JORF n°172 du 27 juillet 2000

III. - Sur les autres moyens mettant en cause

l'exercice de sa compétence par le législateur

A. - L'article 23 de la loi insère, dans le code rural, deux nouveaux articles relatifs aux règles de sécurité : l'article L. 224-13 entend prescrire l'observation de règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles ; l'article L. 224-14 confie à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les modalités.

Par ailleurs, l'article 32 crée un nouvel article L. 225-5 suivant lequel l'autorité administrative peut, après avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, fixer le nombre maximal d'animaux qu'un chasseur est autorisé à capturer dans une période déterminée sur un territoire donné.

Selon les députés, auteurs du recours, le législateur serait demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution en donnant au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive.

B. - Le Gouvernement estime, au contraire, que l'article 34 n'a pas été méconnu.

Il convient en effet de rappeler que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.

Or on est ici en présence de mesures de police, et le législateur n'est pas tenu d'énoncer les précisions qui, selon les requérants, font défaut. Il résulte en effet d'une jurisprudence traditionnelle que la mission constitutionnelle d'exécution des lois comporte le maintien de l'ordre, et en particulier de la sécurité. Issue de la décision du Conseil d'Etat du 8 août 1919, Labonne, cette thèse a été consacrée, sous la Ve République, par la décision no 87-149 L du 20 février 1987 rendue par le Conseil constitutionnel à propos, précisément, des dispositions du code rural relatives à la chasse. Cette décision met en évidence la distinction entre la police générale, qui appartient au Premier ministre sur l'ensemble du territoire et qu'il peut exercer sans aucune habilitation législative particulière, et la police spéciale, en particulier celle de la chasse, dont le principe doit être prévu par le législateur, dans la mesure où elle touche au droit de propriété.

C'est à chacune de ces deux catégories de polices que se rattachent les dispositions critiquées.

  1. C'est, en effet, de la police générale que relève l'édiction de règles protégeant les personnes, qu'il s'agisse des chasseurs ou des tiers, dont la sécurité est susceptible d'être affectée par une activité dangereuse telle que le tir à balles. Suivant qu'elles concernent une commune, un département ou l'ensemble du territoire, ces règles peuvent, d'ores et déjà, être définies par arrêtés du maire, du préfet ou par décret du Premier ministre.

En adoptant l'article 23, le législateur a entendu marquer la nécessité d'une telle réglementation et prévoir, comme il lui était loisible de le faire, qu'en ce domaine le Premier ministre exercerait son pouvoir réglementaire par voie de décret en Conseil d'Etat. S'agissant de police générale, la Constitution ne lui faisait pas obligation d'en dire plus.

  1. Le cadre constitutionnel dans lequel s'inscrit l'article 32 est un peu différent, dans la mesure où il s'agit ici de la police spéciale de la chasse, laquelle poursuit une finalité particulière de conservation du gibier.

C'est à ce titre que la loi prévoit déjà l'existence de plans de chasse, dont l'actuel article L. 225-1 du code rural dispose qu'ils fixent le prélèvement autorisé sur un territoire donné pendant une campagne de chasse en fonction de l'abondance du gibier. Pour les espèces soumises à ce régime, le tir des animaux n'est possible qu'en conformité avec le plan, et dans ses limites.

En faisant grief à la loi de donner au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive, les requérants se fondent sur une argumentation quelque peu paradoxale, dans la mesure où, en réalité, les dispositions critiquées ont pour objet et pour effet de renforcer l'encadrement, par le législateur, de l'exercice de la police de la chasse par l'autorité administrative.

La loi consacre expressément la possibilité de fixer des prélèvements maximaux autorisés, ce qui se déduisait en tout état de cause de la finalité de cette police. Il est d'autant plus paradoxal de contester l'article 32 sur le terrain de l'incompétence négative que le nouvel article L. 225-5 prévoit, non seulement l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat - qui pourra, par exemple, prévoir une contravention en cas de non-respect du prélèvement maximal autorisé - mais aussi un avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse. En outre, le législateur précise que les dispositions prises à ce titre devront prendre en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique.

C'est donc en vain qu'il est fait grief au législateur d'être resté en deçà de la compétence.


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Version 1

III. - Sur les autres moyens mettant en cause

l'exercice de sa compétence par le législateur

A. - L'article 23 de la loi insère, dans le code rural, deux nouveaux articles relatifs aux règles de sécurité : l'article L. 224-13 entend prescrire l'observation de règles garantissant la sécurité des chasseurs et des tiers dans le déroulement de toute action de chasse ou de destruction d'animaux nuisibles, particulièrement lorsqu'il est recouru au tir à balles ; l'article L. 224-14 confie à un décret en Conseil d'Etat le soin d'en préciser les modalités.

Par ailleurs, l'article 32 crée un nouvel article L. 225-5 suivant lequel l'autorité administrative peut, après avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, fixer le nombre maximal d'animaux qu'un chasseur est autorisé à capturer dans une période déterminée sur un territoire donné.

Selon les députés, auteurs du recours, le législateur serait demeuré en deçà de la compétence que lui assigne l'article 34 de la Constitution en donnant au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive.

B. - Le Gouvernement estime, au contraire, que l'article 34 n'a pas été méconnu.

Il convient en effet de rappeler que le grief d'« incompétence négative » ne peut être utilement invoqué, et déboucher le cas échéant sur une censure, que lorsque le législateur est véritablement resté en deçà de la compétence que l'article 34 de la Constitution lui fait obligation d'exercer : c'est dire qu'un tel moyen est inopérant lorsque les dispositions en cause ne sont pas au nombre de celles que la Constitution range dans le domaine de la loi.

Or on est ici en présence de mesures de police, et le législateur n'est pas tenu d'énoncer les précisions qui, selon les requérants, font défaut. Il résulte en effet d'une jurisprudence traditionnelle que la mission constitutionnelle d'exécution des lois comporte le maintien de l'ordre, et en particulier de la sécurité. Issue de la décision du Conseil d'Etat du 8 août 1919, Labonne, cette thèse a été consacrée, sous la Ve République, par la décision no 87-149 L du 20 février 1987 rendue par le Conseil constitutionnel à propos, précisément, des dispositions du code rural relatives à la chasse. Cette décision met en évidence la distinction entre la police générale, qui appartient au Premier ministre sur l'ensemble du territoire et qu'il peut exercer sans aucune habilitation législative particulière, et la police spéciale, en particulier celle de la chasse, dont le principe doit être prévu par le législateur, dans la mesure où elle touche au droit de propriété.

C'est à chacune de ces deux catégories de polices que se rattachent les dispositions critiquées.

1. C'est, en effet, de la police générale que relève l'édiction de règles protégeant les personnes, qu'il s'agisse des chasseurs ou des tiers, dont la sécurité est susceptible d'être affectée par une activité dangereuse telle que le tir à balles. Suivant qu'elles concernent une commune, un département ou l'ensemble du territoire, ces règles peuvent, d'ores et déjà, être définies par arrêtés du maire, du préfet ou par décret du Premier ministre.

En adoptant l'article 23, le législateur a entendu marquer la nécessité d'une telle réglementation et prévoir, comme il lui était loisible de le faire, qu'en ce domaine le Premier ministre exercerait son pouvoir réglementaire par voie de décret en Conseil d'Etat. S'agissant de police générale, la Constitution ne lui faisait pas obligation d'en dire plus.

2. Le cadre constitutionnel dans lequel s'inscrit l'article 32 est un peu différent, dans la mesure où il s'agit ici de la police spéciale de la chasse, laquelle poursuit une finalité particulière de conservation du gibier.

C'est à ce titre que la loi prévoit déjà l'existence de plans de chasse, dont l'actuel article L. 225-1 du code rural dispose qu'ils fixent le prélèvement autorisé sur un territoire donné pendant une campagne de chasse en fonction de l'abondance du gibier. Pour les espèces soumises à ce régime, le tir des animaux n'est possible qu'en conformité avec le plan, et dans ses limites.

En faisant grief à la loi de donner au Gouvernement, sur la base de dispositions imprécises, une habilitation excessive, les requérants se fondent sur une argumentation quelque peu paradoxale, dans la mesure où, en réalité, les dispositions critiquées ont pour objet et pour effet de renforcer l'encadrement, par le législateur, de l'exercice de la police de la chasse par l'autorité administrative.

La loi consacre expressément la possibilité de fixer des prélèvements maximaux autorisés, ce qui se déduisait en tout état de cause de la finalité de cette police. Il est d'autant plus paradoxal de contester l'article 32 sur le terrain de l'incompétence négative que le nouvel article L. 225-5 prévoit, non seulement l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat - qui pourra, par exemple, prévoir une contravention en cas de non-respect du prélèvement maximal autorisé - mais aussi un avis de la fédération nationale ou départementale des chasseurs et de l'Office national de la chasse. En outre, le législateur précise que les dispositions prises à ce titre devront prendre en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique.

C'est donc en vain qu'il est fait grief au législateur d'être resté en deçà de la compétence.