JORF n°172 du 27 juillet 2000

II. - Sur l'exercice, par le Parlement,

de sa compétence en matière financière

A. - Deux dispositions de la loi déférée sont visées par des critiques fondées sur une atteinte aux règles régissant la « procédure parlementaire en matière financière », c'est-à-dire, en réalité, à la compétence du législateur en la matière.

La première concerne l'article 17, qui entend unifier les procédures annuelles afférentes au permis de chasser en fusionnant, par l'instauration d'un guichet unique, celles qui portent sur la délivrance du visa et sur sa validation annuelle. Est plus particulièrement en cause le XIII de cet article, qui modifie l'article L. 223-17 du code rural en renvoyant à la loi de finances le soin de fixer le montant et les conditions de recouvrement des redevances cynégétiques. Selon les requérants, cette disposition constitue une injonction méconnaissant l'initiative du Gouvernement en matière de lois de finances.

La seconde critique vise le VI de l'article 31, et plus précisément l'article L. 225-4 du code rural. Les auteurs de la saisine relèvent que le deuxième alinéa de cet article dispose que les taux des taxes de plan de chasse sont fixés par arrêté. Ce faisant, le législateur méconnaîtrait la compétence que lui attribue la Constitution, soit que l'on considère ces taxes comme des impositions, soit que l'on y voie des cotisations relevant des assemblées générales des fédérations de chasseurs.

B. - Ces critiques ne sont pas fondées.

  1. S'agissant de l'article 17, le législateur a entendu améliorer le régime juridique des redevances cynégétiques, prévues par l'article L. 223-16 du code rural et perçues lors de la validation du permis de chasser.

Comme le souligne notamment le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat annexé au procès-verbal de la séance du 20 juin 2000, le régime actuel, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat et à des arrêtés la fixation du montant de ces prélèvements, n'est pas satisfaisant, mais le législateur n'a pas estimé devoir remettre en cause, pour la campagne de chasse 2000-2001, les tarifs qui avaient été fixés sur cette base. Aussi a-t-il été jugé préférable de renvoyer à la loi de finances le soin de fixer le montant de ces redevances et les conditions de leur recouvrement.

Cette disposition ne saurait être interprétée comme une injonction méconnaissant les prérogatives du Gouvernement en la matière. Elle n'a pas non plus pour effet de dessaisir le législateur ordinaire de ses compétences en matière fiscale. Elle témoigne essentiellement de son intention de régler, à l'avenir, la difficulté qui a été mise en évidence au cours des débats, sans remettre en cause immédiatement les tarifs qui avaient été établis pour la prochaine campagne.

  1. Quant aux dispositions de l'article 31, modifiant l'article L. 225-4 du code rural, elles sont, par elles-mêmes, sans effet sur celles du deuxième alinéa de cet article relatives à la fixation par arrêté du taux des taxes de plan de chasse.

En effet, le VI de l'article 31 que les auteurs de la saisine entendent faire déclarer contraire à la Constitution se borne, d'une part, à rendre les bénéficiaires d'un plan de chasse au sanglier redevables de cette taxe et à en fixer le plafond à 100 F pour cette catégorie de gibier, d'autre part, à réduire de 300 F à 200 F le plafond applicable à celle qui est due par cerf sika et par chevreuil, enfin à transférer le produit de ces taxes aux fédérations départementales des chasseurs. Ces dispositions ne touchent donc pas à celles du deuxième alinéa de l'article L. 225-4 qui renvoient aux ministres chargés de la chasse et du budget le soin de fixer, par arrêté, les différents tarifs.

En tout état de cause, et en admettant même que l'adoption du VI de l'article 31 puisse ouvrir la possibilité de remettre en cause la validité de l'article L. 225-4, celui-ci n'est pas contraire à la Constitution.

En premier lieu, on rappellera que la compétence que l'article 34 attribue au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant (cf. par exemple la décision no 99-423 DC du 21 décembre 1999). A cet égard, il convient de relever qu'en l'espèce la loi fixe elle-même le plafond de cette taxe pour chaque catégorie de gibier, et elle le fait à un niveau qui ne laisse au pouvoir réglementaire qu'une marge réduite. En outre, la loi définit clairement l'objet de cette taxe qui est, comme le précise le premier alinéa de l'article L. 225-4, « destinée à assurer une indemnisation convenable aux exploitants agricoles dont les cultures ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux ». Le montant retenu par arrêté ne peut donc qu'être fonction des besoins de financement découlant de ce mécanisme d'indemnisation.

En second lieu, il convient de souligner que, compte tenu de la nouvelle affectation qui lui est donnée (elle bénéficiera à des personnes morales de droit privé, et non plus à un établissement public administratif), la taxe en cause présente désormais les caractéristiques qui auraient permis l'institution d'une taxe parafiscale, au sens de l'article 4 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Son régime pourrait donc relever entièrement du pouvoir réglementaire en application de ce texte, sous la seule réserve que le Parlement en autorise la reconduction au-delà d'une année. Il serait donc paradoxal de reprocher en l'espèce au législateur de ne pas avoir complété le régime de ce prélèvement, au moment même où sa nouvelle affectation permettrait de s'affranchir de toute obligation au regard de l'article 34 de la Constitution.


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Version 1

II. - Sur l'exercice, par le Parlement,

de sa compétence en matière financière

A. - Deux dispositions de la loi déférée sont visées par des critiques fondées sur une atteinte aux règles régissant la « procédure parlementaire en matière financière », c'est-à-dire, en réalité, à la compétence du législateur en la matière.

La première concerne l'article 17, qui entend unifier les procédures annuelles afférentes au permis de chasser en fusionnant, par l'instauration d'un guichet unique, celles qui portent sur la délivrance du visa et sur sa validation annuelle. Est plus particulièrement en cause le XIII de cet article, qui modifie l'article L. 223-17 du code rural en renvoyant à la loi de finances le soin de fixer le montant et les conditions de recouvrement des redevances cynégétiques. Selon les requérants, cette disposition constitue une injonction méconnaissant l'initiative du Gouvernement en matière de lois de finances.

La seconde critique vise le VI de l'article 31, et plus précisément l'article L. 225-4 du code rural. Les auteurs de la saisine relèvent que le deuxième alinéa de cet article dispose que les taux des taxes de plan de chasse sont fixés par arrêté. Ce faisant, le législateur méconnaîtrait la compétence que lui attribue la Constitution, soit que l'on considère ces taxes comme des impositions, soit que l'on y voie des cotisations relevant des assemblées générales des fédérations de chasseurs.

B. - Ces critiques ne sont pas fondées.

1. S'agissant de l'article 17, le législateur a entendu améliorer le régime juridique des redevances cynégétiques, prévues par l'article L. 223-16 du code rural et perçues lors de la validation du permis de chasser.

Comme le souligne notamment le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat annexé au procès-verbal de la séance du 20 juin 2000, le régime actuel, qui renvoie à un décret en Conseil d'Etat et à des arrêtés la fixation du montant de ces prélèvements, n'est pas satisfaisant, mais le législateur n'a pas estimé devoir remettre en cause, pour la campagne de chasse 2000-2001, les tarifs qui avaient été fixés sur cette base. Aussi a-t-il été jugé préférable de renvoyer à la loi de finances le soin de fixer le montant de ces redevances et les conditions de leur recouvrement.

Cette disposition ne saurait être interprétée comme une injonction méconnaissant les prérogatives du Gouvernement en la matière. Elle n'a pas non plus pour effet de dessaisir le législateur ordinaire de ses compétences en matière fiscale. Elle témoigne essentiellement de son intention de régler, à l'avenir, la difficulté qui a été mise en évidence au cours des débats, sans remettre en cause immédiatement les tarifs qui avaient été établis pour la prochaine campagne.

2. Quant aux dispositions de l'article 31, modifiant l'article L. 225-4 du code rural, elles sont, par elles-mêmes, sans effet sur celles du deuxième alinéa de cet article relatives à la fixation par arrêté du taux des taxes de plan de chasse.

En effet, le VI de l'article 31 que les auteurs de la saisine entendent faire déclarer contraire à la Constitution se borne, d'une part, à rendre les bénéficiaires d'un plan de chasse au sanglier redevables de cette taxe et à en fixer le plafond à 100 F pour cette catégorie de gibier, d'autre part, à réduire de 300 F à 200 F le plafond applicable à celle qui est due par cerf sika et par chevreuil, enfin à transférer le produit de ces taxes aux fédérations départementales des chasseurs. Ces dispositions ne touchent donc pas à celles du deuxième alinéa de l'article L. 225-4 qui renvoient aux ministres chargés de la chasse et du budget le soin de fixer, par arrêté, les différents tarifs.

En tout état de cause, et en admettant même que l'adoption du VI de l'article 31 puisse ouvrir la possibilité de remettre en cause la validité de l'article L. 225-4, celui-ci n'est pas contraire à la Constitution.

En premier lieu, on rappellera que la compétence que l'article 34 attribue au législateur en matière d'imposition ne lui interdit nullement d'en déléguer une partie à l'autorité administrative, dès lors que cette délégation fait l'objet d'un encadrement suffisant (cf. par exemple la décision no 99-423 DC du 21 décembre 1999). A cet égard, il convient de relever qu'en l'espèce la loi fixe elle-même le plafond de cette taxe pour chaque catégorie de gibier, et elle le fait à un niveau qui ne laisse au pouvoir réglementaire qu'une marge réduite. En outre, la loi définit clairement l'objet de cette taxe qui est, comme le précise le premier alinéa de l'article L. 225-4, « destinée à assurer une indemnisation convenable aux exploitants agricoles dont les cultures ont subi des dégâts importants du fait de ces animaux ». Le montant retenu par arrêté ne peut donc qu'être fonction des besoins de financement découlant de ce mécanisme d'indemnisation.

En second lieu, il convient de souligner que, compte tenu de la nouvelle affectation qui lui est donnée (elle bénéficiera à des personnes morales de droit privé, et non plus à un établissement public administratif), la taxe en cause présente désormais les caractéristiques qui auraient permis l'institution d'une taxe parafiscale, au sens de l'article 4 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Son régime pourrait donc relever entièrement du pouvoir réglementaire en application de ce texte, sous la seule réserve que le Parlement en autorise la reconduction au-delà d'une année. Il serait donc paradoxal de reprocher en l'espèce au législateur de ne pas avoir complété le régime de ce prélèvement, au moment même où sa nouvelle affectation permettrait de s'affranchir de toute obligation au regard de l'article 34 de la Constitution.