JORF n°0118 du 21 mai 2011

Délibération du 28 avril 2011

Participaient à la séance : M. Philippe de LADOUCETTE, président, M. Olivier CHALLAN BELVAL, M. Frédéric GONAND, M. Jean-Christophe LE DUIGOU, commissaires.
La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a été saisie, le 26 avril 2011, par la ministre chargée de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et par le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique d'un projet d'arrêté fixant de nouveaux tarifs d'achat pour les installations produisant de l'électricité à partir de biogaz.
La CRE a mené une analyse de rentabilité pour vérifier la conformité des tarifs envisagés avec le cadre réglementaire en vigueur. L'article 10 de la loi du 10 février 2000 prévoit que le niveau des tarifs d'achat « ne peut conduire à ce que la rémunération des capitaux immobilisés dans les installations bénéficiant de ces conditions d'achat excède une rémunération normale des capitaux, compte tenu des risques inhérents à ces activités et de la garantie dont bénéficient ces installations d'écouler l'intégralité de leur production à un tarif déterminé ».
La CRE estime que les tarifs envisagés risquent d'entraîner des rentabilités trop élevées pour les installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND [1]) présentant une efficacité énergétique supérieure à 40 %. Aussi, la commission préconise une baisse du tarif de référence d'au moins 10 % pour les ISDND de moins de 150 kW et d'au moins 40 % pour celles de plus de 2 000 kW.
Par ailleurs, la durée de quinze ans prévue pour le contrat d'achat n'est pas cohérente avec les durées d'exploitation usuelles de ce type d'installation. Porter cette durée à vingt ans serait économiquement plus pertinent. Afin de garder des niveaux de rentabilité équivalents pour les projets identifiés comme rentables, cette modification devrait s'accompagner d'une réduction des tarifs et primes de 7 %.
Enfin, malgré un important potentiel de baisse des coûts d'investissements, comme le montrent les coûts observés en Allemagne, le projet d'arrêté ne prévoit pas de dégressivité des tarifs. A défaut de pouvoir définir un coefficient de dégressivité pertinent à l'aube du réel développement de la filière, la CRE préconise qu'une révision des tarifs intervienne rapidement si le rythme des demandes de raccordement s'avère trop élevé au regard des objectifs de développement visés pour 2020.
Le Plan d'action national en faveur des énergies renouvelables transmis par le Gouvernement à la Commission européenne en 2010 prévoit une augmentation de capacité d'installations produisant de l'électricité à partir de biogaz de 500 MW entre 2008 et 2020. Cette valeur est en accord avec les objectifs fixés pour l'ensemble de la filière biomasse dans la programmation pluriannuelle des investissements.
En supposant que cet objectif soit atteint, les charges annuelles de service public dues à la production d'électricité à partir de biogaz seraient comprises entre 200 et 410 M€. Dans l'hypothèse haute, ces charges représenteraient un sixième des charges dues au photovoltaïque et un montant de 4 € (TTC) sur la facture moyenne d'un client résidentiel (2). La baisse des tarifs préconisée par la CRE pour les ISDND induirait une réduction de charges à l'horizon 2020 comprise entre 40 et 85 M€.

(1) Anciennement appelées décharges, les ISDND sont habilitées à recevoir les déchets ménagers et assimilés. Toutefois, depuis le 1er juillet 2002, ces sites ne peuvent accueillir que des « déchets ultimes », c'est-à-dire les ordures ménagères auxquelles on a enlevé les déchets valorisables. (2) Consommation moyenne de 4,7 MWh.

  1. Description du tarif proposé
    1.1. Installations concernées

Le projet d'arrêté fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par :
― les installations qui utilisent, à titre principal, l'énergie dégagée par la combustion ou l'explosion du gaz résultant de la décomposition ou de la fermentation de produits, déchets et résidus provenant de l'agriculture, de la sylviculture et des industries connexes (comprenant les industries agroalimentaires) ou du traitement des eaux, telles que visées au 5° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000. Les installations de production électrique sont dans ce cas couplées à des unités de méthanisation (3) de déchets ;
― les installations qui valorisent, en utilisant le biogaz, des déchets ménagers ou assimilés mentionnés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, mentionnées au 1° de l'article 10 de la loi du 10 février 2000. Dans ces installations, dites de stockage de déchets non dangereux (ISDND), se produit la méthanisation. La valorisation du biogaz résultant sous forme électrique est une alternative au procédé fréquent de brûlage dans des torchères.
Cet arrêté sera applicable à toute installation faisant l'objet d'une demande complète de raccordement à compter de la date d'entrée en vigueur de l'arrêté.

1.2. Structure tarifaire

Le tarif proposé, applicable sur quinze ans, est constitué de trois composantes :
― le tarif de référence, dégressif en fonction de la puissance maximale installée de la centrale. Pour sa détermination, l'arrêté fait la distinction entre les ISDND et les autres types d'installations ;
― une prime à l'efficacité énergétique ;
― une prime pour le traitement d'effluents d'élevage pour les installations hors ISDND.

1.2.1. Le tarif de référence

A l'exception des ISDND, le tarif de référence est défini comme suit :

|PUISSANCE ÉLECTRIQUE MAXIMALE INSTALLÉE|TARIF DE RÉFÉRENCE
(c€/kWh)| |---------------------------------------|---------------------------------| | 150 kW | 13,37 | | = 300 kW | 12,67 | | = 500 kW | 12,18 | | = 1 000 kW | 11,68 | | 2 000 kW | 11,19 |

Les valeurs intermédiaires sont déterminées pas interpolation linéaire.
Pour les ISDND, le tarif de référence est défini comme suit :

|PUISSANCE ÉLECTRIQUE MAXIMALE INSTALLÉE|TARIF DE RÉFÉRENCE
(c€/kWh)| |---------------------------------------|---------------------------------| | 150 kW | 9,745 | | 2 000 kW | 8,121 |

Les valeurs intermédiaires sont déterminées par interpolation linéaire.
Les tarifs de référence sont majorés de 10 % pour les installations situées dans les départements d'outre-mer (DOM) et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.

(3) La méthanisation est un procédé biologique permettant de valoriser des matières organiques en produisant un gaz principalement constitué de méthane et un digestat utilisé comme fertilisant.

1.2.2. Prime à l'efficacité énergétique

La prime à l'efficacité énergétique est définie comme suit :

|EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE|PRIME À L'EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE
(c€/kWh)| |----------------------|-----------------------------------------------| | 35 % | 0 | | 70 % | 4 |

Les valeurs intermédiaires sont déterminées par interpolation linéaire.

1.2.3. Prime pour le traitement des effluents d'élevage

La présence d'effluents d'élevage est indispensable pour le bon fonctionnement du processus de méthanisation dans les installations agricoles. Une prime visant à inciter les producteurs à utiliser de tels effluents, dont le pouvoir méthanogène est faible, et donc à réduire leur recours à d'autres produits qui pourraient trouver une autre utilisation, est introduite.
Pr est la prime pour le traitement d'effluents d'élevage, dont la valeur maximale applicable à une installation est notée Prmax et définie comme suit :

|PUISSANCE ÉLECTRIQUE MAXIMALE INSTALLÉE|Prmax (c€/kWh)| |---------------------------------------|--------------| | Pmax 150 kW | 2,6 | | Pmax 1 000 kW | 0 |

Les valeurs intermédiaires de Prmax sont déterminées par interpolation linéaire.
La valeur de Pr applicable à une installation est définie comme suit :

|PROPORTION D'EFFLUENTS D'ÉLEVAGE
de l'approvisionnement de l'installation|Pr (c€/kWh)| |-------------------------------------------------------------------------------|-----------| | 20 % | 0 | | 60 % | Prmax |

Les valeurs intermédiaires de Pr sont déterminées par interpolation linéaire.

1.3. Evolution par rapport au tarif en vigueur

Le projet d'arrêté prévoit, hors prime, une augmentation de 5 % à 12 % du tarif d'achat de l'électricité produite par valorisation du biogaz pour les installations hors ISDND en France métropolitaine, avec une augmentation plus importante pour les très petites et très grosses installations. Pour les ISDND situées dans les mêmes zones, le tarif est identique au tarif en vigueur depuis juillet 2006 indexé au 1er janvier 2011.
Dans les DOM et la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, les tarifs augmentent de 3 % à 10 % pour les installations hors ISDND, mais diminuent de 4 % pour les ISDND.
Le tableau ci-dessous montre l'évolution, en pourcentage, entre les tarifs de référence en vigueur et les tarifs envisagés, en fonction de la région, du type d'installation et de la puissance maximale installée.

Evolution en % entre les tarifs envisagés et les tarifs en vigueur indexés au 1er janvier 2011

| | |ÉVOLUTION EN % ENTRE LES TARIFS PROPOSÉS
et les tarifs 2006 indexés|Installations hors ISDND|ISDND| |-------------------------------|-----------|-------------------------------------------------------------------------|------------------------|-----| | France (hors outre-mer) | 150 kW | 12 % | 0 % | | | | = 300 kW | 8 % | 0 % | | | | = 500 kW | 5 % | 0 % | | | |= 1 000 kW| 5 % | 0 % | | | | 2 000 kW | 9 % | 0 % | | |DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon| 150 kW | 10 % | ― 4 % | | | | = 300 kW | 6 % | ― 4 % | | | | = 500 kW | 3 % | ― 4 % | | | |= 1 000 kW| 3 % | ― 4 % | | | | 2 000 kW | 7 % | ― 4 % | |

1.4. Mesures additionnelles

Comme dans l'arrêté du 26 juillet 2006 définissant les tarifs en vigueur, des coefficients d'indexation sont annuellement appliqués aux tarifs. La formule d'indexation prend en compte le coût horaire du travail révisé dans les industries mécaniques et électriques et l'indice des prix à la production de l'industrie française pour le marché français.

  1. Analyse de rentabilité
    2.1. Hypothèses techniques

Deux catégories d'installations sont considérées :
― les installations de méthanisation agricole ;
― les installations valorisant le biogaz collecté dans les ISDND.
Les caractéristiques techniques des installations ayant fait l'objet d'une analyse de rentabilité sont indiquées dans le tableau ci-dessous :

| | MÉTHANISATION AGRICOLE | ISDND | |----------------------------------------------------------------|-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------|----------------------------------------------------------| | Puissance électrique installée (kW) | [50 ; 2 000] | [50 ; 5 000] | | Disponibilité (h/an) | 7 500 | 7 500 | | Efficacité énergétique (%) | [35 ; 70] (4) | [35 ; 70] (4) | | Autoconsommation de la chaleur produite (%) | [20 ; 35] | 0 | |Nature des intrants dans la centrale de production d'électricité|Déchets agricoles, industriels et ménagers (codigestion). La proportion d'effluents d'élevage varie de 20 à 60 % du tonnage entrant|Biogaz collecté dans l'installation de stockage de déchets|

2.2. Hypothèses économiques

L'analyse de rentabilité des tarifs envisagés compare le taux de rentabilité interne du capital investi après impôts (TRI projet) avec le coût moyen pondéré du capital pris comme référence, qui est estimé à 5,1 % sur la base du coût du capital moyen d'un échantillon d'entreprises du secteur des énergies renouvelables.
Les données utilisées par la CRE relatives aux coûts d'investissement, d'exploitation et aux revenus des installations sont principalement issues d'études commandées en 2009 par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) (5). Aucune subvention ou aide à l'investissement n'est considérée dans le calcul.
Par ailleurs, aucune baisse de revenus liée aux redevances (6) que le producteur perçoit pour le traitement des déchets n'est prise en compte à moyen terme. En effet, si une telle baisse était retenue dans la détermination du niveau des tarifs, les exploitants auraient la possibilité d'accepter des rémunérations plus faibles pour le traitement des déchets grâce à des tarifs d'achat plus élevés. Une hypothèse de baisse des niveaux des redevances serait donc de nature autoréalisatrice. De plus, prendre en compte une telle baisse reviendrait à faire financer le traitement des déchets, obligation de nature réglementaire, par la contribution au service public de l'électricité.

2.3. Résultats

Les principaux résultats de l'analyse de rentabilité conduite par la CRE sont indiqués dans le tableau ci-dessous. Pour des ISDND et des installations de méthanisation agricole présentant des efficacités et puissances équivalentes, les coûts d'investissement et les recettes issues de la vente de chaleur ou du traitement des déchets peuvent fortement varier. Les plages de valeurs de rentabilité indiquées dans le tableau sont la traduction de ces fortes variations.

(4) Une efficacité énergétique de 35 % correspond à une installation ne produisant que de l'électricité, tandis qu'une valeur de 70 % correspond à une installation de cogénération valorisant une partie importante du biogaz sous forme de chaleur. (5) « Expertise de la rentabilité des projets de méthanisation rurale », rapport final, 2010, étude réalisée pour le compte de l'ADEME par SOLAGRO, EREP, PSPC, SOGREAH, PERI G et l'étude de marché de la méthanisation et de la valorisation du biogaz, rapport final, 2010, étude réalisée pour le compte de l'ADEME et GrDF par Ernst et Young. (6) Le niveau des redevances pour le traitement des déchets répond à une logique de marché et son prix est très volatil selon les régions.

Taux de rentabilité interne après impôts (TRI projet) des installations de production d'électricité
à partir de biogaz bénéficiant des tarifs d'achat envisagés

| EFFICACITÉ
énergétique |MÉTHANISATION AGRICOLE| ISDND | | | | | |-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------|----------------------|--------------|--------------|-------------|------------|-------------| | | 50 kW | 150 kW | 500 kW | 2 000 kW | 200 kW | 2 000 kW | | 35 % | NS (*) | [NS ; 6,0] |[― 6,9 ; 8,2] |[― 6,0 ; 5,9]| [NS ; 1,4] | [NS ; 8,3] | | 50 % | [NS ; ― 7,0] |[― 6,9 ; 8,6] |[― 1,8 ; 10,7]|[― 0,7 ; 8,7]|[NS ; 11,0] |[0,3 ; 19,7] | | 70 % | [NS ; ― 0,8] |[― 1,6 ; 11,0]| [1,9 ; 13,3] |[2,6 ; 11,5] |[1,1 ; 20,7]|[12,3 ; 32,6]| | (*) NS : « non significatif », correspond à une situation dans laquelle le producteur ne fait pas de bénéfices.| | | | | | |

Méthanisation agricole :
Quelle que soit l'efficacité énergétique de l'installation, les projets de moins de 100 kW ne sont pas rentables.
La CRE recommande de maintenir les tarifs de 2006 pour les installations d'une puissance installée inférieure à 150 kW. Elle a vérifié que ces tarifs, une fois indexés, permettaient une rentabilité correcte des projets de plus de 100 kW présentant une efficacité énergétique supérieure à 50 % et un niveau d'investissement raisonnable.
En effet, les installations de petite taille (inférieure à 100 kW) trouvent leur justification dans l'atteinte d'autres objectifs que la seule production d'électricité (aménagement du territoire, protection de l'environnement, etc.). Il est dès lors normal que leur mise en œuvre soit facilitée par des dispositifs (subventions notamment) dont les coûts ne sont pas supportés par les consommateurs d'électricité via la contribution au service public de l'électricité.
Les tarifs permettent de rentabiliser les projets efficaces de plus de 100 kW. Le cumul des tarifs avec des subventions induirait des rentabilités trop élevées. Ce sera le cas des projets retenus dans le cadre des appels d'offres lancés par le ministère en charge de l'agriculture, qui recevront une aide à l'investissement.
Les rentabilités les plus élevées sont atteintes pour les projets d'une puissance comprise entre 300 et 1 000 kW. La CRE identifie un risque d'atteindre des rentabilités plus de deux fois supérieures à la valeur de référence dans le cas d'installations qui présentent de faibles coûts d'investissement (de l'ordre de 5 300 €/kW) et une forte efficacité énergétique, et qui perçoivent des redevances pour plus de la moitié de leur approvisionnement. Ce risque pourrait s'étendre à d'autres installations si les coûts d'investissement devaient baisser grâce au développement de la filière. Une telle baisse est vraisemblable au vu des coûts d'investissement actuellement observés en Allemagne (4), de 35 à 60 % inférieurs à ceux constatés en France. Cet écart s'explique en partie par une standardisation accrue des installations en Allemagne et par les différences structurelles des coûts de construction entre les deux pays.
La prime pour le traitement des effluents d'élevage permet de compenser en partie les surcoûts liés au faible pouvoir méthanogène de cette ressource ainsi que le manque à gagner en termes de redevances de traitement de déchets, plus faibles pour les effluents d'élevage.
Installations de stockage de déchets non dangereux :
Au vu des données de coûts dont dispose la CRE, plus faibles que pour les installations de méthanisation, les rentabilités observées pour les installations valorisant le biogaz issu des ISDND sont excessives dès que l'efficacité énergétique de l'installation dépasse 40 %. Les tarifs envisagés méconnaissent donc, pour ces installations, les dispositions de l'article 10 de la loi du 10 février 2000. Une baisse notable du tarif de référence, d'au moins 10 % pour le tarif applicable aux installations de moins de 150 kW et d'au moins 40 % pour les installations de plus de 2 000 kW, est nécessaire pour atteindre des rentabilités plus normales (7).
De plus, la taxe générale sur les activités polluantes pour les installations valorisant le biogaz à plus de 75 % est plus faible que celle applicable dans le cas général. L'article 266 nonies du code des douanes prévoit que cet écart augmente chaque année. Les économies qui en résulteraient pour le producteur pourraient à elles seules, dans certains cas, permettre de rentabiliser des installations de cogénération.

(7) Les rentabilités alors obtenues sont comprises entre 2 et 15 % pour des projets de 150 kW, et entre 4 et 17 % pour des projets de 2 000 kW.

  1. Avis de la CRE
    3.1. Diminution des tarifs pour les ISDND et maintien des tarifs de 2006
    pour les petites installations de méthanisation

Les tarifs de référence envisagés pour les ISDND pouvant induire des rentabilités excessives et méconnaissant par là les dispositions de la loi, la CRE considère nécessaire que ces tarifs soient diminués d'au moins 10 % pour les installations de moins de 150 kW et d'au moins 40 % pour celles de plus de 2 000 kW.
Les petites installations de méthanisation trouvent toute leur pertinence dans le cadre d'une politique d'aménagement durable et concertée des territoires. Elles présentent très peu d'intérêt dans le cadre de la politique énergétique. Dès lors, leur mise en œuvre doit être facilitée par des instruments financiers autres que ceux supportés in fine par la CSPE. La CRE demande donc un maintien des tarifs de 2006 pour ces installations, ce d'autant plus que certains projets bénéficient d'ores et déjà de subventions allouées dans le cadre de deux appels d'offres lancés par le ministère en charge de l'agriculture et désormais clos.

3.2. Durée du contrat d'achat

L'article 5 du projet d'arrêté prévoit que le contrat d'achat est conclu pour quinze ans à compter de la date de mise en service de l'installation. Or, la durée d'exploitation de telles installations est supérieure à quinze ans. Par souci d'optimisation économique, la durée des contrats doit être portée à vingt ans, comme c'est le cas en Allemagne et en Suisse et pour la plupart des autres filières en France.
Afin de garder des niveaux de rentabilité équivalents pour les projets identifiés comme rentables, cette modification doit s'accompagner d'une réduction des tarifs et primes de 7 %.

3.3. Dégressivité

Malgré un important potentiel de baisse des coûts d'investissements, comme le montrent les coûts observés en Allemagne (4), le projet d'arrêté ne prévoit pas de dégressivité des tarifs. A défaut de pouvoir définir un coefficient de dégressivité pertinent à l'aube du réel développement de la filière, la CRE préconise qu'une révision des tarifs intervienne rapidement si le rythme des demandes de raccordement s'avère trop élevé au regard des objectifs de développement visés pour 2020. Un dispositif similaire à celui qui a été mis en œuvre pour la filière photovoltaïque aurait alors toute sa pertinence.

3.4. Indexation des tarifs

L'article 7 du projet d'arrêté prévoit une indexation annuelle, en cours de contrat, portant sur 70 % du tarif d'achat. Or, les charges d'investissement constituent plus de 50 % des coûts de production dans la majorité des cas. Par conséquent, il est nécessaire de porter à 50 % la part fixe du coefficient d'indexation L. Les deux autres coefficients seraient fixés alors à 0,21 pour l'évolution du coût du travail et à 0,29 pour l'évolution des coûts de production.

3.5. Délai de mise en service

L'alinéa 3 de l'article 5 du projet d'arrêté prévoit que la mise en service de l'installation doit avoir lieu dans un délai de deux ans à compter de la date de demande complète de raccordement par le producteur, sous peine de diminution de la durée du contrat.
Pour ne pas pénaliser le producteur si la mise en service de son installation est retardée du fait des délais de raccordement, la CRE propose d'ajouter un quatrième alinéa comme suit : « Le délai mentionné au troisième alinéa est prolongé lorsque la mise en service de l'installation est retardée du fait des délais nécessaires à la réalisation des travaux de raccordement et à condition que l'installation ait été achevée dans le délai prévu au troisième alinéa. La mise en service de l'installation doit, dans ce cas, intervenir au plus tard deux mois après la fin des travaux de raccordement. »

3.6. Rôle de l'ADEME dans le dispositif

Le projet d'arrêté prévoit que les candidats s'enregistrent auprès de l'ADEME et que cette dernière délivre un récépissé dans un délai de trois mois. Ce récépissé doit être joint à la demande de contrat d'achat faite auprès de l'acheteur obligé.
La CRE est favorable à la procédure d'enregistrement auprès de l'ADEME. En effet, elle permet aux pouvoirs publics d'avoir une meilleure connaissance des usages actuels de la biomasse et, ainsi, de mieux apprécier les risques de conflits d'usage entre filières. A cette fin, il serait également pertinent de porter à la connaissance de l'ADEME ou de tout autre service de l'Etat le plan d'approvisionnement de l'installation.
Par ailleurs de nombreuses subventions sont accordées pour des projets biogaz à la ferme, versées notamment par l'ADEME, le ministère de l'agriculture, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), le Fonds européen de développement régional (FEDER), les collectivités territoriales, les agences de l'eau ou encore les pôles d'excellence régionale. Le ministère en charge de l'agriculture s'était appuyé sur l'ADEME pour vérifier que les projets retenus dans le cadre des deux appels d'offres qu'il a lancés respectaient les seuils maximum autorisés de subventions publiques. L'enregistrement auprès de l'ADEME pourrait permettre à cette dernière d'identifier les projets à soutenir (petites installations de méthanisation agricole notamment) pour leur rôle dans la politique d'aménagement durable des territoires.
En revanche, dès lors que l'ADEME n'a pas de pouvoir d'autorisation dans le cadre du mécanisme d'obligation d'achat, le délai de trois mois accordé pour la délivrance du récépissé est excessif et de nature à rallonger inutilement la procédure. Un délai de quinze jours serait plus approprié.

3.7. Conclusion

La CRE émet un avis défavorable au projet d'arrêté qui lui est soumis.
Fait à Paris, le 28 avril 2011.

Pour la Commission de régulation de l'énergie :

Le président,

P. de Ladoucette