JORF n°303 du 31 décembre 1999

VIII. - Sur l'article 94

A. - L'article 94 de la loi de finances réforme, en les unifiant, les différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé.

Afin de rendre ce régime d'imposition plus simple, et plus accessible, la loi procède à une réécriture de dispositions qui étaient auparavant réparties entre plusieurs articles différents, en reprenant certaines des règles qui étaient auparavant en vigueur. L'article 94 insère dans le code général des impôts un article 150-0 A qui prévoit l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, à un taux de 16 %, des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé lorsque le montant annuel des cessions est supérieur à 50 000 F. En deçà de cette limite, les plus-values sont exonérées d'impôt sur le revenu.

Aux yeux des députés requérants, ce nouveau dispositif méconnaît l'article 13 de la « Déclaration universelle des droits de l'homme » en ne prenant pas en compte la situation familiale du contribuable et, par là même, ses facultés contributives.

B. - Cette critique n'est pas fondée, car elle se méprend sur la portée exacte du dispositif contesté.

On soulignera d'abord que cet article n'institue aucune imposition nouvelle. Procédant d'une inspiration voisine de celle de la codification, il réalise la fusion à droit constant de régimes d'imposition existants.

Ainsi, le seuil d'imposition que contestent les requérants figurait déjà à l'article 92 B du code général des impôts, issu de la loi no 76-660 du 19 juillet 1976, et modifié notamment par la loi no 78-688 du 5 juillet 1978 et par la loi no 82-1126 du 29 décembre 1982. Fixé à l'origine à 150 000 F et indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu jusqu'en 1995, le seuil de cession a progressivement diminué de 345 800 F en 1995, à 200 000 F en 1996, à 100 000 F en 1997 (art. 71 de la loi no 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996) et à 50 000 F à compter du 1er janvier 1998 (art. 77 de la loi no 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998).

Contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants, il ne s'agit nullement d'une mesure d'assiette. En réalité, l'objectif que s'est fixé le législateur depuis 1978 par l'instauration du mécanisme du seuil de cession est un objectif de simplification de l'impôt sur le revenu. Ce mécanisme apparaît en effet comme le mieux adapté pour éviter de faire peser des obligations déclaratives sur des contribuables qui réalisent des cessions de faible montant.

Pour atteindre un tel objectif, il n'est ni pertinent ni nécessaire sur le plan constitutionnel de moduler le seuil en fonction de la composition du foyer.

En effet, le dispositif qu'ils contestent n'a pas le caractère d'un abattement à la base. A la différence d'un abattement, qui a pour effet de modifier l'assiette d'un revenu soumis à l'impôt, le mécanisme du seuil de cession intervient comme un élément de la définition du champ d'application. Le franchissement du seuil de 50 000 F de titres cédés sur l'année distingue les contribuables qui seront éventuellement imposables, dans la mesure où ces cessions auront fait apparaître des plus-values de cession éventuelles, de ceux qui ne le seront pas, parce que la modestie du montant de leurs transactions justifie qu'ils soient dispensés de rechercher si les cessions réalisées se sont traduites par des pertes ou par des gains et, le cas échéant, de déclarer ces derniers.

Or, autant l'assiette de l'impôt peut parfois se prêter à l'exercice de « conjugalisation », et l'abattement sur les dividendes d'actions prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts (8 000 F pour les contribuables célibataires, veufs et divorcés et 16 000 F pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune) en est un exemple très clair, autant la détermination du champ d'application de l'impôt suivant la situation de famille du contribuable n'obéirait à aucune logique pertinente.

A cet égard, le critère choisi pour définir le champ d'application de l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières a véritablement cet effet, et ne commande nullement, même de manière indirecte, l'assiette de l'impôt. Il n'y a en effet aucune corrélation immédiate entre le montant des cessions et celui des plus-values. Bien plus, le dépassement du seuil de cession, parce qu'il fait entrer le contribuable dans le champ d'application de l'impôt, permet seul la prise en compte ou le report des éventuelles moins-values ; les moins-values réalisées par un contribuable dont les cessions n'atteignent pas le seuil de 50 000 F ne sont pas dans le champ d'application, et elles ne sont ni imputables ni reportables. Ce dernier élément montre d'ailleurs qu'une « conjugalisation » du seuil ne se ferait pas exclusivement au bénéfice du contribuable.

Le mécanisme du seuil de cession est ainsi une règle de champ d'application qui peut, selon les cas, s'avérer favorable ou défavorable aux contribuables. Elle remplit l'objectif de simplification qui lui est assigné, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt.


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VIII. - Sur l'article 94

A. - L'article 94 de la loi de finances réforme, en les unifiant, les différents régimes d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé.

Afin de rendre ce régime d'imposition plus simple, et plus accessible, la loi procède à une réécriture de dispositions qui étaient auparavant réparties entre plusieurs articles différents, en reprenant certaines des règles qui étaient auparavant en vigueur. L'article 94 insère dans le code général des impôts un article 150-0 A qui prévoit l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, à un taux de 16 %, des plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisées par les particuliers dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé lorsque le montant annuel des cessions est supérieur à 50 000 F. En deçà de cette limite, les plus-values sont exonérées d'impôt sur le revenu.

Aux yeux des députés requérants, ce nouveau dispositif méconnaît l'article 13 de la « Déclaration universelle des droits de l'homme » en ne prenant pas en compte la situation familiale du contribuable et, par là même, ses facultés contributives.

B. - Cette critique n'est pas fondée, car elle se méprend sur la portée exacte du dispositif contesté.

On soulignera d'abord que cet article n'institue aucune imposition nouvelle. Procédant d'une inspiration voisine de celle de la codification, il réalise la fusion à droit constant de régimes d'imposition existants.

Ainsi, le seuil d'imposition que contestent les requérants figurait déjà à l'article 92 B du code général des impôts, issu de la loi no 76-660 du 19 juillet 1976, et modifié notamment par la loi no 78-688 du 5 juillet 1978 et par la loi no 82-1126 du 29 décembre 1982. Fixé à l'origine à 150 000 F et indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu jusqu'en 1995, le seuil de cession a progressivement diminué de 345 800 F en 1995, à 200 000 F en 1996, à 100 000 F en 1997 (art. 71 de la loi no 95-1346 du 30 décembre 1995 portant loi de finances pour 1996) et à 50 000 F à compter du 1er janvier 1998 (art. 77 de la loi no 97-1269 du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998).

Contrairement à ce que suggère l'argumentation des saisissants, il ne s'agit nullement d'une mesure d'assiette. En réalité, l'objectif que s'est fixé le législateur depuis 1978 par l'instauration du mécanisme du seuil de cession est un objectif de simplification de l'impôt sur le revenu. Ce mécanisme apparaît en effet comme le mieux adapté pour éviter de faire peser des obligations déclaratives sur des contribuables qui réalisent des cessions de faible montant.

Pour atteindre un tel objectif, il n'est ni pertinent ni nécessaire sur le plan constitutionnel de moduler le seuil en fonction de la composition du foyer.

En effet, le dispositif qu'ils contestent n'a pas le caractère d'un abattement à la base. A la différence d'un abattement, qui a pour effet de modifier l'assiette d'un revenu soumis à l'impôt, le mécanisme du seuil de cession intervient comme un élément de la définition du champ d'application. Le franchissement du seuil de 50 000 F de titres cédés sur l'année distingue les contribuables qui seront éventuellement imposables, dans la mesure où ces cessions auront fait apparaître des plus-values de cession éventuelles, de ceux qui ne le seront pas, parce que la modestie du montant de leurs transactions justifie qu'ils soient dispensés de rechercher si les cessions réalisées se sont traduites par des pertes ou par des gains et, le cas échéant, de déclarer ces derniers.

Or, autant l'assiette de l'impôt peut parfois se prêter à l'exercice de « conjugalisation », et l'abattement sur les dividendes d'actions prévu au 3 de l'article 158 du code général des impôts (8 000 F pour les contribuables célibataires, veufs et divorcés et 16 000 F pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune) en est un exemple très clair, autant la détermination du champ d'application de l'impôt suivant la situation de famille du contribuable n'obéirait à aucune logique pertinente.

A cet égard, le critère choisi pour définir le champ d'application de l'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières a véritablement cet effet, et ne commande nullement, même de manière indirecte, l'assiette de l'impôt. Il n'y a en effet aucune corrélation immédiate entre le montant des cessions et celui des plus-values. Bien plus, le dépassement du seuil de cession, parce qu'il fait entrer le contribuable dans le champ d'application de l'impôt, permet seul la prise en compte ou le report des éventuelles moins-values ; les moins-values réalisées par un contribuable dont les cessions n'atteignent pas le seuil de 50 000 F ne sont pas dans le champ d'application, et elles ne sont ni imputables ni reportables. Ce dernier élément montre d'ailleurs qu'une « conjugalisation » du seuil ne se ferait pas exclusivement au bénéfice du contribuable.

Le mécanisme du seuil de cession est ainsi une règle de champ d'application qui peut, selon les cas, s'avérer favorable ou défavorable aux contribuables. Elle remplit l'objectif de simplification qui lui est assigné, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt.