Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE, Hélène GASSIN, Jean-Laurent LASTELLE et Jean-Pierre SOTURA, commissaires.
SOMMAIRE
-
Contexte et compétence de la CRE
1.1. La dérogation accordée à la société ElecLink
1.2. Ouverture de la procédure d'examen de la certification d'ElecLink
1.3. Examen par la Commission européenne
1.4. Certification en modèle de séparation patrimoniale -
Organisation et règles de gouvernance
2.1. Description de la structure actionnariale d'ElecLink
2.1.1. Liens capitalistiques entre ElecLink et ses actionnaires
2.1.2. Actionnaires de Getlink
2.1.2.1. Getlink n'est contrôlé par aucun de ses actionnaires
2.1.2.2. Aucun des actionnaires de Getlink ne détient de « quelconque pouvoir » sur ElecLink
2.1.3. Les membres du conseil d'administration de Getlink sont soumis aux règles de dissociation définies dans la directive
2.2. Les principes de gouvernance d'ElecLink
2.2.1. Rôle du conseil d'administration d'ElecLink
2.2.2. Composition du conseil d'administration d'ElecLink
2.2.3. Cadres dirigeants d'ElecLink
2.2.4. La protection des informations commercialement sensibles au sein d'ElecLink -
Autonomie de fonctionnement et de moyens d'ElecLink nécessaires à l'exercice de ses missions
Décision -
Contexte et compétence de la CRE
La procédure de certification vise à s'assurer du respect par les gestionnaires de réseaux et d'infrastructures des règles d'organisation et d'indépendance vis-à-vis des sociétés exerçant une activité de production ou de fourniture au sens du code de l'énergie et de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009 (1) (ci-après la « directive »). La séparation effective des activités de gestion des réseaux et infrastructures et des activités de production ou de fourniture a pour principale finalité d'éviter tout risque de discrimination entre utilisateurs de ces réseaux et de ces infrastructures.
1.1. La dérogation accordée à la société ElecLink
Sur le fondement de l'article 17 du règlement (CE) n° 714/2009 (2), la Commission de régulation de l'énergie (ci-après « CRE ») a octroyé par décision du 28 août 2014, conjointement avec l'autorité de régulation britannique, l'Office of Gas and Electricity Markets (ci-après « Ofgem »), une dérogation à la société ElecLink Limited (ci-après « ElecLink ») pour la construction et l'exploitation d'une nouvelle interconnexion d'électricité entre la France et la Grande-Bretagne (3) (ci-après « décision de dérogation »).
Cette décision de dérogation a partiellement exempté ElecLink du respect des dispositions de l'article 9 de la directive, relative à la certification. Les régulateurs ont toutefois imposé à ElecLink, dans leur décision de dérogation, le respect de certaines conditions (4) :
« ElecLink devra être certifié par la CRE en France et par l'Ofgem en Grande-Bretagne avant la mise en service de l'interconnexion.
Il convient, pour ce faire, qu'ElecLink demande, en application des dispositions nationales transposant les articles 10 ou 11 de la directive, l'ouverture d'une procédure de certification relative au modèle de séparation patrimoniale défini par l'article 9 de la directive. ElecLink devra déposer sa demande de certification de façon concomitante auprès des deux régulateurs.
Conformément aux dispositions du paragraphe 5 de l'article 10 de la directive et des législations nationales les transposant, les régulateurs des deux Etats membres devront évaluer la conformité d'ElecLink avec les modalités et les conditions de ce modèle de séparation patrimoniale.
A l'occasion de cette évaluation, si les deux régulateurs concluent qu'ElecLink satisfait aux exigences de l'article 9 de la directive, ElecLink devra alors se conformer aux dispositions de cet article pendant toute la période de dérogation. Dans ce cas, et dès que les deux régulateurs auront conclu qu'ElecLink satisfait aux exigences de l'article 9 de la directive, ils notifieront à la Commission européenne leurs décisions de certification respectives. Ces décisions seront ensuite adoptées en conformité avec l'article 10 de la directive, l'article 3 du règlement et la législation nationale correspondante.
Si au moins l'un des deux régulateurs conclut qu'ElecLink ne satisfait pas aux exigences de l'article 9 de la directive, ElecLink devra alors retirer ses demandes de certification relatives à ce modèle de séparation patrimoniale auprès des deux régulateurs. Il devra demander l'ouverture d'une nouvelle procédure de certification relative au respect du “modèle OU amendé”, défini ci-après, au plus tard trois mois à compter de la date à laquelle ElecLink aura reçu notification du fait qu'au moins l'un des deux régulateurs a conclu qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de l'article 9 de la directive. ElecLink devra déposer sa nouvelle demande de certification de façon concomitante auprès des deux régulateurs. Les décisions de certification relatives au respect du “modèle OU amendé” seront ensuite notifiées par les régulateurs à la Commission européenne puis adoptées en conformité avec l'article 10 de la directive, l'article 3 du règlement et la législation nationale correspondante ».
1.2. Ouverture de la procédure d'examen de la certification d'ElecLink
Conformément à la section I de l'annexe A de la décision de dérogation, ElecLink a demandé à la CRE et à l'Ofgem l'ouverture d'une procédure de certification relative au modèle de séparation patrimoniale défini par l'article 9 de la directive (soit le modèle OU - Ownership Unbundling).
Par courrier du 9 février 2018, ElecLink a transmis à la CRE un dossier de demande de certification.
A la suite de l'acquisition de 100 % du capital social d'Aero I Global and International SARL (l'actionnaire majoritaire de Getlink SE, actionnaire indirect à 100 % d'ElecLink) par Atlantia S.p.A. (ci-après « Atlantia »), ElecLink a complété son dossier de demande de certification par courrier reçu par la CRE le 15 juin 2018.
1.3. Examen par la Commission européenne
Conformément aux dispositions de l'article R. 111-3 du code de l'énergie, la CRE dispose d'un délai de quatre mois à compter de la réception d'une demande complète pour rendre un projet de décision octroyant ou refusant la certification.
Le 11 octobre 2018, la CRE a adopté une délibération portant projet de décision de certification de la société ElecLink. En application de l'article R. 111-3 du code de l'énergie, la CRE a notifié cette délibération à la Commission européenne par courrier du 18 octobre 2018.
L'Ofgem a également adopté une décision sur la certification d'ElecLink le 16 octobre 2018.
La Commission européenne a rendu un avis daté du 11 décembre 2018 sur la délibération de la CRE et la décision de l'Ofgem.
La CRE dispose de deux mois pour adopter, en tenant le plus grand compte de l'avis de la Commission européenne, sa décision octroyant ou refusant la certification d'ElecLink (article R. 111-5 du code de l'énergie).
1.4. Certification en modèle de séparation patrimoniale
Les règles d'organisation qui s'appliquent à la certification en modèle de séparation patrimoniale sont définies aux articles L. 111-8-1 à L. 111-8-4 du code de l'énergie, qui transposent l'article 9 de la directive.
L'article L. 111-8-3 du code de l'énergie dispose que :
« La ou les mêmes personnes ne peuvent :
1° Exercer un contrôle direct ou indirect sur une entreprise de production ou de fourniture et un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur un gestionnaire de réseau de transport ou sur un réseau de transport ;
2° Exercer un contrôle direct ou indirect sur un gestionnaire de réseau de transport ou sur un réseau de transport et un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise de production ou de fourniture ;
3° Désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement l'entreprise gestionnaire de réseau de transport ou le réseau de transport et exercer un contrôle direct ou indirect ou un quelconque pouvoir sur une entreprise de production ou de fourniture ;
4° Etre membre du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement une entreprise de production ou de fourniture et du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement une entreprise gestionnaire de réseau de transport ou un réseau de transport ».
L'article L. 111-8-1 du code de l'énergie précise que :
« 2° La notion de “quelconque pouvoir” correspond, en particulier :
- au pouvoir d'exercer des droits de vote ;
- au pouvoir de désigner les membres du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement l'entreprise ;
- à la détention d'une part majoritaire dans le capital de l'entreprise ».
- Organisation et règles de gouvernance
2.1. Description de la structure actionnariale d'ElecLink
2.1.1. Liens capitalistiques entre ElecLink et ses actionnaires
Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page
GET Elec Limited (ci-après « GET Elec »), société de droit anglais, est l'unique actionnaire d'ElecLink.
Getlink S.E. (ci-après « Getlink »), société immatriculée en France, est l'unique actionnaire de GET Elec.
ElecLink déclare que les sociétés GET Elec et Getlink ne disposent d'aucune participation, et donc n'exercent pas de contrôle ni de « quelconque pouvoir », dans une société exerçant des activités de production ou de fourniture.
2.1.2. Actionnaires de Getlink
Getlink est une société cotée à Paris (Euronext Paris) et à Londres (Euronext London).
Les 5 principaux actionnaires de GetLink à la date du 31 décembre 2018 sont les suivants :
| Nom | Actions | % | |-----------------------------------------|--------------|--------------| |Aéro 1 Global & International SARL (Aero)| 85 170 758 | 15,49 % | | TCI Fund Management Ltd. |[confidentiel]|[confidentiel]| | Investisseurs individuels (5) | 41 671 248 | 7,58 % | | Eiffage | 27 684 500 | 5,03 % | | [confidentiel] |[confidentiel]|[confidentiel]|
Le 2 mars 2018, Atlantia a acquis 100 % du capital social de la société Aero, auparavant détenue par GS Global Infrastructure Partners I, L.P. et GS International Infrastructure Partners I, L.P., deux fonds d'infrastructures gérés par Goldman Sachs pour le compte d'investisseurs tiers et de Goldman Sachs.
Atlantia, via Aero, est le seul actionnaire qui dispose de représentants au conseil d'administration de Getlink.
2.1.2.1. Getlink n'est contrôlé par aucun de ses actionnaires
Il ressort du tableau ci-dessus qu'aucun des actionnaires de Getlink ne dispose d'une participation majoritaire dans Getlink.
Par ailleurs, d'après le dossier transmis par ElecLink, la participation d'Atlantia dans Getlink, à hauteur de 15,5 %, lui confère 26,5 % des droits de vote en assemblée générale (Atlantia bénéficiant de droits de vote double). Il ressort des procès-verbaux d'assemblée générale de Getlink des trois dernières années qu'au moins 65 % des actionnaires étaient systématiquement représentés lors de ces assemblées. Les décisions étant prises à la majorité simple en cas d'assemblée générale ordinaire, Atlantia ne dispose d'aucune majorité (ni de droit, ni de fait) dans le cadre des assemblées générales ordinaires de Getlink.
En outre, hormis des droits de vote double, aucun autre droit spécifique (droit de veto notamment) n'est attaché aux actions détenues par Atlantia.
Enfin, il ressort du dossier transmis par ElecLink que, parmi les actionnaires de Getlink, seul Atlantia nomme des représentants au conseil d'administration de Getlink (au nombre de deux), sur un total de 15 membres. Les décisions du conseil d'administration étant prises à la majorité simple, Atlantia ne pourra jamais disposer d'une majorité de membres dans la mesure où, conformément au code AFEP-MEDEF de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées de juin 2013 modifié (6), au moins 50 % des membres du conseil d'administration de Getlink doivent être indépendants.
La CRE considère donc qu'aucun des actionnaires de Getlink ne détient de droit de nature à lui conférer une influence déterminante ou un contrôle sur ElecLink, puisqu'ils ne peuvent faire obstacle à l'adoption d'une décision stratégique, et ne peuvent seuls atteindre le seuil requis pour l'adoption d'une telle décision.
Il résulte de ce qui précède que Getlink, et a fortiori ElecLink, n'est contrôlé par aucun des actionnaires de Getlink au sens de l'article L. 111-8-1 du code de l'énergie.
2.1.2.2. Aucun des actionnaires de Getlink ne détient de « quelconque pouvoir » sur ElecLink
« Quelconque pouvoir » direct
Il ressort des pièces du dossier qu'ElecLink est régi par un conseil d'administration qui détermine les objectifs commerciaux de la société, supervise l'équipe de direction de la société, peut examiner toute question affectant le bon fonctionnement de la société et prendre des décisions à cet égard. Il s'assure que des objectifs de long terme et un processus de planification stratégique soient mis en place, approuve le plan stratégique annuel ainsi que le budget et les dépenses en capital de la société et surveille les résultats financiers et d'exploitation.
Le conseil d'administration d'ElecLink est composé au maximum de sept personnes. Les administrateurs peuvent être nommés par une résolution ordinaire des actionnaires (GET Elec) ou par une décision des administrateurs.
Il ressort de ces éléments que les actionnaires de Getlink ne détiennent pas le pouvoir d'exercer directement des droits de vote dans ElecLink ni du pouvoir de désigner directement des membres des organes représentatifs d'ElecLink.
« Quelconque pouvoir » indirect
Droits du conseil d'administration de Getlink sur ElecLink
Les membres du conseil d'administration de GET Elec sont désignés par l'assemblée générale des actionnaires (Getlink) ou par décision des membres du conseil d'administration.
Comme susmentionné, aucun des actionnaires de Getlink ne détient de participation dans Getlink qui lui conférerait une majorité de droit ou de fait dans le cadre des assemblées générales ordinaires et du conseil d'administration de Getlink. Aucun actionnaire de Getlink ne détient donc de pouvoir de nomination indirect des membres du conseil d'administration de GET Elec, et donc, a fortiori, d'ElecLink.
Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier communiqué par ElecLink que le conseil d'administration de Getlink détermine les orientations stratégiques de Getlink et de l'ensemble du groupe, en ce inclus ElecLink.
Dans la mesure où Atlantia dispose de deux représentants au sein du conseil d'administration de Getlink, la question se pose du « quelconque pouvoir » qu'Atlantia pourrait exercer sur ElecLink au travers de ses représentants au conseil d'administration de Getlink.
Par courriel du 5 octobre 2018, le président du conseil d'administration de Getlink a informé les services de la CRE de son engagement d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil d'administration, prévue le 15 novembre 2018, le projet d'examen et de vote, par le conseil d'administration, de la modification du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink, afin de prévoir explicitement que les membres représentant Atlantia au conseil d'administration de Getlink ne pourront ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink, tant qu'Atlantia détiendra des intérêts dans une société de production ou de fourniture d'électricité
Le 2 janvier 2019, ElecLink a adressé à la CRE la nouvelle version du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink en date du 15 novembre 2018 telle qu'arrêtée par le conseil d'administration. Il y est expressément indiqué en son article 2.5.2, que « les membres représentant Atlantia au conseil d'administration de Getlink SE ne pourront, ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink, tant qu'Atlantia détiendra des intérêts dans une société de production ou de fourniture d'électricité ».
Droits des actionnaires de Getlink sur ElecLink
Dans son avis du 11 décembre 2018, la Commission européenne considère que « les droits de vote des actionnaires de sociétés holding qui détiennent, directement ou indirectement, 100 % du capital social d'un gestionnaire de réseau de transport peuvent être considérés comme “un quelconque pouvoir” au sens de l'article 9, point 2, de la directive “Electricité” ». Elle ne partage donc pas les conclusions de la CRE et de l'Ofgem dans leurs projets de décision respectifs selon lesquelles les actionnaires de Getlink n'exercent pas de « quelconque pouvoir » sur ElecLink.
La CRE partage le principe selon lequel des droits de vote indirects peuvent être considérés comme un « quelconque pouvoir » au sens de la directive. Toutefois, elle considère que tel est le cas seulement si les droits de vote concernés portent sur des décisions relatives à la société indirectement détenue.
Or, au cas d'espèce, les statuts de Getlink n'accordent aucune compétence à l'assemblée générale des actionnaires de Getlink s'agissant de décisions relatives à ElecLink (7). L'assemblée générale des actionnaires de Getlink est seulement compétente pour prendre des décisions relatives à la société Getlink (à l'exclusion de ses filiales).
La CRE considère donc que les actionnaires de Getlink ne sont pas en mesure d'exercer un « quelconque pouvoir » sur ElecLink.
Il ressort de ces éléments qu'aucun des actionnaires de Getlink ne détient de quelconque pouvoir sur ElecLink.
2.1.3. Les membres du conseil d'administration de Getlink sont soumis aux règles de dissociation définies dans la directive
En application de l'article L. 111-8-3 du code de l'énergie (qui transpose l'article 9 de la directive), la même personne n'est pas autorisée à être membre à la fois du conseil d'administration d'ElecLink et du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement une entreprise assurant des fonctions de production ou fourniture.
Dans son avis du 11 décembre 2018, la Commission européenne relève qu'un des administrateurs de Getlink est également administrateur d'EDF. Elle considère que « ces fonctions de direction parallèles peuvent créer un conflit d'intérêts incompatible avec l'objectif des règles de dissociation définies à l'article 9 de la directive “Electricité” ». La Commission européenne considère donc que les règles d'indépendance de l'article 9 de la directive s'appliquent également aux membres du conseil d'administration de Getlink dans la mesure où ledit conseil d'administration détermine les orientations stratégiques d'ElecLink.
La Commission européenne est ainsi d'avis qu'il y a lieu de limiter les droits de vote de tout membre du conseil d'administration de Getlink qui représente ou exerce une activité professionnelle dans une entreprise assurant une fonction de production ou de fourniture d'électricité, de la même manière que ce qui est désormais prévu pour les membres du conseil d'administration représentant Atlantia.
Le 25 janvier 2019, ElecLink a adressé la nouvelle version du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink en date du 24 janvier 2019 dans lequel il est expressément indiqué que « tout membre représentant ou disposant d'une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ne pourront ni prendre de décision, ni participer au vote sur toute orientation stratégique applicable à ElecLink ».
2.2. Les principes de gouvernance d'ElecLink
2.2.1. Rôle du conseil d'administration d'ElecLink
Comme susmentionné, ElecLink est régi par un conseil d'administration qui détermine les objectifs commerciaux de la société et veille à leur mise en œuvre. Il supervise l'équipe de direction, qui est responsable de l'exploitation quotidienne de la société, et peut examiner toute question affectant le bon fonctionnement de celle-ci et prendre des décisions à cet égard. Le conseil d'administration peut également prendre en charge la direction d'ElecLink afin de s'assurer que la société agisse, à tout moment, dans le respect des lois et règlements applicables.
Le conseil d'administration approuve et surveille, grâce à l'équipe de la direction, le respect de toutes les politiques et procédures principales qui régissent la gestion de la société, et se charge d'examiner et d'approuver les nouvelles politiques significatives ou les modifications importantes de celles déjà existantes. Le conseil d'administration doit s'assurer que des objectifs à long terme et un processus de planification stratégique sont en place. Toute activité proposée au-delà du cadre habituel des opérations d'interconnexion électrique de la société est un domaine réservé au conseil d'administration d'ElecLink, qui approuve le plan stratégique annuel en tenant compte, entre autres, des opportunités et des risques accompagnant l'activité de la société. De plus, une fois par an, le conseil d'administration approuve le budget d'ElecLink et ses dépenses en capital et surveille les résultats financiers et d'exploitation.
Le conseil d'administration est tenu d'identifier et de comprendre les principaux risques associés à l'activité de la société. Il doit également prendre des mesures raisonnables pour assurer l'intégrité et l'efficacité de ces systèmes et dirige l'équipe de direction afin d'élaborer, de mettre en œuvre et de maintenir un système de rapports mesurant avec précision la performance de la société par rapport à ses objectifs commerciaux. Des comités peuvent être institués par le conseil d'administration afin de fournir des informations et d'examiner des questions portant sur des sujets spécifiques que le conseil d'administration doit approuver.
2.2.2. Composition du conseil d'administration d'ElecLink
Le conseil d'administration d'ElecLink se compose de sept administrateurs au maximum. Les administrateurs peuvent être nommés par une résolution ordinaire des actionnaires ou par une décision des administrateurs. Il ressort du dossier transmis par ElecLink que son conseil d'administration est à ce jour constitué de M. Jacques Gounon, président-directeur général de Getlink, M. François Gauthey, directeur général adjoint de Getlink, M. Steven Moore, directeur général d'ElecLink et membre du comité exécutif de Getlink, et de Vincent Bouthonnier, directeur de la stratégie de Getlink.
Comme rappelé précédemment, en application de l'article L. 111-8-3 du code de l'énergie, la même personne n'est pas autorisée à être membre à la fois du conseil d'administration d'ElecLink et du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou des organes représentant légalement une entreprise assurant des fonctions de production ou fourniture.
Le dossier transmis par ElecLink à l'appui de sa demande de certification inclut une déclaration sur l'honneur de chacun des membres du conseil d'administration d'ElecLink attestant du non-exercice de mandat de membre du conseil de surveillance ou du conseil d'administration ou de membre du directoire ou de la direction générale d'une société ayant une activité de production ou de fourniture d'électricité ou de gaz. Chacun des administrateurs s'engage à ne pas exercer un tel mandat pendant toute la durée de leur mandat de membre du conseil d'administration d'ElecLink.
2.2.3. Cadres dirigeants d'ElecLink
A ce jour, les cadres dirigeants d'ElecLink sont au nombre de six : M. Steven Moore, directeur général, M. Vasileios Machias, directeur commercial et réglementation, M. Mark Duncan, responsable juridique, M. Francis Lacroux, directeur de projet, M. Romain Fournier, directeur administratif et financier, et Mme Teresa Winchester, directrice des ressources humaines. Ces derniers ont fourni des déclarations sur l'honneur de non-exercice d'un mandat de membre du conseil de surveillance, du conseil d'administration ou d'un organe représentant légalement une entreprise ayant une activité de production ou de fourniture.
2.2.4. La protection des informations commercialement sensibles au sein d'ElecLink
Etant donné la nature des décisions prises par le conseil d'administration de Getlink, la CRE considère qu'il existe un risque que les administrateurs représentant ou exerçant une activité professionnelle dans une société ayant une activité de production ou de fourniture d'électricité (y compris une société détenant des intérêts dans une société de production ou de fourniture d'électricité) puissent avoir accès à des informations ou décisions relatives à l'activité d'ElecLink, et notamment des informations commerciales sensibles.
Par courriel du 5 octobre 2018, le président du conseil d'administration de Getlink a informé les services de la CRE de son engagement d'inscrire à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil d'administration, prévue le 15 novembre 2018, le projet d'examen et de vote, par le conseil d'administration, de la modification du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink, afin de prévoir explicitement qu'aucune information commercialement sensible relative à l'activité d'ElecLink ne pourra être transmise à aucun membre du conseil d'administration de Getlink qui représente ou exerce une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité.
Par courriel du 2 janvier 2019, ElecLink a adressé aux services de la CRE la nouvelle version du règlement intérieur du conseil d'administration de Getlink en date du 15 novembre 2018 telle qu'arrêtée par le conseil d'administration. Il y est expressément indiqué en son article 2.5.2, qu'« aucune information commercialement sensible relative à l'activité d'Eleclink ne pourra être transmise à aucun membre du conseil d'administration de Getlink SE qui, au moment considéré, représenterait ou disposerait d'une activité professionnelle dans une société de production ou de fourniture d'électricité ».
- Autonomie de fonctionnement et de moyens d'ElecLink nécessaires à l'exercice de ses missions
A l'heure actuelle, ElecLink étant en train de construire une interconnexion électrique, elle ne possède pas d'actifs significatifs. ElecLink déclare être seulement propriétaire de matériel informatique.
Une fois que la construction de l'interconnexion sera achevée, ElecLink déclare qu'il sera propriétaire de :
- deux stations de conversion adjacentes aux entrées du tunnel sous la Manche à Folkestone, au Royaume-Uni, et à Peuplingues, en France ;
- 51 km de câbles situés à l'intérieur du tunnel sous la Manche ; et
- 14,5 km de câbles situés sur le sol britannique afin de relier la station de conversion située à Folkestone à la sous-station propriété de NGET située à Sellindge (8).
ElecLink déclare disposer des ressources humaines nécessaires pour construire et exploiter l'interconnexion, étant entendu que la conception, l'installation, la mise en service et les essais portant sur les stations de conversion, d'une part, et sur les câbles, d'autre part, sont sous-traités. ElecLink déclare également que les services informatiques sont externalisés.
Sur la base des éléments exposés ci-dessus, la CRE considère qu'ElecLink est en mesure de réaliser l'ensemble des tâches lui incombant. A cet égard, la présente délibération ne préjuge pas des obligations qui pourraient être imposées à ElecLink notamment en application des règlements de la Commission européenne établissant des codes de réseau ou des lignes directrices.
Décision
Par courriers reçus le 14 février et le 15 juin 2018, la société ElecLink Limited (ci-après « ElecLink ») a adressé à la CRE une demande de certification. Par délibération du 11 octobre 2018 portant projet de décision de certification d'ElecLink, la CRE a considéré qu'ElecLink respectait les règles d'organisation qui s'appliquent à la certification en modèle de séparation patrimoniale définies aux articles L. 111-8-1 à L. 111-8-4 du code de l'énergie, qui transposent l'article 9 de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009.
Par avis du 11 décembre 2018, la Commission européenne a émis plusieurs réserves dont la CRE a tenu le plus grand compte dans la présente délibération.
Par la présente délibération, la CRE certifie qu'ElecLink respecte les règles d'organisation qui s'appliquent à la certification en modèle de séparation patrimoniale définies aux articles L. 111-8-1 à L. 111-8-4 du code de l'énergie, qui transposent l'article 9 de la directive 2009/72/CE du 13 juillet 2009.
Conformément à l'article L. 111-4 du code de l'énergie, cette certification sera valable sans limitation de durée, sous les réserves énoncées par ce même article :
- ElecLink est tenue de notifier à la CRE tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa certification ; et
- la CRE peut, de sa propre initiative ou à la demande motivée de la Commission européenne, procéder à un nouvel examen de la situation d'ElecLink lorsqu'elle estime que des événements affectant son organisation ou celle de ses actionnaires sont susceptibles de porter significativement atteinte aux obligations d'indépendance mentionnées à l'article L. 111-3 du code de l'énergie.
La présente délibération et l'avis de la Commission européenne du 11 décembre 2018 seront publiés au Journal officiel de la République française et sur le site internet et de la CRE. Ils seront transmis à ElecLink et Getlink ainsi qu'au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.
1 version