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Le solde structurel qui résulte de cette estimation du solde conjoncturel et de la prise en compte de ces mesures ponctuelles et temporaires est alors meilleur de 0,7 point en 2020 que prévu en loi de programmation (à - 0,9 point de PIB, contre une prévision de - 1,6 point en LPFP) et de - 1,4 point de PIB qu'en 2019. Cette évolution apparaît en contradiction avec la forte dégradation qui s'annonce persistante des finances publiques (cf. infra § 12 et 13).
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L'écart du solde structurel avec la loi de programmation des finances publiques
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Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la trajectoire de solde structurel observé en 2019 et 2020 avec celle de la loi de programmation en vigueur, celle du 22 janvier 2018 pour les années 2018 à 2022.
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Par ailleurs, le Gouvernement a, à l'occasion de l'avis sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020, demandé au Haut Conseil des finances publiques si les circonstances exceptionnelles mentionnées à l'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) étaient bien réunies. Le Haut Conseil a estimé que la crise sanitaire et ses répercussions économiques et financières relevaient bien de telles « circonstances exceptionnelles ». L'article 23 de la loi organique indique que, dans son avis sur la loi de règlement, le Haut Conseil doit alors tenir compte, le cas échéant, de ces circonstances exceptionnelles.
| Effet direct et indirect sur les prélèvements obligatoires des six principales mesures exceptionnelles de soutien au revenu des agents en 2020 |
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|Dans une note d'étude (2), le secrétariat permanent du HCFP a cherché à estimer le surcroît de prélèvements obligatoires résultant en 2020 des six principales mesures exceptionnelles de soutien aux revenus des ménages et des entreprises. A cette fin, l'impact direct et indirect de 57,1 Md€ de mesures (3) a été examiné.
D'une part, ces mesures exceptionnelles se sont accompagnées d'une hausse mécanique des prélèvements obligatoires de l'ordre de 3,1 Md€, soit 5,4 % de leur coût brut. En particulier, les allocations d'activité partielle (coût brut de 27,4 Md€) ont augmenté le revenu disponible des ménages, conduisant à une hausse des prélèvements obligatoires estimée à 2,8 Md€ en 2020.
D'autre part, ces mesures ont eu une incidence indirecte favorable sur les recettes, via leur effet sur la demande des ménages et des entreprises, estimé entre 7,6 Md€ et 15,7 Md€, soit 13 % à 28 % de leur coût brut. En particulier, selon les différents scénarios de consommation des ménages, les sommes nettes effectivement perçues par les ménages en 2020 (38,9 Md€ [4]) se traduiraient par une hausse de la consommation de 15,9 Md€ à 33,1 Md€ et, en conséquence, des prélèvements obligatoires de 7,6 Md€ à 15,7 Md€.
Au total, pour l'année 2020, les principales mesures exceptionnelles de soutien aux revenus des ménages et des entreprises auraient conduit, selon les estimations du secrétariat permanent, à une hausse directe et indirecte de prélèvements obligatoires de 10,7 Md€ à 18,8 Md€, soit 18 % à 33 % de leur coût brut.
Compte tenu du caractère exceptionnel de la situation économique de 2020, et notamment des contraintes qui ont pesé sur la consommation de certains biens et services, le taux de retour immédiat sur les finances publiques aura été inférieur à celui qui serait attendu mécaniquement au vu des multiplicateurs budgétaires habituels et de la structure des prélèvements obligatoires.
A contrario, les mesures prises ont permis de préserver la confiance, de maintenir en activité des entreprises qui sans elles auraient disparu et de maintenir durablement en emploi des salariés qui auraient sinon pu perdre le lien avec le marché du travail et voir leur employabilité diminuer. Ceci devrait avoir un effet favorable en retour sur les finances publiques, mais il s'agit là d'effets qui jouent plus à moyen long terme qu'à court terme.|
- Comme l'a relevé le Haut Conseil dans ses avis précédents, l'amélioration pour 2020 du solde structurel par le Gouvernement découlant des conventions de classement en mesures ponctuelles et temporaires de nombreuses mesures de soutien retenues, pour un montant s'élevant à 2,9 points de PIB potentiel, est dépourvue de sens.
- Le choix de classer l'essentiel des mesures de soutien en mesures exceptionnelles et temporaires sans impact sur le solde structurel est en effet discutable. Certaines de ces mesures (le chômage partiel notamment) viennent se substituer en partie à des dépenses d'indemnisation du chômage, qui sont prises en compte dans le calcul du solde conjoncturel. De plus, le Gouvernement ne tient pas compte du fait que certaines dépenses publiques de fonctionnement et d'investissement n'ont pu être effectuées en raison des restrictions sanitaires et viennent à l'inverse améliorer, de manière tout aussi temporaire et exceptionnelle, le solde public. Enfin, la reconduction en 2021 de nombreuses mesures de soutien relativise leur caractère exceptionnel et temporaire en 2020.
- A la surestimation par le Gouvernement du montant des facteurs exceptionnels et temporaires s'ajoute le caractère obsolète de la loi de programmation toujours en vigueur et l'incertitude entourant le niveau du PIB potentiel. La loi organique de décembre 2012 prévoit que les estimations de PIB potentiel de cette LPFP constituent la référence pour évaluer le solde structurel. Néanmoins, la crise sanitaire devrait conduire à réviser en baisse l'estimation de PIB potentiel pour 2020 figurant dans la LPFP. Le Gouvernement a ainsi d'ores et déjà présenté dans le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances initiales pour 2021, une nouvelle estimation du PIB potentiel, plus basse de 1,5 point en 2020 que dans la LPFP. C'est par ailleurs sur la base de cette nouvelle estimation qu'est assis le projet de programme de stabilité soumis parallèlement au Haut Conseil.
- Au total, l'estimation du solde structurel pour 2020 sur lequel le Haut Conseil doit se prononcer n'a pas de signification (5). Une appréciation plus juste de l'état de nos finances publiques imposerait de tenir compte de la nécessaire révision à la baisse du PIB potentiel entraînée par la crise sanitaire et de corriger significativement à la baisse le montant des mesures exceptionnelles et temporaires.
- Selon les hypothèses de calcul retenues par le Gouvernement, l'écart de solde structurel avec la trajectoire de la LPFP est de - 0,4 point en 2019 et de + 0,7 point de PIB en 2020. Selon les estimations du Gouvernement et en contradiction avec la dégradation qui s'annonce persistante des finances publiques, le solde structurel serait ainsi meilleur en 2020 comme en moyenne sur les deux années 2019 et 2020 que celui de la LPFP. Il ne marque donc pas d'écart important à la loi de programmation. Sans qu'il soit nécessaire de prendre en compte les circonstances exceptionnelles, il n'y a donc pas lieu de déclencher le « mécanisme de correction ».
- Le Haut Conseil constate que la crise sanitaire a conduit à des évolutions hors norme des finances publiques. Celle-ci l'a ainsi conduit à estimer, dans son avis sur le premier projet de loi de finances rectificatif pour 2020, que les circonstances exceptionnelles mentionnées à l'article 3 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) étaient réunies.
- Alors que ces évolutions ont rendu obsolète la loi de programmation en vigueur, et notamment l'estimation du PIB potentiel qu'elle contient, cette loi reste la référence sur laquelle le Haut Conseil doit, selon les termes de la loi organique de décembre 2012, s'appuyer pour rendre le présent avis.
- Le Haut Conseil note que, à PIB potentiel donné, ces évolutions conduisent à une décomposition plus conventionnelle et contestable qu'à l'accoutumée du solde public entre ses composantes exceptionnelles et temporaires, structurelle et conjoncturelle.
- A cet égard, le Haut Conseil relève que les modalités de calcul des mesures exceptionnelles et temporaires retenues par le Gouvernement conduisent à afficher une amélioration du solde structurel en 2020, en contradiction avec la très forte dégradation qui s'annonce persistante des finances publiques.
- Le Haut Conseil prend toutefois acte que les déficits structurels qui lui sont ainsi soumis pour avis par le Gouvernement au titre de l'article 23 de la loi organique, estimés à 2,3 et 0,9 points de PIB respectivement pour 2019 et 2020, ne s'écartent pas de manière importante de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) de janvier 2018, qui les prévoyait à 1,9 et 1,6 point de PIB respectivement. Il n'y a donc pas lieu de déclencher le mécanisme de correction prévu par cet article de la loi organique.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française et transmis au Parlement.
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