JORF n°0241 du 15 octobre 2016

Annexe

Rapport spécial
I. - Les faits

La construction d'une installation de production d'électricité photovoltaïque sur le toit d'un bâtiment d'extension de la caserne des pompiers de Saint-Pargoire a été réalisée par la SARL « ING.NET » et le GIE « INGESOL » dans le cadre d'un contrat de partenariat public-privé, sur le fondement d'un tarif d'achat de l'électricité de 0,58 €/kWh.
La proposition technique et financière (PTF), adressée à la SARL « ING.NET » par la Coopérative d'électricité de Saint-Martin-de-Londres (CESML) le 15 octobre 2010, a été acceptée le 29 novembre 2010, l'installation n'a donc pas été concernée par l'application du moratoire institué par le décret du 9 décembre 2010, mais sa mise en service devait, impérativement, intervenir dix-huit mois après l'acceptation de la PTF, soit au plus tard le 29 mai 2012.
Un bail emphytéotique administratif a été conclu aux fins de réalisation du bâtiment et de la centrale photovoltaïque avec la commune de Saint-Pargoire, le 12 mars 2012. L'installation a été mise en service le 9 mai 2012.
Toutefois, à la suite de l'arrêt du 12 avril 2012 du Conseil d'Etat, annulant partiellement les arrêtés des 12 janvier et 16 mars 2010, la CESML a adressé un courrier à MM. TAL et LAPORTE, en date du 3 décembre 2012, les informant que le tarif applicable à l'installation était ramené à 0,50 €/kWh.
Par un courriel en date du 7 janvier 2013, la CESML a indiqué à MM. TAL et LAPORTE que la décision prise par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'écologie, en date du 27 décembre 2012, sur les suites à apporter à l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2012, la contraignait à revoir, une nouvelle fois, le tarif d'achat de l'électricité produite par l'installation, pour le fixer à 0,42 €/kWh.
MM. TAL et LAPORTE ont contesté l'application de ce tarif auprès de vos services, par courrier en date du 29 janvier 2013. Par courrier en date du 6 février 2013, il leur a été indiqué que leur demande était transmise au directeur général de l'énergie et du climat (DGEC), afin que celui-ci les tienne directement informés de la suite réservée à leur démarche.

II. - La procédure suivie devant le Défenseur des droits

Nos services ont soumis la réclamation de MM. TAL et LAPORTE au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, par courrier en date du 4 février 2014, sollicitant de la DGEC le réexamen de la situation et soulignant que la date de mise en service de l'installation justifiait l'application du tarif d'achat de 0,58 €/kWh.
Ce courrier est demeuré sans réponse. Deux nouveaux courriers, en date des 6 juin et 17 septembre 2014, n'ont pas davantage obtenu de réponse de vos services.
Par courrier en date du 30 octobre 2014, le Défenseur des droits a mis en demeure le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie de répondre au courrier en date du 4 février 2014.
Il est apparu qu'un courrier de réponse, en date du 3 novembre 2014, avait été rédigé à l'intention de nos services, à la suite de cette mise en demeure. Cependant, ce courrier n'a jamais été reçu. Une note récapitulative a donc été adressée à vos services, en date du 27 janvier 2015.
Par courrier en date du 2 février 2015, reçu le 4 février 2015, vos services ont adressé de nouveau au Défenseur des droits, en réponse à la note récapitulative du 27 janvier 2015, le courrier de réponse du 3 novembre 2014. Ce courrier rejetait une nouvelle fois la demande de MM. TAL et LAPORTE, au motif que les bâtiments construits ne seraient pas à usage d'habitation, et, de ce fait, non éligibles au tarif de 0,58 €/kWh.
Par décision n° 2015-043 en date du 4 mars 2015, le Défenseur des droits a de nouveau sollicité l'application du tarif à 0,58 €/kWh pour l'installation en cause, l'usage d'habitation des locaux construits au-dessus de la caserne étant démontré par le dossier de permis de construire.
A la suite de cette décision, vos services ont indiqué, par courrier en date du 8 juillet 2015, que le dossier était à l'étude et qu'une réponse serait apportée au Défenseur des droits dans les meilleurs délais.
Aucune réponse concrète n'étant toutefois parvenue au Défenseur des droits, un courrier d'injonction a été adressé le 30 octobre 2015 au ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, assorti d'un délai de réponse impératif de trois mois. A l'issue de ce délai, aucune réponse n'a été adressée au Défenseur des droits.
Au vu de ce qui précède, le Défenseur des droits décide d'adresser un rapport spécial à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, en l'invitant à présenter ses observations dans un délai d'un mois à compter de sa notification.
A l'issue du délai prescrit, aucune réponse n'a été adressée au Défenseur des droits. Conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi n° 2011-333 du 29 mars 2011, le Défenseur des droits a choisi de procéder à la publication du présent rapport.

III. - Analyse du Défenseur des droits sur le tarif d'achat applicable à l'installation construite par MM. TAL et LAPORTE

Aux termes de l'article 3 du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 : « Les dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ». Aux termes de l'article 4 du même décret : « Le bénéfice de l'obligation d'achat au titre de l'article 3 est subordonné à la mise en service de l'installation dans un délai de dix-huit mois à compter de la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ou, lorsque cette notification est antérieure de plus de neuf mois à la date d'entrée en vigueur du présent décret, à la mise en service de l'installation dans les neuf mois suivant cette date (…) ».
Il est constant que l'installation réalisée par la SARL « ING.NET » a été mise en service dans le délai prévu par les dispositions précitées du décret du 9 décembre 2010, celle-ci étant intervenue le 9 mai 2012. Ce point est confirmé par vos services, dans le courrier en date du 3 novembre 2014.
Cependant, l'application du tarif de 0,42 €/kWh résulte, selon la CESML, de l'application de la décision de la DGEC du 27 décembre 2012, faisant suite à l'arrêt du Conseil d'Etat du 12 avril 2012, aux termes de laquelle : « (…) Les installations pour lesquelles le producteur a déposé une demande complète de raccordement dans le cadre de l'arrêté du 12 janvier 2010 et pour lesquelles la mise en service de l'installation au sens de l'arrêté du 12 janvier 2010 n'est pas intervenue avant le 11 avril 2012 inclus sont impactées par la décision du Conseil d'Etat (…). Pour ces installations, le contrat d'achat doit être conclu conformément aux dispositions de l'arrêté du 12 janvier 2010 résultant de la décision du Conseil d'Etat, soit : (…) - au tarif de 42 c€/kWh au lieu de 58 c€/kWh pour les installations situées sur un bâtiment à usage principal d'habitation lorsque le système photovoltaïque a été installé moins de deux ans après la date d'achèvement du bâtiment (…) ».
La décision de la DGEC introduit donc un critère relatif à la date de mise en service de l'installation, qui n'est pas présent dans l'arrêté du 12 janvier 2010, qui n'a été que partiellement annulé par le Conseil d'Etat. En effet, l'article 3 de cet arrêté, qui n'a pas été annulé, prévoit que : « La date de demande complète de raccordement au réseau public par les producteurs détermine les tarifs applicables à son installation ».
L'installation réalisée par la SARL « ING.NET » ayant été mise en service dans le délai prévu par le décret-moratoire du 9 décembre 2010, l'intervention de l'arrêt du Conseil d'Etat n'aurait pas dû compromettre l'obtention du tarif à 0,58 €/kWh. Le Conseil d'Etat a, d'ailleurs, confirmé, dans son arrêt, que les auteurs de l'arrêté avaient valablement prévu que « les tarifs applicables à une installation seraient déterminés par la date de demande complète de raccordement au réseau public par le producteur ».
Au surplus, le tribunal administratif de Paris, saisi par le GIE « INGESOL » par requête du 7 juin 2013, a rendu, le 1er juillet 2014, un jugement analysant la portée du courrier de la DGEC du 27 décembre 2012.
Aux termes de ce jugement, dont copie a été notifiée à vos services, le courrier du 27 décembre 2012 « procède principalement à une interprétation de l'arrêt précité du Conseil d'Etat et n'emporte, par lui-même, aucun effet de droit ». Le jugement précise également que si l'auteur de ce courrier « invite en conclusion son destinataire à se conformer à cette interprétation, cette demande n'est assortie d'aucun délai et n'indique pas les conséquences encourues dans le cas où elle ne serait pas respectée par les signataires des contrats d'achat photovoltaïques ».
Il résulte de ce jugement, non frappé d'appel et revêtu de l'autorité de la chose jugée, que les orientations définies par le courrier du 27 décembre 2012 sont dépourvues de caractère décisoire. Le refus de conclure un contrat d'achat au tarif de 0,58 €/kWh pour l'installation en cause ne peut donc être valablement motivé par le respect des prescriptions du courrier du 27 décembre 2012, jugé comme n'emportant aucun effet de droit.
Par ailleurs, il ressort du dossier de demande de permis de construire modificatif en date du 19 octobre 2012, communiqué par les intéressés, que l'extension de la caserne de pompiers de Saint-Pargoire comporte, en étage, 4 logements. Ces logements font l'objet de promesses de baux locatifs à usage d'habitation, concernant au total 5 adultes et 3 enfants, précisant explicitement que ces locaux sont « loués à usage exclusivement d'habitation, le locataire déclarant y installer sa résidence principale ». Dès lors, le seul motif tenant à l'absence d'usage d'habitation des locaux concernés, que vos services ont fait valoir dans le courrier de réponse du 3 novembre 2014 pour indiquer que l'installation ne pouvait être éligible au tarif de 0,58 €/kWh, ne peut être valablement retenu, cet usage d'habitation étant, au contraire, parfaitement démontré en l'espèce.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, rien ne s'oppose à ce que le tarif de 0,58 €/kWh soit reconnu à l'installation conçue par MM. TAL et LAPORTE, le courrier de la DGEC ne pouvant servir de base légale à un refus, et l'usage d'habitation des bâtiments ne pouvant sérieusement être contesté.
Dès lors, MM. TAL et LAPORTE sont fondés à soutenir que l'application du tarif de 0,42 €/kWh décidée par la CESML, sur le fondement du courrier de la DGEC du 27 décembre 2012, est irrégulière.