JORF n°0248 du 25 octobre 2023

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Projet de traité sur les entreprises et les droits de l'Homme : Les recommandations de la CNCDH pour une version améliorée

Résumé La CNCDH veut améliorer le projet de traité sur les entreprises et les droits de l'Homme en précisant les règles pour les entreprises et les États, en incluant plus de droits de l'Homme, et en mieux protéger contre les violations.

Adopté à l'unanimité lors de l'Assemblée plénière du 19 octobre 2023
Résumé

A l'approche de la neuvième session de négociation du groupe de travail intergouvernemental chargé d'élaborer « un instrument international juridiquement contraignant visant à réglementer, en droit international des droits de l'Homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises », la CNCDH recommande à nouveau à la France de poursuivre ses efforts afin que l'Union européenne soit enfin dotée d'un mandat de négociation. Elle constate que le projet actualisé d'instrument publié en juillet 2023 apporte des améliorations quant à la terminologie employée et renforce certaines dispositions, mais comporte d'importants reculs sur lesquels elle attire l'attention. La CNCDH insiste sur l'importance de conserver un champ d'application large, d'améliorer la définition de l'obligation de vigilance et de la responsabilité pour favoriser la sécurité juridique et la redevabilité, ainsi que de préserver et renforcer la protection des titulaires de droits et l'accès aux voies de recours afin de remédier aux dénis de justice.

Introduction

  1. Du 23 au 27 octobre 2023 se tiendra la neuvième session de négociations du groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée chargé, depuis 2014, d'« élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer, dans le cadre du droit international des droits de l'homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises » (1). L'enjeu de ce processus est d'adopter des normes internationales contraignantes qui complètent les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme adoptés en 2011 (2) afin de renforcer le respect et la protection des droits de l'Homme dans le contexte des activités des entreprises, de créer des conditions de concurrence équitables à l'échelle mondiale (level-playing field) et d'améliorer l'accès des titulaires de droits à la justice et à des voies de recours effectives.
  2. Cette neuvième session portera sur le projet actualisé d'instrument international juridiquement contraignant publié le 31 juillet 2023 (3) (ci-après « projet de traité actualisé » (4)). En amont, la présidence du groupe de travail a invité les parties prenantes impliquées dans le processus (Etats, organisations internationales, institutions nationales des droits de l'Homme, organisations non gouvernementales, organisations d'employeurs, organisations syndicales, etc.) à transmettre des contributions écrites (5). Le groupe des Amis de la présidence (Friends of the Chair, FOCH) (6) a par ailleurs organisé des consultations régionales (7) afin de favoriser un soutien transrégional aussi large que possible et de faire avancer les travaux sur le projet de traité, engagés depuis neuf ans (8).
  3. Jusqu'à présent, si un nombre important d'Etats participe aux sessions du groupe de travail intergouvernemental, le processus n'a pas impliqué un nombre suffisamment représentatif d'Etats, en particulier ceux dans lesquels les entreprises multinationales ont leurs sièges, et d'importantes divergences de fond demeurent. La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a déjà eu l'occasion de souligner le long chemin parcouru depuis le lancement de ce processus et le consensus émergeant sur la nécessité d'adopter un instrument international juridiquement contraignant pour combler les lacunes du droit positif, y compris les faiblesses constatées dans la mise en œuvre des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme (9). Il s'agit de répondre aux attentes légitimes des victimes de violations des droits de l'Homme dans le contexte des activités des entreprises (10), tout en renforçant la sécurité juridique et la concurrence loyale par l'harmonisation des obligations dans ce domaine. Face à l'hétérogénéité des législations nationales ou régionales visant à réglementer ces questions (11), ce processus de négociation au sein du cadre multilatéral onusien offre une opportunité unique pour l'adoption d'un instrument ambitieux au niveau mondial. A cette fin, l'implication substantielle de l'Union européenne et de ses Etats membres, aux côtés de ceux d'autres régions, est plus que jamais nécessaire (12). Les réticences de l'Union européenne à s'engager jusqu'à présent plus activement sont aujourd'hui d'autant moins compréhensibles que les négociations relatives à la directive de l'UE sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ont avancé (13), qu'une majorité de ses Etats membres est favorable à un mandat de l'UE pour négocier en leur nom (14) et que nombreuses de ses préoccupations ont été prises en compte (15). Au contraire, seul un engagement actif et constructif lui permettra de faire valoir ses priorités et de contribuer à soutenir les objectifs poursuivis par le processus, au profit d'un meilleur respect des droits de l'Homme et de la protection de l'environnement dans les chaînes de valeur mondiales. La CNCDH tient à saluer ici le rôle moteur joué par la France pour mobiliser ses partenaires européens en ce sens, illustré par sa participation, aux côtés du Portugal, au groupe des Amis de la présidence. Elle lui recommande de poursuivre ses efforts afin que l'Union européenne soit dotée, sans plus tarder, d'un mandat pour négocier au nom de ses Etats membres lors des prochaines sessions et qu'elle affirme son intention en ce sens dès la neuvième session.
  4. La CNCDH, qui s'est prononcée sur les améliorations progressives et les lacunes persistantes des différentes versions du projet de traité (16), a examiné la dernière version publiée en juillet dernier (ci-après « le projet actualisé ») (17). Elle constate qu'il répond à un effort de rationalisation et comporte plusieurs améliorations quant à l'emploi de certains termes, à l'articulation entre les différentes dispositions (bien que la structure générale reste la même) ou s'agissant de la protection contre les représailles. Cependant, dans l'ensemble, le projet actualisé comporte d'importants reculs sur lesquels la CNCDH souhaite attirer l'attention en formulant des recommandations relatives au champ d'application, à l'obligation de vigilance et à la responsabilité juridique qui y est associée, ainsi qu'à l'accès aux voies de recours et à la réparation.
    Conserver un champ d'application large pour couvrir l'ensemble des violations des droits de l'Homme commises dans le contexte des activités des entreprises
  5. Le projet de traité a progressivement été élargi à l'ensemble des activités des entreprises, tout en insistant sur la particularité des activités transnationales des entreprises (18). La CNCDH s'est félicitée de cet élargissement du champ d'application ainsi que de l'inclusion expresse des entreprises publiques (19). Elle rappelle que seul un champ d'application large est à même de créer les conditions d'une concurrence plus équitable en fixant un cadre commun contraignant au niveau mondial et un socle commun minimal de protection au profit des titulaires de droits applicables à l'ensemble des entreprises, conformément aux principes directeurs des Nations unies (20), tout en s'assurant de la possible modulation des obligations à leur charge en fonction de leur taille, secteur, contexte opérationnel ou de la gravité des impacts sur les droits de l'Homme (21). La CNCDH réitère toutefois sa recommandation de définir plus précisément la responsabilité des Etats en tant qu'acteurs économiques (22). Les entreprises appartenant ou contrôlées par les Etats doivent en effet aussi respecter les droits de l'Homme et les Etats sont tenus, en vertu de l'obligation de protéger, de se servir de la commande publique, des financements qu'ils octroient à des projets ou de l'assurance et des garanties publiques à l'exportation comme leviers pour veiller à ce que les entreprises respectent les droits de l'Homme (23).
  6. Le champ d'application matériel est en revanche défini d'une manière moins claire et potentiellement plus restrictive dans le projet actualisé de traité. Si le nouvel article 3§3 continue de couvrir « tous les droits de l'Homme et libertés fondamentales internationalement reconnus », la précision qu'il s'agit des droits « contraignants pour les Etats parties », en combinaison avec la suppression de toute référence au droit international coutumier (24), risque d'exclure du champ d'application du traité les droits de l'Homme découlant d'obligations internationales non conventionnelles. De plus, le nouvel article 3§3 supprime toute référence à des instruments spécifiques (25), sans renvoyer expressément aux conventions, traités et déclarations citées dans le préambule (26). De même, la suppression de références à des instruments internationaux portant sur des groupes de personnes spécifiques est d'autant plus regrettable que le projet de traité a évolué, dans ses versions successives, pour mieux reconnaître l'impact différencié des activités des entreprises à l'égard de certains groupes de personnes, souvent affectés de manière disproportionnée, et pour intégrer une perspective de genre (27). La CNCDH recommande que l'article 3§3 fasse expressément référence non seulement aux « traités fondamentaux » relatifs aux droits de l'Homme et aux dix conventions fondamentales de l'OIT, mais aussi aux autres traités, conventions et déclarations pertinentes adoptés par les Nations unies et l'OIT. Elle recommande aussi de réintroduire une mention expresse, dans le préambule, à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (28), ainsi que d'ajouter une référence aux principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'Homme et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (29).
  7. Par ailleurs, la CNCDH regrette la suppression de la référence expresse du droit à un environnement propre, sain et durable (30), pourtant reconnu par le Conseil des droits de l'homme et l'Assemblée générale des Nations unies (31). La mention de ce droit dans un instrument juridiquement contraignant viendrait consolider cette reconnaissance et favoriserait une interprétation qui prenne dûment en compte l'interdépendance entre les droits de l'Homme, d'une part, et l'environnement, le climat et la biodiversité, d'autre part (32).
    Améliorer la définition de l'obligation de vigilance et de la responsabilité pour favoriser la sécurité juridique et la redevabilité
  8. Le projet de traité accorde un rôle central à l'obligation de vigilance en matière de droits de l'Homme parmi les mesures que les Etats parties doivent adopter pour « réglementer efficacement les activités des entreprises sur leur territoire, sous leur juridiction ou d'une autre manière sous leur contrôle » (33). Les contours de cette obligation de vigilance ont été précisés au fil des versions successives du projet de traité. Le projet actualisé améliore la terminologie employée en distinguant la prévention des violations de l'atténuation des risques (34), bien que la confusion subsiste par endroit (35). Il définit désormais le contenu de l'obligation de vigilance en matière de droits de l'Homme à l'article 1§8, l'article 6§2 c) et §4 précisant ce que les Etats doivent imposer aux entreprises à ce titre. L'articulation entre ces deux dispositions, l'une portant sur les définitions, l'autre sur la prévention, mériterait d'être clarifiée. La CNCDH constate en outre que la définition de l'obligation de vigilance comporte encore une série de lacunes, la situant en deçà des principes directeurs des Nations unies.
  9. La définition de l'obligation de vigilance retenue à l'article 1§8 vise l'identification et l'évaluation des impacts en matière de droits de l'Homme (a), les mesures de prévention et d'atténuation des impacts et la surveillance de leur effectivité (b et c) (36) et la communication régulière à ce propos (d). L'article 6§4 y ajoute les études d'impact (a), l'intégration d'une perspective de genre et d'âge ainsi que la prise en compte des risques particuliers de vulnérabilité ou de marginalisation (b et c), la consultation des groupes potentiellement affectés et des autres parties prenantes pertinentes (d), la protection des défenseurs des droits (e) et le respect du consentement libre, préalable et informé des peuples autochtones (d). En revanche, le projet de traité ne comporte pas de référence à l'intégration, dans le cadre des politiques et systèmes de gestion des entreprises, de leur responsabilité de respecter les droits de l'Homme (37). De même, la mise en place par les entreprises de mécanismes de réclamation et les mesures de réparation qu'elles doivent prévoir, visées par les principes directeurs des Nations unies (38) et de l'OCDE (39), sont omises du projet de traité. En outre, le caractère continu de l'obligation de vigilance n'est pas expressément rappelé (40). La CNCDH recommande ainsi à nouveau que la définition du contenu de l'obligation de vigilance comprenne toutes les dimensions développées par les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, notamment en comportant des dispositions sur l'engagement politique, sur les mécanismes de réclamation et la réparation, ainsi qu'en rappelant plus clairement son caractère continu. Elle recommande également que l'article 1§8 précise que les mesures mentionnées comme devant faire partie de tout processus de vigilance en matière de droits de l'Homme soient non exhaustives (41).
  10. La CNCDH regrette par ailleurs la suppression de la référence aux impacts négatifs en matière de droit de l'Homme « réels ou potentiels » (42), dans la mesure où elle pourrait laisser penser que ne devraient être pris en compte, au titre de l'obligation de vigilance, que les réductions ou suppressions de la capacité d'une personne à jouir d'un droit de l'Homme internationalement reconnu (43) effectivement constatées. Or, l'approche préventive fondée sur les risques réels ou potentiels prônée par les principes directeurs des Nations unies commande de prendre en compte tous les risques (44), et de les prioriser en fonction de leur gravité ou caractère irrémédiable (45), afin de les atténuer et de prévenir les violations. Cette distinction a également une incidence sur le comportement que les entreprises doivent adopter face à leurs impacts négatifs : les impacts potentiels doivent être traités par des mesures d'atténuation, tandis que les impacts réels appellent à l'adoption de mesures correctives (46).
  11. Cette logique préventive devrait également conduire à préférer le terme de « titulaire de droits » à celui de « victime ». La limitation des droits rappelés à l'article 4 aux seules « victimes » (47), et de la protection qui doit être conférée selon l'article 5, pourrait laisser penser que ne sont prises en compte que les personnes ou les groupes de personnes dont les droits ont effectivement été violés (ou qui allèguent une telle violation). La CNCDH recommande d'employer le terme de « titulaires de droits » afin d'inclure toutes les personnes et groupes dont les droits de l'Homme peuvent être menacés, réellement ou potentiellement, par les activités des entreprises. Le terme de « victimes » pourrait être conservé lorsque sont visées les personnes qui allèguent une violation de leurs droits ou dont la violation de leurs droits est constatée.
  12. En outre, la CNCDH regrette la suppression, à l'article 6 du projet actualisé de traité, des « mesures renforcées de vigilance en matière de droits de l'Homme pour prévenir les violations des droits de l'Homme dans les zones occupées ou touchées par un conflit, y compris les situations d'occupation » (48). Les risques accrus de violations des droits de l'Homme - et du droit international humanitaire - dans les situations de conflits imposent au contraire de prévoir une obligation de vigilance renforcée (49). Le projet actualisé reconnaît ces risques accrus de violations pouvant résulter des activités des entreprises et de leurs relations d'affaires dans les zones touchées par un conflit, mais uniquement à l'article 16§3 (50) (disposition portant sur la mise en œuvre) et se contente d'imposer que les Etats y accordent une attention particulière. Le projet de traité devrait pourtant également intégrer, dans la conception même des mesures de vigilance, au titre de la prévention, une description des mesures spécifiques que les Etats doivent imposer aux entreprises pour exercer une vigilance renforcée dans ce contexte (51). Il pourrait utilement se fonder sur le principe directeur n° 7 des Nations unies et les recommandations formulées par le groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises (52). La CNCDH recommande ainsi de réintroduire l'obligation de vigilance renforcée applicable dans les territoires occupés ou les zones touchées par un conflit à l'article 6 portant sur la prévention et d'en détailler le contenu (53). Elle rappelle par ailleurs qu'en situation de conflit armé, les entreprises doivent respecter le droit international humanitaire (54) et recommande que le projet de traité le réaffirme, dans son préambule, aux côtés du rappel utile de l'obligation des Etats de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances (55).
  13. Le projet actualisé de traité comporte par ailleurs des lacunes importantes s'agissant de la définition des obligations des entreprises en ce qui concerne le comportement de tiers et de la responsabilité juridique qui doit y être associée. Il ne fait en effet plus clairement référence à la distinction entre les impacts en matière de droits de l'Homme que les entreprises causent ou auxquelles elles contribuent par le biais de leurs propres activités et ceux qui sont directement liés à leurs opérations, produits ou services par leurs relations d'affaires, et ce qu'elles doivent faire pour y répondre. Ce manque de clarté (qui résulte tant de la formulation de certaines dispositions que des lacunes dans leur articulation) est problématique, d'une part, pour la définition de l'obligation de vigilance et, d'autre part, pour la détermination de la responsabilité juridique qui doit y être associée. Il a des conséquences tant en termes de sécurité juridique qu'en termes de redevabilité et d'accès à la justice et à la réparation, risquant ainsi de ne pas répondre de manière adéquate aux violations des droits de l'Homme dans les chaînes de valeur mondiales.
  14. Le contenu de l'obligation de vigilance, que ce soit à l'article 1§8 (définition) ou à l'article 6 (prévention) du projet actualisé de traité, ne reflète pas suffisamment ce qui est pourtant affirmé dans le préambule, à savoir la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l'Homme internationalement reconnus « notamment en évitant de causer ou de contribuer à des violations des droits de l'Homme par leurs propres activités et en remédiant à ces violations lorsqu'elles se produisent, ainsi qu'en prévenant les violations des droits de l'Homme ou en atténuant les risques pour les droits de l'Homme liés à leurs opérations, produits ou services par leurs relations d'affaires » (56). A cet égard, la suppression de l'article 6§3 b) du troisième projet révisé (57) dans le projet actualisé de traité est particulièrement problématique. L'article 6 du projet actualisé de traité ne fait en effet plus référence à la distinction entre le fait pour une entreprise de causer, de contribuer à ou d'être directement liée à des impacts négatifs en matière de droits de l'Homme (voire des violations de ces derniers). L'article 6§2 a n'emploie plus que la formule, vague, de l'obligation pour les Etats de « prévenir l'implication [« involvement »] des entreprises dans les violations des droits de l'Homme », sans clarifier quel degré de participation est requis. Cette précision est pourtant importante en termes de sécurité juridique. Elle l'est aussi notamment pour indiquer clairement, par les termes « contribuer à », que sont également visés les cas dans lesquels l'entreprise ne cause pas l'impact (ou la violation) des droits de l'Homme, mais peut y contribuer et doit, à cette fin, « prendre les mesures nécessaires pour empêcher ou faire cesser sa contribution et user de son influence pour atténuer les incidences restantes dans la mesure du possible » (58). De même, l'article 1§8, s'il couvre tant les impacts pouvant résulter des activités de l'entreprise que de ses relations d'affaires, emploie le terme d'« implication » (« involvement »), sans faire écho aux différents degrés de participation des entreprises contenus dans les principes directeurs des Nations unies (causer, contribuer à ou être directement lié) (59). Ces distinctions sont pourtant utiles pour déterminer les mesures qu'une entreprise est tenue de prendre et ce pour quoi elle peut voir sa responsabilité engagée (60). L'article 6§5 du projet actualisé représente toutefois un ajout bienvenu en ce qu'il porte directement sur la responsabilité des entreprises s'agissant des violations des droits de l'Homme commises par des tiers et l'obligation pour les Etats d'imposer « une obligation légale de prévenir de telles violations dans les cas appropriés » (61). Cette disposition fait ainsi écho à la situation dans laquelle une entreprise ne contribue pas à une telle violation, mais que cette dernière est directement liée à ses opérations, ses produits ou ses services par ses relations d'affaires avec une autre entité (62). La formulation retenue est toutefois plus restrictive, car limitée aux situations dans lesquelles l'entreprise « contrôle, gère ou supervise » le tiers (« controls, manages or supervises »). Elle exclurait de nombreux types de relations d'affaires, dans la mesure où les relations d'une société mère avec la plupart des fournisseurs ou autres entités dans sa chaîne de valeur ne relèvent pas d'une telle situation de contrôle, gestion ou supervision. Elle comporte ainsi le risque d'être limitée en pratique aux propres activités de l'entreprise et aux seuls fournisseurs de premier rang auxquels elle est très étroitement liée, alors que l'objectif du traité est de prévenir et de répondre aux violations des droits de l'Homme commises dans les chaînes de valeur mondiales. La CNCDH recommande de modifier l'article 6§5 afin de prévoir que chaque Etat partie doit s'assurer que les entreprises prennent les dispositions appropriées pour prévenir les violations des droits de l'Homme commises par des tiers lorsque celles-ci sont directement liées à leurs opérations, produits ou services par leurs relations d'affaires, y compris en imposant une obligation légale de prévenir de telles violations.
  15. L'article 6§5 fait écho - sans prévoir de renvoi expresse, pourtant nécessaire pour clarifier l'articulation entre la prévention et la responsabilité - à l'article 8§7 qui porte sur la responsabilité des entreprises pour des agissements de tiers avec lesquelles elles ont des relations d'affaires. La CNCDH note tout d'abord qu'il semble y avoir une erreur de retranscription dans le projet actualisé, cette disposition apparaissant dans sa version en suivi de modifications (63), mais non dans la version consolidée (« clean version ») (64). Elle constate ensuite que la nouvelle formulation de l'article 8§7 est plus restrictive que celle du troisième projet révisé de traité. Les Etats parties ne doivent plus veiller à ce que leur droit interne prévoie la responsabilité civile des personnes morales et/ou physiques exerçant des activités d'entreprises « pour leur incapacité à empêcher une autre personne morale ou physique avec laquelle elles ont eu une relation d'affaires, de causer ou de contribuer à des violations des droits de l'Homme » qu'à la double condition suivante : qu'il existe « une situation de contrôle, de gestion ou de supervision à l'égard de la personne morale ou physique ou de l'activité concernée qui a causé ou contribué à la violation des droits de l'Homme au moment où elle s'est produite » (a) et que cette violation « était prévisible, ou dans le cadre de leurs relations d'affaires, mais que des mesures préventives adéquates n'ont pas été adoptées » (b). Ces conditions n'étaient pas cumulatives, mais alternatives, dans le troisième projet révisé de traité (65). Cette nouvelle formulation limite considérablement les possibilités d'engagement de la responsabilité d'une entreprise pour des actes ou des omissions de tiers avec lesquelles elle a des relations d'affaires, qui causent ou contribuent à des violations des droits de l'Homme auxquelles l'entreprise est directement liée par ses opérations, produits ou services. Il s'agit pourtant d'une disposition clé pour répondre aux violations des droits de l'Homme commises dans les chaînes de valeur. La CNCDH recommande de corriger l'erreur de retranscription relative à l'article 8§7 et d'améliorer sa rédaction de façon à ne pas limiter l'engagement de la responsabilité des entreprises aux seules hypothèses de contrôle, gestion ou supervision, mais d'inclure aussi, comme l'article 8§6 du troisième projet révisé, le manquement à l'obligation de prévention des violations des droits de l'Homme qu'elles ont ou auraient dû prévoir, auxquelles elles sont directement liées par leurs relations d'affaires.
  16. Plus généralement, l'articulation entre l'article 6 sur la prévention et l'article 8 sur la responsabilité est encore moins lisible dans le projet actualisé de traité. L'absence de tout renvoi semble décorréler les deux dispositions, alors qu'il s'agit d'un des objets principaux du traité. La CNCDH recommande notamment que l'article 8 précise expressément que la violation de l'obligation de vigilance visée à l'article 6 (et à l'article 1§8) peut conduire à l'engagement de la responsabilité et à l'obligation de réparer. Elle regrette par ailleurs la suppression de la disposition du troisième projet révisé selon laquelle la vigilance exercée en matière de droits de l'Homme n'exonère pas automatiquement une personne morale ou physique exerçant des activités d'entreprises de sa responsabilité pour avoir causé ou contribué à des violations des droits de l'Homme ou manqué de les prévenir (66). Une autre source de confusion résulte de la nouvelle notion d'« organes publics compétents » (« relevant State agencies »), dont la définition inclut certes les organes juridictionnels (67), mais qui ne permet plus de clairement faire la distinction entre les mécanismes juridictionnels et les mécanismes non juridictionnels, conformément aux principes directeurs des Nations unies. La CNCDH renvoie par ailleurs à ses observations formulées ci-dessous relatives à l'ample marge de manœuvre conférée aux Etats, en particulier pour l'article 8 relatif à la responsabilité juridique.
    Préserver et renforcer la protection des titulaires de droits et l'accès aux voies de recours pour remédier aux dénis de justice
  17. La CNCDH avait salué le renforcement de la protection des titulaires de droits et de l'accès aux voies de recours et à la réparation des victimes au cours des versions successives du projet de traité (68). Elle souhaite souligner ici les améliorations apportées par le projet actualisé concernant notamment l'accès à l'information ou la protection contre les représailles, mais alerter contre les reculs importants qui risquent de restreindre l'apport du projet de traité s'agissant de la mise en œuvre du troisième pilier des principes directeurs des Nations unies (69), pourtant identifiée comme « une priorité majeure et urgente pour la décennie à venir, et une question cruciale pour la réalisation des droits de l'Homme et du développement durable pour tous » (70).
  18. La CNCDH accueille avec satisfaction le renforcement des droits à l'information dans le projet actualisé de traité, fondamentaux pour la prévention et l'accès aux voies de recours et à la réparation. L'accès à l'information a été renforcé à l'article 4 portant sur les droits des « victimes » (71) en particulier en ajoutant qu'elles doivent se voir garantir « la pleine participation, la transparence et l'indépendance des processus de réparation » (72). De même, l'article 7§3 b) (sur l'accès aux voies de recours) renforce le langage relatif à l'accès à des « sources fiables » pour les victimes concernant leurs droits de l'Homme et l'état de leurs réclamations (« status of their claims »), en incluant également leurs représentants et les informations relatives au rôle et à la capacité des « organes publics compétents » (« relevant State agencies ») à aider les victimes à obtenir un recours effectif, mais aussi la nécessité de leur assurer « un soutien approprié pour leur permettre de participer efficacement à tous les processus pertinents » (73). La mention expresse que ce soutien inclut les demandes de divulgation d'informations pertinentes sur les activités ou les relations d'affaires liées à une violation des droits de l'Homme est ici particulièrement bienvenue (74). Il en va de même de l'obligation pour les Etats de garantir la « divulgation équitable et en temps utile » des éléments de preuve pertinents dans le cadre d'un litige ou de procédures d'exécution (enforcement proceedings) (75). La CNCDH rappelle qu'elle recommande de prévoir que dans le cadre d'une procédure, les documents internes à même de faire la lumière sur les causes d'un dommage ainsi que les processus décisionnels puissent être accessibles aux victimes et à leurs représentants (76).
  19. Les différences entre les parties en termes d'accès aux informations et de ressources, de même que l'objectif de « réduire progressivement les obstacles juridiques, pratiques et autres obstacles pertinents qui, individuellement ou de manière combinée, empêchent une victime d'accéder [à des voies de recours effectives] » (77) font partie des motifs expressément invoqués par le projet actualisé de traité, dans ses dispositions relatives à la charge de la preuve (78). Selon le nouvel article 8§5, les Etats doivent assurer « une répartition appropriée de la charge de la preuve dans les procédures judiciaires et administratives », y compris, « en fonction des circonstances », par le biais des mesures visées à l'article 7§4 (79). Celles-ci incluent notamment les mesures visant à faciliter la production de preuves, telles que, « le cas échant et selon les cas », le renversement de la charge de la preuve et la « charge de la preuve dynamique » (80). Malgré les limites de ces dispositions, liées en particulier à la référence à la compatibilité avec les systèmes juridiques et administratifs nationaux (81), la mention expresse de la charge de la preuve dynamique (82) et du lien entre le renversement de la charge de la preuve et les déséquilibres entre les parties (83) ainsi que les obstacles à l'accès aux voies de recours effectives sont bienvenus (84).
  20. Le projet actualisé de traité maintient le droit des victimes (prévu par le troisième projet révisé) de pouvoir soumettre, « dans les cas appropriés », des réclamations par le biais d'actions collectives ou représentatives, exercées devant les juridictions ou mécanismes non juridictionnels des Etats parties (85). Il ajoute une nouvelle disposition imposant aux Etats de « veiller à ce que les règles de procédure civile prévoient la possibilité d'actions de groupe dans les cas d'allégations de violation des droits de l'Homme » (86). Cette nouvelle disposition est bienvenue. La possibilité pour les titulaires de droits de défendre collectivement ceux-ci face aux violations commises par les entreprises, par le biais d'actions représentatives et d'actions de groupe, favorise le renforcement de l'accès aux voies de recours et à la réparation (87). Il en va de même de l'aide juridictionnelle, mentionnée désormais non seulement à l'article 4 sur les droits des victimes (88), mais également à l'article 7 relatif à l'accès aux voies de recours (89) et plus largement des dispositions visant à réduire la charge financière que représente pour les victimes l'exercice d'un recours. Le projet actualisé vise l'exonération des frais de justice et y ajoute la possibilité de prévoir des exceptions pour ne pas mettre à la charge des victimes les coûts de la procédure « en reconnaissance de l'intérêt général en jeu » (90). La CNCDH recommande toutefois à nouveau de prévoir que tant que l'action n'est pas vexatoire, abusive (notion d'allégation plausible, « arguable claim »), les requérants déboutés ne se voient pas imputer par le juge les coûts de la procédure (91).
  21. La CNCDH accueille avec satisfaction le renforcement des dispositions relatives à la protection contre les représailles dans le projet actualisé de traité (92), qui intègre la question dans les mesures faisant partie de l'obligation de vigilance au titre de l'article 6 (93) et fait désormais le lien entre le risque de subir de représailles et l'accès aux voies de recours à l'article 7 (94). Ces ajouts sont essentiels compte tenu de l'ampleur des menaces que rencontrent notamment les défenseurs des droits de l'Homme et de l'environnement qui alertent sur les pratiques commerciales irresponsables et agissent pour que les entreprises et les investisseurs assument effectivement leur responsabilité de respecter les droits de l'Homme (95). De même, l'ajout de deux dispositions portant sur les mesures provisoires (« precautionary measures »), jusqu'à présent absentes du projet de traité, est bienvenu. Les Etats doivent les adopter (du moins dans le contexte contentieux) face à des « situations urgentes présentant un risque sérieux de violations des droits de l'Homme ou en cas de violation continue de ces derniers [“ongoing human rights abuse”] » (96).
  22. Si ces aspects liés à la protection des titulaires de droits sont renforcés, le projet actualisé affaiblit en revanche la disposition relative à la consultation des parties prenantes parmi les mesures de vigilance. L'article 6§4 d) n'évoque plus que des « consultations significatives avec les groupes potentiellement affectés et les autres parties prenantes concernées » (97), quand le troisième projet révisé visait notamment expressément les organisations syndicales, ce que la CNCDH avait salué, tout en recommandant de viser l'ensemble des défenseurs des droits (98). Outre une référence trop concise aux consultations, les obligations des entreprises en termes de reporting et de transparence ont également été affaiblies dans le projet actualisé (99).
  23. Par ailleurs, le projet actualisé de traité affaiblit considérablement, voire supprime complètement, plusieurs dispositions pourtant clés pour remédier aux dénis de justice. Il amoindrit la formulation déjà affaiblie par le troisième projet révisé (100) relative à l'interdiction du forum non conveniens en n'y faisant plus qu'une référence implicite et en élargissant la marge de manœuvre des Etats à cet égard (101). La CNCDH recommande au contraire de revenir à la formulation du second projet révisé selon lequel, lorsque les victimes choisissent de porter une requête devant une juridiction conformément à l'article 9§1, la compétence est obligatoire et les juridictions ne peuvent donc pas la rejeter sur la base du forum non conveniens (102). Le projet actualisé de traité supprime en outre deux dispositions essentielles pour l'accès aux voies de recours : celle relative à l'exception de connexité, lorsqu'il existe plusieurs affaires liées dans différents Etats (103), et celle relative au forum de nécessité, conférant la compétence aux juridictions pour connaître des plaintes à l'encontre de personnes morales ou physiques non domiciliées sur le territoire de l'Etat du for à deux conditions : « s'il n'existe aucun autre for effectif garantissant un procès équitable et s'il existe un lien avec l'Etat partie (…) » (104). Une disposition intéressante est toutefois introduite pour encourager la coopération des juges saisis en même temps pour des affaires concernant les mêmes parties et des faits similaires (105).
  24. La CNCDH salue le maintien, dans le projet actualisé, de l'article 11 portant sur le droit applicable (106). Elle encourage à poursuivre les discussions sur cette disposition essentielle pour les contentieux relatifs à des violations des droits de l'Homme commises dans le contexte d'activités d'entreprises comportant des éléments d'extranéité, afin de fixer des règles de conflit de lois en la matière (107). La CNCDH insiste sur l'importance de conserver la précision selon laquelle le choix du droit applicable (pour les questions de fond) revient à la victime (108).
  25. Enfin, s'agissant de l'articulation du projet de traité avec le droit international et les droits nationaux, la CNCDH regrette tout d'abord la suppression, dans la version actualisée, de l'article 14§5 b) du troisième projet révisé. Si l'article 14§5 a du projet actualisé fait toujours référence à l'obligation explicite d'interpréter et d'appliquer les accords bilatéraux, internationaux et régionaux existants, y compris les accords de commerce et d'investissement, d'une manière compatible avec leurs obligations en vertu du présent projet d'instrument et de toute autre convention ou instrument en matière de droits de l'Homme, cette obligation disparaît pour les futurs accords de commerce et d'investissement. La CNCDH avait pourtant salué cette disposition et recommandé de l'élargir de façon à inclure les obligations internationales non conventionnelles (109). La CNCDH recommande d'élargir la formulation de l'article 14§5 pour inclure les futurs accords de commerce et d'investissement et de faire référence également aux obligations non conventionnelles, y compris à l'article 14§3.
  26. La CNCDH constate ensuite avec inquiétude l'introduction d'un grand nombre de références à la « compatibilité avec les systèmes juridiques et administratifs nationaux » (110) dans des dispositions qui devraient être clés pour remédier aux dénis de justice. Tel est le cas de l'article 8 sur la responsabilité juridique. Si son paragraphe 1, qui impose aux Etats de prévoir un « système complet et adéquat de responsabilité juridique des personnes morales et physiques » pour les violations des droits de l'Homme commises dans le contexte d'activités d'entreprises, ne vise pas un tel critère (111), c'est le cas de ses paragraphes suivants (112). Une importante marge de manœuvre serait ainsi conférée aux Etats par exemple (113) pour déterminer la nature de la responsabilité juridique (pénale, civile ou administrative) des personnes morales ou physiques impliquées dans des violations des droits de l'Homme commises dans le contexte d'activités d'entreprises (114), y compris pour celles qui pourraient relever des qualifications du droit international pénal ou du droit international humanitaire (115). Les mesures relatives à l'accessibilité des voies de recours, y compris celles visant à lever les obstacles que rencontrent les victimes, comportent également cette réserve de la compatibilité avec les systèmes juridiques et administratifs nationaux (116). Il en va de même de l'article 9§3 qui non seulement vise l'interdiction du forum non conveniens uniquement de manière implicite, mais le soumet aussi à cette même condition (117). La CNCDH considère que ces références à la « compatibilité avec les systèmes juridiques et administratifs nationaux » (ou aux « principes juridiques » - « legal principles » des Etats parties) laissent une telle marge de manœuvre aux Etats qu'elles pourraient entraver la capacité du traité à réellement harmoniser les obligations en la matière et posent la question de l'effectivité de ses dispositions (118). Elle recommande ainsi de les supprimer.
  27. La CNCDH réitère son appui aux négociations pour un instrument juridiquement contraignant visant à réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises en matière de droits de l'Homme. Elle encourage la France à user de son influence pour participer à la mobilisation collective nécessaire afin de consolider les améliorations apportées au projet de traité, pallier les faiblesses qui subsistent, s'opposer aux nouveaux reculs et concourir à l'adoption d'un traité susceptible de contribuer à une conduite responsable des entreprises au profit du plein respect des droits de l'Homme, partout dans le monde, et de l'obligation de protéger des Etats.

Recommandations de la CNCDH

Recommandation n° 1 : La CNCDH recommande à la France de poursuivre ses efforts afin que l'Union européenne soit dotée, sans plus tarder, d'un mandat pour négocier au nom de ses Etats membres lors des prochaines sessions et qu'elle affirme son intention en ce sens dès la neuvième session.
Recommandation n° 2 : La CNCDH recommande de définir plus précisément la responsabilité des Etats en tant qu'acteurs économiques conformément au principe directeur n° 4 des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme.
Recommandation n° 3 : La CNCDH recommande que l'article 3§3 fasse expressément référence aux « traités fondamentaux » relatifs aux droits de l'Homme et aux dix conventions fondamentales de l'OIT, mais aussi aux autres traités, conventions et déclarations pertinentes adoptés par les Nations unies et l'OIT.
Recommandation n° 4 : La CNCDH recommande de réintroduire, dans le préambule, une mention expresse, à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que d'ajouter une référence aux principes directeurs sur l'extrême pauvreté et les droits de l'Homme et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales.
Recommandation n° 5 : La CNCDH recommande de réintroduire, dans le projet de traité, une référence explicite au droit à un environnement sain, propre et durable pour consacrer sa reconnaissance internationale dans un instrument juridiquement contraignant et favoriser une interprétation prenant dûment en compte l'interdépendance entre les droits de l'Homme, l'environnement, le climat et la biodiversité dans le contexte des activités des entreprises.
Recommandation n° 6 : La CNCDH recommande que la définition du contenu de l'obligation de vigilance comprenne toutes les dimensions développées par les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, notamment en prévoyant des dispositions sur l'engagement politique, sur les mécanismes de réclamation et mesures de réparation, ainsi qu'en rappelant plus clairement le caractère continu de l'obligation de vigilance.
Recommandation n° 7 : La CNCDH recommande que l'article 1§8 précise que les mesures mentionnées comme devant faire partie de tout processus de vigilance en matière de droits de l'Homme soient non exhaustives.
Recommandation n° 8 : La CNCDH recommande de faire à nouveau une référence expresse à la prise en compte des impacts négatifs « réels ou potentiels » en matière de droits de l'Homme, afin de favoriser l'anticipation des risques et la prévention des violations.
Recommandation n° 9 : La CNCDH recommande d'employer le terme, plus large, de titulaires de droits plutôt que celui de victimes, lorsqu'il s'agit de viser l'ensemble des personnes ou groupes de personnes susceptibles d'être impactés, réellement ou potentiellement, par les activités des entreprises.
Recommandation n° 10 : La CNCDH recommande de réintroduire l'obligation de vigilance renforcée applicable dans les territoires occupés ou les zones touchées par un conflit à l'article 6 portant sur la prévention et d'en détailler le contenu, en précisant les mesures que les Etats doivent imposer aux entreprises afin d'identifier et d'atténuer les risques accrus en matière de droits de l'Homme résultant de leurs activités et de leurs relations d'affaires, de prévenir leurs violations et d'y remédier.
Recommandation n° 11 : La CNCDH recommande que le préambule du projet de traité rappelle l'obligation pour les entreprises de respecter le droit international humanitaire, aux côtés de l'obligation des Etats de respecter et de faire respecter ce droit en toutes circonstances.
Recommandation n° 12 : La CNCDH recommande de modifier l'article 6§5 pour prévoir que chaque Etat partie doit prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les entreprises prennent les dispositions appropriées pour prévenir les violations des droits de l'Homme commises par des tiers lorsque celles-ci sont directement liées à ses opérations, produits ou services par leurs relations d'affaires, y compris en imposant une obligation légale de prévention de telles violations, dont le non-respect peut engager leur responsabilité, par le renvoi à l'article 8.
Recommandation n° 13 : La CNCDH recommande de modifier l'article 8§7 de façon à prévoir l'engagement de la responsabilité des entreprises également pour leur manquement à l'obligation de prévention des violations prévisibles des droits de l'Homme auxquelles elles sont directement liées par leurs relations d'affaires, à moins qu'elles ne prouvent qu'elles ont pris toutes les mesures appropriées pour effectivement les prévenir.
Recommandation n° 14 : La CNCDH recommande de clarifier l'articulation entre l'article 6 sur la prévention et l'article 8 sur la responsabilité, notamment en précisant expressément que la violation de l'obligation de vigilance en matière de droits de l'Homme peut conduire à l'engagement de la responsabilité et à l'obligation de réparer de l'entreprise qui la cause, y contribue ou y est directement liée par le biais de ses opérations, produits et services.
Recommandation n° 15 : La CNCDH recommande de modifier l'article 7§4 a) de façon à prévoir que tant que l'action n'est pas vexatoire ou abusive, les requérants déboutés ne seront pas tenus de rembourser les frais de justice de l'autre partie à la procédure.
Recommandation n° 16 : La CNCDH recommande de réintroduire une référence expresse à l'interdiction du forum non conveniens, qui prévoit que lorsque les victimes choisissent de porter une requête devant une juridiction conformément à l'article 9§1, la compétence est obligatoire et que les juridictions ne peuvent pas la rejeter sur la base du forum non conveniens.
Recommandation n° 17 : La CNCDH recommande de réintroduire une disposition portant sur l'exception de connexité, comme prévu par l'article 9§4 du troisième projet révisé de traité.
Recommandation n° 18 : La CNCDH recommande de réintroduire l'article 9§5 du troisième projet révisé de traité portant sur le forum de nécessité, en formulant les hypothèses de lien de connexion avec l'Etat partie de manière non limitative.
Recommandation n° 19 : La CNCDH recommande d'inclure les obligations non conventionnelles à l'article 14 portant sur l'articulation entre le projet de traité et le droit international et de faire à nouveau référence, à l'article 14§5, aux futurs accords de commerce et d'investissement.
Recommandation n° 20 : La CNCDH recommande de supprimer les trop nombreuses références à la « compatibilité avec les systèmes juridiques et administratifs nationaux » du projet actualisé de traité, en particulier celles qui sont susceptibles de porter atteinte à l'effectivité de ses dispositions.

ANNEXE
Liste des personnes ayant participé à une réunion informelle organisée par la CNCDH en vue de la prochaine session de négociations du projet de traité

Clara Alibert, chargée de plaidoyer Acteurs Economiques, CCFD-Terre Solidaire.
Amélie Chenin, rédactrice, sous-direction des droits de l'Homme et des affaires humanitaires, direction des Nations unies, des organisations internationales, des droits de l'Homme et de la francophonie, ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Sacha Feierabend, chargé de programme senior Entreprises, droits humains et environnement, FIDH (membre de la CNCDH).
François Gave, Représentant spécial pour la responsabilité sociétale des entreprises et la dimension sociale de la mondialisation, direction générale de la mondialisation, ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Kathia Martin-Chenut, directrice de recherche au CNRS, Rapporteure du groupe de travail « Entreprises et droits de l'Homme » de la CNCDH.
Maddalena Neglia, directrice du bureau Entreprises, droits humains et environnement, FIDH (membre de la CNCDH).
Pauline Poisson, CNCDH, secrétariat général.
Juliette Renaud, responsable de campagne, régulation des multinationales, Amis de la Terre.
Anaïs Schill, CNCDH, secrétariat général.

(1) Conseil des droits de l'Homme, Résolution 26/9 du 26 juin 2014, Elaboration d'un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'homme, A/HRC/RES/26/9, §1.
(2) Conseil des droits de l'homme, Résolution 17/4 du 16 juin 2011, Les droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises, A/HRC/RES/17/4. Les principes directeurs sont disponibles sous www.ohchr.org/sites/default/files/documents/publications/guidingprinciplesbusinesshr_fr.pdf.
(3) Présidence du groupe de travail intergouvernemental, projet actualisé (updated draft) d'instrument juridiquement contraignant pour réglementer, dans le droit international des droits de l'homme, les activités des sociétés transnationales et autres entreprises, 31 juillet 2023. Une version en suivi de modifications a également été publiée sur le site du groupe de travail intergouvernemental.
(4) La forme exacte du projet d'instrument juridiquement contraignant (pacte, convention, traité, etc.) sera déterminée au cours négociations, mais il est communément désigné par le terme de « traité ».
(5) Voir la compilation des contributions écrites publiée le 5 avril 2023.
(6) La présidence du groupe de travail intergouvernemental, assurée par l'Équateur, a annoncé son intention d'inviter un groupe d'Ambassadeurs à agir en tant qu'Amis de la présidence en amont de la septième session de négociation en 2021, afin d'aider à faire avancer les travaux sur le projet de traité entre les sessions de négociation. Ce groupe des Amis a pu se constituer après la huitième session de 2022 et l'annonce de la volonté du Cameroun de rejoindre l'Azerbaïdjan, la France, l'Indonésie, le Portugal et l'Uruguay, permettant de réunir un groupe d'Etats représentatif des différents groupes régionaux des Nations unies.
(7) Voir la compilation des résultats des consultations régionales intersessions menées par les Amis de la présidence publiée sur le site du groupe de travail intergouvernemental.
(8) Voir les lignes directrices publiées par la présidence du groupe de travail intergouvernemental le 23 mars 2023.
(9) Rapport du groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, dixième anniversaire des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme : bilan de la première décennie d'application, 22 avril 2021, A/HRC/47/39.
(10) Voir en ce sens l'intervention de la France lors de la discussion générale de la huitième session qui invite les Etats à avancer plus vite car « l'opinion publique internationale [et] les victimes des violations de droits de l'Homme l'attendent », tout en insistant aussi sur la nécessité que le projet de traité soit « plus réaliste, équilibré, suffisamment clair et précis au plan juridique », afin qu'il puisse effectivement être mis en œuvre.
(11) Voir par exemple les cartes et tableaux comparatifs suivants, à propos des législations dans le monde (Ius Laboris, Map of Supply Chain Due Diligence Laws, avril 2022) et en Europe (ECCJ, Comparative table: Corporate due diligence laws and legislative proposals in Europe, 21 mars 2022). La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a également confié à un groupe de travail le mandat de préparer un projet d'un instrument régional africain juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales et autres entreprises commerciales (Résolution sur les entreprises et les droits de l'Homme en Afrique, 21 mars 2023, CADHP/Res. 550 (LXXIV) 2023).
(12) La CNCDH note que les Etats-Unis, siège de nombreuses entreprises multinationales, se sont pour la première fois engagés de manière plus substantielle dans le processus à l'occasion de la huitième session de négociation en prenant position sur plusieurs dispositions tant du troisième projet révisé de traité que des propositions informelles publiées, en parallèle, par la présidence du groupe de travail intergouvernemental, même si ce pays continue d'exprimer des préoccupations quant au fond du projet de traité et quant au processus de négociation.
(13) Les trilogues ont débuté après l'adoption par le Parlement européen (le 1er juin 2023) de sa position de négociation relative à la proposition de directive publiée par la Commission européenne le 23 février 2022, suivant celle du Conseil de l'UE du 1er décembre 2022. La CNCDH rappelle en outre que les deux processus devraient en tout état de cause être menés de manière parallèle, s'enrichir mutuellement et être portés avec ambition (CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration pour une implication substantielle de la France et de l'Union européenne dans les négociations, Assemblée plénière du 28 octobre 2021, §11, JORF n° 0260 du 7 novembre 2021, texte n° 67).
(14) Certains Etats membres de l'UE expriment toutefois encore des réserves sur ce point ou ne se prononcent pas.
(15) Voir les exemples cités dans la déclaration de la CNCDH de 2021, op. cit. Au-delà de l'UE, le projet actualisé publié par la présidence du groupe de travail intergouvernemental le 31 juillet 2023, qui reprend pour une large partie ses propositions informelles de 2022, semble refléter sa volonté de prendre davantage en compte les préoccupations du groupe des Etats d'Europe occidentale et autres Etats (WEOG) (voir en ce sens les résultats des consultations du groupe WEOG, op. cit.). Dans le présent avis, la CNCDH souligne toutefois le recul que représente ce projet actualisé sur plusieurs points.
(16) CNCDH, Déclaration sur l'adoption d'un instrument international contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 5 octobre 2018, JORF n° 0238 du 14 octobre 2018, texte n° 100 ; CNCDH, Avis sur le projet d'instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 15 octobre 2019, JORF n° 0244 du 19 octobre 2019, texte n° 86 ; CNCDH, Avis de suivi sur le projet d'instrument juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l'Homme, Assemblée plénière du 15 octobre 2020, JORF n° 0260 du 25 octobre 2020, texte n° 64 ; CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration pour une implication substantielle de la France et de l'UE dans les négociations, 28 octobre 2021, op. cit.
(17) La CNCDH regrette, une nouvelle fois, l'absence de traduction du projet actualisé de traité dans les six langues officielles des Nations unies.
(18) Selon l'article 3§1 du projet actualisé de 2023, le projet de traité s'applique « à toutes les activités des entreprises, y compris les activités des entreprises à caractère transnational ». Pour une définition des activités des entreprises (« business activities ») et des activités des entreprises à caractère transnational (« business activities of a transnational character »), voir l'article 1§4 et §5 du projet actualisé de 2023.
(19) CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §4 (qui cite également ses précédents avis en ce sens). Voir notamment l'article 1§4 qui, dans la définition des activités des entreprises, vise expressément les entreprises publiques.
(20) Voir le principe directeur n° 14 : « La responsabilité qui incombe aux entreprises de respecter les droits de l'homme s'applique à toutes les entreprises indépendamment de leur taille, de leur secteur, de leur cadre de fonctionnement, de leur régime de propriété et de leur structure ». En ce sens, le rappel, à l'alinéa 12 du préambule du projet actualisé, que « les entreprises, quels que soient leur taille, leur secteur, leur emplacement, leur contexte opérationnel, leur propriété et leur structure, ont la responsabilité de respecter les droits de l'Homme internationalement reconnus » est bienvenu. La CNCDH rappelle toutefois qu'elle recommande d'employer le terme de « violation » (violation) plutôt que celui d'« atteinte » (abuse) ou, à défaut, d'employer les deux termes systématiquement de manière conjointe (CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §7, recommandation n° 5).
(21) Voir les articles 1§8 (définition de la diligence raisonnable en matière de droits de l'Homme) et 3§2 (champ d'application) du projet actualisé de traité de 2023. Les principes directeurs des Nations unies reconnaissent également que « la portée et la complexité des moyens par lesquels les entreprises s'acquittent de [leur responsabilité de respecter les droits de l'Homme] peuvent varier selon [la taille, le secteur, le cadre de fonctionnement, le régime de propriété et leur structure] et la gravité des incidences négatives sur les droits de l'homme » (principe directeur n° 14).
(22) CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §5 ; CNCDH, Avis de suivi (…), op. cit., 15 octobre 2020, recommandation n° 2. L'emploi du terme de « violation » dans le projet de traité (plutôt qu'alternativement celui de « violation » et celui d'« atteinte ») permettrait plus clairement de viser tant les entreprises privées que les entreprises publiques.
(23) Voir le principe directeur n° 4 des principes directeurs des Nations unies. Pour des recommandations adressées à la France sur ce point, voir CNCDH, Entreprises et droits de l'Homme. Respecter, protéger, réparer, La Documentation française, 2023, à paraître le 4 novembre 2023.
(24) La référence au droit international coutumier a été supprimée non seulement à l'article 3§3 relatif au champ d'application, mais également à l'article 8 relatif à la responsabilité, alors que l'article 8§8 du troisième projet révisé du 17 août 2021 y faisait référence en lien avec les crimes internationaux. La référence au droit international coutumier reste en outre toujours absente de l'article 14 sur l'articulation avec le droit international, alors que la CNCDH recommande que cette disposition fasse référence non seulement aux obligations conventionnelles, mais également aux obligations non conventionnelles (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., recommandation n° 19).
(25) Comparer avec l'article 3§3 du troisième projet révisé de traité qui faisait référence à la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, aux « traités fondamentaux » relatifs aux droits de l'Homme (« core international human rights treaties ») et aux conventions fondamentales de l'OIT. Cette suppression permet toutefois de corriger la mention inutile « auxquels un Etat est partie » s'agissant des conventions fondamentales de l'OIT (CNCDH, Avis de suivi (…), op. cit., 15 octobre 2020, note 16).
(26) L'alinéa 2 du préambule du projet actualisé de traité fait référence aux neuf « traités fondamentaux » relatifs aux droits de l'Homme, aux huit conventions fondamentales de l'OIT et ajoute une référence aux « autres traités et conventions pertinents en matière de droits de l'Homme adoptés par les Nations unies et l'OIT ». Cet ajout est bienvenu notamment afin de ne pas exclure, par la seule référence aux « traités fondamentaux » en matière de droits de l'Homme, les traités n'ayant pas prévu d'organe conventionnel pour leur suivi. La CNCDH note toutefois que les conventions fondamentales de l'OIT sont, depuis la 110e session de la Conférence internationale du travail en juin 2022 et l'inclusion d'un milieu de travail sûr et salubre dans le cadre des principes et droits fondamentaux au travail, au nombre de dix et invite à corriger cet oubli. L'alinéa 3 du préambule mentionne la DUDH, la Déclaration et le Programme d'action de Vienne ainsi qu'une nouvelle référence, générique, à « toutes les autres déclarations adoptées au niveau international en matière de droits de l'Homme » (« all other internationally agreed human rights Declaration ») qui remplace le renvoi expresse, dans le troisième projet révisé, notamment à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'Homme ou à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. D'autres instruments sont cités à l'alinéa 15 en lien avec la nécessaire intégration d'une perspective de genre, tels que la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Le nouvel alinéa 9 reprend quant à lui le langage de la Convention relative aux droits de l'enfant, en insistant sur la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, sans toutefois y faire expressément référence.
(27) La CNCDH avait accueilli avec satisfaction que le projet de traité, tout en rappelant l'interdépendance et l'indivisibilité des droits de l'Homme, reconnaisse l'impact différentié pour certains groupes de personnes, de même qu'insiste sur l'intégration d'une perspective de genre, afin de contribuer à une égalité matérielle et non uniquement formelle (CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §5 ; CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §12).
(28) Cette référence serait utile notamment pour l'interprétation de l'article 6§4 f) portant sur les consultations des peuples autochtones et le respect du consentement libre, préalable et éclairé comme composantes de l'obligation de vigilance.
(29) Voir à ce propos : CNCDH, Avis sur la Déclaration sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales, Assemblée plénière du 2 octobre 2018, JORF n° 0238 du 14 octobre 2018, texte n° 98.
(30) Comparer l'article 1§3 du projet actualisé de traité de 2023 avec l'article 1§2 du troisième projet révisé de 2021 qui faisait une référence au « droit à un environnement sûr, propre et sain ».
(31) Conseil des droits de l'Homme, Résolution 48/13 du 8 octobre 2021, Droit à un environnement propre, sain et durable, A/HRC/RES/48/13 ; Assemblée générale, Résolution 76/300 du 28 juillet 2022, Droit à un environnement propre, sain et durable, A/RES/76/300.
(32) La CNCDH note qu'il s'agit de l'approche retenue par le législateur français, la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (JORF n° 0074 du 28 mars 2017, texte n° 1) couvrant les droits humains et l'environnement. De même, la future directive de l'UE relative au devoir de vigilance vise les incidences négatives sur les droits de l'Homme et sur l'environnement. En outre, les principes directeurs de l'OCDE viennent justement d'être mis à jour pour renforcer les recommandations relatives notamment à l'environnement, à la biodiversité et au changement climatique et ainsi répondre aux « priorités sociales, environnementales et technologiques urgentes auxquelles les sociétés et les entreprises sont confrontées » (OCDE, principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable des entreprises, mis à jour le 8 juin 2023, p. 3).
(33) Article 6§1 du projet actualisé de traité.
(34) Voir l'alinéa 12 du préambule du projet actualisé de traité qui ne fait plus mention, comme l'alinéa 11 du préambule du troisième projet révisé auquel il correspond, à la prévention et à l'atténuation des violations, mais à la prévention des violations et à l'atténuation des risques. De même, la référence à l'« atténuation des violations » a été supprimée de l'article 6. La CNCDH recommandait de supprimer ces références et que les obligations de vigilance comprennent tant les mesures propres à identifier et à atténuer les risques que celles visant à prévenir les violations des droits de l'Homme, conformément à l'observation générale n° 24 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §6 ; CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §10, recommandation n° 8).
(35) Voir l'article 2 e du projet actualisé de traité qui fait toujours référence à la prévention et à l'atténuation des violations des droits de l'Homme, alors que les violations ne doivent pas être atténuées mais évitées, les risques pouvant quant à eux être atténués. Voir aussi l'article 1§8 qui mentionne, sans distinction, l'identification, la prévention, l'atténuation et la reddition des comptes sur la manière dont les entreprises traitent de leurs impacts négatifs sur les droits de l'Homme.
(36) La CNCDH rappelle sa recommandation de compléter le projet de traité en prévoyant que les Etats doivent exiger des entreprises qu'elles surveillent l'incidence de leurs activités sur les droits de l'Homme, y compris celles dans le cadre de leurs relations d'affaires, en plus de surveiller l'effectivité des mesures de prévention et d'atténuation prises pour y remédier (CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §11).
(37) Voir en ce sens les principes directeurs n° 16, n° 15 b et n° 19 a des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, op. cit., ainsi que les principes directeurs de l'OCDE à l'intention des entreprises multinationales. Il s'agit pourtant de la première des six étapes du processus de diligence selon le guide l'OCDE en la matière (OCDE, Guide OCDE sur le devoir de diligence pour une conduite responsable des entreprises, 2018, pp. 26 et s.).
(38) Voir les principes directeurs des Nations unies n° 15 c), 22, 29 et 30, op. cit., sur la mise en place par les entreprises de mécanismes de réclamation au niveau opérationnel (ou participation à de tels mécanismes dans le cadre d'initiatives conjointes) et les mesures de réparation qu'elles doivent prévoir (ou auxquelles elles doivent collaborer).
(39) Voir en ce sens la sixième étape du processus de diligence raisonnable selon le guide de l'OCDE, précité.
(40) Selon le principe directeur n° 17 c des Nations unies, la diligence raisonnable en matière de droits de l'Homme « devrait s'exercer en permanence, étant donné que les risques en matière de droits de l'homme peuvent changer à terme au fur et à mesure de l'évolution des activités et du cadre de fonctionnement de l'entreprise commerciale ».
(41) La mention « notamment » ou « en particulier » devrait ainsi être introduite à l'article 1§8. Dans le même sens, le réseau européen d'institutions nationales des droits de l'Homme (ENNHRI) recommande que la future directive de l'Union européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité définisse une liste non exhaustive de mesures appropriées qu'une entreprise devrait prendre en réponse à des impacts négatifs, afin de promouvoir une diligence raisonnable efficace fondée sur le risque sans étouffer l'innovation (ENNHRI, Statement in the Context of the EU Trilogue Concerning the EU Corporate Sustainability Due Diligence Directive, octobre 2023). ENNHRI recommande également d'intégrer des critères d'effectivité dans la définition des mesures appropriées.
(42) Comparer l'article 1§8 du projet actualisé de traité avec l'article 6§3 a du troisième projet révisé.
(43) Voir la définition des impacts négatifs en matière de droits de l'Homme (adverse human rights impact) retenue à l'article 1§2. Le Parlement européen retient une définition similaire de l'incidence négative sur les droits de l'Homme dans le cadre des négociations relatives à la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, contrairement à la Commission européenne et au Conseil de l'Union européenne (voir en ce sens la recommandation d'ENNHRI de privilégier la définition proposée par le Parlement européen : ENNHRI, Statement in the Context of the EU Trilogue Concerning the EU Corporate Sustainability Due Diligence Directive, octobre 2023).
(44) Le principe directeur n° 17 mentionne expressément les « incidences effectives et potentielles sur les droits de l'homme ». De même, la loi française sur le devoir de vigilance mentionne, en lien avec le mécanisme d'alerte et de recueil des signalements, « l'existence ou (…) la réalisation des risques » (article L. 225-102-4 I alinéa 64° du code de commerce).
(45) Voir le principe directeur n° 24.
(46) Voir en ce sens le commentaire du principe directeur n° 17 ainsi que l'étape 3 du processus de diligence raisonnable selon le guide de l'OCDE, précité.
(47) L'article 1§1 du projet actualisé de traité définit la victime comme « toute personne ou groupe de personnes ayant subi une violation des droits de l'Homme dans le contexte des activités des entreprises, quelle que soit sa nationalité ou son lieu de domicile ». Sont également inclus « les membres de la famille immédiate ou les personnes à charge de la victime directe ». La CNCDH réitère sa recommandation que la notion de « proches » (« relatives ») soit préférée à celle de « famille immédiate » ou « personnes à charge de la victime directe » (« immediate family members or dependents of the direct victim »), comme c'est le cas dans la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées du 20 décembre 2006 (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., §9, recommandation n° 4 ; CNCDH, Avis de suivi (…), op. cit., 15 octobre 2020, recommandation n° 6). La CNCDH regrette par ailleurs que le projet actualisé supprime la référence aux dommages individuels et collectifs, les activités des entreprises pouvant également avoir des incidences négatives sur les droits collectifs, en particulier s'agissant des peuples autochtones (voir en ce sens : CCFD-Terre Solidaire, ECCHR, ProDESC, Des droits à la réalité. Garantir une application du devoir de vigilance axée sur les détenteurs de droits, 2023). Elle réitère ici que la définition de la victime devrait employer le terme de « violation » et non celui d'« atteinte » (le projet de traité employant le terme d'« abuse »), afin de viser plus clairement les violations pouvant résulter de l'Etat.
(48) Comparer l'article 6§4 g du troisième projet révisé de traité (qui reprend l'article 6§3 g du second projet révisé du 6 août 2020) avec l'article 6§4 du projet actualisé de traité. L'attention spécifique portée aux activités menées par les entreprises dans les zones touchées par un conflit ou territoires occupés faisait pourtant partie des améliorations saluées par la CNCDH depuis le projet révisé de traité du 16 juillet 2019 (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., §7).
(49) La CNCDH recommande ainsi à la France d'imposer un devoir de vigilance renforcé aux entreprises opérant dans des situations de conflit armé et détaille les mesures que la France devrait prendre à ce titre (CNCDH, Entreprises et droits de l'Homme. Respecter, protéger, réparer, 2023, p. 362, recommandations n° 139 et n° 140).
(50) L'article 16§3 du projet actualisé de traité impose d'accorder « une attention particulière (…) aux activités des entreprises dans les zones touchées par un conflit, notamment en prenant des mesures pour identifier, prévenir et atténuer les risques en matière de droits de l'Homme résultant de ces activités et des relations d'affaires et pour évaluer et traiter ces risques accrus d'atteintes » et mentionne l'attention particulière qui doit être accordée « à la violence sexiste et sexuelle, à l'utilisation d'enfants soldats et aux pires formes de travail des enfants, y compris le travail forcé et dangereux ».
(51) La CNCDH note qu'une référence aux « zones occupées ou touchées par un conflit » se retrouvait, dans le projet révisé de 2019, tant à l'article sur la prévention (article 5§3 e) qui mentionnait également les produits et services) qu'à l'article sur la mise en œuvre (article 14§3).
(52) Assemblée générale des Nations unies, Rapport du groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Entreprises, droits humains et régions touchées par des conflits : vers une action renforcée, 21 juillet 2020, A/75/212.
(53) Voir en ce sens, à propos du second projet révisé, rappelant que le droit international des droits de l'Homme et le droit international humanitaire s'appliquent de manière complémentaire en période de conflit armé : CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §12. La CNCDH regrette également la suppression, dans le projet actualisé de traité, de la reconnaissance de l'impact différencié des activités des entreprises sur « les populations protégées en zone d'occupation ou de conflit » (« populations under occupation or conflit areas »), mentionnée dans le troisième projet révisé (article 6§4 c) et dans le second projet révisé (article 6§3 c).
(54) Voir en ce sens le commentaire du principe directeur des Nations unies n° 12 (p. 16). Pour une introduction aux droits et obligations des entreprises au regard du droit international humanitaire (DIH), voir : CICR, « Les entreprises et le droit international humanitaire », 30 novembre 2006 ; SPOERRI Philip - Q&R : Le droit international humanitaire et entreprises, Revue internationale de la Croix-Rouge (RICR), volume 94, 2012/3 ; DAVIS Rachel, « Application des principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme dans les zones de conflit : obligations des Etats et responsabilités des entreprises », RICR, n° 887, septembre 2012.
(55) Voir l'alinéa 7 du préambule du projet actualisé de traité, qui devrait toutefois expressément faire référence à l'article 1 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949 (voir la recommandation formulée en ce sens par la CNCDH : CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., note 8). La CNCDH regrette par ailleurs la suppression de la référence au DIH à l'alinéa 6 du préambule, dans le contexte de l'accès à la justice et à la réparation. Le projet actualisé mentionne également le DIH à l'article 16§5, selon lequel l'application et l'interprétation « de ces articles » doivent être compatibles avec le droit international, y compris le droit international des droits de l'Homme et le DIH.
(56) Alinéa 12 du préambule du projet actualisé de traité (qui emploie toutefois le terme d'« atteinte » (abuse) plutôt que celui de « violation »). Cette affirmation fait écho au principe directeur n° 19 des Nations unies selon lequel les mesures que les entreprises doivent prendre au titre de la diligence raisonnable en matière de droits de l'Homme varient selon que l'entreprise est à l'origine de l'incidence négative (« causes ») ou y contribue ou qu'elle est impliquée seulement parce que l'incidence est directement liée à ses opérations, ses produits ou ses services par une relation d'affaire. Pour plus de détails, voir le commentaire du principe directeur n° 19.
(57) L'article 6§3 b du troisième projet révisé mentionne, parmi les mesures au titre de l'obligation de vigilance, « les mesures appropriées [que les Etats doivent imposer aux entreprises de prendre] pour éviter, prévenir et atténuer effectivement les violations [« abuses »] des droits de l'Homme, réelles ou potentielles, que l'entreprise cause ou auxquelles elle contribue par le biais de ses propres activités, ou par le biais des entités ou activités qu'elle contrôle ou gère » ainsi que « les mesures raisonnables et appropriées pour prévenir ou atténuer les violations [« abuses »] auxquelles elle est directement liée par ses relations d'affaires ».
(58) Commentaire du principe directeur n° 19. Voir également la position de l'institut allemand pour les droits de l'Homme qui insiste sur l'emploi des termes « contribuer à » pour indiquer que la « causalité conjointe » (joint causality) peut être suffisante (Institut allemand pour les droits de l'Homme (DIMR), « The ball is in the EU's court », septembre 2023).
(59) La CNCDH note également que la terminologie employée à l'article 1§8 du projet actualisé de traité est plus restrictive que celle retenue à l'article 6§3 a) du troisième projet révisé : la nouvelle disposition fait référence aux impacts négatifs en matière de droits de l'Homme dans lesquels l'entreprise peut être « impliquée » (« may be involved ») par ses propres activités ou ses relations d'affaires, quand l'ancienne version visait les impacts « pouvant résulter » (« may arise ») de ces dernières. L'emploi de ces termes plus restrictifs interroge d'autant plus que cette disposition vise l'identification et l'évaluation des impacts et que l'article 8§1, portant sur la responsabilité juridique, fait référence aux violations « pouvant résulter » (« may arise ») des activités de l'entreprise ou de ses relations d'affaires. Par ailleurs, la nouvelle définition de l'« atteinte aux droits de l'Homme » (« Human rights abuse »), qui vise « tout acte ou toute omission commis dans le cadre d'activités d'entreprises et qui résulte en un impact négatif pour les droits de l'Homme » (nous soulignons), pourrait être interprétée restrictivement comme signifiant que le dommage doit être le résultat direct de l'acte ou de l'omission en question (comparer l'article 1§3 du projet actualisé avec l'article 1§2 du troisième projet révisé qui définissait l'atteinte aux droits de l'Homme comme « tout préjudice direct ou indirect dans le contexte d'activités d'entreprises, par des actes ou omissions, contre une personne ou un groupe de personnes, qui entrave la pleine jouissance des droits de l'Homme et des libertés fondamentales internationalement reconnus »).
(60) ENNHRI note en sens, dans le contexte de la directive de l'UE sur le devoir de vigilance, que cette dernière devrait préciser que l'entreprise devrait prendre en compte non seulement les impacts qu'elle cause, mais aussi ceux auxquels elle contribue, que ce soit en provoquant un impact conjointement avec d'autres acteurs, ou en facilitant ou en incitant une autre entité à provoquer un impact par le biais, par exemple, de ses pratiques en matière d'achat. En outre, il convient de préciser qu'une entreprise doit tenir compte de son effet de levier lorsqu'elle détermine les mesures appropriées à prendre pour faire changer le comportement des entités qui causent ou contribuent à un impact auquel l'entreprise est directement liée (ENNHRI, Statement in the Context of the EU Trilogue Concerning the EU Corporate Sustainability Due Diligence Directive, octobre 2023).
(61) Selon l'article 6§5 du projet actualisé de traité, « [c]haque partie prend les mesures nécessaires pour s'assurer que les entreprises prennent les dispositions appropriées pour prévenir les violations des droits de l'Homme commises par des tiers lorsque l'entreprise contrôle, gère ou supervise le tiers, y compris en imposant une obligation légale de prévenir de telles violations dans les cas appropriés » (la version publiée en anglais, seule version disponible, emploie toutefois le terme d'« atteinte », que la CNCDH recommande de remplacer par celui de « violation »).
(62) Voir en ce sens le commentaire du principe directeur n° 19 des Nations unies.
(63) Voir la version du projet actualisé de traité en suivi de modifications, qui reprend les changements apportés par rapport au troisième projet révisé, aux propositions informelles de la présidence et aux propositions textuelles et commentaires soumis par les Etats, p. 49.
(64) Voir la « version propre » (clean version) du projet actualisé de traité.
(65) Article 8§6 du troisième projet révisé de traité : « Les Etats parties doivent veiller à ce que leur droit interne prévoie la responsabilité des personnes morales et/ou physiques menant des activités d'entreprises (…) pour leur incapacité à empêcher une autre personne morale ou physique avec laquelle elles ont eu une relation d'affaire de causer des violations des droits de l'Homme ou d'y contribuer, lorsque la première contrôle, gère ou supervise cette personne ou l'activité pertinente qui a causé la violation des droits de l'Homme ou y a contribué, ou aurait dû prévoir des risques de violations des droits de l'Homme dans la conduite de ses activités d'entreprises (…) ou dans ses relations d'affaires, mais n'a pas pris les mesures adéquates pour empêcher la violation » (nous soulignons ; la version publiée en anglais, seule version disponible, emploie le terme d'« atteinte », que la CNCDH recommande toutefois de remplacer par celui de « violation »).
(66) Article 8§7 du troisième projet révisé de traité. La CNCDH avait salué l'introduction de cette disposition dans le second projet révisé (article 8§8) : CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §14.
(67) Selon l'article 1§10 du projet actualisé de traité, les « organes publics compétents » font référence aux « organismes juridictionnels, autorités compétentes et autres organes et services concernés par la supervision administrative et l'application des mesures visées dans le présent (instrument juridiquement contraignant) pour lutter contre les violations des droits de l'Homme ; il peut s'agir de tribunaux, d'organes chargés de l'application de la loi, d'autorités de régulation, d'organes de supervision administrative et d'autres mécanismes non juridictionnels étatiques ».
(68) CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §8 ; CNCDH, Avis de suivi (…), op. cit., 15 octobre 2020, §§17 et s. ; CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., §§14 et s.
(69) La mise en œuvre de ce troisième pilier est celle qui rencontre le plus d'obstacles (Conseil des droits de l'homme, Dixième anniversaire des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme : bilan de la première décennie d'application. Rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, 22 avril 2021, A/ HRC/47/39).
(70) Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, Redoubler d'ambition - accélérer le rythme. Une feuille de route pour la décennie à venir des entreprises et des droits de l'homme, 2021, objectif 4.
(71) La CNCDH rappelle qu'elle recommande d'employer les termes de « titulaires de droits » plutôt que celui de « victime » (cf. supra).
(72) Voir le nouvel article 4§2 g du projet actualisé de traité selon lequel ces processus de réparation doivent prendre « pleinement en compte les impacts différenciés des violations des droits de l'Homme sur des groupes spécifiques et [répondre] de manière adéquate à ces impacts et à leurs besoins particuliers ». L'article 4§2 f a également été précisé, en s'inspirant du langage de l'article 7§3 a du troisième projet révisé, pour insister sur la mise à disposition d'informations (détenues par les entreprises ou l'Etat) aux victimes dans les langues pertinentes et sous formes accessibles pour les adultes et les enfants, y compris les personnes en situation de handicap.
(73) Article 7§3 b du projet actualisé de traité.
(74) Ibid.
(75) Article 7§4 e du projet actualisé de traité. Cette disposition laisse toutefois une ample marge de manœuvre aux Etats, notamment par le renvoi à l'article 7§2 qui fait référence à la compatibilité avec leurs systèmes juridiques et administratifs nationaux (« consistent with its domestic legal administrative systems »).
(76) CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §7 ; CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §20 et recommandation n° 14. La CNCDH recommande également le renforcement de l'accès à l'information en prévoyant qu'il doit être assuré par l'Etat et par les entreprises à toutes les étapes du lancement d'un projet économique (ibid.).
(77) Article 7§2 b du projet actualisé de traité. Les « obstacles structurels » ou « spécifiques » rencontrés par certaines personnes et groupes de personnes « vulnérables et marginalisés » sont également expressément mentionnés (alinéa 14 du préambule ; article 7§1 du projet actualisé de traité).
(78) Voir l'article 8§5 et l'article 7§4 d (qui renvoie aux objectifs de l'article 7§2) du projet actualisé de traité.
(79) Article 8§5 du projet actualisé de traité.
(80) Article 7§4 d du projet actualisé de traité. Cette disposition fait écho à l'article 8§3 e) de l'Accord régional sur l'accès à l'information, la participation publique et l'accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes du 4 mars 2018 (« Accord d'Escazú »).
(81) La référence à cette compatibilité est employée à l'article 8§5 et résulte du renvoi de l'article 7§4 à l'article 7§2 b du projet actualisé de traité.
(82) A propos de la charge de la preuve dynamique, voir notamment : GIANNINI Leandro J., « New Insights on the ‘Dynamic Burden of Proof' Doctrine », Revista Iberoamericana de Derecho Procesal, année 5, n° 9, janvier - juin 2019, pp. 215 - 266.
(83) La CNCDH soulignait que la possibilité d'un renversement de la charge de la preuve est essentielle, notamment en cas de rapports de force inégaux entre les auteurs et les victimes de violations des droits de l'Homme (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., §15 ; voir également les recommandations formulées par la CNCDH sur la charge de la preuve dans son avis de 2020 : CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §21 et recommandation n° 15).
(84) La CNCDH note que les propositions informelles de la présidence de 2022 contiennent d'autres suggestions, telles que l'application de présomptions quant à l'existence de certains faits ou l'imposition d'une responsabilité stricte ou absolue (« strict or absolute liability ») « dans les cas appropriés » (article 7§3 d) des propositions informelles de la présidence, 2022).
(85) Article 4§2 d du projet actualisé de traité, qui reprend la même disposition du troisième projet révisé.
(86) Article 7§4 f du projet actualisé de traité.
(87) A cette fin, la CNCDH formule des recommandations concernant les actions de groupe en France dans son rapport Entreprises et droits de l'Homme. Respecter, protéger, réparer, 2023, pp. 357 et s., recommandation n° 138, à paraître le 4 novembre 2023.
(88) Article 4§2 f du projet actualisé de traité, qui reprend sur ce point le troisième projet révisé.
(89) Article 7§3 a du projet actualisé de traité. Voir aussi l'article 7§4 a qui mentionne l'aide financière aux victimes qui cherchent à obtenir réparation.
(90) Article 7§4 a du projet actualisé de traité.
(91) CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §22. Voir en ce sens : CESCR, Observation générale n° 24 sur les obligations des Etats en vertu du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans le contexte des activités des entreprises, 10 août 2017, E/C.12/GC/24, §44. Dans son avis de 2020, la CNCDH constatait l'affaiblissement des formulations relatives aux frais de justice au cours des versions successives du projet de traité.
(92) Les nouvelles dispositions du projet actualisé (mentionnées ci-dessous) s'ajoutent à celles reprises du troisième projet révisé (article 4§2 e) et article 5§2 - qui ajoute les termes de « harcèlement ou représailles »).
(93) Voir l'article 6§4 e du projet actualisé de traité qui ajoute, parmi les mesures de vigilance, « la protection de la sécurité des défenseurs des droits de l'Homme, des journalistes, des travailleurs, des membres de peuples autochtones, entre autres, ainsi que des personnes susceptibles de faire l'objet de représailles ».
(94) Les mesures que les Etats doivent adopter pour faciliter l'accès aux voies de recours doivent prendre en compte le risque de représailles contre les victimes et d'autres personnes (article 7§3 d) et permettre de s'assurer qu'il y ait « une dissuasion efficace » contre les comportements pouvant constituer de telles représailles (article 7§4 c).
(95) Ces défenseurs font partie de ceux qui subissent le plus d'attaques, dans toutes les régions du monde et tous les secteurs d'activité. Voir à ce propos la base de données mise en place par le Centre de ressources sur les entreprises et les droits de l'Homme (BHRRC) ou le rapport de Global Witness, Standing Firm. The Land and Environmental Defenders on the Frontlines of the Climate Crisis, septembre 2023.
(96) Articles 4§4 et 5§4 du projet actualisé de traité.
(97) Des exemples de parties prenantes sont introduits à l'article 6§2 d du projet actualisé de traité (organisations syndicales, société civile, organisations non gouvernementales, peuples autochtones et organisations communautaires [« community-based organisations »]), mais uniquement en lien avec l'élaboration et la mise en œuvre des législations, pratiques et autres mesures que les Etats doivent adopter pour prévenir l'implication d'entreprises dans des violations des droits de l'Homme.
(98) CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §8 ; CNCDH, Avis de suivi (…), op. cit., 15 octobre 2020, note 23.
(99) Le projet actualisé supprime l'obligation de publication de l'identification et de l'évaluation des impacts négatifs en matière de droits de l'Homme (comparer l'article 6§3 a du troisième projet révisé avec l'article 1§8 du projet actualisé). De même, il supprime l'obligation de « faire rapport publiquement et périodiquement sur des questions non financières, y compris des informations sur les structures du groupe et les fournisseurs ainsi que sur les politiques, risques, résultats et indicateurs concernant les droits de l'Homme, les droits du travail, la santé, l'environnement et les standards en matière de changement climatique tout au long de leurs opérations, y compris dans leurs relations d'affaires » (article 6§4 e) du troisième projet révisé).
(100) Articles 7§3 d et 9§3 du troisième projet révisé.
(101) Article 9§3 du projet actualisé de traité : « Chaque Etat partie prend les mesures qui s'avèrent nécessaires, compatibles avec ses systèmes juridiques et administratifs internes, pour faire en sorte que les décisions des organes publics compétents relatives à l'exercice de [leur] compétence (…) respectent les droits des victimes conformément à l'article 4, y compris en ce qui concerne : (a) l'abandon des procédures judiciaires au motif qu'il existe un autre forum, plus pratique ou plus approprié, compétent en la matière » (nous soulignons).
(102) Article 9§3 du second projet révisé (voir aussi l'article 7§5). L'introduction de l'interdiction du forum non conveniens figurait parmi les recommandations formulées par la CNCDH : CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., recommandation n° 26.
(103) La rédaction de l'article 9§4 avait pourtant été améliorée dans le troisième projet révisé, en supprimant l'exigence d'un « lien étroit », comme le recommandait la CNCDH (CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §9 ; CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., recommandation n° 17). La CNCDH note à nouveau qu'aucune disposition ne porte sur la pluralité des défendeurs, alors que de nombreuses affaires relatives à des violations des droits de l'Homme commises par des entreprises en impliquent plusieurs.
(104) Article 9§5 du troisième projet révisé, qui énonce trois hypothèses de lien de connexion pouvant faire jouer le for de nécessité. La CNCDH a accueilli ces précisions avec satisfaction, tout en recommandant que la liste de ces hypothèses soit formulée de manière non limitative (CNCDH, Projet de traité entreprises et droits de l'Homme : déclaration (…), 28 octobre 2021, op. cit., §9). La CNCDH suggérait d'introduire la mention « notamment » ou « en particulier » à l'article 9§5, comme le font les lignes directrices de Sofia sur les meilleures pratiques en matières d'actions civiles pour violation des droits de l'homme, annexées à la résolution 2/2012, de l'Association de droit international (article 2.3).
(105) Article 9§4 du projet actualisé de traité.
(106) Les propositions informelles de la présidence suggéraient la suppression de cet article 11, considérant que cette question devrait être régie par les règles nationales en vigueur en matière de conflits de lois et prenant note des critiques exprimées à son propos par plusieurs délégations (présidence du groupe de travail intergouvernemental, suggested chair proposals for select articles of the LBI. General observations and explanations). Certaines délégations et de nombreuses organisations de la société civile se sont prononcées en faveur du maintien de cette disposition lors de la huitième session. L'article 11 distingue les questions procédurales, pour lesquelles il prévoit l'application du droit de la juridiction saisie (§1), des questions de fond qui peuvent, à la demande de la victime, être régies par la loi d'un autre Etat : où les actes ou omissions se sont produits ou ont produit des effets (§2 a) ; ou la personne physique ou morale présumée avoir commis les actes ou omission est domiciliée (§2 b).
(107) Ces règles de conflit de loi existent déjà en droit positif, mais avec un champ d'application ou sur des questions limitées. Voir les exemples cités notamment dans la déclaration de la FIDH (faite au nom de la FIDH et de Franciscans international) lors de la huitième session de négociation en 2022. Voir aussi les critiques du groupe européen de droit international privé (GEDIP) quant à l'absence de dispositions relatives au droit international privé prévues dans la proposition de directive de l'UE sur le devoir de vigilance et la différence de traitement qui en résulte entre la victime d'un dommage environnemental (qui aura la faculté de choix de la loi applicable à la responsabilité) et la victime d'une violation des droits de l'Homme, qui ne l'aura pas : Recommandation du GEDIP concernant la proposition de directive du 23 février 2022 sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, donnant suite à sa recommandation à la Commission en date du 8 octobre 2021, adoptée à l'occasion de sa réunion à Oslo, les 9 - 11 septembre 2022. Le projet de traité pourrait venir combler cette lacune.
(108) Ceci est expressément prévu par l'article 11§2 depuis le troisième projet révisé. La CNCDH avait formulé une recommandation en ce sens (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., recommandation n° 17 ; CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §24).
(109) CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §9 ; CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., recommandation n° 20. La CNCDH recommande également l'élargissement aux obligations non conventionnelles à propos de la clause selon laquelle l'instrument ne porte pas atteinte aux dispositions plus favorables au respect, à la promotion, à la protection et à la réalisation des droits de l'Homme dans le cadre des activités d'entreprises et à la garantie de l'accès aux voies de recours des victimes (article 14§3) (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…),15 octobre 2019, op. cit., §21, recommandation n° 19). La CNCDH s'interroge en outre à nouveau sur l'article 14§4, maintenu dans le projet actualisé, selon lequel l'instrument ne porte pas atteinte aux droits et obligations des Etats parties découlant de l'immunité de l'Etat, en termes d'accès à la justice pour les victimes de violations des droits de l'Homme dans le contexte des activités des entreprises.
(110) Le projet actualisé emploie les notions suivantes : « consistent with its domestic legal and administrative systems » ou « subject to the legal principles of the State party ».
(111) La présidence du groupe de travail proposait, dans ses propositions informelles de 2022, d'ajouter une telle référence également à l'article 8§1.
(112) A l'exception de l'article 8§6.
(113) Voir aussi l'article 8§3 du projet actualisé de traité s'agissant de la responsabilité pour conspiration (« conspiring »), aide, complicité, facilitation et conseil (« aiding, abetting, facilitating and counselling », ainsi que l'article 8§4 à propos des liens entre la responsabilité juridique des personnes physiques et des personnes morales, entre les responsabilités pénale et civile et entre la responsabilité de l'auteur principal et celle des autres personnes impliquées.
(114) Article 8§2 du projet actualisé de traité.
(115) La CNCDH regrette la suppression d'une référence explicite à la responsabilité pénale pour ces crimes internationaux (voir l'article 8§8 du troisième projet révisé qui portait spécifiquement sur ce point, ainsi que les recommandations formulées par la CNCDH, à propos de la disposition similaire du second projet révisé : CNCDH, Avis de suivi (…), 15 octobre 2020, op. cit., §15). Le troisième projet révisé ne faisait d'ailleurs référence à la réserve du respect des « legal principles » des Etats parties qu'en lien avec la responsabilité pénale (ou fonctionnellement équivalente) des personnes morales (article 8§8 du troisième projet révisé).
(116) Article 7§2 et §4 (par renvoi) du projet actualisé de traité.
(117) Ceci constitue une autre régression par rapport au troisième projet révisé. Il est en revanche bienvenu que l'article 9§1 n'incorpore pas une telle condition, comme le suggéraient les propositions informelles de la présidence de 2022.
(118) Dans son avis de 2019, la CNCDH attirait l'attention sur le fait qu'il convenait d'interpréter les références du projet révisé de traité aux droits internes des Etats conformément au droit international, à savoir comme un renvoi au droit national pour sa mise en œuvre, et non comme sa subordination au droit interne (CNCDH, Avis sur le projet d'instrument (…), 15 octobre 2019, op. cit., §23). Dans sa contribution d'avril 2019, elle estimait que ces références portaient le risque de la subordination de l'application du traité au droit interne, susceptible d'annihiler la portée contraignante des obligations qu'il contient (CNCDH, Contribution au projet de traité contraignant sur les entreprises et les droits de l'Homme, 29 avril 2019).