui énonce cette règle, que seraient ainsi visées toutes les propriétés qu'une même personne peut posséder dans différentes communes du territoires national. Eu égard à l'objet de cette mesure, qui concerne la délimitation du périmètre d'une association communale déterminée, ainsi qu'à l'économie générale des dispositions dans lesquelles cet article s'insère, il est au contraire logique de l'interpréter comme ne visant que l'ensemble des terrains que les intéressés possèdent dans le ressort de l'association, c'est-à-dire dans la commune.

  1. De même est-ce à tort que la saisine fait grief à l'article 24, relatif au jour de non-chasse, de ne pas reposer sur une nécessité publique évidente et de n'avoir prévu aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité.

Il résulte en effet de la jurisprudence rappelée plus haut qu'une telle disposition n'entre pas dans le champ des exigences posées, à cet égard, par l'article 17 de la Déclaration de 1789.

Par ailleurs, et dans la mesure où les requérants entendent soutenir que la mesure qu'ils contestent porte néanmoins une atteinte excessive au droit de propriété, cette argumentation n'est pas non plus fondée. En adoptant cette disposition, qui ne vise que la chasse à tir, le législateur a entendu tenir compte des risques que cette activité est susceptible de présenter pour les promeneurs, et en particulier pour les enfants. C'est dans ce but, qui correspond à des finalités d'intérêt général, que la loi a prévu de ménager dans la semaine une journée pendant laquelle tout risque est exclu. Ce faisant, le législateur a procédé, comme il lui appartient de le faire, à une conciliation équilibrée des différents intérêts en présence.

  1. Enfin, le droit de propriété n'est pas non plus méconnu par les dispositions de l'article 28 de la loi prévoyant une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes.

En contrepartie de l'avantage que les propriétaires de postes fixes de chasse au gibier d'eau retirent de la proximité de plans d'eau, le législateur a entendu logiquement poser le principe de leur participation à leur entretien. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet de conduire ceux à qui elle s'adresse à violer le droit de propriété d'autrui. En particulier, sa mise en oeuvre peut prendre diverses formes et n'implique pas que les propriétaires de postes fixes soumis à cette obligation pénètrent sur des terres contre la volonté du propriétaire de celles-ci.


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Version 1

IV. - Sur le respect, par le législateur, des principes constitutionnels relatifs au droit de propriété et à la liberté des individus

A. - Selon les requérants, quatre dispositions mettent en cause ces principes.

Ils critiquent d'abord la formulation adoptée, à l'article 2 du texte déféré, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse. Selon eux, la troisième phrase du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, aux termes de laquelle la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature, dans le respect du droit de propriété », porte en réalité atteinte à ce droit. Ils estiment que les usages ainsi visés sont eux-mêmes l'un des éléments du droit de propriété. Il s'agirait donc d'une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, faute de nécessité publique et d'indemnisation juste et préalable.

Les requérants contestent ensuite, sur le même fondement, ainsi que sur celui des articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, les dispositions du IV de l'article 14 qui définissent les conséquences de l'exercice du droit d'opposition ouvert par le 5o nouveau de l'article L. 222-10. Ils estiment que le législateur ne pouvait, sans porter une atteinte excessive à ces principes, prévoir, comme le fait le nouvel article L. 222-13-1, que cette opposition n'est recevable que si elle porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires ou copropriétaires en cause.

C'est également une atteinte excessive au droit de propriété qui résulterait, selon la saisine, de l'article 24 de la loi qui interdit la pratique de la chasse à tir un jour par semaine. Ce faisant, le législateur priverait le propriétaire de son droit de faire un libre usage de ses biens. De plus, les requérants estiment qu'aucune nécessité publique évidente ne justifie une telle mesure et relèvent qu'aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité n'est prévu.

Enfin, le droit de propriété serait méconnu par l'article 28 de la loi, dont le cinquième alinéa prévoit une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes. Cette disposition conduirait, selon eux, le propriétaire visé par l'obligation ainsi instituée, s'il n'est pas également propriétaire des plans d'eau situés à proximité de son installation, à pénétrer sur des terres sur lesquelles il ne dispose d'aucun droit.

B. - Pour sa part, le Gouvernement considère qu'aucune de ces dispositions ne méconnaît les principes invoqués.

Il convient à cet égard de souligner que les requérants se méprennent tant sur la portée des principes déduits de l'article 17 de la Déclaration de 1789 que sur la nature exacte des dispositions qu'ils critiquent.

S'agissant des principes, et s'il n'est pas douteux que le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, il est tout aussi constant que le législateur peut, sans prévoir une indemnisation préalable ni méconnaître l'article 17 de la Déclaration, en réglementer l'exercice en fonction de considération d'intérêt général (no 84-172 DC du 26 juillet 1984 ; no 85-189 DC du 17 juillet 1985 ; no 98-403 DC du 28 juillet 1998).

Dans toutes ces hypothèses - y compris, comme le souligne la décision no 98-403 en matière de réquisition - on se situe hors du champ des exigences posées par l'article 17 de la Déclaration, notamment en matière d'indemnisation préalable, pour le seul cas de privation du droit de propriété.

Compte tenu de cette jurisprudence, et eu égard à la nature exacte des dispositions contestées, l'argumentation des auteurs de la saisine est largement inopérante.

1. C'est évidemment en vain qu'ils invoquent l'article 17 pour contester la formulation adoptée, à l'article 2 de la loi déférée, pour énoncer les principes généraux relatifs à la pratique de la chasse : il résulte des termes mêmes du troisième alinéa du nouvel article L. 220-1, que si la chasse s'exerce « dans des conditions compatibles avec les usages non appropriatifs de la nature », c'est aussi « dans le respect du droit de propriété ».

La formulation de ces principes ne saurait donc avoir pour effet de porter au droit de propriété une atteinte contraire à l'article 17 de la Déclaration de 1789.

2. Cet article n'est pas davantage méconnu, non plus que les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration, par les dispositions de l'article 14 relatives aux conséquences du droit, ouvert par la loi aux propriétaires dont les terrains sont inclus dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée, de s'opposer à l'exercice de cette activité sur leurs terrains.

D'une part, en effet, il n'y a, là encore, aucune privation du droit de propriété, au sens de l'article 17.

D'autre part, et compte tenu des finalités d'intérêt général poursuivies par ces associations, le législateur était fondé à soumettre à des conditions le droit d'opposition. Et dès lors que ce droit, fondé sur une objection de conscience, est ouvert aux personnes qui sont hostiles à la pratique de la chasse, il peut sembler cohérent que l'opposition porte sur l'ensemble des terrains appartenant aux propriétaires en cause.

Au demeurant, on observera qu'il ne résulte pas des termes du nouvel article L. 222-13-1, qui énonce cette règle, que seraient ainsi visées toutes les propriétés qu'une même personne peut posséder dans différentes communes du territoires national. Eu égard à l'objet de cette mesure, qui concerne la délimitation du périmètre d'une association communale déterminée, ainsi qu'à l'économie générale des dispositions dans lesquelles cet article s'insère, il est au contraire logique de l'interpréter comme ne visant que l'ensemble des terrains que les intéressés possèdent dans le ressort de l'association, c'est-à-dire dans la commune.

3. De même est-ce à tort que la saisine fait grief à l'article 24, relatif au jour de non-chasse, de ne pas reposer sur une nécessité publique évidente et de n'avoir prévu aucun mécanisme assurant une juste et préalable indemnité.

Il résulte en effet de la jurisprudence rappelée plus haut qu'une telle disposition n'entre pas dans le champ des exigences posées, à cet égard, par l'article 17 de la Déclaration de 1789.

Par ailleurs, et dans la mesure où les requérants entendent soutenir que la mesure qu'ils contestent porte néanmoins une atteinte excessive au droit de propriété, cette argumentation n'est pas non plus fondée. En adoptant cette disposition, qui ne vise que la chasse à tir, le législateur a entendu tenir compte des risques que cette activité est susceptible de présenter pour les promeneurs, et en particulier pour les enfants. C'est dans ce but, qui correspond à des finalités d'intérêt général, que la loi a prévu de ménager dans la semaine une journée pendant laquelle tout risque est exclu. Ce faisant, le législateur a procédé, comme il lui appartient de le faire, à une conciliation équilibrée des différents intérêts en présence.

4. Enfin, le droit de propriété n'est pas non plus méconnu par les dispositions de l'article 28 de la loi prévoyant une participation des propriétaires de postes fixes à l'entretien des plans d'eau situés à proximité de ces postes.

En contrepartie de l'avantage que les propriétaires de postes fixes de chasse au gibier d'eau retirent de la proximité de plans d'eau, le législateur a entendu logiquement poser le principe de leur participation à leur entretien. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette disposition n'a ni pour objet, ni pour effet de conduire ceux à qui elle s'adresse à violer le droit de propriété d'autrui. En particulier, sa mise en oeuvre peut prendre diverses formes et n'implique pas que les propriétaires de postes fixes soumis à cette obligation pénètrent sur des terres contre la volonté du propriétaire de celles-ci.