JORF n°0227 du 1 octobre 2015

b) La hausse des prix :
La prévision d'inflation du Gouvernement est quasiment inchangée pour 2015 (0,1 %) et identique pour 2016 (1,0 %) à celle du programme de stabilité.
Le glissement annuel des prix est nul en août 2015 après avoir été légèrement positif entre avril et juillet. L'indice des prix continue d'être tiré à la baisse par les produits pétroliers (- 12,5 % sur un an en août soit une incidence de - 0,5 point sur l'indice d'ensemble).
Pour l'année 2015, l'hypothèse d'une hausse des prix de 0,1 % en moyenne annuelle est réaliste.
Pour 2016, la prévision du Gouvernement est proche du « consensus » de septembre 2015 (1,1 %). Cependant, certaines institutions ont récemment révisé leur prévision d'inflation à la baisse, comme celle de la BCE qui est passée, pour la zone euro, de 1,5 % en juin à 1,1 % en septembre.
La prévision gouvernementale repose, d'une part, sur l'effet mécanique de la stabilisation du prix du pétrole (hypothèse conventionnelle) et, d'autre part, sur une accélération des prix manufacturés et des services, compte tenu des effets de la dépréciation passée de l'euro et de ceux d'une hausse plus forte des salaires en 2016.
Même si une accélération paraît vraisemblable, certains facteurs désinflationnistes comme les effets retardés de la baisse du prix du pétrole et l'incidence des allégements d'impôts et de cotisations en faveur des entreprises sont peut-être sous-estimés, et la hausse des salaires pourrait être moins rapide que prévu en 2016 (cf. infra).
En 2016, le Haut Conseil estime que la hausse des prix pourrait être inférieure à l'hypothèse de 1,0 % retenue par le Gouvernement. Une inflation plus faible aurait une incidence positive sur le pouvoir d'achat des ménages mais rendrait la réduction du déficit public plus difficile (cf. infra).
c) L'emploi et la masse salariale :
Après trois années de baisse, le Gouvernement prévoit une amélioration progressive de l'emploi salarié marchand avec une stabilisation en 2015 (0,1 %) et une augmentation de 0,6 % en 2016. Le retour d'une croissance modérée ainsi que son « enrichissement en emploi » qui résulterait des dispositifs d'allégement des prélèvements sur les entreprises (crédit d'impôt compétitivité-emploi - CICE - et Pacte de responsabilité) participeraient à ce redressement. L'emploi total bénéficierait par ailleurs sur les deux années d'un nombre toujours élevé de contrats aidés, malgré une légère réduction en 2016.
La stabilisation des effectifs salariés constatée au 1er semestre 2015, avec une légère augmentation au 2e trimestre, soutient un tel scénario. Hors effets du CICE et du Pacte de responsabilité, la prévision pour 2016 semble conforme au « cycle de productivité » traditionnel en période de reprise.
Le Haut Conseil considère que les prévisions d'emploi pour 2015 et 2016 sont cohérentes avec les hypothèses de croissance.
S'agissant de la masse salariale privée, la prévision du Gouvernement est revue à la hausse en 2015 (à 1,7 % contre 1,3 % dans le programme de stabilité) pour prendre en compte l'évolution meilleure que prévu constatée au 1er semestre. La prévision pour 2016 (2,8 %) est légèrement relevée par rapport au programme de stabilité (2,7 %). Elle repose sur une accélération d'un demi-point du salaire moyen (2,1 % en 2016 après 1,6 % en 2015) lui assurant en termes réels une augmentation un peu supérieure à 1 %, en ligne avec la productivité.
Toutefois, cette hausse des salaires paraît relativement forte dans un contexte de chômage élevé et après deux années de très faible inflation dont les effets retardés pourraient ne pas avoir été suffisamment pris en compte. Pour la même hypothèse de salaire réel, une inflation plus faible que prévu en 2016 conduirait de surcroît à une croissance de la masse salariale moins dynamique.
La prévision de masse salariale pour 2015 a été révisée à juste titre. En revanche, le Haut Conseil considère que la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales.

II. - Observations relatives aux finances publiques

  1. La cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel

Décomposition du solde public

| EN POINTS DE PIB OU DE PIB POTENTIEL |PLF POUR 2016 (SEPT. 2015)|LPFP (DÉC. 2014)| | | | | |------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|--------------------------|----------------|--------------|------|------|------| | | 2014 | 2015 | 2016 | 2014 | 2015 | 2016 | | Solde public | - 3,9 | - 3,8 | - 3,3 |- 4,4|- 4,1|- 3,6| | Composante conjoncturelle | - 1,9 | - 2,0 |- 1,9 (- 1,8)|- 1,9|- 2,0|- 1,7| | Mesures ponctuelles et temporaires | 0,0 | - 0,1 | - 0,1 | 0,0 |- 0,1|- 0,1| | Composante structurelle | - 2,0 | - 1,7 |- 1,2 (- 1,3)|- 2,4|- 2,1|- 1,8| |Note. - Les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.
Entre parenthèses figure l'estimation du Haut Conseil, avec l'hypothèse de croissance potentielle de la loi de programmation.
Source : projet de loi de finances pour 2016 et loi de programmation de décembre 2014.| | | | | | |

a) Le Haut Conseil doit se prononcer par rapport à la loi de programmation, en retenant les hypothèses de calcul de celle-ci :
Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence entre la trajectoire de solde structurel retenue dans le projet de loi de finances et celle de la dernière loi de programmation, en l'occurrence celle du 29 décembre 2014. Cette trajectoire a déjà été actualisée par le Gouvernement dans le programme de stabilité d'avril 2015, qui a notamment tenu compte d'un déficit pour 2014 meilleur qu'anticipé (4), et a renforcé l'objectif d'ajustement structurel programmé pour 2015 et 2016 (5). Le présent projet de loi de finances reprend en grande partie les objectifs annoncés dans le programme de stabilité.
Pour comparer les trajectoires de solde structurel entre le projet de loi de finances et la loi de programmation, il faut utiliser les hypothèses de calcul de celle-ci. En particulier, les hypothèses de croissance potentielle doivent être celles de la loi de programmation pour calculer le solde structurel.
Or le Gouvernement a révisé ses hypothèses de croissance potentielle dans le programme de stabilité d'avril 2015, modification critiquée par le Haut Conseil dans son avis du 13 avril 2015. Cette révision est d'autant plus regrettable que le suivi du solde structurel est essentiel en phase de reprise (cf. encadré).
Dans le présent avis et pour permettre la comparaison, les calculs sont donc réalisés avec les hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation (1,1 % en 2015 et 1,3 % en 2016), à la différence du Gouvernement qui présente, dans l'article liminaire du projet de loi de finances, un solde structurel calculé avec une croissance potentielle inchangée en 2015 mais révisée à la hausse en 2016 (6) (1,5 %). Le solde structurel ainsi recalculé est de - 1,3 % en 2016, au lieu de - 1,2 %. L'ajustement structurel correspondant est de 0,4 point de PIB en 2016 (au lieu de 0,5 point de PIB). Cet ajustement est en-deçà des minima fixés par les règles du Pacte de stabilité et de croissance (au moins 0,5 point de PIB par an).

Le solde structurel : une notion importante en phase de reprise économique

Par le passé, la France n'a pas su mettre à profit les périodes de reprise économique pour assainir durablement ses finances publiques.
Comme l'illustre le graphique ci-dessous, les périodes d'accélération de la croissance (fin des années 1980 puis tournant des années 2000, cadres verts) ont marqué un coup d'arrêt aux efforts de redressement du solde structurel. Quand l'écart de production était positif (cadres bleus), la politique budgétaire a été procyclique, c'est-à-dire qu'elle a contribué à soutenir l'activité à un moment où cela n'était pas nécessaire, avec en conséquence une dégradation de la composante structurelle du déficit masquée par la bonne tenue du solde effectif.

Déficit structurel, déficit effectif et croissance économique (France, 1984-2014)

Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0227 du 01/10/2015, texte nº 69

Source : Haut Conseil des finances publiques (données : INSEE pour la croissance du PIB et base AMECO de la Commission européenne pour la composante structurelle du déficit (mai 2015).

Alors qu'en période de reprise économique le solde nominal s'améliore mécaniquement à législation constante, il masque en partie la situation « structurelle » des finances publiques. Les recettes supplémentaires générées par la croissance ne devraient pas conduire à des dépenses supplémentaires mais être consacrées à la réduction du déficit. Elles ne sont pas pérennes et ne permettent donc pas de relâcher l'effort de redressement qui seul permettra de dégager des marges de manœuvre budgétaires pour faire face au prochain retournement conjoncturel. Pour éviter que cette situation ne se reproduise, les indicateurs du solde structurel et de son redressement (l'ajustement structurel) doivent être suivis tout aussi soigneusement en période de reprise qu'en période de ralentissement conjoncturel. En période de croissance, le seul respect des objectifs nominaux ne garantit pas un assainissement durable des finances publiques.


Historique des versions

Version 1

b) La hausse des prix :

La prévision d'inflation du Gouvernement est quasiment inchangée pour 2015 (0,1 %) et identique pour 2016 (1,0 %) à celle du programme de stabilité.

Le glissement annuel des prix est nul en août 2015 après avoir été légèrement positif entre avril et juillet. L'indice des prix continue d'être tiré à la baisse par les produits pétroliers (- 12,5 % sur un an en août soit une incidence de - 0,5 point sur l'indice d'ensemble).

Pour l'année 2015, l'hypothèse d'une hausse des prix de 0,1 % en moyenne annuelle est réaliste.

Pour 2016, la prévision du Gouvernement est proche du « consensus » de septembre 2015 (1,1 %). Cependant, certaines institutions ont récemment révisé leur prévision d'inflation à la baisse, comme celle de la BCE qui est passée, pour la zone euro, de 1,5 % en juin à 1,1 % en septembre.

La prévision gouvernementale repose, d'une part, sur l'effet mécanique de la stabilisation du prix du pétrole (hypothèse conventionnelle) et, d'autre part, sur une accélération des prix manufacturés et des services, compte tenu des effets de la dépréciation passée de l'euro et de ceux d'une hausse plus forte des salaires en 2016.

Même si une accélération paraît vraisemblable, certains facteurs désinflationnistes comme les effets retardés de la baisse du prix du pétrole et l'incidence des allégements d'impôts et de cotisations en faveur des entreprises sont peut-être sous-estimés, et la hausse des salaires pourrait être moins rapide que prévu en 2016 (cf. infra).

En 2016, le Haut Conseil estime que la hausse des prix pourrait être inférieure à l'hypothèse de 1,0 % retenue par le Gouvernement. Une inflation plus faible aurait une incidence positive sur le pouvoir d'achat des ménages mais rendrait la réduction du déficit public plus difficile (cf. infra).

c) L'emploi et la masse salariale :

Après trois années de baisse, le Gouvernement prévoit une amélioration progressive de l'emploi salarié marchand avec une stabilisation en 2015 (0,1 %) et une augmentation de 0,6 % en 2016. Le retour d'une croissance modérée ainsi que son « enrichissement en emploi » qui résulterait des dispositifs d'allégement des prélèvements sur les entreprises (crédit d'impôt compétitivité-emploi - CICE - et Pacte de responsabilité) participeraient à ce redressement. L'emploi total bénéficierait par ailleurs sur les deux années d'un nombre toujours élevé de contrats aidés, malgré une légère réduction en 2016.

La stabilisation des effectifs salariés constatée au 1er semestre 2015, avec une légère augmentation au 2e trimestre, soutient un tel scénario. Hors effets du CICE et du Pacte de responsabilité, la prévision pour 2016 semble conforme au « cycle de productivité » traditionnel en période de reprise.

Le Haut Conseil considère que les prévisions d'emploi pour 2015 et 2016 sont cohérentes avec les hypothèses de croissance.

S'agissant de la masse salariale privée, la prévision du Gouvernement est revue à la hausse en 2015 (à 1,7 % contre 1,3 % dans le programme de stabilité) pour prendre en compte l'évolution meilleure que prévu constatée au 1er semestre. La prévision pour 2016 (2,8 %) est légèrement relevée par rapport au programme de stabilité (2,7 %). Elle repose sur une accélération d'un demi-point du salaire moyen (2,1 % en 2016 après 1,6 % en 2015) lui assurant en termes réels une augmentation un peu supérieure à 1 %, en ligne avec la productivité.

Toutefois, cette hausse des salaires paraît relativement forte dans un contexte de chômage élevé et après deux années de très faible inflation dont les effets retardés pourraient ne pas avoir été suffisamment pris en compte. Pour la même hypothèse de salaire réel, une inflation plus faible que prévu en 2016 conduirait de surcroît à une croissance de la masse salariale moins dynamique.

La prévision de masse salariale pour 2015 a été révisée à juste titre. En revanche, le Haut Conseil considère que la progression de la masse salariale pourrait être moindre que ne le prévoit le Gouvernement en 2016, ce qui aurait un impact négatif sur les recettes de cotisations sociales.

II. - Observations relatives aux finances publiques

1. La cohérence avec les orientations pluriannuelles de solde structurel

Décomposition du solde public

EN POINTS DE PIB OU DE PIB POTENTIEL

PLF POUR 2016 (SEPT. 2015)

LPFP (DÉC. 2014)

2014

2015

2016

2014

2015

2016

Solde public

- 3,9

- 3,8

- 3,3

- 4,4

- 4,1

- 3,6

Composante conjoncturelle

- 1,9

- 2,0

- 1,9 (- 1,8)

- 1,9

- 2,0

- 1,7

Mesures ponctuelles et temporaires

0,0

- 0,1

- 0,1

0,0

- 0,1

- 0,1

Composante structurelle

- 2,0

- 1,7

- 1,2 (- 1,3)

- 2,4

- 2,1

- 1,8

Note. - Les chiffres étant arrondis au dixième, il peut en résulter de légers écarts dans le résultat des opérations.

Entre parenthèses figure l'estimation du Haut Conseil, avec l'hypothèse de croissance potentielle de la loi de programmation.

Source : projet de loi de finances pour 2016 et loi de programmation de décembre 2014.

a) Le Haut Conseil doit se prononcer par rapport à la loi de programmation, en retenant les hypothèses de calcul de celle-ci :

Aux termes de la loi organique du 17 décembre 2012, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence entre la trajectoire de solde structurel retenue dans le projet de loi de finances et celle de la dernière loi de programmation, en l'occurrence celle du 29 décembre 2014. Cette trajectoire a déjà été actualisée par le Gouvernement dans le programme de stabilité d'avril 2015, qui a notamment tenu compte d'un déficit pour 2014 meilleur qu'anticipé (4), et a renforcé l'objectif d'ajustement structurel programmé pour 2015 et 2016 (5). Le présent projet de loi de finances reprend en grande partie les objectifs annoncés dans le programme de stabilité.

Pour comparer les trajectoires de solde structurel entre le projet de loi de finances et la loi de programmation, il faut utiliser les hypothèses de calcul de celle-ci. En particulier, les hypothèses de croissance potentielle doivent être celles de la loi de programmation pour calculer le solde structurel.

Or le Gouvernement a révisé ses hypothèses de croissance potentielle dans le programme de stabilité d'avril 2015, modification critiquée par le Haut Conseil dans son avis du 13 avril 2015. Cette révision est d'autant plus regrettable que le suivi du solde structurel est essentiel en phase de reprise (cf. encadré).

Dans le présent avis et pour permettre la comparaison, les calculs sont donc réalisés avec les hypothèses de croissance potentielle de la loi de programmation (1,1 % en 2015 et 1,3 % en 2016), à la différence du Gouvernement qui présente, dans l'article liminaire du projet de loi de finances, un solde structurel calculé avec une croissance potentielle inchangée en 2015 mais révisée à la hausse en 2016 (6) (1,5 %). Le solde structurel ainsi recalculé est de - 1,3 % en 2016, au lieu de - 1,2 %. L'ajustement structurel correspondant est de 0,4 point de PIB en 2016 (au lieu de 0,5 point de PIB). Cet ajustement est en-deçà des minima fixés par les règles du Pacte de stabilité et de croissance (au moins 0,5 point de PIB par an).

Le solde structurel : une notion importante en phase de reprise économique

Par le passé, la France n'a pas su mettre à profit les périodes de reprise économique pour assainir durablement ses finances publiques.

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, les périodes d'accélération de la croissance (fin des années 1980 puis tournant des années 2000, cadres verts) ont marqué un coup d'arrêt aux efforts de redressement du solde structurel. Quand l'écart de production était positif (cadres bleus), la politique budgétaire a été procyclique, c'est-à-dire qu'elle a contribué à soutenir l'activité à un moment où cela n'était pas nécessaire, avec en conséquence une dégradation de la composante structurelle du déficit masquée par la bonne tenue du solde effectif.

Déficit structurel, déficit effectif et croissance économique (France, 1984-2014)

Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du

JOnº 0227 du 01/10/2015, texte nº 69

Source : Haut Conseil des finances publiques (données : INSEE pour la croissance du PIB et base AMECO de la Commission européenne pour la composante structurelle du déficit (mai 2015).

Alors qu'en période de reprise économique le solde nominal s'améliore mécaniquement à législation constante, il masque en partie la situation « structurelle » des finances publiques. Les recettes supplémentaires générées par la croissance ne devraient pas conduire à des dépenses supplémentaires mais être consacrées à la réduction du déficit. Elles ne sont pas pérennes et ne permettent donc pas de relâcher l'effort de redressement qui seul permettra de dégager des marges de manœuvre budgétaires pour faire face au prochain retournement conjoncturel. Pour éviter que cette situation ne se reproduise, les indicateurs du solde structurel et de son redressement (l'ajustement structurel) doivent être suivis tout aussi soigneusement en période de reprise qu'en période de ralentissement conjoncturel. En période de croissance, le seul respect des objectifs nominaux ne garantit pas un assainissement durable des finances publiques.