JORF n°0090 du 17 avril 2015

ANNEXECOMMISSION DES PARTICIPATIONS ET DES TRANSFERTS Avis n° 2014-A-8 du 24 novembre 2014 relatif à l'évaluation de la société Aéroport Toulouse-Blagnac

La commission,
Vu la lettre du 2 juillet 2014 par laquelle le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, de la procédure envisagée pour la cession, hors marché, de la participation majoritaire de 60 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ainsi que, le cas échéant, d'une partie de la participation détenue par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations et le décret n° 93-1041 du 3 septembre 1993 modifié pris pour l'application de ladite loi ;
Vu la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 modifiée de privatisation ;
Vu la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ;
Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et le décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de ladite ordonnance ;
Vu le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;
Vu le décret n° 2014-795 du 11 juillet 2014 autorisant le transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac ;
Vu les avis n° 2014-AC-1 du 11 juillet 2014 et n° 2014-AC-2 du 22 septembre 2014 de la Commission des participations et des transferts relatif à la cession de la participation majoritaire détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ;
Vu l'avis relatif au transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac, publié au Journal officiel du 18 juillet 2014, et le cahier des charges rendu public par ledit avis ;
Vu les documents d'information publiés par Aéroport Toulouse-Blagnac, et en particulier :

- le document intitulé « Bilan 2013 et perspectives » ;
- le rapport d'activité 2013 ;
- le contrat de régulation économique 2014-2018 du 19 décembre 2013 ;
- les statuts de la société ;

Vu les notes de l'Agence des participations de l'Etat à la commission du 2 juillet 2014 relative au processus envisagé de cession et à la commission du 27 octobre 2014 relative à l'évaluation de l'entreprise ainsi que le complément à cette dernière du 24 novembre 2014 ;
Vu le mémorandum d'information (Information Memorandum) de juillet 2014 communiqué aux candidats recevables conformément à l'article 5 du cahier des charges de la cession ;
Vu le « Memorandum Presentation » d'octobre 2014 communiqué par l'entreprise aux candidats éligibles et les éléments de réponse fournis à leurs questions dans le cadre de la salle d'information (date room) ;
Vu le rapport de valorisation établi par Société Générale Corporate & Investment Banking, banque-conseil de l'Etat, transmis à la commission le 24 octobre 2014, ainsi que la note complémentaire transmise le 3 novembre 2014 en réponse à des questions de la commission ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le 28 octobre 2014 :
Le ministre chargé de l'économie, représenté par Mme Solenne LEPAGE, directrice de participations à l'Agence des participations de l'Etat, et MM. Bruno VINCENT et Antoine GUTHMANN et assisté de sa banque-conseil, la Société générale, représentée par MM. Christophe BORDES, Managing Director, et Vongvilay CHANTANAU ;
Le 24 novembre 2014 :
La société Aéroport Toulouse-Blagnac, représentée par MM. Jean-Marc VERNHES, président du directoire ;
Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre du 2 juillet 2014, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, de la procédure envisagée pour la cession, hors marché, de la participation majoritaire de 60 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB) ainsi que, le cas échéant, d'une partie de la participation détenue par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (CCIT).
Cette cession a été autorisée par le décret du 11 juillet 2014 susvisé.
La cession étant réalisée selon une procédure de gré à gré, l'acquéreur devait être sélectionné, sur avis conforme de la commission, par le ministre chargé de l'économie, sur la base d'un cahier des charges, conformément aux dispositions de l'article 1er (2°) du décret du 3 septembre 1993 susvisé. La commission a adopté ce cahier des charges par avis du 11 juillet 2014 et il a fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel du 18 juillet 2014.
La cession est désormais régie par les dispositions de l'ordonnance du 20 août 2014 susvisée, en particulier ses articles 26 (II) et 27 (II). L'article 27 (II) prévoit que, outre l'avis sur la valeur de la société, la commission émet « un avis sur les modalités de la procédure, qui doit respecter les intérêts du secteur public, puis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposés par le ministre chargé de l'économie ».
Le présent avis a pour objet de déterminer la valeur de la société.
II. - Décidée à la veille de la guerre, à la suite de l'affectation militaire de l'aéroport de Francazal, la construction de l'aéroport civil de Toulouse-Blagnac a connu plusieurs étapes jusqu'à l'entrée en exploitation des premiers grands aménagements inaugurés en 1953 (aérogare de Blagnac 1). La progression du trafic à partir du milieu des années 1960 conduit à la construction d'un nouvel aérogare en 1978 (Blagnac 2). La forte croissance qui s'en suivra imposera un développement des infrastructures et des équipements jusqu'à aujourd'hui (inauguration du hall A en 2004 et du hall D en 2010, portant la capacité à 8,5 millions de passagers annuels). L'aéroport dispose de deux pistes parallèles, qui lui procurent une forte marge de capacité et lui permettent en particulier de répondre aux besoins d'Airbus, et de quatre terminaux.
Dès l'origine, l'industrie aéronautique était présente à Toulouse et dans la proximité de l'aéroport. A la fin des années 1950, Blagnac est entouré d'usines aéronautiques importantes et devient un aéroport d'essai aérien qui ne fait ultérieurement que prendre plus d'importance avec le développement d'Airbus. Les relations entre Aéroport Toulouse-Blagnac et Airbus sont définies par des contrats de longue durée.
Toulouse-Blagnac est aujourd'hui le sixième aéroport français après les deux aéroports parisiens, Nice, Lyon et Marseille. En 2013, l'aéroport a enregistré plus de 95 000 mouvements d'avions représentant 7,5 millions de passagers et 61 000 tonnes de fret et poste. L'aéroport est utilisé par 32 compagnies aériennes régulières et on y recense 15 destinations domestiques (la navette Toulouse - Paris-Orly représente 43 % du trafic), 75 destinations internationales et 46 destinations charter à l'étranger.
La société Aéroport Toulouse-Blagnac détient par ailleurs 39 % du capital de la Société d'exploitation de Toulouse Francazal Aéroport. L'aéroport de Francazal conserve des activités militaires et est orienté vers l'aviation d'affaires.
Le groupe a employé en 2013 un effectif moyen de 250 personnes.
III. - La fin de l'année 2013 a été marquée par deux événements importants pour les années à venir.
La société a tout d'abord signé le 13 décembre 2013 un deuxième contrat de régulation économique (CRE) avec l'Etat couvrant les années 2014 à 2018.
Ce contrat encadre les évolutions annuelles des redevances aéronautiques. Le principe est que les tarifs des redevances aéronautiques, définies aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile, soient fixés de telle sorte que le résultat opérationnel du « périmètre régulé » - tous revenus confondus - assure à l'exploitant « une juste rémunération des capitaux investis, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre [régulé] » (art. R. 224-3-1 du code).
Dans le cas de Toulouse-Blagnac est appliqué le principe de la « caisse unique ajustée ». Tous les revenus aéronautiques ou non aéronautiques (commerce, parkings) sont inclus dans le calcul du retour sur les capitaux employés (ROCE), conduisant ainsi à la modération des redevances aéronautiques, dont la progression est limitée à l'inflation + 0,5 % dans le cadre du CRE en vigueur. Toutefois, l'immobilier de diversification est exclu désormais de ce périmètre. Le passage au principe de la « double caisse », déjà appliqué pour Aéroports de Paris, est évoqué dans le cadre ultérieur de la négociation du troisième contrat de régulation économique.
Le CRE 2014-2018 précise par ailleurs les engagements de la société sur son programme d'investissement. Il comporte aussi des critères d'appréciation de la qualité.
Parallèlement, Aéroport Toulouse-Blagnac a arrêté son plan stratégique pour la même période 2014-2018 sous l'intitulé « Grand Ciel ». Ce plan vise notamment :

- à optimiser le service apporté aux clients ;
- à diversifier les activités de l'entreprise, par exemple dans la commercialisation d'immobilier de bureau ;
- à participer plus fortement au développement économique et touristique de la région Midi-Pyrénées.

IV. - Durant l'exercice 2013, Aéroport Toulouse-Blagnac a réalisé un chiffre d'affaires de 117,4 millions d'euros, en hausse de 2,2 % par rapport à 2012. Cette faible évolution traduit une consolidation du trafic après les progressions des années précédentes (3,8 % en moyenne).
L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) s'élève à 39 millions, en hausse de 4,7 %. Le résultat d'exploitation de 10,6 millions enregistre une hausse de 15,5 %, grâce à la réduction des coûts externes et à des gains de productivité. Le résultat net est de 5,3 millions (+ 87 %), du fait principalement de résultats exceptionnels (notamment reprises de provisions et dégrèvements fiscaux).
Au 31 décembre 2013, les capitaux propres de la société s'élèvent à 119,7 millions d'euros (+ 9,7 % par rapport au 31 décembre 2012). La dette nette s'établit à 100,8 millions (en baisse de 7,7 %).
Pour l'année 2014, l'entreprise anticipe une légère croissance, plus sensible à l'international. Le trafic passager devrait ainsi progresser de 2 %, principalement par le renforcement de lignes existantes et dans une moindre mesure par quelques ouvertures de nouvelles routes.
V. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation d'Aéroport Toulouse-Blagnac en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir. Elle a disposé à cet effet d'un rapport établi par la banque-conseil de l'Etat.
Dans ce rapport, la banque a recours à quatre approches :

- l'actualisation des flux de trésorerie (DCF) : les flux sont déterminés sur la base des plans d'affaires établis par l'entreprise sur la durée de la concession. Deux scenarii sont considérés suivant que le prochain CRE retiendra ou non le principe de la « double caisse ». Les flux sont actualisés au coût moyen pondéré du capital, estimé pour la période du 3e CRE à 6,4 % puis à 6 % ;
- l'actualisation des flux de dividendes : le calcul des flux est fait selon l'hypothèse d'une politique de versement maximal et optimisé de dividendes en fonction de la trésorerie disponible sur la base des plans d'affaires. Le taux d'actualisation varie dans le temps en fonction du risque spécifique et de la structure financière ;
- la banque-conseil, ne retenant pas la méthode usuelle des multiples de comparables boursiers en raison de l'hétérogénéité à son avis de leurs caractéristiques et des réglementations, a conduit une analyse de régression pour déterminer le facteur explicatif du multiple d'EBITDA 2014 et a conclu qu'il s'agissait du taux de croissance annuel anticipé par le marché pour cet agrégat en 2015. Elle a établi sur cette base une évaluation d'ATB ;
- les multiples de transactions comparables : la banque n'a retenu comme comparables que des transactions sur des aéroports en pleine propriété (contrairement à Toulouse-Blagnac qui est en concession) et, à ce titre, y a apporté une décote de 24 à 30 %.

La commission a posé des questions complémentaires à la banque-conseil, en particulier sur la prise en compte directe des multiples de sociétés cotées comparables et de transactions comparables récentes sur des aéroports en concession, comme celle sur ANA au Portugal. La banque-conseil a répondu que ces éléments ne modifiaient pas son évaluation du fait des ajustements qu'elle estime devoir apporter à ces références.
VI. - La commission a examiné le rapport présenté par la banque-conseil. Elle a pris en considération les comptes de la société, les perspectives et prévisions de sa direction et les potentialités de développement.
La commission a considéré que les perspectives de l'aéroport de Toulouse-Blagnac doivent être appréciées, au-delà de la poursuite des tendances actuelles, en prenant en compte les développements qu'est susceptible de lui procurer la gestion par un acquéreur prenant le contrôle opérationnel de la société. Elle a considéré que l'un des principaux objectifs de l'Etat dans l'opération de cession de sa participation est précisément que le projet de l'acquéreur permette de « contribuer à l'essor du trafic » et de « mettre en œuvre une politique ambitieuse de développement durable de la Société », ainsi qu'il est expressément mentionné à l'annexe 1 du cahier des charges de la cession. L'évaluation, selon la méthode des flux de trésorerie, doit prendre en compte en conséquence un plan d'affaires suffisamment ambitieux, que ce soit dans la croissance du trafic ou dans le développement d'activités de diversification, notamment dans l'immobilier non aéronautique, ainsi que l'entreprise en a retenu l'objectif dans son plan stratégique. La perspective d'une croissance importante du trafic est envisageable grâce à l'existence de deux pistes qui, selon les experts, pourraient permettre un doublement des mouvements d'avions et par les facilités d'extension des terminaux.
L'évaluation sur la base des multiples implicites au cours de bourse de sociétés comparables ne peut non plus être négligée, même si chaque société présente ses caractéristiques propres, tant financières que juridiques (concession ou propriété de l'aéroport, régime de caisse unique ou de double caisse), dont les conséquences réelles sont difficiles à quantifier. La référence aux aéroports de Zurich, Vienne et Venise (société SAVE), suggérés comme les plus proches comparables par la banque-conseil, paraît adaptée. La commission a estimé qu'il y avait lieu de retenir ces trois références en y ajoutant une prime valorisant pleinement l'attribution du contrôle opérationnel de la société à l'acquéreur. L'Agence des participations de l'Etat a indiqué partager ce point de vue.
La commission a également étudié les transactions récentes intervenues sur des aéroports, parmi lesquelles la cession d'ANA au Portugal ou les transactions sur plusieurs aéroports britanniques. Ces opérations font apparaître des bornes hautes de valorisation dont il doit être tenu compte mais qui résultent en partie, au-delà de la valeur de la société, de la tension concurrentielle très forte constatée lors de ces cessions.
VII. - Prenant en compte l'ensemble de ces éléments, la commission estime qu'une valeur d'entreprise faisant apparaître un multiple implicite d'EBITDA compris entre 12 et 13 est cohérente avec les données fournies par la méthode de l'actualisation des flux et par celle des comparables boursiers. Il convient d'en déduire la dette nette. Ainsi, la commission est d'avis que la valeur de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ne saurait être inférieure à 400 millions d'euros.
Adopté dans la séance du 24 novembre 2014 où siégeaient MM. Bertrand SCHNEITER, président, Pierre ACHARD, Daniel DEGUEN, Philippe MARTIN, Mme Inès-Claire MERCEREAU et M. Jean SÉRISÉ, membres de la commission.
Le président,
B. Schneiter

DOCUMENT 2

Arrêté du XX XX XXXX
fixant les modalités de transfert au secteur privé d'une participation détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac
NOR : XXX

Le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique,
Vu le code monétaire et financier, notamment son article R. 153-2 ;
Vu la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 modifiée autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social ;
Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations ;
Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;
Vu le décret n° 2014-795 du 11 juillet 2014 autorisant le transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac ;
Vu l'avis relatif au transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac publié au Journal officiel de la République française du 18 juillet 2014 ;
Vu l'autorisation du ministre chargé de l'économie, de l'industrie et du numérique recueillie le XX XX 2014 ;
Sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts en date du XX XX 2015,
Arrêtent :

Article 1er

Le transfert au secteur privé d'une participation de 49,99 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, représentant 73 985 actions, le cas échéant portée à 60 %, représentant 88 799 actions, en cas d'exercice par l'Etat de son option de vente, s'effectuera par la cession à la société CASIL Europe, société par actions simplifiée inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 809 128 184.
Le prix par action pour la cession des 73 985 actions, représentant 49,99 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, est de 4 163 euros.
Le prix et, le cas échéant, le complément de prix des 14 814 actions cédées en cas d'exercice de l'option de vente, représentant 10,01 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, seront déterminés selon les formules décrites en annexe au présent arrêté. L'option de vente pourra être exercée par l'Etat à l'expiration d'une période de trois ans et pendant une période de six mois renouvelable une fois.

Article 2

Le commissaire aux participations de l'Etat est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le XX XX XXXX.

Le ministre des finances et des comptes publics,
Michel Sapin

Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique,
Emmanuel Macron


Historique des versions

Version 1

ANNEXECOMMISSION DES PARTICIPATIONS ET DES TRANSFERTS Avis n° 2014-A-8 du 24 novembre 2014 relatif à l'évaluation de la société Aéroport Toulouse-Blagnac

La commission,

Vu la lettre du 2 juillet 2014 par laquelle le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, de la procédure envisagée pour la cession, hors marché, de la participation majoritaire de 60 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ainsi que, le cas échéant, d'une partie de la participation détenue par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations et le décret n° 93-1041 du 3 septembre 1993 modifié pris pour l'application de ladite loi ;

Vu la loi n° 93-923 du 19 juillet 1993 modifiée de privatisation ;

Vu la loi n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports ;

Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique et le décret n° 2014-949 du 20 août 2014 portant application de ladite ordonnance ;

Vu le décret n° 2007-244 du 23 février 2007 relatif aux aérodromes appartenant à l'Etat et portant approbation du cahier des charges type applicable à la concession de ces aérodromes ;

Vu le décret n° 2014-795 du 11 juillet 2014 autorisant le transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac ;

Vu les avis n° 2014-AC-1 du 11 juillet 2014 et n° 2014-AC-2 du 22 septembre 2014 de la Commission des participations et des transferts relatif à la cession de la participation majoritaire détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ;

Vu l'avis relatif au transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac, publié au Journal officiel du 18 juillet 2014, et le cahier des charges rendu public par ledit avis ;

Vu les documents d'information publiés par Aéroport Toulouse-Blagnac, et en particulier :

- le document intitulé « Bilan 2013 et perspectives » ;

- le rapport d'activité 2013 ;

- le contrat de régulation économique 2014-2018 du 19 décembre 2013 ;

- les statuts de la société ;

Vu les notes de l'Agence des participations de l'Etat à la commission du 2 juillet 2014 relative au processus envisagé de cession et à la commission du 27 octobre 2014 relative à l'évaluation de l'entreprise ainsi que le complément à cette dernière du 24 novembre 2014 ;

Vu le mémorandum d'information (Information Memorandum) de juillet 2014 communiqué aux candidats recevables conformément à l'article 5 du cahier des charges de la cession ;

Vu le « Memorandum Presentation » d'octobre 2014 communiqué par l'entreprise aux candidats éligibles et les éléments de réponse fournis à leurs questions dans le cadre de la salle d'information (date room) ;

Vu le rapport de valorisation établi par Société Générale Corporate & Investment Banking, banque-conseil de l'Etat, transmis à la commission le 24 octobre 2014, ainsi que la note complémentaire transmise le 3 novembre 2014 en réponse à des questions de la commission ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu le 28 octobre 2014 :

Le ministre chargé de l'économie, représenté par Mme Solenne LEPAGE, directrice de participations à l'Agence des participations de l'Etat, et MM. Bruno VINCENT et Antoine GUTHMANN et assisté de sa banque-conseil, la Société générale, représentée par MM. Christophe BORDES, Managing Director, et Vongvilay CHANTANAU ;

Le 24 novembre 2014 :

La société Aéroport Toulouse-Blagnac, représentée par MM. Jean-Marc VERNHES, président du directoire ;

Emet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 2 juillet 2014, le ministre chargé de l'économie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée, de la procédure envisagée pour la cession, hors marché, de la participation majoritaire de 60 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB) ainsi que, le cas échéant, d'une partie de la participation détenue par la chambre de commerce et d'industrie de Toulouse (CCIT).

Cette cession a été autorisée par le décret du 11 juillet 2014 susvisé.

La cession étant réalisée selon une procédure de gré à gré, l'acquéreur devait être sélectionné, sur avis conforme de la commission, par le ministre chargé de l'économie, sur la base d'un cahier des charges, conformément aux dispositions de l'article 1er (2°) du décret du 3 septembre 1993 susvisé. La commission a adopté ce cahier des charges par avis du 11 juillet 2014 et il a fait l'objet d'un avis publié au Journal officiel du 18 juillet 2014.

La cession est désormais régie par les dispositions de l'ordonnance du 20 août 2014 susvisée, en particulier ses articles 26 (II) et 27 (II). L'article 27 (II) prévoit que, outre l'avis sur la valeur de la société, la commission émet « un avis sur les modalités de la procédure, qui doit respecter les intérêts du secteur public, puis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposés par le ministre chargé de l'économie ».

Le présent avis a pour objet de déterminer la valeur de la société.

II. - Décidée à la veille de la guerre, à la suite de l'affectation militaire de l'aéroport de Francazal, la construction de l'aéroport civil de Toulouse-Blagnac a connu plusieurs étapes jusqu'à l'entrée en exploitation des premiers grands aménagements inaugurés en 1953 (aérogare de Blagnac 1). La progression du trafic à partir du milieu des années 1960 conduit à la construction d'un nouvel aérogare en 1978 (Blagnac 2). La forte croissance qui s'en suivra imposera un développement des infrastructures et des équipements jusqu'à aujourd'hui (inauguration du hall A en 2004 et du hall D en 2010, portant la capacité à 8,5 millions de passagers annuels). L'aéroport dispose de deux pistes parallèles, qui lui procurent une forte marge de capacité et lui permettent en particulier de répondre aux besoins d'Airbus, et de quatre terminaux.

Dès l'origine, l'industrie aéronautique était présente à Toulouse et dans la proximité de l'aéroport. A la fin des années 1950, Blagnac est entouré d'usines aéronautiques importantes et devient un aéroport d'essai aérien qui ne fait ultérieurement que prendre plus d'importance avec le développement d'Airbus. Les relations entre Aéroport Toulouse-Blagnac et Airbus sont définies par des contrats de longue durée.

Toulouse-Blagnac est aujourd'hui le sixième aéroport français après les deux aéroports parisiens, Nice, Lyon et Marseille. En 2013, l'aéroport a enregistré plus de 95 000 mouvements d'avions représentant 7,5 millions de passagers et 61 000 tonnes de fret et poste. L'aéroport est utilisé par 32 compagnies aériennes régulières et on y recense 15 destinations domestiques (la navette Toulouse - Paris-Orly représente 43 % du trafic), 75 destinations internationales et 46 destinations charter à l'étranger.

La société Aéroport Toulouse-Blagnac détient par ailleurs 39 % du capital de la Société d'exploitation de Toulouse Francazal Aéroport. L'aéroport de Francazal conserve des activités militaires et est orienté vers l'aviation d'affaires.

Le groupe a employé en 2013 un effectif moyen de 250 personnes.

III. - La fin de l'année 2013 a été marquée par deux événements importants pour les années à venir.

La société a tout d'abord signé le 13 décembre 2013 un deuxième contrat de régulation économique (CRE) avec l'Etat couvrant les années 2014 à 2018.

Ce contrat encadre les évolutions annuelles des redevances aéronautiques. Le principe est que les tarifs des redevances aéronautiques, définies aux articles R. 224-1 et R. 224-2 du code de l'aviation civile, soient fixés de telle sorte que le résultat opérationnel du « périmètre régulé » - tous revenus confondus - assure à l'exploitant « une juste rémunération des capitaux investis, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre [régulé] » (art. R. 224-3-1 du code).

Dans le cas de Toulouse-Blagnac est appliqué le principe de la « caisse unique ajustée ». Tous les revenus aéronautiques ou non aéronautiques (commerce, parkings) sont inclus dans le calcul du retour sur les capitaux employés (ROCE), conduisant ainsi à la modération des redevances aéronautiques, dont la progression est limitée à l'inflation + 0,5 % dans le cadre du CRE en vigueur. Toutefois, l'immobilier de diversification est exclu désormais de ce périmètre. Le passage au principe de la « double caisse », déjà appliqué pour Aéroports de Paris, est évoqué dans le cadre ultérieur de la négociation du troisième contrat de régulation économique.

Le CRE 2014-2018 précise par ailleurs les engagements de la société sur son programme d'investissement. Il comporte aussi des critères d'appréciation de la qualité.

Parallèlement, Aéroport Toulouse-Blagnac a arrêté son plan stratégique pour la même période 2014-2018 sous l'intitulé « Grand Ciel ». Ce plan vise notamment :

- à optimiser le service apporté aux clients ;

- à diversifier les activités de l'entreprise, par exemple dans la commercialisation d'immobilier de bureau ;

- à participer plus fortement au développement économique et touristique de la région Midi-Pyrénées.

IV. - Durant l'exercice 2013, Aéroport Toulouse-Blagnac a réalisé un chiffre d'affaires de 117,4 millions d'euros, en hausse de 2,2 % par rapport à 2012. Cette faible évolution traduit une consolidation du trafic après les progressions des années précédentes (3,8 % en moyenne).

L'excédent brut d'exploitation (EBITDA) s'élève à 39 millions, en hausse de 4,7 %. Le résultat d'exploitation de 10,6 millions enregistre une hausse de 15,5 %, grâce à la réduction des coûts externes et à des gains de productivité. Le résultat net est de 5,3 millions (+ 87 %), du fait principalement de résultats exceptionnels (notamment reprises de provisions et dégrèvements fiscaux).

Au 31 décembre 2013, les capitaux propres de la société s'élèvent à 119,7 millions d'euros (+ 9,7 % par rapport au 31 décembre 2012). La dette nette s'établit à 100,8 millions (en baisse de 7,7 %).

Pour l'année 2014, l'entreprise anticipe une légère croissance, plus sensible à l'international. Le trafic passager devrait ainsi progresser de 2 %, principalement par le renforcement de lignes existantes et dans une moindre mesure par quelques ouvertures de nouvelles routes.

V. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation d'Aéroport Toulouse-Blagnac en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir. Elle a disposé à cet effet d'un rapport établi par la banque-conseil de l'Etat.

Dans ce rapport, la banque a recours à quatre approches :

- l'actualisation des flux de trésorerie (DCF) : les flux sont déterminés sur la base des plans d'affaires établis par l'entreprise sur la durée de la concession. Deux scenarii sont considérés suivant que le prochain CRE retiendra ou non le principe de la « double caisse ». Les flux sont actualisés au coût moyen pondéré du capital, estimé pour la période du 3e CRE à 6,4 % puis à 6 % ;

- l'actualisation des flux de dividendes : le calcul des flux est fait selon l'hypothèse d'une politique de versement maximal et optimisé de dividendes en fonction de la trésorerie disponible sur la base des plans d'affaires. Le taux d'actualisation varie dans le temps en fonction du risque spécifique et de la structure financière ;

- la banque-conseil, ne retenant pas la méthode usuelle des multiples de comparables boursiers en raison de l'hétérogénéité à son avis de leurs caractéristiques et des réglementations, a conduit une analyse de régression pour déterminer le facteur explicatif du multiple d'EBITDA 2014 et a conclu qu'il s'agissait du taux de croissance annuel anticipé par le marché pour cet agrégat en 2015. Elle a établi sur cette base une évaluation d'ATB ;

- les multiples de transactions comparables : la banque n'a retenu comme comparables que des transactions sur des aéroports en pleine propriété (contrairement à Toulouse-Blagnac qui est en concession) et, à ce titre, y a apporté une décote de 24 à 30 %.

La commission a posé des questions complémentaires à la banque-conseil, en particulier sur la prise en compte directe des multiples de sociétés cotées comparables et de transactions comparables récentes sur des aéroports en concession, comme celle sur ANA au Portugal. La banque-conseil a répondu que ces éléments ne modifiaient pas son évaluation du fait des ajustements qu'elle estime devoir apporter à ces références.

VI. - La commission a examiné le rapport présenté par la banque-conseil. Elle a pris en considération les comptes de la société, les perspectives et prévisions de sa direction et les potentialités de développement.

La commission a considéré que les perspectives de l'aéroport de Toulouse-Blagnac doivent être appréciées, au-delà de la poursuite des tendances actuelles, en prenant en compte les développements qu'est susceptible de lui procurer la gestion par un acquéreur prenant le contrôle opérationnel de la société. Elle a considéré que l'un des principaux objectifs de l'Etat dans l'opération de cession de sa participation est précisément que le projet de l'acquéreur permette de « contribuer à l'essor du trafic » et de « mettre en œuvre une politique ambitieuse de développement durable de la Société », ainsi qu'il est expressément mentionné à l'annexe 1 du cahier des charges de la cession. L'évaluation, selon la méthode des flux de trésorerie, doit prendre en compte en conséquence un plan d'affaires suffisamment ambitieux, que ce soit dans la croissance du trafic ou dans le développement d'activités de diversification, notamment dans l'immobilier non aéronautique, ainsi que l'entreprise en a retenu l'objectif dans son plan stratégique. La perspective d'une croissance importante du trafic est envisageable grâce à l'existence de deux pistes qui, selon les experts, pourraient permettre un doublement des mouvements d'avions et par les facilités d'extension des terminaux.

L'évaluation sur la base des multiples implicites au cours de bourse de sociétés comparables ne peut non plus être négligée, même si chaque société présente ses caractéristiques propres, tant financières que juridiques (concession ou propriété de l'aéroport, régime de caisse unique ou de double caisse), dont les conséquences réelles sont difficiles à quantifier. La référence aux aéroports de Zurich, Vienne et Venise (société SAVE), suggérés comme les plus proches comparables par la banque-conseil, paraît adaptée. La commission a estimé qu'il y avait lieu de retenir ces trois références en y ajoutant une prime valorisant pleinement l'attribution du contrôle opérationnel de la société à l'acquéreur. L'Agence des participations de l'Etat a indiqué partager ce point de vue.

La commission a également étudié les transactions récentes intervenues sur des aéroports, parmi lesquelles la cession d'ANA au Portugal ou les transactions sur plusieurs aéroports britanniques. Ces opérations font apparaître des bornes hautes de valorisation dont il doit être tenu compte mais qui résultent en partie, au-delà de la valeur de la société, de la tension concurrentielle très forte constatée lors de ces cessions.

VII. - Prenant en compte l'ensemble de ces éléments, la commission estime qu'une valeur d'entreprise faisant apparaître un multiple implicite d'EBITDA compris entre 12 et 13 est cohérente avec les données fournies par la méthode de l'actualisation des flux et par celle des comparables boursiers. Il convient d'en déduire la dette nette. Ainsi, la commission est d'avis que la valeur de la société Aéroport Toulouse-Blagnac ne saurait être inférieure à 400 millions d'euros.

Adopté dans la séance du 24 novembre 2014 où siégeaient MM. Bertrand SCHNEITER, président, Pierre ACHARD, Daniel DEGUEN, Philippe MARTIN, Mme Inès-Claire MERCEREAU et M. Jean SÉRISÉ, membres de la commission.

Le président,

B. Schneiter

DOCUMENT 2

Arrêté du XX XX XXXX

fixant les modalités de transfert au secteur privé d'une participation détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac

NOR : XXX

Le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique,

Vu le code monétaire et financier, notamment son article R. 153-2 ;

Vu la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 modifiée autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social ;

Vu la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative aux modalités des privatisations ;

Vu l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique ;

Vu le décret n° 2014-795 du 11 juillet 2014 autorisant le transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac ;

Vu l'avis relatif au transfert au secteur privé d'une participation majoritaire au capital de la société anonyme Aéroport Toulouse-Blagnac publié au Journal officiel de la République française du 18 juillet 2014 ;

Vu l'autorisation du ministre chargé de l'économie, de l'industrie et du numérique recueillie le XX XX 2014 ;

Sur avis conforme de la Commission des participations et des transferts en date du XX XX 2015,

Arrêtent :

Article 1er

Le transfert au secteur privé d'une participation de 49,99 % détenue par l'Etat au capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, représentant 73 985 actions, le cas échéant portée à 60 %, représentant 88 799 actions, en cas d'exercice par l'Etat de son option de vente, s'effectuera par la cession à la société CASIL Europe, société par actions simplifiée inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 809 128 184.

Le prix par action pour la cession des 73 985 actions, représentant 49,99 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, est de 4 163 euros.

Le prix et, le cas échéant, le complément de prix des 14 814 actions cédées en cas d'exercice de l'option de vente, représentant 10,01 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac, seront déterminés selon les formules décrites en annexe au présent arrêté. L'option de vente pourra être exercée par l'Etat à l'expiration d'une période de trois ans et pendant une période de six mois renouvelable une fois.

Article 2

Le commissaire aux participations de l'Etat est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le XX XX XXXX.

Le ministre des finances et des comptes publics,

Michel Sapin

Le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique,

Emmanuel Macron