V. - Sur l'absence d'un dispositif d'indemnisation
A. - Compte tenu de l'ensemble des dispositions de la loi substituant un régime de sécurité sociale au mécanisme d'assurance privée qui existait auparavant, et spécialement de celles de l'article 13 prévoyant que les contrats souscrits en application des dispositions antérieurement en vigueur seront résiliés de plein droit à compter du 1er avril 2002, les parlementaires requérants estiment que le législateur aurait dû prévoir un dispositif d'indemnisation. Faute de l'avoir fait, la loi méconnaîtrait, tant les dispositions de l'article 17 de la Déclaration de 1789 protégeant le droit de propriété que celles de l'article 13 relatives à l'égalité devant les charges publiques.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que le législateur n'était nullement tenu de prévoir un dispositif d'indemnisation.
Un tel dispositif ne doit figurer dans la loi, en vertu des principes issus de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme, que lorsque le législateur procède à une privation du droit de propriété, ou rend possible une telle privation. Tel est le cas en matière de nationalisation, d'expropriation et de réquisition.
Il en va tout autrement lorsque le Parlement entend seulement utiliser la compétence que lui reconnaît l'article 34 de la Constitution, pour encadrer la liberté contractuelle ou même l'exercice du droit de propriété : comme le Conseil constitutionnel l'a jugé dans sa décision no 83-162 DC des 19 et 20 juillet 1983, l'article 17 « n'implique nullement que les lois ne puissent restreindre l'exercice du droit de propriété sans une indemnisation corrélative ».
En l'espèce, la loi n'implique aucun transfert d'assurés - et donc de la clientèle constituée par ces assurés pour les compagnies d'assurances opérant dans ce secteur - à un nouveau régime. Dès la mise en oeuvre des dispositions nouvelles, les entreprises opérant déjà sur ce type de risques pourront, dès lors qu'elles en auront reçu l'autorisation, proposer une couverture à leurs assurés et éventuellement d'autres contrats couvrant d'autres risques. La loi ne conduit ainsi pas, par elle-même, à la perte de cette clientèle. Elle n'implique donc nullement que les entreprises concernées soient privées de l'élément de fonds de commerce que cette clientèle représente.
Par ailleurs, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision no 90-287 DC du 16 janvier 1991, l'institution d'une autorisation pour l'exercice de cette activité n'emporte, par elle-même, aucun transfert de propriété.
Dès lors que l'on se situe ainsi en dehors du champ de l'article 17, il suffit que le législateur n'ait pas entendu exclure toute indemnisation (no 99-416 DC du 23 juillet 1999).
Au cas particulier, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la loi n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire l'activité d'assurance dans les domaines relevant de son champ d'application. Les entreprises aujourd'hui actives dans ce champ peuvent, d'ores et déjà, se préparer à proposer une couverture au titre de la nouvelle loi et à participer au groupement d'assureurs. Aujourd'hui, aucune ne peut a priori établir la réalité et l'étendue des préjudices invoqués dans la saisine et moins encore leur caractère anormal et spécial.
Au cas où, néanmoins, l'application de la loi causerait aux organismes d'assurance un préjudice anormal et spécial, la mise en jeu de la responsabilité de l'Etat du fait des lois, conformément à la jurisprudence « société La Fleurette » (CE, Ass. 14 janvier 1938, Leb. p. 25), permettrait la réparation de toute rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques. Il appartiendra à ces entreprises, si elles s'y croient fondées, de demander à ce titre une indemnisation sur laquelle il reviendra, le cas échéant, aux juridictions administratives de statuer.
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