JORF n°18 du 21 janvier 1995

II. - Sur l'article 16

Cet article prend place dans le décret-loi du 23 octobre 1935, qui réglemente les manifestations sur la voie publique et qui se situe donc au coeur de la police administrative, garante du maintien de l'ordre public.
De fait, le droit de manifester est certainement un corollaire des libertés de conscience et d'expression, mais il ne peut être considéré comme un absolu, dans la mesure où il interfère toujours avec la nécessaire protection de l'ordre public, qui est un objectif constitutionnel. Ainsi, le décret-loi du 23 octobre 1935 permet-il l'interdiction a priori d'une manifestation,
afin d'empêcher que le défilé prévu par les organisateurs ne trouble l'ordre public, la tranquillité des personnes et la sécurité des biens.
L'article de loi considéré ne peut que renforcer la protection du droit de manifester: il tire en effet les conséquences de l'intervention malheureusement de plus en plus répandue de << casseurs >> parmi les manifestants ou aux alentours des manifestations. La possibilité de contrôle ouverte par l'article 16 de la loi déférée permettra à l'autorité de police de laisser se dérouler des manifestations dans des hypothèses dans lesquelles elle aurait pu être précédemment tentée par l'interdiction pure et simple.
Pour les mêmes raisons, le juge administratif, garant de l'efficacité du principe de proportionnalité, ne manquera pas de resserrer ici son contrôle en ce qui concerne les interdictions de manifestations.
En tout état de cause, on ne saurait prétendre, comme le font les recours,
que la Constitution ou d'autres règles de valeur constitutionnelle garantissent inconditionnellement la liberté de manifester. Le droit de manifester est un droit subordonné à la réunion des garanties utiles à la paix publique, la voie publique n'étant pas destinée de manière normale à des manifestations et n'étant d'ailleurs pas le seul lieu d'exercice des libertés de réunion et d'expression. Les autorités de police, sous le contrôle du juge, ont ainsi le pouvoir d'assumer leurs responsabilités à l'égard de l'ordre public par des mesures préventives adéquates.
Lors des violentes manifestations de l'hiver 1993-1994 et du printemps dernier, notamment celle de marins-pêcheurs à Rennes, s'est à nouveau fait cruellement sentir l'inexistence d'un dispositif juridique permettant d'éviter l'acheminement, sur les lieux d'une manifestation, de matériaux utilisés en vue de porter atteinte aux personnes et aux biens.
L'impuissance juridique des forces de police était d'autant plus inadmissible en l'espèce que des renseignements précis et concordants affluaient vers les états-majors, attestant du transport d'objets dangereux vers les lieux de manifestations, à bord de cars ou de voitures.
La loi déférée a tiré la leçon de ces événements. Sa démarche s'inspire par ailleurs de la conception démocratique des pouvoirs de police administrative, exprimée en France par la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'Etat et par celle du Conseil constitutionnel (en particulier la décision no 75-76 DC du 12 janvier 1977).
Par cette dernière décision, le Conseil constitutionnel n'a aucunement condamné, dans son principe, la fouille des véhicules pour des raisons d'ordre public. Il a seulement déclaré inconstitutionnel un dispositif trop général et imprécis qui donnait aux policiers des pouvoirs de visite des véhicules sans contrôle et sans condition tenant aux circonstances. Cette absence d'encadrement des fouilles portait à la liberté individuelle une atteinte excessive.
Or l'argumentation des auteurs des recours semble viser non la loi déférée, mais la loi censurée dans la décision du 12 janvier 1977. La meilleure façon d'y répondre est donc de montrer combien le législateur de 1994 a tenu compte de la décision du 12 janvier 1977. Il a bien pris soin, en effet, de ne pas rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle. La loi opère une telle conciliation à un triple titre:
a) La loi déférée subordonne les contrôles à l'existence d'une menace de troubles graves à l'ordre public.
Contrairement aux allégations gratuites des requérants, la loi déférée n'autorise nullement la << fouille discrétionnaire des véhicules >>.
Elle précise bien, au contraire, que c'est seulement lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public que la fouille de véhicules est possible et seulement à certaines conditions.
On relèvera notamment que:
- la fouille intéressera essentiellement les coffres des voitures dont on ne peut affirmer sans autre démonstration qu'ils constituent l'extension pure et simple du domicile (cf. décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 8 novembre 1979, Trignol);
- la fouille doit être opérée en présence du conducteur.
Dans sa décision no 93-323 DC du 5 août 1993, le Conseil constitutionnel a fortement rappelé que << la prévention d'atteintes à l'ordre public,
notamment d'atteintes à la sécurité des personnes ou des biens, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle >>.
Les dispositions critiquées prennent en compte cette nécessité.
En dénonçant le caractère << vague >> des formules utilisées par l'article 16 (<< circonstances faisant craindre des troubles graves à l'ordre public >>) les requérants ne se méprennent pas seulement sur le plan terminologique. Ils méconnaissent surtout que l'appréciation, à laquelle la loi déférée soumet l'autorité de police, sera placée sous le contrôle du juge. Celui-ci apportera toutes les précisions et mettra en place tous les << garde-fous >> jurisprudentiels nécessaires à la sauvegarde de la liberté individuelle comme à celle du droit de manifester.
Au surplus, s'il est clair que l'article 66 de la Constitution oblige à prévoir un contrôle de l'autorité judiciaire sur la fouille des véhicules,
celui-ci est explicitement prévu, selon une formule d'ailleurs reprise de l'article 78-1 du code de procédure pénale relatif aux contrôles d'identité. Le procureur de la République est de plus informé sans délai des instructions données par le préfet, ce qui le met à même de suivre effectivement les opérations et d'exercer leur contrôle. Il importe de souligner à ce propos que, dans la phase de police administrative qui caractérise le contrôle des véhicules jusqu'au moment de la constatation éventuelle d'une infraction,
l'article de loi déféré a entendu éviter toute confusion des rôles préjudiciant à l'efficacité. Il a donc exclu l'intervention a priori de l'autorité judiciaire en consacrant le pouvoir d'initiative du préfet, en tant qu'autorité de police administrative en charge du maintien de l'ordre public.
L'information immédiate du procureur est d'ailleurs une garantie jugée suffisante par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pendant les vingt-quatre premières heures d'une rétention administrative d'un étranger en situation irrégulière faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Cette information permet, dans les faits, une action de surveillance concrète et fréquente des centres de rétention par l'autorité judiciaire, indépendamment des compétences qui lui reviennent par ailleurs.
Il convient d'ajouter que la protection de l'article 66 ne saurait être identique s'agissant des divers éléments constitutifs de la liberté individuelle. L'ouverture d'un coffre, un instant, devant son conducteur ne constitue pas une gêne excessive au regard des exigences de la prévention des atteintes à l'ordre public, alors précisément que les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public (en ce sens: considérant 56 de la décision des 19 et 20 janvier 1981, no 127 DC).
b) L'article 16 encadre précisément les contrôles dans l'espace et dans le temps.
D'abord il reviendra au préfet, s'il l'estime nécessaire, et sous le contrôle du juge, d'interdire le transport de tout objet dangereux, dans les heures qui précèdent immédiatement une manifestation (à cet égard, le législateur ne fait mention de la notion de << projectile >> qu'à titre d'illustration de la notion d'arme, au sens de l'article 132-75 du code pénal). Il devra apprécier cette nécessité eu égard à l'importance de la manifestation et des risques d'incident dont il aurait eu connaissance.
L'arrêté préfectoral aura une portée limitée dans le temps (vingt-quatre heures) et devra être publié dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'arrêté aura également une portée géographiquement limitée: le voisinage de l'itinéraire de la manifestation. Il va de soi qu'une manifestation nationale de grande envergure comporte un périmètre moins restreint qu'une manifestation locale. Là encore, le principe de proportionnalité jouera, sous le contrôle du juge. Il est bien précisé à cet égard que << l'aire géographique se limite aux lieux de la manifestation, aux lieux avoisinants et à leurs accès, son étendue devant demeurer proportionnée aux nécessités que font apparaître les circonstances >>.
c) Enfin, la loi déférée définit avec précision les limites de l'intervention des officiers de police judiciaire.
L'initiative de la fouille revient logiquement à celui qui assure le maintien de l'ordre, c'est-à-dire au préfet. La fouille est ainsi le prolongement de l'arrêté préfectoral interdisant le transport des objets susceptibles d'être utilisés comme des armes lors d'une manifestation.
Le principe de la fouille préventive, diligentée dans le cadre de la police administrative, y compris de véhicules, n'est pas une nouveauté: il résulte déjà de l'article 282-8 du code de l'aviation civile pour les aérodromes.
Le maintien de l'ordre public correspond en effet à une action préventive des forces de police, sous l'autorité du préfet. Il faut éviter, comme il a été dit, toute confusion entre police administrative et police judiciaire. Le décret-loi du 23 octobre 1935, dans lequel s'insère la disposition critiquée, attribue clairement aux autorités de police administrative les compétences nécessaires au maintien de l'ordre public, en particulier en cas de manifestation de nature à troubler l'ordre public.
En revanche, en pleine conformité avec l'article 66 de la Constitution, la loi confie à l'autorité judiciaire, en la personne du procureur de la République, le contrôle du déroulement des procédures. A cette fin, le texte prescrit d'une part que le procureur est informé sans délai des instructions données par le préfet, d'autre part que << l'application des règles prévues (...) est soumise au contrôle des autorités judiciaires visées aux articles 12 et 13 du code de procédure pénale >>.
Quant à la saisie, qui sera effectuée conformément au code de procédure pénale, elle sera naturellement placée sous le contrôle du procureur de la République. Celui-ci sera par là-même habilité à apprécier la validité de l'ensemble de la procédure.
La saisie sera opérée par l'officier de police judiciaire, les agents de police judiciaire pouvant être appelés à le seconder, en appréhendant matériellement l'objet de l'infraction. Cette procédure est admise par la doctrine et la jurisprudence (en ce sens, par exemple, une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 mai 1992, bulletin no 205).


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Version 1

II. - Sur l'article 16

Cet article prend place dans le décret-loi du 23 octobre 1935, qui réglemente les manifestations sur la voie publique et qui se situe donc au coeur de la police administrative, garante du maintien de l'ordre public.

De fait, le droit de manifester est certainement un corollaire des libertés de conscience et d'expression, mais il ne peut être considéré comme un absolu, dans la mesure où il interfère toujours avec la nécessaire protection de l'ordre public, qui est un objectif constitutionnel. Ainsi, le décret-loi du 23 octobre 1935 permet-il l'interdiction a priori d'une manifestation,

afin d'empêcher que le défilé prévu par les organisateurs ne trouble l'ordre public, la tranquillité des personnes et la sécurité des biens.

L'article de loi considéré ne peut que renforcer la protection du droit de manifester: il tire en effet les conséquences de l'intervention malheureusement de plus en plus répandue de << casseurs >> parmi les manifestants ou aux alentours des manifestations. La possibilité de contrôle ouverte par l'article 16 de la loi déférée permettra à l'autorité de police de laisser se dérouler des manifestations dans des hypothèses dans lesquelles elle aurait pu être précédemment tentée par l'interdiction pure et simple.

Pour les mêmes raisons, le juge administratif, garant de l'efficacité du principe de proportionnalité, ne manquera pas de resserrer ici son contrôle en ce qui concerne les interdictions de manifestations.

En tout état de cause, on ne saurait prétendre, comme le font les recours,

que la Constitution ou d'autres règles de valeur constitutionnelle garantissent inconditionnellement la liberté de manifester. Le droit de manifester est un droit subordonné à la réunion des garanties utiles à la paix publique, la voie publique n'étant pas destinée de manière normale à des manifestations et n'étant d'ailleurs pas le seul lieu d'exercice des libertés de réunion et d'expression. Les autorités de police, sous le contrôle du juge, ont ainsi le pouvoir d'assumer leurs responsabilités à l'égard de l'ordre public par des mesures préventives adéquates.

Lors des violentes manifestations de l'hiver 1993-1994 et du printemps dernier, notamment celle de marins-pêcheurs à Rennes, s'est à nouveau fait cruellement sentir l'inexistence d'un dispositif juridique permettant d'éviter l'acheminement, sur les lieux d'une manifestation, de matériaux utilisés en vue de porter atteinte aux personnes et aux biens.

L'impuissance juridique des forces de police était d'autant plus inadmissible en l'espèce que des renseignements précis et concordants affluaient vers les états-majors, attestant du transport d'objets dangereux vers les lieux de manifestations, à bord de cars ou de voitures.

La loi déférée a tiré la leçon de ces événements. Sa démarche s'inspire par ailleurs de la conception démocratique des pouvoirs de police administrative, exprimée en France par la jurisprudence traditionnelle du Conseil d'Etat et par celle du Conseil constitutionnel (en particulier la décision no 75-76 DC du 12 janvier 1977).

Par cette dernière décision, le Conseil constitutionnel n'a aucunement condamné, dans son principe, la fouille des véhicules pour des raisons d'ordre public. Il a seulement déclaré inconstitutionnel un dispositif trop général et imprécis qui donnait aux policiers des pouvoirs de visite des véhicules sans contrôle et sans condition tenant aux circonstances. Cette absence d'encadrement des fouilles portait à la liberté individuelle une atteinte excessive.

Or l'argumentation des auteurs des recours semble viser non la loi déférée, mais la loi censurée dans la décision du 12 janvier 1977. La meilleure façon d'y répondre est donc de montrer combien le législateur de 1994 a tenu compte de la décision du 12 janvier 1977. Il a bien pris soin, en effet, de ne pas rompre l'équilibre que le respect de la Constitution impose d'assurer entre les nécessités de l'ordre public et la sauvegarde de la liberté individuelle. La loi opère une telle conciliation à un triple titre:

a) La loi déférée subordonne les contrôles à l'existence d'une menace de troubles graves à l'ordre public.

Contrairement aux allégations gratuites des requérants, la loi déférée n'autorise nullement la << fouille discrétionnaire des véhicules >>.

Elle précise bien, au contraire, que c'est seulement lorsque les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public que la fouille de véhicules est possible et seulement à certaines conditions.

On relèvera notamment que:

- la fouille intéressera essentiellement les coffres des voitures dont on ne peut affirmer sans autre démonstration qu'ils constituent l'extension pure et simple du domicile (cf. décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 8 novembre 1979, Trignol);

- la fouille doit être opérée en présence du conducteur.

Dans sa décision no 93-323 DC du 5 août 1993, le Conseil constitutionnel a fortement rappelé que << la prévention d'atteintes à l'ordre public,

notamment d'atteintes à la sécurité des personnes ou des biens, est nécessaire à la sauvegarde de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle >>.

Les dispositions critiquées prennent en compte cette nécessité.

En dénonçant le caractère << vague >> des formules utilisées par l'article 16 (<< circonstances faisant craindre des troubles graves à l'ordre public >>) les requérants ne se méprennent pas seulement sur le plan terminologique. Ils méconnaissent surtout que l'appréciation, à laquelle la loi déférée soumet l'autorité de police, sera placée sous le contrôle du juge. Celui-ci apportera toutes les précisions et mettra en place tous les << garde-fous >> jurisprudentiels nécessaires à la sauvegarde de la liberté individuelle comme à celle du droit de manifester.

Au surplus, s'il est clair que l'article 66 de la Constitution oblige à prévoir un contrôle de l'autorité judiciaire sur la fouille des véhicules,

celui-ci est explicitement prévu, selon une formule d'ailleurs reprise de l'article 78-1 du code de procédure pénale relatif aux contrôles d'identité. Le procureur de la République est de plus informé sans délai des instructions données par le préfet, ce qui le met à même de suivre effectivement les opérations et d'exercer leur contrôle. Il importe de souligner à ce propos que, dans la phase de police administrative qui caractérise le contrôle des véhicules jusqu'au moment de la constatation éventuelle d'une infraction,

l'article de loi déféré a entendu éviter toute confusion des rôles préjudiciant à l'efficacité. Il a donc exclu l'intervention a priori de l'autorité judiciaire en consacrant le pouvoir d'initiative du préfet, en tant qu'autorité de police administrative en charge du maintien de l'ordre public.

L'information immédiate du procureur est d'ailleurs une garantie jugée suffisante par l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pendant les vingt-quatre premières heures d'une rétention administrative d'un étranger en situation irrégulière faisant l'objet d'un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. Cette information permet, dans les faits, une action de surveillance concrète et fréquente des centres de rétention par l'autorité judiciaire, indépendamment des compétences qui lui reviennent par ailleurs.

Il convient d'ajouter que la protection de l'article 66 ne saurait être identique s'agissant des divers éléments constitutifs de la liberté individuelle. L'ouverture d'un coffre, un instant, devant son conducteur ne constitue pas une gêne excessive au regard des exigences de la prévention des atteintes à l'ordre public, alors précisément que les circonstances font craindre des troubles graves à l'ordre public (en ce sens: considérant 56 de la décision des 19 et 20 janvier 1981, no 127 DC).

b) L'article 16 encadre précisément les contrôles dans l'espace et dans le temps.

D'abord il reviendra au préfet, s'il l'estime nécessaire, et sous le contrôle du juge, d'interdire le transport de tout objet dangereux, dans les heures qui précèdent immédiatement une manifestation (à cet égard, le législateur ne fait mention de la notion de << projectile >> qu'à titre d'illustration de la notion d'arme, au sens de l'article 132-75 du code pénal). Il devra apprécier cette nécessité eu égard à l'importance de la manifestation et des risques d'incident dont il aurait eu connaissance.

L'arrêté préfectoral aura une portée limitée dans le temps (vingt-quatre heures) et devra être publié dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'arrêté aura également une portée géographiquement limitée: le voisinage de l'itinéraire de la manifestation. Il va de soi qu'une manifestation nationale de grande envergure comporte un périmètre moins restreint qu'une manifestation locale. Là encore, le principe de proportionnalité jouera, sous le contrôle du juge. Il est bien précisé à cet égard que << l'aire géographique se limite aux lieux de la manifestation, aux lieux avoisinants et à leurs accès, son étendue devant demeurer proportionnée aux nécessités que font apparaître les circonstances >>.

c) Enfin, la loi déférée définit avec précision les limites de l'intervention des officiers de police judiciaire.

L'initiative de la fouille revient logiquement à celui qui assure le maintien de l'ordre, c'est-à-dire au préfet. La fouille est ainsi le prolongement de l'arrêté préfectoral interdisant le transport des objets susceptibles d'être utilisés comme des armes lors d'une manifestation.

Le principe de la fouille préventive, diligentée dans le cadre de la police administrative, y compris de véhicules, n'est pas une nouveauté: il résulte déjà de l'article 282-8 du code de l'aviation civile pour les aérodromes.

Le maintien de l'ordre public correspond en effet à une action préventive des forces de police, sous l'autorité du préfet. Il faut éviter, comme il a été dit, toute confusion entre police administrative et police judiciaire. Le décret-loi du 23 octobre 1935, dans lequel s'insère la disposition critiquée, attribue clairement aux autorités de police administrative les compétences nécessaires au maintien de l'ordre public, en particulier en cas de manifestation de nature à troubler l'ordre public.

En revanche, en pleine conformité avec l'article 66 de la Constitution, la loi confie à l'autorité judiciaire, en la personne du procureur de la République, le contrôle du déroulement des procédures. A cette fin, le texte prescrit d'une part que le procureur est informé sans délai des instructions données par le préfet, d'autre part que << l'application des règles prévues (...) est soumise au contrôle des autorités judiciaires visées aux articles 12 et 13 du code de procédure pénale >>.

Quant à la saisie, qui sera effectuée conformément au code de procédure pénale, elle sera naturellement placée sous le contrôle du procureur de la République. Celui-ci sera par là-même habilité à apprécier la validité de l'ensemble de la procédure.

La saisie sera opérée par l'officier de police judiciaire, les agents de police judiciaire pouvant être appelés à le seconder, en appréhendant matériellement l'objet de l'infraction. Cette procédure est admise par la doctrine et la jurisprudence (en ce sens, par exemple, une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 mai 1992, bulletin no 205).