3.2. Une atteinte non justifiée par l'intérêt général et non liée à des exigences constitutionnelles.
Rappelons que « le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » (17).
Or, les atteintes précédemment rappelées ne sont nullement justifiées par un objectif d'intérêt général et plus particulièrement par l'exigence constitutionnelle de l'équilibre financier de la sécurité sociale et sont, en tout état de cause, disproportionnées.
Selon l'étude d'impact, l'article 63 permettra une diminution des dépenses de l'assurance maladie en réalisant une économie de 35 millions d'euros en année pleine, l'économie attendue pour la première année n'étant que de 15 millions d'euros.
Cette estimation est, au demeurant, surévaluée au regard des effets pervers que cette disposition peut avoir sur l'équilibre financier de l'assurance maladie.
En effet, afin d'éviter une minoration forfaitaire :
- les prescripteurs pourraient reporter leur choix sur des alternatives thérapeutiques de la liste en sus mais non concernées par la disposition contestée, générant alors un surcroît de dépenses, en totale contradiction avec l'objectif affiché de l'article.
En effet, dans la mesure où la minoration forfaitaire s'applique, pour les GHS visés, lorsque le coût des spécialités pharmaceutiques prescrites sur la liste en sus est d'au moins 15 % des dépenses de cette même liste, les prescripteurs pourraient choisir un autre produit, sur la liste en sus, mais dont le coût représentera moins de 15 % des dépenses totales, malgré son coût plus onéreux.
Le remboursement de ce produit sur la liste en sus représentera donc un coût plus élevé pour l'assurance maladie que ne l'aurait peut-être été un autre produit innovant inscrit sur la liste en sus mais générant de facto la minoration forfaitaire mise en place par l'article 63 ;
- les prescripteurs pourraient aussi recourir à des produits dispensés « en ville » dans des officines pharmaceutiques et non sur la liste en sus alors même que les premiers seraient plus coûteux que les produits sur la liste en sus. Ainsi, pour la polyarthrite rhumatoïde, l'utilisation de certains traitements comme Mabthera et Remicade, deux produits de réserve hospitalière, revient moins cher à l'assurance maladie que l'utilisation d'une alternative en ville comme Enbrel.
Ainsi, l'incitation faite par la disposition contestée de ne pas prescrire certains produits de la liste en sus aura un impact budgétaire certain sur l'assurance maladie. S'agissant du prix de Mabthera ou Remicade, comparé à celui d'Enbrel, il ressort que, pour le même nombre de patients, la perte pour l'assurance maladie serait de près de 15 millions d'euros selon différentes sources de professionnels de santé.
En conséquence, votre conseil ne pourra que constater que l'article déféré porte atteinte au principe d'égalité et au droit à la protection de la santé. Atteintes qui ne sont pas justifiées par un intérêt général ni par l'objectif constitutionnel d'équilibre financier de la sécurité sociale.
(17) CC, 7 janvier 1988, n° 87-232 DC ; cf. également CC, Déc, 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC.
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