Délibéré par la commission en sa séance du 25 mars 2021
Dans son rapport d'activité sur l'année 2020 qui sera prochainement publié, la commission présentera les principales données sur son action en matière de financements politiques. Comme la commission l'a fait pour chaque exercice depuis la publication des comptes des partis pour 1990, elle présente, après avoir rappelé les obligations légales des partis au regard de la loi du 11 mars 1988 modifiée (I), des données générales qui ressortent de l'ensemble des comptes qui lui ont été déposés au titre de l'exerce 2019 (II) puis des données relatives aux formations politiques ayant reçu les montants les plus élevés de produits et à celles qui ont bénéficié de l'aide publique (III).
I. - LES PARTIS POLITIQUES ET LEURS OBLIGATIONS LÉGALES AU REGARD DE LA LOI DU 11 MARS 1988 MODIFIÉE
A. - La définition du parti politique
Ni la Constitution ni la loi n'ont défini précisément la notion de parti politique. L'article 4 de la Constitution dispose qu'ils « concourent à l'expression du suffrage » et « se forment et exercent leur activité librement ». La loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique se limite à reconnaître dans son article 7 que « [les partis politiques] jouissent de la personnalité morale ».
Au sens de cette loi est considérée comme parti politique la personne morale de droit privé qui s'est assigné un but politique :
- si elle est éligible à l'aide publique (articles 8 et 9 de la loi du 11 mars 1988) ou si elle a régulièrement désigné un mandataire (articles 11 à 11-7) ; et
- si elle dépose des comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes auprès de la commission (article 11-7).
Il résulte de ces dispositions que tout parti au sens de la loi doit déposer chaque année à la commission ses comptes certifiés.
Le montant de l'aide publique affecté au financement des partis et groupements politiques est inscrit dans la loi de finances de l'Etat et fait l'objet d'une répartition par décret. Ce montant est divisé en deux fractions égales :
- une première destinée au financement des partis et groupements en fonction de leurs résultats au premier tour des élections à l'Assemblée nationale (avec des dispositions particulières pour les partis présentant des candidats exclusivement outre-mer) ;
- une seconde spécifiquement destinée au financement des partis et groupements représentés au Parlement.
L'aide attribuée à un parti politique bénéficiaire de la première fraction fait l'objet d'une modulation financière en cas de non-respect de la parité entre candidates et candidats. En outre, les voix des candidats déclarés inéligibles sont déduites pour le calcul du montant de cette première fraction.
La seconde fraction est attribuée aux partis et groupements politiques éligibles à la première fraction proportionnellement au nombre de membres du Parlement qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre, y être inscrits ou s'y rattacher. Un parlementaire élu dans une circonscription qui n'est pas comprise dans le territoire d'une ou plusieurs collectivités d'outre-mer ne peut pas se rattacher à un parti qui n'a présenté des candidats que dans une ou plusieurs collectivités d'outre-mer.
Le rattachement des parlementaires pour l'attribution de la seconde fraction de l'aide publique est disponible sur le site internet de l'Assemblée nationale et celui du Sénat.
B. - Les obligations légales des partis politiques relatives à l'établissement et la présentation des comptes
En application de l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique, les partis ou groupements bénéficiaires de tout ou partie des dispositions des articles 8 à 11-4 doivent :
- tenir une comptabilité selon un règlement établi par l'Autorité des normes comptables (ANC) ;
- tenir une comptabilité qui retrace tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ;
- tenir une comptabilité qui inclut les comptes des organisations territoriales du parti ou groupement politique dans des conditions définies par décret ;
- arrêter leurs comptes chaque année ;
- les faire certifier par deux commissaires aux comptes si les ressources annuelles du parti dépassent 230 000 euros ou par un seul si elles sont inférieures ou égales à ce seuil ;
- transmettre, dans les annexes de ces comptes, les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis par eux, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral ;
- déposer ses comptes au plus tard le 30 juin de l'année suivante à la CNCCFP qui les rend publics et assure leur publication au Journal officiel.
En application de l'article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, les comptes de l'exercice 2019 pouvaient être déposés jusqu'au 11 septembre 2020 au lieu du 30 juin 2020.
Les comptes donnent lieu à certification par un ou deux commissaires aux comptes, comme indiqué ci-dessus. Les missions et pouvoirs de la CNCCFP découlent eux-mêmes de l'article 11-7 précité. Ils sont limités, en matière d'examen des comptes des partis politiques, au constat que les obligations légales telles que prévues par la loi du 11 mars 1988 ne sont pas méconnues par ces partis.
Cet article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 ne prévoit pas le dépôt des comptes individuels de chaque entité intégrée dans les comptes d'ensemble des partis politiques. Dans le cadre de son examen la commission peut cependant demander aux partis de lui transmettre les comptes individuels des organisations qui leur sont affiliées.
Depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit respecter les prescriptions du règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques qui portent notamment sur l'établissement et la présentation des comptes d'ensemble. Le règlement de l'ANC n° 2018-03 du 12 octobre 2018 a été homologué par arrêté du 26 décembre 2018 et publié au Journal officiel du 30 décembre 2018. Ce document a valeur réglementaire et s'applique aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques afférents aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2018. Il s'agit d'un changement de méthode comptable venant modifier les règles et les pratiques jusqu'alors applicables. Les comptes de l'exercice 2019 sont le deuxième exercice déposé à la commission soumis à ces dispositions nouvelles.
A la suite de l'homologation du nouveau règlement comptable, l'avis technique relatif à la mission des commissaires aux comptes dans les partis et groupements politiques entrant dans le champ d'application de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 a pour sa part été mis à jour par la Compagnie nationale des commissaires aux comptes en mai 2019. Cet avis technique porte notamment sur les missions et les aspects particuliers de l'audit mis en œuvre dans le cadre de la certification des comptes d'ensemble des formations politiques.
A cet égard, il ressort de l'avis du 28 novembre 2011 du Haut Conseil du commissariat aux comptes (H3C) (1) que l'ensemble des normes d'exercice professionnel sont applicables aux commissaires aux comptes des partis et groupements politiques.
Il revient à la commission de constater que n'ont pas respecté leurs obligations légales, les partis politiques qui ne déposent pas leurs comptes dans le délai fixé par la loi, qui déposent des comptes non certifiés ou qui font l'objet d'un refus de certification par les commissaires aux comptes et tous les partis pour lesquels la commission constate des comptes certifiés avec un périmètre comptable incomplet (par exemple, ceux dont le périmètre n'inclurait pas les organisations territoriales du parti). Est assimilable, le cas de comptes certifiés déposés mais comportant une incohérence manifeste (Conseil d'Etat, 9 juin 2010, Assoc. Cap sur l'avenir 13, req. n° 327423).
Le non-respect est également constaté pour les partis politiques qui ne respecteraient pas les obligations issues de la loi pour la confiance dans la vie politique en présentant :
- des comptes non établis et présentés conformément au règlement comptable de l'ANC ;
- des comptes dont l'annexe ne mentionnerait pas les montants et les conditions d'octroi des emprunts souscrits ou consentis, l'identité des prêteurs ainsi que les flux financiers avec les candidats tenus d'établir un compte de campagne en application de l'article L. 52-12 du code électoral.
Le constat par la commission du respect ou du non-respect des obligations légales détermine les partis politiques qui sont susceptibles de bénéficier ou non des dispositions de la loi du 11 mars 1988 :
- l'aide publique directe si le parti y est éligible ;
- le droit à la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations ;
- le droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique ;
- la dispense du contrôle de la Cour des comptes (2).
La perte de l'aide publique et celle du droit à la réduction d'impôt sont expressément prévues par l'article 11-7 précité : cet article dispose que « Si la commission constate un manquement aux obligations prévues au présent article, elle peut priver, pour une durée maximale de trois ans, un parti ou groupement politique du bénéfice des dispositions des articles 8 à 10 de la présente loi et de la réduction d'impôt prévue au 3 de l'article 200 du code général des impôts pour les dons et cotisations consentis à son profit, à compter de l'année suivante ».
Ces privations et leurs durées sont laissées à l'appréciation de la commission depuis la loi n° 2017-286 du 6 mars 2017 tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques et des candidats qui est venue ajouter le terme « peut » dans la rédaction de l'article 11-7.
Cette faculté d'appréciation accordée à la commission lui permet, dans le cadre d'un processus contradictoire et sous le contrôle du juge, d'adapter sa décision au regard des explications avancées par les partis concernés ou de leur absence d'explication, et du motif retenu pour considérer qu'un parti politique n'a pas respecté ses obligations légales (absence de dépôt, dépôt hors délai, comptes non certifiés…).
Au regard des dispositions de l'article 11-9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée, la CNCCFP satisfait aux obligations qu'elle tient de l'article 40 du code de procédure pénale en procédant au signalement des délits dont elle acquiert la connaissance.
Pour ce qui concerne la privation du droit de financer une campagne électorale ainsi qu'un autre parti politique, la jurisprudence administrative (3) a précisé à plusieurs reprises que les partis politiques pour lesquels la commission avait constaté le non-respect de leurs obligations légales se voyaient de fait privés de ce droit.
La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d'actualisation du droit des sociétés prévoit que « Les commissaires aux comptes sont déliés du secret professionnel à l'égard de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et du juge de l'élection. »
La commission transmettra au H3C le résultat des échanges qu'elle a pu avoir avec certains des commissaires aux comptes et qui ont permis de régler divers points techniques. On peut en revanche noter que, dans les deux cas où la commission a interrogé les commissaires aux comptes en invoquant la levée du secret professionnel, une fois lors de l'examen des comptes 2018 et une autre pour ceux de 2019, le ou les commissaires aux comptes n'ont pas répondu à la commission à la date d'adoption du présent avis.
II. - DONNÉES GÉNÉRALES SUR LES COMPTES DES PARTIS POUR L'EXERCICE 2019
A. - Le nombre de formations politiques concernées
Au total 591 formations ayant disposé pour l'année 2019 d'au moins un mandataire chargé de recueillir des fonds étaient tenues de déposer des comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes au plus tard le 11 septembre 2020 pour l'exercice 2019. Parmi elles, 35 étaient éligibles à l'aide publique au titre du résultat des élections législatives de 2017.
Au titre de ce même exercice 2019, 92 formations politiques tenues de déposer des comptes à la commission ne l'ont pas fait, soit 15,5 %. Ce pourcentage était de 17 % au titre de l'exercice 2018, 23 % pour 2018 et 26 % pour 2017. L'évolution favorable constatée les années antérieures s'est donc poursuivie malgré la crise sanitaire. Une grande majorité des cas d'absence de dépôt concernent des partis politiques en sommeil ou sans activité n'ayant jamais procédé aux formalités de dissolution ou à leur publicité.
Or, si un parti ne souhaite plus être soumis aux dispositions de la loi du 11 mars 1988, il lui appartient de mettre fin aux fonctions de son mandataire ou de décider de sa dissolution et d'en informer la commission. De trop nombreux partis politiques ne déposant plus leurs comptes ne mettent pas formellement fin aux fonctions de leur mandataire ou n'informent pas la commission de leur dissolution.
B. - La particularité de la date de dépôt en raison de la crise sanitaire
A l'instar de l'ensemble de la société, le fonctionnement des partis politiques a été affecté par la crise sanitaire. De nombreux partis ont souligné dans l'annexe de leurs comptes 2019, l'incertitude existant au moment du dépôt des comptes et les conséquences négatives probables à venir sur les états financiers de 2020.
Malgré le report de 2 mois et 11 jours de la date limite de dépôt des comptes, de nombreux partis ont soit déposé des comptes incomplets dans un premier temps, soit déposé des comptes quelques jours ou quelques semaines après la date limite. Ainsi, ce sont 51 partis qui ont déposé leurs comptes après la date limite contre 31 en 2019. Sur les 51 partis, 15 ont invoqué la crise sanitaire pour expliquer le retard. En outre, les observations des commissaires aux comptes mentionnent dans 10 cas les conséquences possibles de la crise sanitaire sur les comptes des formations politiques concernées.
Par ailleurs, le Parti socialiste et le Parti communiste français, qui comprennent dans leurs comptes d'ensemble les plus grands nombres d'entités, n'ont pas été en mesure de déposer à la commission des comptes d'ensemble avec une annexe complète en temps voulu. Ces deux formations ont indiqué avoir connu de grandes difficultés à intégrer dans les délais les informations comptables de l'ensemble de leurs entités locales en raison de la crise sanitaire que traversait le pays.
La commission qui ne dispose pas du pouvoir de prolonger la date limite de dépôt a pris en compte dans son examen les circonstances particulières invoquées par les partis dont souvent le fonctionnement repose exclusivement ou essentiellement sur des bénévoles.
La commission a, en ce qui la concerne, revu son calendrier et ses méthodes d'instruction des comptes en reportant notamment une partie de l'analyse des justificatifs de recettes des mandataires habituellement faite au printemps pour la mener concomitamment à l'examen des comptes des partis.
C. - Le périmètre des comptes
L'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique prévoit, on l'a vu, que la comptabilité des partis politiques retrace « tant les comptes du parti ou groupement politique que ceux de tous les organismes, sociétés ou entreprises dans lesquels le parti ou groupement détient la moitié du capital social ou des sièges de l'organe d'administration ou exerce un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ».
Depuis la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, cette comptabilité doit, à compter de l'exercice 2018, inclure les comptes des organisations territoriales du parti dans des conditions définies par décret.
Le décret n° 2017-1795 du 28 décembre 2017 pris pour l'application des articles 25 et 26 de cette loi énonce que « les organisations territoriales comprennent les organisations qui sont affiliées au parti ou groupement avec son accord ou à sa demande ou qui ont participé localement, au cours de l'année considérée, à son activité ou au financement d'une campagne ».
La commission a vérifié que l'ensemble des entités concernées avaient été intégrées dans le périmètre des comptes. Elle a, à cette fin, recoupé les informations disponibles, notamment au répertoire national des associations, au registre du commerce et des sociétés et sur les sites internet des partis concernés, avec la liste des entités intégrées au périmètre des comptes requise dans l'annexe.
A l'occasion de l'exercice 2018, le premier pour lequel la notion du périmètre avait évolué, sur les 41 partis politiques dont le périmètre comportait plusieurs mandataires, la commission avait constaté 11 cas de périmètre incomplet.
Au titre de l'exercice 2019, la commission a interrogé 23 partis sur l'exhaustivité de leur périmètre comptable. L'examen a fait apparaître une nette amélioration pour les deux partis politiques ayant les périmètres les plus importants en nombre de structures locales : le Parti socialiste et le Parti communiste français. Ils ont en effet déposé des comptes faisant apparaître respectivement 2 539 et 1 246 entités intégrées au périmètre contre 1 250 et 246 dans les comptes 2018. Pour les 28 autres partis politiques ayant un périmètre composé de plus de 2 entités, la moyenne est de 68 structures locales intégrées aux comptes.
De nombreuses organisations territoriales n'ont pas la personnalité morale ou ne manient aucun fonds. Il est apparu que certaines formations estimaient encore que ces structures locales n'ayant pas leur propre compte bancaire et n'ayant aucune incidence sur les comptes d'ensemble ne devaient pas figurer en annexe dans la liste des entités intégrées au périmètre des comptes.
La commission rappelle que l'absence de personnalité morale ou de compte bancaire ne constitue pas un critère pour déterminer si une organisation territoriale a vocation ou non à figurer dans le périmètre comptable. Un groupement de fait (par exemple, une microstructure locale) affilié à un parti politique, n'ayant aucun compte bancaire et aucune ressource propre, doit être considéré comme une organisation territoriale du parti ayant vocation à figurer dans son périmètre comptable et figurer à ce titre en annexe des comptes, quand bien même son intégration n'aurait aucune incidence sur la présentation du bilan et du compte de résultat des comptes d'ensemble du parti. Cette interprétation de la notion de périmètre telle que définie par le décret n° 2017-1795 du 28 décembre 2017 permet au lecteur des comptes de prendre une meilleure connaissance de l'environnement dans lequel s'inscrit le fonctionnement du parti, notamment au niveau local.
La commission examine dans les comptes d'ensemble ainsi constitués la bonne application du règlement comptable.
D. - L'application du règlement comptable
Lors de l'examen des comptes de l'exercice 2018, la commission avait constaté au regard de la tardiveté de la publication du règlement, de son application à un exercice déjà écoulé et de sa nature (un changement de méthode comptable) que de nombreux partis politiques n'en avaient pas tiré les conséquences. Ainsi, sur 445 comptes au titre de 2018 déposés en 2019, 98 partis politiques avaient déposé des comptes certifiés dont la présentation ou l'établissement n'étaient initialement pas conformes au nouveau règlement comptable. S'y ajoutaient les partis ayant utilisé les modèles de bilan et compte de résultat du nouveau règlement mais qui ne citaient pas en annexe la méthode comptable utilisée voire continuaient de citer l'ancien avis n° 95-02. Enfin, dans 46 cas, les commissaires aux comptes se référaient toujours à l'ancien avis tout en certifiant des comptes dont les méthodes comptables avaient changé.
La situation s'est nettement améliorée pour l'exercice 2019. Sur les 361 contradictoires engagés, seuls 26 concernaient le non-respect des règles d'établissement et de présentation des comptes. Cette forte diminution souligne que les partis ont pour la très grande majorité adopté le nouveau règlement comptable.
La commission a relevé dans le même sens une amélioration des mentions devant figurer en annexe des comptes. Ainsi, une partie non négligeable des comptes 2018 déposés (119 comptes) qui respectaient la présentation prévue par le nouveau règlement omettaient dans leur annexe certaines mentions devant obligatoirement y figurer, et notamment celles relatives aux conditions d'octroi des prêts consentis et des emprunts souscrits expressément prévues par l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988.
Au titre de l'exercice 2019, 10 procédures contradictoires ont été lancées pour des conditions d'octroi des prêts consentis ou des emprunts souscrits non-renseignées en annexe, contre 13 en 2018. Cette diminution traduit qu'une part des anomalies ou descriptions incomplètes dans l'annexe aux comptes ont été corrigées.
L'obligation de tenir une comptabilité selon le nouveau règlement comptable a eu pour conséquence directe d'accroître le nombre des points d'attention de la commission préalables à la publication des comptes des partis et groupements politiques.
Le règlement comptable a, en effet, fortement étoffé l'annexe des comptes d'ensemble en complétant les informations que les partis et groupements politiques doivent y faire figurer. Ces informations constituent autant de points de vérifications supplémentaires pour la commission, à l'image de la mention des états portant sur l'actif immobilisé, les titres de participation, les créances et les dettes, les contributions financières octroyées par et à d'autres partis ou groupements politiques, ou les emprunts souscrits et les prêts octroyés.
Cette obligation a conduit la commission à demander de manière systématique aux partis ou groupements politiques dans les comptes desquels certaines informations étaient manquantes de lui transmettre des comptes corrigés. Concernant les prêts consentis aux partis par des personnes physiques, la commission a demandé, en application de l'article 11-3-1 de la loi du 11 mars 1988 introduit par la loi du 15 septembre 2017, que lui soit adressée la copie des conventions qui ne lui avaient pas été transmises l'année de leur conclusion.
Sur les 361 contradictoires engagés, 91 ont entraîné le dépôt de nouveaux comptes contre 111 en 2018. Cette baisse traduit que les observations figurant dans les lettres de contradictoire envoyées par la commission concernaient fréquemment des points moins substantiels que l'an dernier.
E. - Synthèse de la conformité des dépôts
L'obligation faite aux partis par le législateur de déposer leurs comptes au plus tard le 11 septembre 2020 a été rappelée par la commission dans sa circulaire du 27 mai 2020.
La commission interroge, dans le cadre d'une procédure contradictoire, les partis politiques concernés notamment sur les formalités de présentation et d'élaboration des comptes, sur la cohérence générale des comptes, sur la nature et l'origine des fonds perçus par le mandataire ainsi que leurs modalités de perception, sur la clarification du périmètre de certification et sur les informations devant figurer en annexe des comptes (flux financiers entre candidats et formations politiques, état des dettes, conditions d'octroi des emprunts consentis et souscrits, etc.).
A l'issue de ce contradictoire, la commission s'est prononcée sur le respect des obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 en ses séances des 23 novembre, 14 décembre 2020, 25 janvier, 15 février, 1er mars et 15 mars 2021.
Sont publiés (4) sur le site internet de la commission, 498 comptes déposés (soit 84,5 % au regard du nombre de partis tenus de déposer des comptes).
La liste des partis est jointe en annexe du présent avis.
- Comptes non déposés : 93 (soit 15,5 % des formations tenues de déposer des comptes) :
Cette absence de dépôt a persisté après que la commission a rappelé à ces partis leur obligation de déposer des comptes. - Dépôts conformes : 439 (soit 88 % des comptes déposés) dont :
- 430 comptes certifiés sans réserve.
La norme d'exercice professionnel 700 relative au rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification sans réserve lorsque l'audit des comptes qu'il a mis en œuvre lui a permis d'obtenir l'assurance élevée, mais non absolue du fait des limites de l'audit, et qualifiée, par convention, d'assurance raisonnable que les comptes, pris dans leur ensemble, ne comportent pas d'anomalies significatives ».
Parmi ces comptes, 385 ont été certifiés sans observations et 45 avec des observations. Certaines de ces observations signalent la situation sanitaire ou encore le changement de méthodes comptables induit par la mise en conformité avec le nouveau règlement comptable. Quelques-unes portent sur des sujets de fond importants, par exemple, dans un cas, sur l'existence d'une dette élevée à l'égard d'un fournisseur, dans un autre sur les conditions d'octroi des emprunts souscrits, dans d'autres sur le fait que les comptes sont établis dans une optique liquidative.
- 9 comptes certifiés avec réserve (5).
Ces réserves sont de portée et de nature très variables. La norme d'exercice professionnel précitée énonce que « le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour désaccord : lorsqu'il a identifié au cours de son audit des comptes des anomalies significatives et que celles-ci n'ont pas été corrigées ; que les incidences sur les comptes des anomalies significatives sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause. Le commissaire aux comptes formule une certification avec réserve pour limitation : lorsqu'il n'a pas pu mettre en œuvre toutes les procédures d'audit nécessaires pour fonder son opinion sur les comptes ; que les incidences sur les comptes des limitations à ses travaux sont clairement circonscrites et que la formulation de la réserve est suffisante pour permettre à l'utilisateur des comptes de fonder son jugement en connaissance de cause ».
3. Dépôts non conformes : 59 (soit 13 % des comptes déposés) dont :
- 48 comptes certifiés par un ou deux commissaires aux comptes, dont 2 comptes certifiés avec réserve et 9 avec observations, déposés hors délai après le 11 septembre 2020 ;
- 2 comptes dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les règles du règlement n° 2018-03 du 12 octobre 2018 relatif aux comptes d'ensemble des partis ou groupements politiques, dont 1 déposé hors délai après le 11 septembre 2020 ;
- 9 comptes non certifiés par un ou deux commissaires aux comptes dont 2 déposés hors délai après le 11 septembre 2020 et 1 dont la présentation et l'établissement ne respectaient pas les règles du règlement du 12 octobre 2018 précité.
- Décisions de la commission
Les décisions de la commission quant à la perte du droit à réduction d'impôt ont été prises à chaque fois au regard des circonstances de l'espèce.
Pour les partis n'ayant pas déposé de comptes, elle a distingué les cas :
- des partis n'ayant pas répondu et disposant toujours d'un mandataire : la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2023 ;
- des partis ayant répondu et dont la réponse n'apportait pas d'explication quant au manquement relevé : la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2023 ;
- des partis ayant répondu à la commission et dont la réponse apportait des explications quant au manquement relevé : la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2021 ou 31 décembre 2022, selon les particularités des cas concernés.
Pour les partis ayant déposé des comptes hors délai, la commission a distingué les cas :
- des partis ayant déposé leurs comptes avec moins d'une semaine de retard, pour lesquels aucune perte du droit à la réduction d'impôt n'a été décidée, étant entendu que ces partis ont en revanche perdu, en raison du non-respect de leurs obligations légales, le droit de financer des partis politiques ou des candidats à des élections ;
- des partis ayant déposé leurs comptes avec plus d'une semaine de retard mais ayant répondu à la commission quant aux raisons du retard du dépôt : la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2021 ;
- des partis ayant déposé leurs comptes avec plus d'une semaine de retard et n'ayant pas répondu à la commission quant aux raisons du retard du dépôt : la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2022.
Pour les partis ayant déposé des comptes non certifiés, la perte du droit à la réduction d'impôt a été décidée jusqu'au 31 décembre 2022 (6).
Par ailleurs, l'article 25 de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique a introduit à l'article 11-9 de la loi du 11 mars 1988 précitée des dispositions créant des sanctions pénales encourues par les dirigeants de partis ou groupements politiques méconnaissant leurs obligations légales. Ainsi, « le fait pour un dirigeant de droit ou de fait d'un parti ou groupement politique de ne pas déposer les comptes du parti ou groupement qu'il dirige dans les conditions fixées à l'article 11-7 est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende ».
En outre, la commission peut considérer qu'un parti politique respecte ses obligations prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 tout en constatant une irrégularité susceptible de constituer une infraction pénale ou fiscale pour laquelle elle informe le procureur de la République ou les autorités compétentes. La commission peut également informer l'administration fiscale ou Tracfin lorsqu'elle constate des faits susceptibles d'être en relation avec une infraction à la législation fiscale.
A l'issue de l'instruction des comptes d'ensemble de l'exercice 2019, la commission a décidé de transmettre aux parquets compétents des faits concernant 84 formations politiques. 3 cas ont fait l'objet d'un signalement ou d'un complément de signalement auprès des parquets compétents pour des faits susceptibles d'être considérés comme des infractions alors que la commission a constaté le respect des obligations légales des partis politiques concernés.
La commission avait effectué au total 85 signalements au titre de l'exercice 2018, dont 79 aux procureurs de la République. Elle a parfois eu connaissance par les parquets concernés des suites données. Il en ressort à la date de la publication du présent avis que :
- 3 de ces signalements ont fait l'objet d'un classement ;
- 1 de ces signalements a fait l'objet d'un avis d'audience ;
- 15 de ces signalements ont donné lieu à une enquête préliminaire (7).
F. - Données chiffrées brutes concernant les 489 formations ayant déposé des comptes certifiés exploitables (y compris ceux déposés hors délai)
La commission rappelle qu'elle ne reçoit et donc ne publie que les comptes d'ensemble des formations politiques, alors que les retraitements comptables peuvent être nombreux entre les entités intégrées dans ces comptes d'ensemble. Les partis politiques peuvent, en effet, intégrer dans leurs comptes un grand nombre d'entités de natures différentes (organisations territoriales à objet politique, S.C.I., institut de formation, maison d'édition, imprimerie, etc.). De surcroît, cette intégration porte sur une multitude d'opérations selon des méthodes comptables qui peuvent varier d'un parti à l'autre (intégration des écritures, intégration globale, intégration directe, par palier).
Toute analyse à partir de ces seules données doit donc être menée avec précaution. Dans cette limite, les développements qui suivent présentent des données générales relatives au résultat de l'exercice, à l'évolution générale des charges et des produits ainsi qu'à leur structure, puis à des éléments de l'annexe.
- Evolution générale du résultat
- 216 formations ont connu un exercice déficitaire ;
- 251 un exercice excédentaire ;
- 22 un résultat d'exercice nul.
Parmi les comptes déficitaires, 150 partis ont un déficit qui ne dépasse pas 10 000 euros contre 132 au titre de l'exercice 2018. Quant au montant moyen des déficits, il est d'un peu plus de 50 000 euros contre un peu plus de 36 000 euros au titre de l'exercice précédent.
Il est rappelé qu'il s'agit d'une comptabilité d'engagement qui tient compte non seulement des produits reçus et des dépenses exécutées au cours de l'exercice, mais également des produits acquis et des charges nées au cours de l'exercice.
2. Evolution générale des charges et des produits
Tableau n° 1. - Synthèse de l'évolution générale des dépenses et des produits entre 2013 et 2019
(Montant en euros)
| | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | |-------------------|-----------|-----------|-----------|-----------|-----------|-----------|-----------| |Total des produits |199 634 627|190 665 262|196 622 721|209 873 110|209 238 405|217 358 805|217 814 978| | Total des charges |192 941 874|193 070 959|191 309 297|185 570 034|222 450 365|165 113 152|204 695 198| |Moyenne des charges| 488 460 | 603 347 | 583 260 | 528 690 | 557 520 | 375 257 | 418 600 | |Médiane des charges| 13 116 | 24 385 | 17 991 | 19 144 | 15 932 | 9 907 | 12 238 |
Les exercices 2016 et 2017 ont été marqués par l'élection présidentielle et les élections législatives, période durant laquelle les appels de fonds ont été nombreux. Le montant total des produits reste stable en 2019. Cette particularité s'explique notamment par la perception par le Parti socialiste de produits exceptionnels d'un montant de 50,5 millions d'euros en 2018 et correspondant en partie à la vente de son siège situé rue de Solferino, et en 2019 par la perception par Les Républicains de produits correspondants à la vente de son siège pour un montant de 46 millions d'euros. Le total des produits de l'ensemble des partis qui ont déposé leurs comptes se situe donc, hors produits exceptionnels, en 2019 comme en 2018, sensiblement en retrait des niveaux des quatre années précédentes.
3. La structure des produits
Le décret d'attribution de l'aide publique prévoyait pour 2019 un montant total de 66,16 millions d'euros dont 32,08 millions au titre de la première fraction et 34,07 au titre de la seconde fraction.
Au-delà de l'aide publique budgétaire, l'Etat finance indirectement la vie politique en accordant aux donateurs et cotisants une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % des sommes versées au mandataire d'un parti (y compris les contributions d'élus). Depuis la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011, les versements pris en compte pour le calcul du droit à la réduction d'impôt sont retenus dans la limite de 15 000 € par an et par foyer fiscal, dans la limite générale de 20 % du revenu imposable applicable à l'ensemble des dons.
Les cotisations et les dons ne peuvent excéder, hors contributions d'élus, 7 500 euros par personne et par an pour tous partis confondus. La commission vérifie le respect de ces plafonds (8).
Tableau n° 2. - Structure des produits des formations politiques au titre de l'exercice 2019
(Montant en euros)
| Exercice 2019 | Totaux | % |Médiane| Maximum |Moyenne| |-------------------------------------------------------------------------------------------------------------|-----------|--------|-------|----------|-------| | Cotisations des adhérents |17 821 844 |10,69 % | - |5 910 209 |36 520 | | Contributions des élus |18 403 224 |11,04 % | - |6 275 700 |37 712 | | Financement public 2019 (*) |66 200 870 |39,70 % | - |22 374 858|66 512 | | Autres aides publiques | 156 720 | 0,09 % | - | 66 141 | 321 | | Dons de personnes physiques |23 846 196 |14,30 % | 4 190 |5 587 760 |48 765 | | Dévolutions de l'excédent de comptes de campagne (**) | - 35 770 |-0,02 %| - | 56 000 | - 73 | | Dévolutions de partis ou groupements politiques | 68 636 | 0,04 % | - | 34 360 | 141 | | Contributions d'autres formations | 7 316 206 | 4,39 % | - |2 878 956 |14 922 | | Prestations de services (manifestations et colloques) | 7 601 461 | 4,56 % | - |4 738 214 |15 577 | | Prestations de services aux candidats | 5 864 175 | 3,52 % | - |2 361 950 |12 017 | | Reprise sur amortissements, dépréciations, provisions et transferts de charges | 8 496 734 | 5,10 % | - |2 432 862 |17 411 | |Ventes de marchandises, productions vendues (biens et services), production stockée et production immobilisée| 9 313 476 | 5,59 % | - |3 770 448 |19 085 | | Produits des entités non significatives | 70 450 | 0,04 % | - | 66 327 | 144 | | Autres produits | 1 618 336 | 0,97 % | - | 409 175 | 3 301 | | Sous-total produits « courants » |166 740 787| 100 % | | | | | Produits financiers | 1 044 109 | | - | 375 872 | 428 | | Produits exceptionnels |50 026 132 | | - |46 006 734|34 171 | | Total des produits |217 814 978| |14 948 |70 464 771|445 429|
(*) Ce chiffre diffère du montant de 66 159 444 euros d'aide publique prévue par le décret d'attribution en raison d'erreurs d'imputation comptable de partis politiques non éligibles à l'aide publique.
(**) Le montant négatif des dévolutions de l'excédent des comptes de campagne s'explique par la régularisation de dévolutions encaissées à tort. Le poste concernant la dévolution est normalement réservé à la dévolution obligatoire de l'excédent d'un compte de campagne lorsque cet excédent ne provient pas de l'apport personnel du candidat mais des dons faits à son profit ou d'apports d'un parti politique, qui n'ont pas été utilisés à l'occasion de la campagne électorale. Cette dévolution peut alors être versée au mandataire d'un parti politique ou à un établissement reconnu d'utilité publique. Son montant est précisé dans la décision de la commission sur le compte de campagne et peut être différent du montant de l'excédent du compte bancaire du mandataire. Ainsi, l'excédent provenant de l'apport personnel du candidat doit être remboursé au candidat (ou aux membres de la liste) ayant effectué l'apport.
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