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Décision du Comité de Règlement des Différends et des Sanctions
Le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) est saisi des faits suivants.
Mme D. est propriétaire de la parcelle cadastrée section A n° 661 (la « parcelle 661 ») située dans la commune de […]. Elle est, notamment, bénéficiaire d'un permis de construire PC […] délivré le 31 août 2020 pour la construction d'une habitation sur cette parcelle.
Le 30 décembre 2022, elle a formulé auprès de la société Enedis une demande de raccordement n° 2211C5E201285 pour la parcelle 661.
En réponse à cette demande de raccordement, la société Enedis a transmis à Mme D. une étude reposant sur une solution technique préconisant une extension de réseau par le sud de la parcelle 661, c'est-à-dire par passage dans la parcelle 1777 appartenant à la commune de […] et un point de raccordement au droit de la parcelle 662, également propriété de la commune.
Le 19 juin 2023, le Syndicat audois d'énergies et du numérique (SYADEN), autorité organisatrice de la distribution d'énergie (« AODE »), après avoir reçu une nouvelle proposition de la société Enedis prévoyant un passage du réseau sur des parcelles privées, cette fois par le nord de la parcelle 661, a transmis à Mme D. un devis d'extension du réseau. La proposition financière mettait à la charge de Mme D. 60 % du coût des travaux d'extension, soit la somme de 13 470 euros.
Le SYADEN a justifié cette proposition en raison du refus de la commune d'accorder la servitude de réseau nécessaire au passage par la parcelle 1777 et d'autoriser le branchement par le sud de la parcelle 661 avec un point de raccordement au droit de la parcelle 662.
Mme D. a refusé cette proposition.
Le 20 juillet 2023, elle a saisi le Médiateur national de l'énergie (« MNE ») en vue d'une médiation avec la société Enedis.
Le 9 août 2023, elle a demandé la prise en charge, par la commune de […], des frais d'extension du réseau électrique pour la construction objet du permis de construire PC […].
Le 8 septembre 2023, la demanderesse a contesté le devis du SYADEN, qui a rejeté implicitement sa demande le 8 novembre 2023.
Le 9 octobre 2023, le maire de la commune de […] a rejeté la demande de Mme D. de prise en charge, par la commune, des frais d'extension du réseau électrique.
Le 1er décembre 2023, Mme D. a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cette décision.
Elle a également saisi, en référé, cette juridiction d'une demande de suspension de la décision de la commune du 9 octobre 2023, qui a été rejetée par une ordonnance du 22 janvier 2024.
Le 8 janvier 2024, Mme D. a formé une demande de raccordement provisoire auprès de la société Enedis visant à desservir les deux chantiers de construction liées au permis de construire PC […] et à un autre permis de construire dont elle est bénéficiaire PC […].
Le 12 janvier 2024, Enedis a porté la demande de raccordement provisoire de Mme D. à la connaissance du maire de la commune de […], qui a refusé d'autoriser l'opération, arguant du fait que les permis de construire transmis par Enedis à l'appui de cette demande n'autorisaient qu'un raccordement par le nord de la parcelle 661.
Le 21 février 2024, Mme D. a réitéré sa demande auprès de la société Enedis.
Le 6 mars 2024, celle-ci s'est à nouveau opposée à cette demande au motif que le coffret de branchement provisoire se situe à plus de 100 mètres du point de raccordement au réseau public de distribution.
Le 28 mars 2024, le MNE a émis une recommandation par laquelle il a demandé à la société Enedis de :
- fournir des explications sur les travaux d'extension réalisés par le SYADEN au sud de la parcelle et d'examiner la possibilité de raccorder la parcelle de Mme D. via cette extension ;
- organiser une réunion sur site avec Mme D. dans un délai court, en présence de représentants de la mairie et du SYADEN, afin d'évaluer la possibilité d'une solution alternative moins complexe et moins onéreuse ;
- contacter Mme D. sans délai pour répondre à sa demande de raccordement provisoire ;
- verser à Mme D. une compensation de 300 € TTC en raison du suivi insatisfaisant du dossier.
Le 16 mai 2024, la société Enedis a répondu au MNE que son refus de raccordement provisoire était lié au refus de la commune d'accorder une servitude et qu'elle verserait à Mme D., dans le cadre de la médiation, la somme unique de 300 euros TTC. La société Enedis a, par ailleurs, invité Mme D. à se rapprocher du SYADEN.
Le 26 juin 2024, Mme D. a formé une nouvelle demande de raccordement provisoire auprès de la société Enedis, qui l'a refusée le 28 juin 2024 au motif que le coffret de chantier se trouve à plus de 150 mètres du point de raccordement au réseau public de distribution.
Le 1er juillet 2024, Mme D. a saisi le CoRDiS d'une demande de règlement de différend assortie d'une demande de mesures conservatoires, demandant au comité d'enjoindre à la société Enedis de procéder au raccordement, a minima provisoire, de son habitation en cours de construction.
Par une décision du 23 juillet 2024, le comité, statuant sur la demande de mesures conservatoires, a dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme D. sur le fondement des engagements pris par les parties au cours de la séance publique, en particulier celui de la société Enedis de dépêcher sur les lieux une équipe de ses agents et de présenter à Mme D. une proposition de raccordement provisoire de la parcelle 661, dans un délai de dix jours suivant la notification de la décision du comité, sous réserve des droits des tiers et en considération de l'acte notarié de constitution de servitudes des 11 août et 8 septembre 2016 invoqué par Mme D.
Mme D. a, ultérieurement, été informée par la société Enedis de ce que le branchement provisoire de sa parcelle était techniquement réalisable par le sud, un coffret REMBT ayant été récemment installé par le SYADEN.
Par un courriel du 6 août 2024, la société Enedis a informé Mme D. qu'elle était contrainte de ne pas mettre en place le raccordement provisoire demandé, en raison d'un nouveau refus du maire de […] du 2 août 2024 s'opposant à la levée des conditions techniques nécessaires à la réalisation de cette solution.
Par une décision du 6 septembre 2024, le comité, statuant sur une nouvelle demande de mesures conservatoires déposée par Mme D. le 14 août 2024, a dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de Mme D. sur le fondement des engagements pris par les parties au cours de la séance publique, compte tenu, en particulier, de la décision prise devant lui par le maire de la commune de […] qui a, au cours de la séance publique du comité du 4 septembre 2024, accepté de retirer sa décision d'opposition du 2 août 2024 et a donné son accord à Enedis et à Mme D. pour qu'il soit procédé au raccordement provisoire demandé par celle-ci via le sud de la parcelle 661, en précisant que cet accord, emportant les facultés usuelles d'accès et de passage, ne concernait que l'opération de raccordement provisoire et ne préjugeait en rien des conditions du raccordement définitif de cette parcelle.
Vu la procédure suivante :
Par une saisine enregistrée sous le numéro 08-38-24 le 1er juillet 2024, Mme D. demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures :
- d'enjoindre à la société Enedis de mettre à la charge de la commune de […] les éventuels frais d'extension de réseau si ceux-ci étaient nécessaires et ce, quelle que soit la solution technique retenue par la société Enedis ;
- d'enjoindre à la société Enedis d'étudier sa demande de branchement direct sans extension de réseau et de lui transmettre une offre de raccordement qui soit conforme à l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 en ce qu'elle représente l'opération de raccordement qui minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement ;
- d'enjoindre à la société Enedis de diligenter toutes démarches nécessaires pour l'obtention de servitudes de réseaux et, en cas de besoin, de demander à l'autorité administrative compétente de déclarer la servitude d'utilité publique ;
- d'enjoindre à la société Enedis d'étudier la demande de raccordement provisoire et de procéder audit raccordement sans délai ;
- d'enjoindre à la société Enedis de réaliser les travaux dans les délais impartis dans l'hypothèse où elle signerait l'offre de raccordement une fois que celle-ci lui aura été transmise ;
- d'enjoindre à Enedis d'exécuter ces injonctions dans un délai de 30 jours ;
- d'assortir ces injonctions adressées à la société Enedis d'une astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai, y compris en cas de retard pris dans l'exécution des travaux à la suite de la signature d'un éventuel devis par elle-même.
Mme D. soutient que :
- l'article 7.2.4.2 de la procédure Enedis-PRO-RAC_21E prévoit que le montant de la contribution pour le raccordement de l'installation à la charge du demandeur peut exclure les coûts de l'extension hors du terrain d'assiette de l'opération (TAO) si la demande de raccordement remplit les deux conditions cumulatives suivantes : une autorisation d'urbanisme a été délivrée avant le 10 septembre 2023 et la contribution à l'extension n'a pas été mise à la charge du demandeur par cette même autorité administrative dans l'autorisation qu'elle a délivrée ; qu'en l'espèce, ces deux conditions sont réunies puisque le permis de construire a été obtenu le 20 juillet 2022 et que l'arrêté de permis de construire ne mentionne pas mettre à sa charge le financement d'une extension de réseau ; que l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme prévoit que : « en ce qui concerne le réseau électrique, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition est redevable de la part de contribution prévue au troisième alinéa du II de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, correspondant au branchement et à la fraction de l'extension du réseau située sur le terrain d'assiette de l'opération, au sens de cette même loi et des textes pris pour son application » ; que, si la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 a supprimé l'alinéa 2 de l'article L. 342-11-1 du code de l'énergie, la délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n° 2023-300 du 22 septembre 2023 a précisé que les décisions d'urbanisme qui ont été demandées et délivrées avant le 10 septembre 2023 sont intervenues dans un cadre juridique qui prévoyait encore la contribution des collectivités en charge de l'urbanisme (CCU) pour la part des coûts d'extension situés hors du terrain de l'opération de raccordement ; que, par ailleurs, la jurisprudence administrative retient qu'ont le caractère d'équipements publics mis à la charge de la commune les équipements propres à l'opération qui empruntent des emprises publiques lorsque le raccordement excède cent mètres ; que, par conséquent, si la société Enedis retient une solution prévoyant une extension de réseau, les éventuels frais d'extension devront être mis à la charge de la commune de […] ;
- en vertu de la délibération n° 2019-275 de la CRE, le Gestionnaire de réseaux de distribution (GRD) doit proposer au demandeur de raccordement l'Opération de raccordement de référence (ORR) telle que définie par l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 qui prévoit que l'ORR « représente l'opération de raccordement qui minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1er et 2 du décret du 28 août 2007 (…) » ; que la solution technique initiale de la société Enedis préconisait une extension de réseau de 140 mètres par le sud de la parcelle avec extension de réseau sur la parcelle 1777 appartenant à la mairie et un point de raccordement au droit de la parcelle 662, également propriété de la mairie ; que la société Enedis, après le refus de la mairie d'accorder la servitude de réseaux, a proposé un raccordement par le nord de la parcelle, qui prévoit une extension de 165 mètres sur des parcelles privées n'appartenant ni à Mme D. ni à la mairie et dont les propriétaires auraient, par ailleurs, refusé la servitude de réseaux ; qu'une extension de réseau a été réalisée pour le compte de la mairie avec la mise en place d'un coffret REMBT positionné au droit du surpresseur d'eau implanté sur la parcelle 662, soit à 18 mètres de sa parcelle ; que le MNE avait demandé à la société Enedis de se rapprocher du SYADEN pour étudier une solution de raccordement sur ce coffret REMBT puisque dans ces conditions aucune extension de réseau ne serait à réaliser pour raccorder la parcelle 661 et qu'un branchement direct suffirait ;
- le code de l'énergie en son article L. 323-3 prévoit que les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d'électricité peuvent être, sur demande du concédant ou du concessionnaire, déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative ; que par deux décisions, le CoRDiS a déjà pu rappeler que : « Dans l'hypothèse d'un refus des propriétaires de signer une telle convention, il incombe au seul gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité de demander que les travaux nécessaires à l'établissement et à l'entretien des ouvrages de distribution d'électricité soient déclarés d'utilité publique par l'autorité administrative compétente, sans que le demandeur n'ait à engager de démarches auprès des juridictions compétentes pour assurer le respect de ses droits » ; qu'il est établi que l'extension du réseau litigieuse constituait bien un équipement public faisant partie intégrante du réseau public de distribution conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement établie par la société Enedis, à qui il appartient donc, en sa qualité de concessionnaire, de diligenter les démarches nécessaires à l'établissement des servitudes et de procéder, si nécessaire, à la déclaration d'utilité publique en cas de refus des propriétaires des parcelles traversées ;
- elle a déposé une demande de raccordement provisoire pour pouvoir poursuivre l'exécution des travaux de son habitation et qu'Enedis a refusé cette demande en expliquant, d'abord, que le refus était basé sur l'impossibilité technique de réaliser le branchement à l'endroit demandé, avant d'invoquer un autre motif en expliquant que le maire de […] s'était opposé à ce branchement provisoire par deux décisions en date du 12 janvier 2024 et du 2 août 2024 ; que, néanmoins, par un courriel du 12 janvier 2024, Enedis informait la mairie de la demande de raccordement provisoire en l'invitant, en cas d'opposition de sa part à ce branchement provisoire, à lui adresser par écrit ou par retour de courriel dans un délai de 72h, une injonction au titre de son pouvoir en matière de police générale devant obligatoirement mentionner les articles L. 2212-1 et/ou L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ; que les décisions du maire susvisées ne mentionnent en aucun cas les articles L. 2212-1 et/ou L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et doivent être considérés comme nulles et non-avenues.
Par un mémoire en défense et un mémoire récapitulatif, enregistrés les 6 septembre et 2 octobre 2024, la société Enedis, représentée par ses représentants légaux et ayant pour avocat Me Michel, cabinet Franklin, demande au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le dernier état de ses écritures, de rejeter l'ensemble des demandes formulées par Mme D.
La société Enedis fait valoir que :
- la situation parcellaire de Mme D. au moment de sa première demande de raccordement le 30 décembre 2022 ne permettait pas de branchement direct et a conduit Enedis à proposer une extension de réseau initialement par le sud, puis par le nord des parcelles concernées ;
- ce n'est qu'après cette première demande qu'une extension de réseau a été créée par le SYADEN pour alimenter un surpresseur d'eau à la demande de la mairie ; que cet ouvrage a été mis en service par Enedis en février 2024 ; que la première offre de raccordement proposée à Mme D. avec extension par le sud, puis celle proposée à Mme D. avec extension par le nord, étaient donc justifiées ;
- une offre de raccordement par le sud apparaît, en l'état actuel des choses, inutile compte tenu de l'opposition à laquelle elle se heurte de la part de la mairie ; qu'à cet égard, Enedis est tiers aux différends qui semblent opposer Mme D. à la mairie et ne peut, en tout état de cause, passer outre une éventuelle opposition de cette dernière, que seule Mme D. aurait dans ce cas à contester ; qu'une telle offre ne pourra donc être étudiée que si la mairie cessait de s'y opposer ; qu'une offre de raccordement par le nord est en revanche opérationnelle et viable, dans le respect des règles et normes applicables ;
- il pourrait être contreproductif et plus coûteux pour Mme D., de procéder aujourd'hui au raccordement correspondant à ses deux premières demandes, s'il fallait peu après y ajouter un troisième raccordement, transformant l'ensemble en branchement collectif ;
- le moyen tiré d'une dénaturation des pièces du dossier par Enedis et la commune est infondé et doit être rejeté puisque Mme D. ne peut régulièrement se prévaloir des modalités de raccordement qu'elle a proposées dans sa demande de permis de construire, lesquelles ne revêtent qu'un caractère indicatif et sont, donc, nécessairement soumises à l'examen et à la validation finale de la société Enedis ;
- elle est alignée sur les observations formulées par le SYADEN dans le cadre de la demande de mesures conservatoires n° 07-38-24 et de la demande de règlement de différend n° 08-38-24 selon lesquelles, conformément à l'arrêté de permis de construire PC […], les frais de raccordement aux réseaux et d'extension non pris en charge par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) sont à la charge du demandeur ;
- il ne revient aucunement à la société Enedis de demander à l'autorité administrative compétente de déclarer d'utilité publique la servitude nécessaire au raccordement de sa parcelle par la sud car c'est le SYADEN, maître d'ouvrage, qui est seul en charge et compétent pour la réalisation de l'extension de réseau ; qu'il ressort de surcroît de la décision du CoRDiS n° 17-38-21 que les dispositions de l'article L. 323-3 du code de l'énergie concernent la nécessité de l'implantation d'ouvrages de réseau public sur le domaine privé en vue de la réalisation des missions de service public assignées par la loi au gestionnaire de ce réseau, afin d'entretenir le réseau et d'assurer la sécurité de son fonctionnement ; que Mme D. n'est à l'évidence pas chargée de l'exécution d'une mission de service public de distribution d'électricité et que son extension de réseau n'a pas pour objet l'implantation d'un ouvrage public mais constitue une opération d'intérêt purement privé ;
- si Mme D. veut se prévaloir de l'existence d'une servitude de réseau à son profit sur la parcelle 662 pour soutenir que le refus de la mairie de laisser passer le raccordement sur cette parcelle 662 contreviendrait à cette servitude, d'une part, il ressort de l'acte notarié concerné que Mme D. bénéficie d'une servitude de « canalisation » sur la parcelle A662 et non d'une servitude de réseaux et, d'autre part, qu'en tout état de cause, quand bien même la servitude dont se prévaut Mme D. existerait et couvrirait une extension de réseau, il n'appartient ni à Enedis ni au SYADEN de s'en prévaloir pour outrepasser une opposition de la mairie, propriétaire de la parcelle concernée ;
- la décision du maire s'impose à Enedis tant qu'elle n'a pas été annulée par la juridiction administrative conformément au privilège du préalable et à la force obligatoire de l'acte administratif unilatéral, le caractère exécutoire des décisions administratives étant la règle fondamentale du droit public.
Par des observations définitives enregistrées le 30 septembre 2024, le SYADEN, représenté par son directeur général M. T., demande au CoRDiS :
- d'approuver la solution technique et financière de référence déterminée par le SYADEN à l'appui de l'étude du concessionnaire Enedis et prescrite via le nord de la parcelle, conformément au permis de construire délivré, pour permettre un accès transparent et non discriminatoire au réseau public d'électricité au profit de la requérante ;
- de confirmer la prise en charge par la pétitionnaire de la part de l'extension électrique nécessaire à son raccordement.
Le SYADEN soutient que :
- le permis de construire PC […] délivré le 31 août 2020 résultait, notamment, d'un plan de masse comportant un raccordement aux réseaux par le nord de la parcelle ; que la demanderesse, en parallèle des démarches qu'elle a effectuées auprès de la société Enedis et du SYADEN relatives au permis PC […], a déposé une nouvelle demande de permis de construire et obtenu un certificat de permis tacite n° PC 011 332 23 10003 pour la parcelle 332 A 661 ; que Mme D. a effectué l'ensemble des demandes de raccordement en fournissant le PC […] ; que ce permis de construire n'a jamais fait mention d'un raccordement par le sud de la parcelle ; que dès lors, la solution technique autorisée par la commune et préconisée par le GRD Enedis, eu égard au contexte de raccordement du projet lié au PC […] délivré le 31 août 2020, s'imposait au SYADEN comme la solution de référence ;
- en toutes hypothèses, l'obtention d'un raccordement provisoire par le sud de la parcelle par la requérante pour l'une ses autorisations d'urbanisme ne préjuge en rien de la solution technique et financière de référence qui a été validée par le SYADEN et ENEDIS conformément aux prescriptions issues des autorisations d'urbanisme, via le nord de la parcelle ;
- l'arrêté accordant le permis de construire PC […] précisait en son article 2 que tous les frais de raccordement aux divers réseaux publics devaient rester à la charge du demandeur ; que ce permis de construire est devenu définitif ; que conformément à la règlementation en vigueur appliquée au cas d'espèce, le SYADEN a valablement mis à la charge du pétitionnaire la part du coût de l'extension qui n'est pas prise en charge par le TURPE et située en dehors du domaine public ;
- aux termes de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, le bénéficiaire du permis est redevable de la part de la contribution correspondant au branchement et à la fraction de l'extension du réseau situé sur le terrain d'assiette de l'opération ; qu'en l'espèce le devis correspond à un raccordement par le nord, sur des terrains appartenant à des personnes de droit privé ; que dès lors, l'extension est considérée comme ayant lieu dans le terrain d'assiette de l'opération et que la commune de […] n'est pas redevable des travaux d'extension.
Par une décision du 19 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 octobre 2024 à 12 heures.
Par des courriers électroniques des 11, 15 et 16 octobre 2024, la société Enedis, Mme D. et le SYADEN ont respectivement accepté le principe de participer à la séance publique au moyen d'une communication électronique.
Par des courriers en date du 9 octobre 2024, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 21 octobre 2024, à 9 heures.
Par une décision du 7 octobre 2024, l'instruction a été rouverte et la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2024, à 8 heures.
Le 7 octobre 2024, une mesure d'instruction a été diligentée auprès de Mme D., de la société Enedis et du SYADEN afin que ces derniers indiquent au comité :
- l'élément, au sein du dossier de demande de permis de construire n° PC […] et de ses annexes, indiquant l'emplacement du coupe-circuit principal individuel (CCPI) et matérialisant le tracé prévu pour l'extension du réseau électrique afin de raccorder la parcelle n° 661 de Mme D. ;
- à défaut, tout autre élément indiquant le passage de l'extension du réseau électrique prévu pour le raccordement de ladite parcelle.
Par un courrier électronique du 8 octobre 2024, Mme D. a fourni des éléments de réponse à la mesure d'instruction.
Par un courrier électronique du 9 octobre 2024, la société Enedis a fourni des éléments de réponse à la mesure d'instruction.
Par un courrier du 17 octobre 2024, les parties ont été informées que la séance publique à laquelle était inscrite la demande de règlement de différend n° 08-38-24 et qui devait se tenir le 21 octobre 2024 était annulée et reportée à une date ultérieure.
Par une décision du 25 octobre 2024, l'instruction a été rouverte et la clôture d'instruction a été fixée au 11 novembre 2024, à 8 heures.
Le 25 octobre 2024, une mesure d'instruction a été diligentée auprès de Mme D., de la société Enedis et du SYADEN, invitant ces derniers :
- à indiquer au comité si le plan de masse transmis par le maire de la commune de […] est celui qui a été joint à l'appui de la demande d'obtention du permis de construire n° PC […] ;
- à transmettre au comité les trois permis de construire n° PC […], n° PC 011 332 23 10003 et n° PC 011 332 23 10002, ainsi que tous les éléments s'y rapportant et en particulier ceux ayant été transmis à l'appui de la demande de délivrance de chaque permis de construire.
Par un courrier électronique du 27 octobre 2024, Mme D. a fourni des éléments de réponse à la mesure d'instruction.
Par un courrier électronique du 29 octobre 2024, la société Enedis a fourni des éléments de réponse à la mesure d'instruction.
Par des courriers en date du 25 octobre 2024, les parties ont été informées que la séance publique se tiendrait le 18 novembre 2024, à 9 heures.
Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Thierry Tuot, président, Mme Fanélie Ducloz, M. Henri de Larosière de Champfeu et M. Laurent-Xavier Simonel, membres, qui s'est tenue par visio-conférence le 18 novembre, à 9 heures, après vérification de l'identité des parties et de leurs représentants, en présence de :
- Mme Bonhomme, directrice des affaires juridiques et représentant le directeur général empêché ;
- M. Giafferi, rapporteur ;
- Mme D. ;
- Les représentants de la société Enedis, assistés de Me Michel ;
- Les représentants du SYADEN.
Les parties ayant été informées qu'à tout moment, le président du comité peut décider de lever la séance pour qu'elle soit prorogée à une date ultérieure en cas de difficulté matérielle, notamment liée à la capacité de connexion de l'un des participants, ne permettant pas le déroulement normal de la séance ;
L'ensemble des parties ayant confirmé la bonne qualité de la liaison électronique et avoir été informé des modalités de convocation à la séance publique.
Après avoir entendu :
- le rapport de M. Giafferi, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Mme D., cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Me Michel pour la société Enedis, cette dernière persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de M. T. pour le SYADEN, ce dernier persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de M. F, Maire de la commune de […].
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré après que les parties, le rapporteur, le public et les agents des services se sont retirés.
Vu :
- le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants et R. 134-7 et suivants ;
- la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, notamment son article 27 ;
- l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2023-300 du 22 septembre 2023 portant décision sur les conditions de raccordement et d'accès des utilisateurs aux réseaux publics de distribution d'électricité ;
- la décision du 13 février 2019 portant adoption du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
- la décision du 19 septembre 2024 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 08-38-24 ;
- la décision n° 07-38-24 du 23 juillet 2024 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, statuant sur une demande de mesures conservatoires ;
- la décision n° 11-38-24 du 6 septembre 2024 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, statuant sur une demande de mesures conservatoires.
Vu les autres pièces du dossier ;
Sur la demande tendant à la présentation par la société Enedis d'une offre de raccordement de référence (ORR) minimisant les coûts de réalisation des ouvrages de raccordement passant par un raccordement par le sud de sa parcelle :
- Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2007 fixant les principes de calcul de la contribution mentionnée aux articles 4 et 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, une opération de raccordement est « un ensemble de travaux sur le réseau public de distribution et, le cas échéant, sur les réseaux publics d'électricité auquel ce dernier est interconnecté : (i) nécessaire et suffisant pour satisfaire l'évacuation ou l'alimentation en énergie électrique des installations du demandeur à la puissance de raccordement demandée ; (ii) qui emprunte un tracé techniquement et administrativement réalisable, en conformité avec les dispositions du cahier des charges de la concession ou du règlement de service de la régie ; (iii) et conforme au référentiel technique publié par le gestionnaire du réseau public de distribution. L'opération de raccordement de référence représente l'opération de raccordement qui minimise la somme des coûts de réalisation des ouvrages de raccordement énumérés aux articles 1er et 2 du décret du 28 août 2007 susvisé, calculé à partir du barème mentionné à l'article 2 ».
- Il résulte de l'instruction que, dans un premier temps, la société Enedis a transmis, le 10 avril 2023, au SYADEN une étude faisant état d'une solution technique préconisant une extension de réseau par le sud de la parcelle 661, c'est-à-dire avec passage par la parcelle 1777 appartenant à la commune de […] et un point de raccordement au droit de la parcelle A662 appartenant également à la commune. Dans un second temps, toutefois, la société Enedis a décidé de ne pas donner suite à cette étude en raison de l'opposition de la commune de […] au passage sur ses propriétés.
- Les échanges au cours de la séance publique du comité, entre les parties et le maire de la commune de […], représentant cette commune, ont établi, d'une part, que le plan de masse annexé au permis de construire n° PC […] prévoyait un raccordement de la parcelle 661 par le nord de celle-ci, ce que Mme D. admet et, d'autre part, que le maire de la commune s'en tient à l'application de l'arrêté municipal du 31 août 2020 délivrant le permis de construire en cause en considération du plan de masse transmis par Mme D. lors de sa demande initiale, laquelle prévoyait un raccordement de la parcelle 661 par le nord de celle-ci.
- Il résulte de l'instruction que la solution de raccordement par le sud de la parcelle 661 de Mme D., initialement proposée par la société Enedis, est techniquement réalisable, ainsi qu'en atteste la délivrance, par la commune de […], de deux certificats de permis de construire tacites, devenus définitifs, pour lesquels les plans de masse annexés par la pétitionnaire à ses demandes ont prévu des raccordements au réseau public par le sud de cette parcelle et ayant permis la construction de deux autres ouvrages sur la même parcelle 661. Toutefois, Mme D., alors qu'il lui est loisible de le faire, n'a pas saisi la commune d'une demande de modification du permis de construire du 31 août 2020, en cause, tendant à ce qu'il prévoit désormais un raccordement par le sud de la parcelle 661 de l'ouvrage dont il autorise la construction.
- En l'état du dossier soumis au comité, l'opposition actuelle de la commune de […] à un raccordement par le sud de la parcelle 661, fondée sur le permis de construire en vigueur qu'elle a délivré sur le fondement d'un plan de masse prévoyant un raccordement par le nord de la parcelle, s'impose à la société Enedis. Celle-ci est, en conséquence, fondée à ne proposer, dans les circonstances actuelles de l'espèce qu'une offre de raccordement de référence reposant sur un raccordement par le nord de la parcelle, selon la solution décrite dans le devis transmis à Mme D. par le SYADEN le 19 juin 2023.
- Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme D. tendant à ce que soit enjoint à la société Enedis la présentation d'une offre de raccordement de référence prévoyant un raccordement par le sud de sa parcelle 661 ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande tendant à la prise en charge des frais d'extension de réseau éventuels par Collectivité en Charge de l'Urbanisme (CCU) : - Aux termes du 1° de l'article L. 342-11 du code de l'énergie, dans sa rédaction en vigueur du 30 décembre 2014 au 10 septembre 2023, applicable au litige : « La part de contribution correspondant à l'extension située hors du terrain d'assiette de l'opération reste due par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d'urbanisme ».
- Aux termes de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme : « L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes. / Toutefois, en ce qui concerne le réseau électrique, le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition est redevable de la part de la contribution prévue au troisième alinéa du II de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, correspondant au branchement et à la fraction de l'extension du réseau située sur le terrain d'assiette de l'opération, au sens de cette même loi et des textes pris pour son application. / L'autorisation peut également, avec l'accord du demandeur et dans les conditions définies par l'autorité organisatrice du service public de l'eau ou de l'électricité, prévoir un raccordement aux réseaux d'eau ou d'électricité empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve que ce raccordement n'excède pas cent mètres et que les réseaux correspondants, dimensionnés pour correspondre exclusivement aux besoins du projet, ne soient pas destinés à desservir d'autres constructions existantes ou futures. […] ».
- Le différend porte sur une opération de raccordement avec extension du réseau. Or, il résulte de la combinaison des textes cités plus haut, d'une part, que le terrain d'assiette de l'opération correspond à l'ensemble des parcelles ou voies privées sur lesquelles porte cette opération, y compris celles qu'il est nécessaire de traverser pour atteindre le réseau public existant et, d'autre part, que les frais des travaux d'extension du réseau réalisés sur le terrain d'assiette de l'opération sont à la charge du bénéficiaire de l'autorisation de construire.
- En l'espèce, il résulte de l'instruction que l'extension à réaliser pour raccorder la parcelle 661 de Mme D. au réseau public de distribution d'électricité, dans les conditions prévues par le devis d'extension du SYADEN du 19 juin 2023, se situe sur le terrain d'assiette de l'opération de raccordement.
- Dans ces conditions, la demande de Mme D. tendant à ce que le CoRDiS décide que les frais des travaux d'extension du réseau devront être mis à la charge de la commune de […] ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande tendant à l'établissement d'une convention de servitude ou d'une déclaration d'utilité publique par la société Enedis : - Il résulte de ce qui précède que la demande de Mme D. tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis de rechercher la déclaration d'utilité publique des travaux permettant le passage de l'extension du réseau électrique afin de raccorder sa parcelle 661 par le sud de cette dernière, ne peut qu'être rejetée.
Sur la demande de mesures conservatoires : - Il résulte des deux décisions du CoRDiS n° 07-38-24 du 23 juillet 2024 et n° 11-38-24 du 6 septembre 2024, que ce dernier a constaté, sur le fondement des engagements pris devant lui par les parties et par le maire de la commune de […], qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur la demande de mesures conservatoires de Mme D. Mme D. a confirmé, lors de la séance publique du CoRDiS s'étant tenue le 18 novembre 2024, que le raccordement provisoire de sa parcelle est désormais effectif et opérationnel.
- Le comité constate, donc, qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de Mme D. tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Enedis d'étudier sa demande de raccordement provisoire et de procéder audit raccordement sans délai.
Décide :
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