La Commission de régulation de l'énergie a été saisie, le 24 novembre 2003, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et la ministre déléguée à l'industrie d'un projet de décret relatif aux tarifs de cession de l'électricité aux distributeurs non nationalisés (DNN) mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, pris en application des articles 4 et 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée.
- Conditions d'application des tarifs de cession
1.1. Eligibilité partielle
Selon les termes du projet de décret, un DNN pourrait « exercer ses droits à l'éligibilité accordés à l'article 22-III de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000, partiellement ou totalement ».
La CRE rappelle que, selon le II de l'article 22 de la loi du 10 février 2000, modifié par l'article 48 de la loi du 3 janvier 2003, sont reconnus éligibles : « les distributeurs non nationalisés [...] en vue de l'approvisionnement effectif des clients éligibles et non éligibles situés dans leur zone de desserte lorsque la consommation totale de ces clients est supérieure au seuil mentionné au I ainsi que pour les pertes d'électricité des réseaux qu'ils exploitent ».
Avec la notion d'éligibilité « partielle », le projet de décret introduit une nouvelle définition de l'éligibilité des DNN qui n'est pas envisagée par la loi. Cette notion est inutile pour atteindre les objectifs visés par le présent projet de décret. En conséquence, la CRE préconise de supprimer dans le projet de décret les références à l'éligibilité partielle des DNN.
1.2. Dispositions sur les quantités d'électricité
bénéficiant des tarifs de cession
L'article 2 du projet de décret dispose que les tarifs de cession s'appliquent, selon le choix du DNN, soit « à l'intégralité de l'électricité achetée par le distributeur non nationalisé », soit « à l'électricité achetée en vue de l'approvisionnement effectif dans sa zone de desserte de ses clients non éligibles ou n'ayant pas exercé leurs droits à l'éligibilité, éventuellement augmentée des pertes d'électricité des réseaux qu'il exploite ».
Concernant l'électricité achetée par un DNN, en tant que fournisseur, en vue de l'approvisionnement de ses clients : le projet de décret permet à un DNN de bénéficier des tarifs de cession pour fournir les clients de sa zone de desserte qui ont exercé leurs droits à l'éligibilité. Dans un contexte où les prix de marché auraient un niveau supérieur à celui des tarifs de cession, un DNN pourrait bénéficier de l'avantage apporté par les tarifs de cession pour fournir ces clients à des prix inférieurs à ceux du marché. L'application des tarifs de cession à l'intégralité de l'électricité achetée pourrait ainsi, dans ce cas, être assimilée à une subvention publique susceptible de fausser la concurrence entre les fournisseurs. En conséquence, la CRE recommande la suppression du 1° de l'article 2.
De plus, les tarifs de cession ne doivent pas être appliqués à une partie seulement de la quantité d'électricité achetée en vue de la fourniture aux tarifs réglementés (1), mais à la totalité de cette quantité. En effet, dans le cas contraire, un DNN ne résilierait jamais son contrat aux tarifs de cession, car il lui suffirait de baisser ses puissances souscrites à une valeur symbolique lorsqu'il aurait intérêt à se fournir sur le marché. Ainsi, il arbitrerait entre les tarifs de cession et les prix de marché au détriment d'EDF (ou du DNN fournisseur).
En résumé, un DNN ne doit pouvoir conclure un contrat d'achat aux tarifs de cession que pour la totalité de l'électricité achetée en vue de l'approvisionnement de ses clients aux tarifs réglementés.
Concernant l'électricité achetée par un DNN, en tant que gestionnaire de réseaux de distribution, en vue de l'approvisionnement de ses pertes : le projet de décret prévoit qu'un DNN pourra bénéficier des tarifs de cession pour cet achat. Compte tenu de la directive européenne 2003/54/CE, dont l'article 14 prévoit que les gestionnaires de réseau de distribution « se procurent l'énergie qu'ils utilisent pour couvrir les pertes d'énergie [...] dans leur réseau selon des procédures transparentes, non discriminatoires et reposant sur les règles de marché », cette possibilité ne pourra être utilisée qu'après que les procédures prévues par la directive auront été mises en oeuvre par le DNN et auront révélé que les tarifs de cession constituent la meilleure offre. Il est à noter que les tarifs de cession représentent, ainsi, une limite supérieure des coûts d'approvisionnement des pertes qui pourront être pris en compte dans le tarif d'utilisation des réseaux, y compris pour les pertes du GRD EDF.
En tout état de cause, du fait des règles de séparation entre les activités de distributeur et de fournisseur, l'achat des pertes devra faire l'objet d'un contrat particulier entre le DNN, qui agit alors en tant que gestionnaire de réseaux, et son fournisseur, différent du contrat d'achat passé par le DNN agissant en tant que fournisseur pour revente aux tarifs réglementés.
La CRE recommande donc que soient levées les ambiguïtés du projet de décret relatives aux quantités d'électricité qui peuvent être achetées aux tarifs de cession.
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