Vu les observations en défense, enregistrées le 7 juin 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, M. François ABKIN, et ayant pour avocat Me Frédéric SCANVIC, 25, avenue Marceau, 75116 Paris.
La société ERDF indique que, par un courrier en date du 3 novembre 2010, la société Tout-en-Solaire, mandataire de M. Jérôme DÉPRÉ, a été informée de ce qu'une étude technique détaillée du projet de centrale photovoltaïque était nécessaire.
Elle reconnaît qu'en l'espèce les études de raccordement de l'installation de production photovoltaïque entraient dans le champ du délai de six semaines qui expirait le 12 octobre 2010, qui n'a pas été respecté.
La société ERDF indique que la proposition de raccordement a été émise le 15 novembre 2010 et précise que ce n'est que par un envoi du 3 décembre 2010 que le mandataire de M. Jérôme DÉPRÉ a notifié à la société ERDF son acceptation de la proposition de raccordement signée le 25 novembre 2010.
Elle soutient que M. Jérôme DÉPRÉ peut difficilement invoquer une quelconque conséquence négative de son retard sur ses chances qui n'ont été compromises que par l'inertie de son propre mandataire.
La société ERDF considère avoir valablement constaté que le projet de M. Jérôme DÉPRÉ tombait dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010, l'accord de ce dernier sur la proposition de raccordement ayant été adressé postérieurement au 1er décembre 2010.
Elle estime qu'il n'appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions de se prononcer sur la légalité du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF précise sur ce dernier point que la décision du comité de règlement des différends et des sanctions en date du 29 avril 2011, suspendant l'instruction des demandes de règlement de différends mettant en cause l'application du décret du 9 décembre 2010 jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat, confirme son analyse.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions :
― de rejeter la demande de M. Jérôme DÉPRÉ ;
― subsidiairement, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat quant à la légalité du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 21 juin 2011, présentées par M. Jérôme DÉPRÉ.
M. Jérôme DÉPRÉ soutient que la société ERDF ne peut pas affirmer dans le même temps qu'elle a délivré une proposition de raccordement avec un mois et trois jours de retard et que l'acceptation en date du 25 novembre 2010 est fautive, alors surtout qu'elle a été validée dans un délai raisonnable.
Il précise que le chèque d'acompte de 1 190,09 euros a bien été encaissé et que les travaux d'installation du site de production sont terminés depuis le 14 mars 2011.
M. Jérôme DÉPRÉ invoque que l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles résultant de l'article 1134 du code civil implique, selon la jurisprudence judiciaire, une obligation d'information entre les parties dans leurs rapports précontractuels et contractuels.
M. Jérôme DÉPRÉ estime que cette obligation existerait, d'autant plus, dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution et que les dispositions de l'article 5 du décret du 13 mars 2003, selon lesquelles l'« étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire », mettent à la charge de la société ERDF une telle obligation d'information.
Il soutient que la société ERDF, ayant connaissance de l'imminence du décret et de sa remise en cause profonde des relations contractuelles entre la société ERDF et les porteurs de projet, aurait dû prévenir M. Jérôme DÉPRÉ au plus tard le 1er décembre 2010.
M. Jérôme DÉPRÉ rappelle que, conformément au troisième alinéa de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui l'article L. 111-93 du code de l'énergie), la société ERDF aurait dû saisir la Commission de régulation de l'énergie de l'éventualité d'une sortie de file d'attente de son projet, une telle sortie s'assimilant à un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité.
M. Jérôme DÉPRÉ ajoute que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne remettent pas en cause les dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 10 février 2000.
Il considère que le comité de règlement des différends et des sanctions doit, constatant cette absence de déclaration de sortie de file d'attente auprès de la Commission de régulation de l'énergie, en tirer la conclusion que sa demande de raccordement n'a jamais été refusée.
M. Jérôme DÉPRÉ indique, en outre, que la société ERDF ne dément nullement avoir eu connaissance du caractère rétroactif du décret du 9 décembre 2010 et estime qu'en retardant l'instruction du dossier de M. Jérôme DÉPRÉ, la société ERDF a fait concorder la date avancée de la supposée entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 avec la date d'acceptation de la proposition de raccordement.
M. Jérôme DÉPRÉ persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 5 juillet 2011, présentées par la société ERDF.
La société ERDF estime que le chèque d'acompte de M. Jérôme DÉPRÉ n'a été encaissé qu'en application d'une procédure administrative et ajoute que la société ERDF a fait tous ses efforts pour en rembourser le montant à M. Jérôme DÉPRÉ.
Elle soutient, également, que l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 au projet de M. Jérôme DÉPRÉ ne nécessitait pas de notification d'un refus de raccordement à la Commission de régulation de l'énergie au titre des dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui l'article L. 111-93 du code de l'énergie).
La société ERDF indique, enfin, que si elle n'a pas informé par courrier M. Jérôme DÉPRÉ dix jours avant la date d'expiration du délai de validité de l'offre, c'est parce qu'une telle information était en réalité impossible dès lors que cette expiration résultait mécaniquement des dispositions rétroactives du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 26 avril 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 191-38-11 ;
Vu la décision du 20 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par M. Jérôme DÉPRÉ.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 16 septembre 2011, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique, représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Mathieu CACCIALI, rapporteur adjoint ;
Le représentant de M. Jérôme DÉPRÉ, Me Benoît COUSSY ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Frédéric SCANVIC.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Benoît COUSSY pour M. Jérôme DÉPRÉ ; M. Jérôme DÉPRÉ persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Frédéric SCANVIC et de M. Christopher MÉNARD pour la société ERDF ; la société ERDF s'engage à faire le nécessaire pour que M. Jérôme DÉPRÉ soit remboursé de l'acompte versé ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 16 septembre 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Les faits :
Il ressort des pièces du dossier que M. Jérôme DÉPRÉ développe un projet de centrale photovoltaïque intégrée au bâti, dénommé « Gîte le Cairn », pour une puissance de production installée de 8,93 kWc, sur le territoire de la commune de Gresse-en-Vercors (Isère). La société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 25 août 2010, la société Tout-en-Solaire, agissant pour le compte de M. Jérôme DÉPRÉ, a déposé une demande de proposition de raccordement auprès de la société ERDF.
Le 12 octobre 2010, la société ERDF a accusé réception de son dossier lui indiquant qu'une proposition de raccordement ainsi qu'un contrat de raccordement d'accès et d'exploitation (CRAE) lui seraient envoyés dans un délai de six semaines, ou de trois mois si l'étude montre que des travaux d'extension de réseau sont nécessaires, à compter de la qualification de son dossier, soit le 31 août 2010.
Le 3 novembre 2010, la société ERDF a indiqué à M. Jérôme DÉPRÉ qu'une étude technique détaillée sur place était nécessaire et qu'un rendez-vous était proposé pour le 9 novembre 2010.
M. Jérôme DÉPRÉ a reçu de la société ERDF une proposition de raccordement datée du 15 novembre 2010, pour le raccordement du projet de centrale photovoltaïque sur le réseau public de distribution par un branchement souterrain sans extension. Cette proposition de raccordement a évalué le montant des travaux de raccordement à 1 190,09 € TTC et prévu une durée de six semaines pour leur réalisation. La société ERDF a également rappelé que M. Jérôme DÉPRÉ devait verser soit le montant total de la contribution aux travaux de raccordement, soit un acompte d'un montant de 595,05 € TTC.
Le 25 novembre 2010, M. Jérôme DÉPRÉ a signé la proposition de raccordement, ainsi qu'un chèque pour le règlement total. Ces documents ont été réceptionnés par la société ERDF le 8 décembre 2010.
Par courrier en date du 30 décembre 2010, la société ERDF a indiqué à M. Jérôme DÉPRÉ, d'une part, avoir reçu son accord pour la proposition de raccordement postérieurement au 1er décembre 2010 et, d'autre part, que compte tenu de l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 sa demande de contrat d'achat de l'électricité produite par son projet d'installation est suspendue et qu'il devra procéder à une nouvelle demande complète de raccordement à l'issue de la période de suspension.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, M. Jérôme DÉPRÉ a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
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Sur la notification de l'acceptation par M. Jérôme DÉPRÉ de la proposition de raccordement :
M. Jérôme DÉPRÉ demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF « ne démontre pas avoir reçu la notification de l'acceptation tardive de la proposition de raccordement ».
La société ERDF, quant à elle, produit à l'appui de ses mémoires une photocopie de l'enveloppe que lui a adressée la société Tout-en-Solaire, mandataire de M. Jérôme DÉPRÉ, le 3 décembre 2010.
Cette photocopie, dont l'authenticité n'est pas sérieusement contestée, fait apparaître distinctement la preuve de distribution, sur laquelle la date d'expédition du 3 décembre 2010 et le cachet de réception du 8 décembre 2010 sont parfaitement lisibles.
M. Jérôme DÉPRÉ ne fait pas non plus la preuve de l'existence d'un envoi à une date antérieure à celle du 3 décembre 2010.
Il n'est pas non plus sérieusement contesté que l'enveloppe mentionnée ci-dessus contenait la proposition de raccordement signée le 25 novembre 2010 par M. Jérôme DÉPRÉ.
La circonstance que la société ERDF n'a pas notifié à la Commission de régulation de l'énergie, en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2010, devenu l'article L. 111-93 du code de l'énergie, la suite qu'elle entendait réserver à la demande de M. Jérôme DÉPRÉ est, en tout état de cause, sans incidence sur la date à prendre en compte pour l'acceptation de la proposition de raccordement.
Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de se fonder sur l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 susvisé, la demande de M. Jérôme DÉPRÉ relative à la date à laquelle la société ERDF a reçu une notification de l'acceptation de la proposition de raccordement ne peut être que rejetée.
Sur l'inopposabilité du décret du 9 décembre 2010 :
Il n'entre pas dans les missions de la société ERDF d'informer les candidats au raccordement à un réseau public des mesures que le pouvoir réglementaire envisage de prendre en matière d'accès au réseau.
Il n'est pas établi que, comme l'allègue M. Jérôme DÉPRÉ, la société ERDF aurait retardé volontairement l'instruction de sa demande de raccordement dans le but de lui appliquer le décret du 9 décembre 2010.
M. Jérôme DÉPRÉ demande au comité de règlement des différends et des sanctions d'écarter l'application de l'article 3 du décret du 19 novembre 2010, d'enjoindre la société ERDF de prendre en compte l'acceptation de la proposition de raccordement et de procéder aux travaux de raccordement sans délai et d'ordonner la consignation de la somme d'environ 1 190,09 euros correspondant à la provision envoyée à l'occasion de l'acceptation à valoir sur le paiement de la proposition de raccordement.
La solution de ces demandes dépendant de l'appréciation de la légalité du décret du 9 décembre 2010, il y a lieu, dans ces circonstances, de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation de ce décret.
Sur la demande de prise en charge des frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit 3 000 euros :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des dépens ou des frais irrépétibles.
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Décide :
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