JORF n°0149 du 29 juin 2011

Avis du

Participaient à la séance : Philippe de LADOUCETTE, président, Olivier CHALLAN BELVAL et Frédéric GONAND, commissaires.
En application de l'article 5 du décret n° 2009-1603 du 18 décembre 2009, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie pour avis, le 22 juin 2011, par la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, d'un projet d'arrêté fixant les tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique (DP) de GDF Suez.
Le projet d'arrêté prévoit que, au 1er juillet 2011 :
― les tarifs sont maintenus identiques à ceux en vigueur pour les clients résidentiels et petits professionnels avec un contrat individuel (tarifs Base, B0 et B1), ainsi que pour les consommateurs résidentiels en chauffage collectif ;
― les tarifs applicables aux autres consommateurs augmentent en moyenne de 3,2 %.
Les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont, par ailleurs, sollicité la CRE pour une mission d'expertise des coûts d'approvisionnement de GDF Suez, dans le but d'approfondir les propositions qu'elle a formulées dans sa délibération du 30 mars 2011. Les ministres souhaitent que la CRE, sur la base de cette expertise et après concertation avec les acteurs concernés, puisse faire des propositions d'évolution du dispositif tarifaire actuel.

  1. Cadre juridique

L'article 5 du décret du 18 décembre 2009 prévoit que pour chaque fournisseur, un arrêté des ministres pris après avis de la CRE, au moins une fois par an, fixe les barèmes des tarifs réglementés de vente de gaz.
L'article 3 précise que les tarifs doivent couvrir les coûts d'approvisionnement et hors approvisionnement des fournisseurs, en application de l'article L. 445-3 du code de l'énergie qui prévoit que « Les tarifs réglementés de vente du gaz naturel sont définis en fonction des caractéristiques intrinsèques des fournitures et des coûts liés à ces fournitures. Ils couvrent l'ensemble de ces coûts à l'exclusion de toute subvention en faveur des clients qui ont exercé leur droit prévu à l'article L. 441-1 ».
L'article 4 du décret prévoit que les coûts d'approvisionnement sont évalués par une formule définie par un arrêté des ministres chargés de l'économie et de l'énergie après avis de la CRE.
La formule en vigueur pour GDF Suez a été publiée par l'arrêté du 9 décembre 2010. Elle intègre les conséquences des renégociations de GDF Suez avec ses fournisseurs intervenues en 2009 et au premier semestre 2010, en particulier l'introduction d'une part d'indexation sur les marchés de gros gaziers dans les formules de prix des contrats d'approvisionnement de long terme. Ces contrats constituent à ce jour le périmètre d'approvisionnement sur lequel est établie la formule, en application du contrat de service public liant l'Etat à GDF Suez.
Dans sa délibération du 30 mars 2011, la CRE a proposé d'élargir ce périmètre aux autres sources d'approvisionnement en Europe, afin que les tarifs réglementés de vente reflètent au mieux les coûts d'approvisionnement réels de GDF Suez.

  1. Observations
    Analyse des tarifs envisagés

L'application de la formule en vigueur aurait conduit à une hausse moyenne des tarifs de 7,1 % au 1er juillet 2011.
Toutefois, dans sa délibération du 30 mars 2011, la CRE a préconisé le réexamen de cette formule. Elle a proposé d'élargir le périmètre des coûts d'approvisionnement à prendre en compte à l'ensemble des sources d'approvisionnement en Europe et, de manière conservatoire pour le mouvement du 1er juillet 2011, que « les tarifs soient fixés pour couvrir le dernier coût moyen d'achat de gaz effectivement constaté dans les comptes de GDF Suez à la date du mouvement... ».
Sur cette base, les tarifs envisagés sont acceptables, car la part de ces tarifs liée à l'achat de gaz (i.e., hors transport et distribution notamment) couvre le prix moyen d'importation constaté en mai 2011, dernier prix connu à ce jour.

Effet d'un gel tarifaire prolongé sur le marché

Le projet d'arrêté examiné ne remet pas en cause la possibilité pour GDF Suez de saisir la CRE d'une évolution de ses barèmes au 1er octobre 2011, en application de l'article 6 du décret du 18 décembre 2009.
En application de l'article 5 de ce décret, les ministres chargés de l'économie et de l'énergie ont également la possibilité de fixer les tarifs au 1er octobre 2011 par arrêté.
La CRE souligne que, par principe, un gel prolongé des tarifs perturbe le bon fonctionnement des marchés du gaz naturel et fausse les décisions des agents économiques.
En premier lieu, le gaz naturel consommé en France étant pour l'essentiel importé, les fournisseurs n'ont pas d'autre choix que de supporter les évolutions des cours internationaux. Il est donc légitime qu'ils puissent répercuter ces évolutions aux consommateurs finals.
A long terme, les incertitudes pesant sur les tarifs de vente fragilisent la sécurité d'approvisionnement de la France : le manque de visibilité sur le marché de détail n'incite pas les acteurs à développer leur activité et, notamment, leur capacité d'import vers la France.
Outre le fait qu'un gel prolongé des tarifs n'est pas souhaitable d'un point de vue économique, il est au surplus incompatible avec la jurisprudence du Conseil d'Etat.
En effet, celui-ci, notamment dans son arrêt Poweo du 10 décembre 2007, considère que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel ne peuvent être inférieurs aux coûts complets de chaque opérateur. Ainsi « il appartient aux ministres compétents, à la date à laquelle ils prennent leur décision, premièrement, de permettre au moins la couverture par les tarifs des coûts moyens complets des opérateurs tels qu'ils peuvent être évalués à cette date, deuxièmement, de prendre en compte une estimation de l'évolution de ces coûts sur l'année à venir, en fonction des éléments dont ils disposent à cette même date, et, troisièmement, d'ajuster ces tarifs s'ils constatent qu'un écart significatif s'est produit entre tarifs et coûts, du fait d'une sous-évaluation des tarifs, au moins au cours de l'année écoulée, afin de compenser cet écart dans un délai raisonnable ».
Surtout, la CRE rappelle que plusieurs fournisseurs de gaz font des offres plus attractives que les tarifs réglementés de vente de GDF Suez et que tout consommateur résidentiel qui choisit une offre de marché conserve le droit de revenir aux tarifs réglementés à tout instant.
En conséquence, la CRE estime impératif qu'un mouvement tarifaire intervienne au 1er octobre 2011 sur l'ensemble des tarifs en distribution publique, s'il s'avérait nécessaire pour refléter les coûts d'approvisionnement de GDF Suez à cette date, quel que soit, par ailleurs, l'état de la réflexion sur la formule tarifaire.

  1. Avis de la CRE

La Commission de Régulation de l'Energie n'émet pas d'objection au projet d'arrêté qui lui est soumis, qui fixe les tarifs réglementés de vente de gaz naturel en distribution publique de GDF Suez au 1er juillet 2011.
La Commission de Régulation de l'Energie estime impératif qu'un mouvement tarifaire intervienne au 1er octobre 2011 sur l'ensemble des tarifs en distribution publique, s'il s'avérait nécessaire pour refléter les coûts d'approvisionnement de GDF Suez à cette date, quel que soit par ailleurs l'état de la réflexion sur la formule tarifaire.
Fait à Paris, le 23 juin 2011.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette