JORF n°110 du 12 mai 2007

Chapitre II : Libéralités consenties aux Etats et aux établissements étrangers habilités par leur droit national à recevoir des libéralités

Article 6-1

Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux libéralités consenties aux Etats et aux établissements étrangers dans les cas suivants :

1° En matière de legs :

a) Lorsque la loi française est la loi applicable à la succession et que la libéralité porte sur des biens immobiliers ou mobiliers situés en France ;

b) Lorsque la loi étrangère est applicable à la succession et que la libéralité porte sur des biens immeubles situés en France ou des actions ou parts sociales d'entreprises dont le siège social est situé en France ou des parts d'une société civile immobilière dont le patrimoine comporte un immeuble situé en France.

Ces dispositions ne s'appliquent pas aux libéralités portant sur un local servant habituellement à l'exercice public du culte situé en France.

2° En matière de donation :

a) Lorsque la libéralité porte sur des biens immobiliers situés en France ;

b) Lorsque la loi française a été choisie par les parties ;

c) Lorsque, en l'absence de choix de loi, le donateur est domicilié en France ou que l'acte a été établi en France.

Article 6-2

I. ― Lorsqu'ils sont avisés d'une succession satisfaisant aux critères définis à l'article 6-1, les notaires en informent l'Etat ou l'établissement étrangers et en font la déclaration au ministre de l'intérieur.

Lorsque l'Etat ou l'établissement étrangers est bénéficiaire d'une libéralité entre vifs, il appartient au mandataire désigné selon la loi étrangère pour accomplir les formalités en France de procéder à la déclaration de la donation au ministre de l'intérieur.

II. ― La déclaration au ministre de l'intérieur est faite par voie de téléservice et accompagnée des documents suivants, avec leur traduction en français s'il y a lieu :

1° En cas de legs : une copie ou un extrait du testament et de ses codicilles relatifs à la libéralité et une copie de l'acte de décès du testateur ;

2° Pour les libéralités entre vifs : une copie de l'acte de donation ou, à défaut, la justification de la libéralité ;

3° Le cas échéant, toute estimation de la valeur de la libéralité ;

4° La justification de l'acceptation de la libéralité par l'Etat ou par l'établissement étrangers ainsi que, le cas échéant, la justification de l'aptitude de l'établissement bénéficiaire à en exécuter les charges ou à en satisfaire les conditions compte tenu de son objet statutaire ;

5° La procuration à une personne nommément désignée par l'Etat ou par l'établissement étrangers pour accomplir les formalités en France ou la justification de la nomination d'un mandataire désigné selon la loi étrangère ;

6° Les statuts de l'établissement étranger bénéficiaire, déclarés ou approuvés conformément à son droit national, et tout document officiel attestant que l'établissement est habilité par son droit national à recevoir des libéralités.

III. ― Lorsque le bien donné ou légué est un bien culturel au sens du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine, la déclaration est accompagnée d'une description du bien précisant sa nature, son support, le nom de son auteur, son titre et sa date, ses matériaux, ses dimensions ainsi que tout signe distinctif utile à son identification, et d'une photographie d'un format suffisant pour rendre possible la reconnaissance du bien.

Lorsque le dossier est complet, le ministre de l'intérieur adresse au mandataire désigné et, le cas échéant, au notaire un accusé de réception mentionnant la date de réception du dossier et la date à laquelle, à défaut de décision expresse, l'absence d'opposition sera acquise. Cet accusé de réception fait courir le délai de six mois ouvert au ministre de l'intérieur pour statuer.

En cas de dossier incomplet, l'accusé de réception fixe un délai pour la production des pièces manquantes et précise que le délai ouvert au ministre de l'intérieur pour statuer court à compter de la plus tardive des dates de réception des pièces manquantes.

IV. ― Dans le délai mentionné au deuxième alinéa du III du présent article, si la complexité de l'instruction le justifie, le ministre de l'intérieur peut décider de proroger ce délai dans la limite de six mois supplémentaires, qui courent à l'échéance du délai initial de six mois. Il en informe l'association ou l'établissement, et le cas échéant le notaire, par tout moyen permettant d'attester de la date de réception.

Dans ce délai supplémentaire, il peut demander à l'association, à l'établissement ou, le cas échéant au notaire, de fournir toutes autres pièces et informations, complétant celles déjà reçues et nécessaires à l'instruction, dans le délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. Cette demande suspend le délai d'instruction de la déclaration. Elle mentionne cette suspension et précise les conséquences du défaut de production des pièces et informations demandées.

Article 6-3

Le ministre de l'intérieur consulte le ministre des affaires étrangères et tout ministre intéressé qui disposent d'un délai de quatre mois pour émettre leur avis.

Lorsque le bien donné ou légué est un bien culturel au sens du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine, le ministre intéressé est le ministre chargé de la culture.

Article 6-4

Au vu des avis recueillis, le ministre de l'intérieur peut faire usage de son droit d'opposition à l'acceptation des libéralités consenties aux Etats ou établissements étrangers, pour les motifs tirés :

1° Des engagements internationaux souscrits par la France ou de la défense de ses intérêts fondamentaux ;

2° De la nature des activités de l'établissement étranger ou de ses dirigeants, en particulier celles visées à l'article 1er de la loi du 12 juin 2001 susvisée.

Le ministre de l'intérieur peut également faire usage de son droit d'opposition lorsque l'établissement étranger ne justifie pas que son droit national lui reconnaît la capacité juridique de recevoir des libéralités ou lorsque son objet statutaire ne lui permet pas d'exécuter les charges liées à la libéralité.

Article 6-5

Lorsque le ministre de l'intérieur envisage de faire usage de son droit d'opposition à l'acceptation d'une libéralité, il en informe le mandataire désigné et, le cas échéant, le notaire par tout moyen permettant d'attester de la date de réception. Il invite le mandataire désigné à présenter ses observations dans un délai d'un mois.

A l'expiration du délai ainsi fixé, et au plus tard dans le délai mentionné à l'article 6-2, le ministre de l'intérieur décide, au vu des observations éventuelles du mandataire désigné, de s'opposer ou non à l'acceptation de la libéralité. En cas d'opposition, il notifie sa décision dûment motivée, par tout moyen permettant d'attester de la date de réception, au mandataire désigné et, le cas échéant, au notaire.

L'absence de notification d'une décision dans le délai prévu au deuxième alinéa du III de l'article 6-2, éventuellement prorogé en application du IV du même article vaut absence d'opposition à l'acceptation de la libéralité. A la demande du mandataire désigné, le ministre de l'intérieur délivre une attestation de cette absence d'opposition.

Article 6-6

L'absence de décision d'opposition à l'acceptation d'une libéralité par un établissement étranger est sans effet sur son éligibilité éventuelle au bénéfice des exonérations de droits de mutation à titre gratuit prévues par l'article 795 du code général des impôts en faveur de certains organismes ou établissements. Ces exonérations fiscales s'appliquent aux établissements étrangers répondant aux mêmes conditions que les établissements français éligibles lorsqu'il existe en la matière un régime de réciprocité entre la France et l'Etat où l'établissement a son siège, cette réciprocité résultant d'une convention internationale relative aux doubles impositions ou d'un accord particulier.

Article 6-7

L'absence de décision d'opposition du ministre de l'intérieur à l'acceptation d'une libéralité par un Etat ou un établissement étrangers ne dispense pas le demandeur de recueillir les autorisations requises, le cas échéant, par d'autres législations.