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Décision du Comité de Règlement des Différends et des Sanctions de la Commission de Régulation de l'Énergie
Le comité de règlement des différends et des sanctions (ci-après, le « comité » ou le « CoRDiS ») est saisi des faits suivants.
M. X a saisi le comité d'une demande de règlement du différend l'opposant à la société Enedis (ci-après, « Enedis » ou « le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité »), concernant l'installation du compteur électrique de l'appartement dont il est propriétaire au sein de l'immeuble d'habitation situé […].
Au cours de l'année 2022, plusieurs copropriétaires de cet immeuble d'habitation ont réalisé d'importants travaux de rénovation dans leurs appartements respectifs et ont, en conséquence, formé des demandes de raccordement auprès d'Enedis. En sa qualité de président du conseil syndical de la copropriété, M. X a organisé une visite des lieux avec des techniciens d'Enedis le 5 octobre 2022 afin de permettre l'élaboration d'une solution technique pour la création d'une nouvelle colonne montante et de déterminer l'emplacement des nouveaux compteurs à installer.
Lors de cette visite technique, M. X a demandé que le nouveau compteur de son appartement soit installé en lieu et place de l'existant, à savoir dans les parties communes, au rez-de-chaussée de l'immeuble. Toutefois, les techniciens d'Enedis, présents sur les lieux, lui ont indiqué que son nouveau compteur devait être posé dans son installation intérieure. M. X a alors demandé, par défaut, que son compteur soit installé dans le local technique de son appartement et non sur le mur intérieur récemment rénové de celui-ci.
Par un courrier du 18 août 2023, Enedis a fait parvenir à M. X un devis relatif aux travaux de raccordement de la copropriété. En sa qualité de président du conseil syndical, M. X a accepté ce devis le 5 novembre 2023, dans le délai imparti par Enedis. Il a néanmoins contesté, par des courriers des 3 mars, 1er mai et 22 mai 2024, la solution technique retenue par Enedis pour le raccordement de son appartement, avant de saisir le Médiateur national de l'énergie (ci-après, le « MNE »).
Par un courrier du 25 juillet 2024, le MNE a, notamment, recommandé à Enedis de s'accorder avec M. X sur la mise en œuvre du devis de raccordement au regard du cadre contractuel, réglementaire et normatif en vigueur, en particulier des articles 28 et 33 du cahier des charges de la concession de distribution publique d'électricité.
Par un courrier du 12 septembre 2024, Enedis a répondu, en substance, que la solution technique proposée à M. X était conforme aux normes et prescriptions en vigueur, que les travaux en cause ne pouvaient être qualifiés de « travaux de renouvellement » du fait de la création d'une colonne électrique avec l'ajout de quatre nouveaux compteurs et qu'elle n'était pas en mesure d'accepter les solutions proposées par l'expert mandaté par M. X au motif que le diamètre et la protection mécanique de la gaine, ainsi que les cheminements des dérivations individuelles dans les faux-plafonds ne respectaient pas les normes en vigueur. Enedis a ainsi proposé, d'une part, d'installer le compteur le plus près possible de la porte d'entrée du logement de M. X afin de minimiser les travaux intérieurs et, d'autre part, de prendre à sa charge la pose d'un habillage esthétique.
C'est dans ces conditions que M. X a saisi le comité d'une demande de règlement du différend l'opposant à Enedis.
Vu la procédure suivante :
Par une lettre de saisine, un mémoire en réplique et un mémoire récapitulatif, enregistrés respectivement les 23 septembre 2024, 31 octobre 2024 et 23 janvier 2025 sous le n° 15-38-24, M. X, représenté par le cabinet Juripublica agissant par Me Jérôme Marbot, demande au comité de faire droit à sa demande tendant à ce que le nouveau compteur de l'appartement dont il est propriétaire soit installé en lieu et place du compteur existant ou, à défaut, dans le local technique de son appartement en faisant passer la dérivation individuelle, nécessaire au raccordement, par les faux-plafonds de cet appartement.
M. X soutient que :
- la norme NF C14-100 sur laquelle se fonde Enedis n'est plus applicable depuis 2016 et le document Séquélec auquel elle renvoie ne constitue qu'une préconisation technique à l'égard des professionnels, inopposable aux clients ;
- son nouveau compteur doit, en application de l'article 33 du cahier des charges de la concession de distribution publique d'électricité, être installé en lieu et place du compteur existant, s'agissant d'un renouvellement de compteur à la suite de la réfection de son installation électrique, et non pas de l'installation d'un nouveau compteur rendue nécessaire par la création d'un lot de copropriété ;
- en tout état de cause, Enedis ne démontre pas en quoi les solutions alternatives qu'il a proposées ne seraient pas conformes aux normes et prescriptions en vigueur, alors qu'il a produit des attestations de professionnels certifiant que l'installation du compteur dans le local technique de son appartement avec cheminement de la dérivation individuelle dans les faux-plafonds est techniquement possible ;
- le devis établi par Enedis est relatif aux travaux de raccordement de la copropriété dans son ensemble, et non aux travaux de raccordement de son appartement, qu'il l'a ainsi signé en sa qualité de président du conseil syndical et qu'aucune annexe technique n'y était jointe, de sorte qu'Enedis ne saurait valablement prétendre qu'en signant ce devis, il aurait accepté la solution technique retenue pour le raccordement de son appartement ;
- aucune solution alternative n'a été proposée à M. X par Enedis, l'habillage esthétique consenti en dernier lieu ne permettant pas d'éviter le percement du mur intérieur de son appartement, qui a fait l'objet d'une réfection validée et subventionnée par l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ci-après, l'« ANAH ») s'agissant d'une cloison en lattis, non isolée, dont le percement créerait un pont thermique contraire aux objectifs poursuivis par l'ANAH.
Par deux mémoires en défense, enregistrés respectivement les 15 octobre 2024 et 22 novembre 2024, Enedis, représentée par le cabinet Franklin agissant par Me Jérôme Michel, demande au comité de rejeter l'ensemble des demandes formées par M. X.
Enedis fait valoir que :
- le devis et la solution technique proposés par Enedis et signés par la copropriété, représentée par M. X en qualité de président du conseil syndical, s'imposent et sont opposables à la copropriété et aux différents copropriétaires concernés ;
- elle est tenue, en qualité de gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, d'exploiter des ouvrages conformes aux normes en vigueur, de sorte que la création d'une colonne montante et l'installation de nouveaux compteurs et dérivations individuelles doivent respecter les règles issues de la norme NF C 14-100 applicable à la pose d'un nouveau compteur, en particulier ses rubriques 8 et 9 ;
- l'impossibilité d'ajouter de nouveaux compteurs dans la copropriété est justifiée par des normes techniques, dès lors que l'alimentation électrique ne peut plus s'opérer par des branchements « en cascade », que l'utilisation d'un répartiteur en fonte, tel que celui installé dans la copropriété, n'est plus autorisée et que les travaux de rénovation de l'immeuble réalisés par la copropriété ont rendu l'emplacement du répartiteur actuel, à proximité de canalisations d'eau, non conforme aux normes en vigueur ;
- la solution technique retenue pour le raccordement de l'appartement de M. X est la seule solution technique envisageable en application des normes techniques en vigueur et des exigences de sécurité requises, de sorte que l'alternative proposée par Enedis préalablement à la saisine du CoRDiS était purement esthétique et ne conduisait pas à la mise en œuvre d'une autre solution technique.
Par un courrier du 13 décembre 2024, une mesure d'instruction a été diligentée à l'égard d'Enedis, laquelle y a apporté des éléments de réponse le 20 décembre 2024.
Par une décision du 13 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2025 à 12 heures.
Par des courriers des 24 et 27 janvier 2025, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 5 février 2025 à 10 heures.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Tuot, président, Mme Poillot-Peruzzetto, Mme Salomon et M. Seban, membres, qui s'est tenue le 5 février 2025, en présence de :
- Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
- Mme Markarian, rapporteure ;
- M. X, assistant à la séance par visioconférence, avec l'accord d'Enedis ;
- les représentants de la société Enedis, assistés par Me Michel et Me Raveendran.
Après avoir entendu :
- le rapport de Mme Markarian, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de M. X ;
- les observations de Me Michel pour la société Enedis et de ses représentants.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, la rapporteure, le public et les agents des services se sont retirés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique ;
- le cahier des charges de concession pour le service public du développement et de l'exploitation du réseau public de distribution d'électricité et de la fourniture d'énergie électrique aux tarifs réglementés de vente conclu entre le SDEPA, Enedis et EDF ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 9 décembre 2024 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'une rapporteure pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le n° 15-38-24.
Sur le fond :
- En premier lieu, aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 121-1 du code de l'énergie : « Matérialisant le droit de tous à l'électricité, produit de première nécessité, le service public de l'électricité est géré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d'efficacité économique, sociale et énergétique ». Aux termes de l'article L. 322-2 de ce code : « Le gestionnaire d'un réseau public de distribution d'électricité exerce ses missions dans les conditions fixées par un cahier des charges pour les concessions ou un règlement de service pour les régies ». Aux termes de l'article L. 322-8 du même code : « Sans préjudice des dispositions du sixième alinéa du I de l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales, un gestionnaire de réseau de distribution d'électricité est, dans sa zone de desserte exclusive, notamment chargé, dans le cadre des cahiers des charges de concession et des règlements de service des régies : 1° De définir et de mettre en œuvre les politiques d'investissement et de développement des réseaux de distribution afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs […] ; 2° D'assurer la conception et la construction des ouvrages ainsi que la maîtrise d'œuvre des travaux relatifs à ces réseaux […] ; 4° D'assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, le raccordement et l'accès à ces réseaux […] ; 6° D'exploiter ces réseaux et d'en assurer l'entretien et la maintenance […] ». Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au gestionnaire d'un réseau public de distribution d'électricité de permettre, dans sa zone de desserte exclusive, le raccordement des installations des consommateurs conformément aux stipulations du cahier des charges de la concession de distribution d'électricité applicable et de manière objective, transparente et non discriminatoire.
- En second lieu, aux termes de l'article L. 342-1 du code de l'énergie : « Le raccordement d'un utilisateur aux réseaux publics comprend, selon le cas, de manière combinée ou séparée, la création d'ouvrages d'extension, la création d'ouvrages de branchement en basse tension ou le renforcement des réseaux existants. / Les ouvrages de raccordement relèvent des réseaux publics de transport et de distribution. / Leur consistance est précisée par voie réglementaire ». Aux termes de l'article L. 323-12 de ce code : « Les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire le transport et la distribution d'électricité en ce qui concerne la sécurité sont fixées par voie réglementaire ». A cet égard, l'article R. 323-23 du même code prévoit que : « Les ouvrages des réseaux publics d'électricité, qui comprennent le réseau public de transport d'électricité, les réseaux publics de distribution d'électricité et les réseaux de distribution d'électricité aux services publics ainsi que les ouvrages des lignes directes sont exécutés sous la responsabilité du maître d'ouvrage dans le respect de la réglementation technique, des normes et des règles de l'art en vigueur ainsi que, pour les réseaux publics, dans le respect des prescriptions complémentaires mentionnées par les cahiers des charges de concession et les règlements de service des réseaux précités ou annexées à ceux-ci ». En outre, l'article R. 323-24 dudit code précise que : « Les conditions techniques de sécurité mentionnées à l'article L. 323-12 sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'énergie ». Enfin, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 17 mai 2001 fixant les conditions techniques auxquelles doivent satisfaire les distributions d'énergie électrique : « Les dispositions techniques adoptées pour les ouvrages, ainsi que les conditions de leur exécution et de leur entretien, doivent être conformes aux règles de l'art ; elles doivent assurer d'une façon générale le maintien de l'écoulement des eaux, de l'accès des maisons et des propriétés, des télécommunications, de la sécurité et de la commodité de la circulation sur les voies publiques empruntées, la sauvegarde de la flore, de la faune et des paysages, la sécurité des services publics, la sécurité des personnes et la santé publique ». Il résulte de ces dispositions que le raccordement d'un utilisateur au réseau public de distribution d'électricité est effectué dans le respect de la réglementation technique, des normes et des règles de l'art en vigueur ainsi que des prescriptions complémentaires mentionnées dans le cahier des charges de la concession de distribution d'électricité applicable afin d'assurer, notamment, la sécurité des personnes.
- En l'espèce, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les travaux réalisés par les copropriétaires de l'immeuble d'habitation en cause impliquent l'installation de quatre nouveaux compteurs électriques ainsi que, par voie de conséquence, la création d'une nouvelle colonne montante. Il s'ensuit que l'opération de raccordement devant être mise en œuvre par le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité ne consiste pas dans le renouvellement d'un compteur au sein d'une installation intérieure visé à l'article 33 du cahier des charges de la concession de distribution d'électricité applicable, mais dans la création de nouveaux branchements conformément aux articles 6 et 29 de ce cahier des charges. M. X ne saurait ainsi utilement se prévaloir, au soutien de sa demande, des stipulations de l'article 33 dudit cahier des charges.
- D'autre part, il résulte de l'instruction et des déclarations des parties lors de la séance publique du 5 février 2025 que l'opération de raccordement en cause implique, pour M. X, l'installation d'un nouveau compteur à l'intérieur de son appartement, en remplacement du compteur existant situé dans les parties communes. Il résulte, en outre, des engagements pris par les parties en séance que ce nouveau compteur sera placé à l'intérieur de l'appartement de M. X, dans le couloir après la porte d'entrée, et qu'il fera l'objet d'un habillage esthétique raisonnable à la charge d'Enedis. M. X s'estime, dans ces conditions, rempli de ses droits.
- Le comité constate qu'il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer sur la demande de M. X tendant à ce que le nouveau compteur de l'appartement dont il est propriétaire soit installé en lieu et place du compteur existant ou, à défaut, dans le local technique de son appartement en faisant passer la dérivation individuelle nécessaire au raccordement par les faux-plafonds de cet appartement.
Décide :
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