JORF n°0273 du 24 novembre 2013

Décret n°2013-1054 du 22 novembre 2013

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'intérieur,

Vu le code de procédure pénale, notamment ses articles 230-12 à 230-18 et R. 40-35 à R. 40-37 ;

Vu le code de la sécurité intérieure, notamment son article L. 235-1 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment son article 26 (IV) ;

Vu l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en date du 20 septembre 2012 ;

Le Conseil d'Etat (section de l'intérieur) entendu,

Décrète :

Article 1

Le ministre de l'intérieur (direction générale de la gendarmerie nationale, direction générale de la police nationale, préfecture de police) est autorisé, en application de l'article 230-12 du code de procédure pénale, à mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés : « bases d'analyse sérielle de police judiciaire », ayant pour finalité de rassembler les preuves et d'identifier les auteurs des crimes ou délits présentant un caractère sériel, grâce à l'établissement de liens entre les individus, les événements ou les infractions.
Les traitements peuvent recueillir des données personnelles et informations collectées au cours :
― des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant toute infraction punie d'au moins cinq ans d'emprisonnement ;
― des procédures de recherche des causes de la mort prévues par l'article 74 du code de procédure pénale ou de recherche des causes d'une disparition prévues par l'article 74-1 du même code.
Ces traitements peuvent contenir des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées au I de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, dans la stricte mesure nécessaire aux finalités d'analyse sérielle assignées auxdits traitements.

Article 2

Les catégories de données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements sont définies à l'annexe du présent décret.

Article 3

Les données à caractère personnel et informations peuvent être conservées :
― quinze ans pour les délits à compter de la date de clôture de l'enquête et de sa transmission au magistrat chargé de cette enquête ;
― vingt ans pour les crimes à compter de la date de clôture de l'enquête et de sa transmission au magistrat chargé de cette enquête.
Les données concernant les personnes qui font l'objet d'une procédure pour recherche des causes de la mort ou d'une disparition sont effacées dès que l'enquête a permis de retrouver la personne disparue ou d'écarter toute suspicion de crime ou délit ou, en tout état de cause, à l'issue d'un délai de vingt-cinq ans.
Dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné, les personnes mentionnées aux 2°, 3° et 4° de l'article 230-13 du code de procédure pénale peuvent demander l'effacement des données enregistrées dans le traitement, sauf si le procureur de la République ou le magistrat mentionné à l'article 230-9 du même code en prescrit le maintien pour des motifs liés à la finalité du traitement, auquel cas ces motifs font l'objet d'une mention.

Article 4

I. ― Ont seuls accès aux données à caractère personnel et informations mentionnées en annexe, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, les militaires de la gendarmerie nationale et les agents de la police nationale exerçant des missions de police judiciaire individuellement désignés et spécialement habilités dans les conditions prévues par l'article R. 40-35 du code de procédure pénale.
II. ― Peuvent être destinataires de tout ou partie des données et des informations mentionnées en annexe :
1° Les officiers de police judiciaire de la gendarmerie et de la police nationales pour les besoins d'une enquête de police judiciaire dont ils sont saisis, relative à l'une des infractions ou à l'une des procédures visées à l'article 1er ;
2° Les magistrats du parquet ou les magistrats instructeurs, pour les recherches relatives aux infractions et aux procédures visées à l'article 1er ;
3° Les agents des douanes spécialement habilités et individuellement désignés par le directeur de l'Office national anti-fraude, à l'occasion des enquêtes mentionnées à l'article 28-1 du code de procédure pénale ;
4° Les organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire et les services de police étrangers, dans les conditions prévues à l'article L. 235-1 du code de la sécurité intérieure.

Article 5

Les consultations effectuées font l'objet d'un enregistrement comprenant l'identification du consultant, la date et l'heure de la consultation. Ces informations sont conservées cinq ans.

Article 6

Le droit à l'information et le droit d'opposition prévus aux articles 32 et 38 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ne s'appliquent pas au présent traitement.
Conformément aux dispositions des articles 41 et 42 de la même loi, le droit d'accès s'exerce de manière indirecte auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Article 7

La mise en œuvre des traitements mentionnés à l'article 1er par le directeur général de la gendarmerie nationale, le directeur général de la police nationale et le préfet de police est subordonnée à l'envoi préalable à la Commission nationale de l'informatique et des libertés d'un engagement de conformité faisant référence au présent décret et précisant la désignation du service utilisateur et les sécurités mises en œuvre. Cet engagement de conformité est accompagné d'un dossier technique de présentation du traitement.

Article 8

Le présent décret est applicable sur l'ensemble du territoire de la République.

Article 9

La garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l'intérieur et le ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 22 novembre 2013.

Jean-Marc Ayrault

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'intérieur,

Manuel Valls

La garde des sceaux,

ministre de la justice,

Christiane Taubira

Le ministre des outre-mer,

Victorin Lurel