JORF n°0176 du 31 juillet 2013

  1. Pourtant, plusieurs études ou témoignages tendent à montrer que toutes les conditions ne sont pas mises en œuvre pour maintenir ou rétablir les liens parents-enfants et que sont souvent invoquées des raisons d'ordre organisationnel compromettant le retour dans le foyer d'origine :
    ― les droits de visite et d'hébergement ne sont pas toujours respectés et facilités par les services de l'ASE ;
    ― l'absence d'information des parents en cas d'absence ou de fugue de leur enfant ;
    ― des horaires de visite non adaptés aux horaires de travail des parents et aux activités des enfants ;
    ― le recours aux visites médiatisées est de plus en plus fréquent, sans que le recours à la médiatisation soir motivé et alors que pour certains parents la présence d'un tiers trouble le dialogue avec leur enfant ;
    ― des lieux de placement éloignés du domicile des parents, bouleversant la vie scolaire, sociale, culturelle des enfants et limitant les possibilités d'exercice du droit de visite pour les parents ;
    ― le placement d'enfants d'une même fratrie dans des lieux différents et éloignés ;
    ― l'insuffisance des lieux d'accueil permettant aux parents d'exercer, dans de bonnes conditions, leur droit d'hébergement de fin de semaine ou pendant les vacances.
  2. Il convient aussi de rappeler qu'en cas de placement les parents conservent généralement les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec la mesure : autorisation de soins, orientation scolaire, sorties du territoire, etc. Or on constate que c'est l'institution qui en prend le plus souvent la charge et exclut les parents des actes usuels concernant leur enfant, contrairement à ce que prévoit la loi. Les services sociaux invoquent le manque de temps ou de disponibilité pour impliquer les parents. Mais le fait que les parents soient exclus des décisions concernant leur enfant pose problème en termes de respect des droits des parents et surtout constitue un affaiblissement de leur rôle auprès de leur enfant, qui contribue à distendre plus encore les liens familiaux. Force est de constater que les fratries sont encore souvent séparées, non dans l'intérêt des enfants, mais du fait de contraintes matérielles et de service. Le maintien des liens entre les enfants séparés est souvent difficile.
    La CNCDH demande que, conformément à l'article 375-7 du code civil, le juge fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et ne laisse ce soin aux services qu'après s'être assuré de l'accord des parents. Il doit aussi être garant du respect par les services sociaux des droits et responsabilités des parents et du droit pour les enfants à la non-séparation des frères et sœurs (art. 371 du code civil).
    Enfin, en application de l'article L. 311-5 du code de l'action sociale et des familles, la CNCDH rappelle que la famille doit pouvoir recourir à l'assistance d'un médiateur en cas de conflit avec les services d'aide sociale à l'enfance et qu'elle doit être informée de cette possibilité.
  3. La Commission constate par ailleurs que les décisions de maintien ou de levée de la mesure sont parfois examinées tardivement, repoussant ou compromettant le retour de l'enfant dans sa famille. De surcroît, des décisions de placement sont prolongées alors que les mesures d'assistance appropriée à la famille n'ont pas ou ont été incomplètement mises en œuvre, souvent en raison du trop grand nombre de dossiers gérés par chaque travailleur social.
  4. La Commission s'inquiète également d'une proposition de loi actuellement débattue visant à supprimer les allocations familiales aux parents dont les enfants sont placés en famille d'accueil ou en institution. Or, confisquer les allocations, c'est fragiliser la famille : compromettre parfois le paiement du loyer, le paiement des transports pour exercer le droit de visite, la possibilité de nourrir les enfants quand ils les reçoivent le week-end, le maintien des liens familiaux par l'achat du cartable à la rentrée, ou un cadeau à Noël ou aux anniversaires, etc. Par ailleurs, le transfert automatique des allocations familiales au conseil général serait une erreur sur le plan économique : la charge financière pour les départements sera d'autant plus lourde si la séparation de l'enfant de sa famille se prolonge (22).
    La CNCDH recommande, sauf décision motivée du juge des enfants, le maintien des diverses allocations liées aux enfants, afin de limiter la durée des placements et de garantir la préservation des liens pour la famille.

(22) Pour exemple : la confiscation des allocations d'une famille de deux enfants ne rapporterait que 1 524 euros au Conseil général alors que le « placement » d'un enfant lui coûte 34 000 euros par an.


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Version 1

23. Pourtant, plusieurs études ou témoignages tendent à montrer que toutes les conditions ne sont pas mises en œuvre pour maintenir ou rétablir les liens parents-enfants et que sont souvent invoquées des raisons d'ordre organisationnel compromettant le retour dans le foyer d'origine :

― les droits de visite et d'hébergement ne sont pas toujours respectés et facilités par les services de l'ASE ;

― l'absence d'information des parents en cas d'absence ou de fugue de leur enfant ;

― des horaires de visite non adaptés aux horaires de travail des parents et aux activités des enfants ;

― le recours aux visites médiatisées est de plus en plus fréquent, sans que le recours à la médiatisation soir motivé et alors que pour certains parents la présence d'un tiers trouble le dialogue avec leur enfant ;

― des lieux de placement éloignés du domicile des parents, bouleversant la vie scolaire, sociale, culturelle des enfants et limitant les possibilités d'exercice du droit de visite pour les parents ;

― le placement d'enfants d'une même fratrie dans des lieux différents et éloignés ;

― l'insuffisance des lieux d'accueil permettant aux parents d'exercer, dans de bonnes conditions, leur droit d'hébergement de fin de semaine ou pendant les vacances.

24. Il convient aussi de rappeler qu'en cas de placement les parents conservent généralement les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec la mesure : autorisation de soins, orientation scolaire, sorties du territoire, etc. Or on constate que c'est l'institution qui en prend le plus souvent la charge et exclut les parents des actes usuels concernant leur enfant, contrairement à ce que prévoit la loi. Les services sociaux invoquent le manque de temps ou de disponibilité pour impliquer les parents. Mais le fait que les parents soient exclus des décisions concernant leur enfant pose problème en termes de respect des droits des parents et surtout constitue un affaiblissement de leur rôle auprès de leur enfant, qui contribue à distendre plus encore les liens familiaux. Force est de constater que les fratries sont encore souvent séparées, non dans l'intérêt des enfants, mais du fait de contraintes matérielles et de service. Le maintien des liens entre les enfants séparés est souvent difficile.

La CNCDH demande que, conformément à l'article 375-7 du code civil, le juge fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et ne laisse ce soin aux services qu'après s'être assuré de l'accord des parents. Il doit aussi être garant du respect par les services sociaux des droits et responsabilités des parents et du droit pour les enfants à la non-séparation des frères et sœurs (art. 371 du code civil).

Enfin, en application de l'article L. 311-5 du code de l'action sociale et des familles, la CNCDH rappelle que la famille doit pouvoir recourir à l'assistance d'un médiateur en cas de conflit avec les services d'aide sociale à l'enfance et qu'elle doit être informée de cette possibilité.

25. La Commission constate par ailleurs que les décisions de maintien ou de levée de la mesure sont parfois examinées tardivement, repoussant ou compromettant le retour de l'enfant dans sa famille. De surcroît, des décisions de placement sont prolongées alors que les mesures d'assistance appropriée à la famille n'ont pas ou ont été incomplètement mises en œuvre, souvent en raison du trop grand nombre de dossiers gérés par chaque travailleur social.

26. La Commission s'inquiète également d'une proposition de loi actuellement débattue visant à supprimer les allocations familiales aux parents dont les enfants sont placés en famille d'accueil ou en institution. Or, confisquer les allocations, c'est fragiliser la famille : compromettre parfois le paiement du loyer, le paiement des transports pour exercer le droit de visite, la possibilité de nourrir les enfants quand ils les reçoivent le week-end, le maintien des liens familiaux par l'achat du cartable à la rentrée, ou un cadeau à Noël ou aux anniversaires, etc. Par ailleurs, le transfert automatique des allocations familiales au conseil général serait une erreur sur le plan économique : la charge financière pour les départements sera d'autant plus lourde si la séparation de l'enfant de sa famille se prolonge (22).

La CNCDH recommande, sauf décision motivée du juge des enfants, le maintien des diverses allocations liées aux enfants, afin de limiter la durée des placements et de garantir la préservation des liens pour la famille.

(22) Pour exemple : la confiscation des allocations d'une famille de deux enfants ne rapporterait que 1 524 euros au Conseil général alors que le « placement » d'un enfant lui coûte 34 000 euros par an.