Vu les observations en défense, enregistrées le 6 juin 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre, sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, M. François ABKIN, et ayant pour avocat, Me Romain GRANJON, cabinet ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF indique que M. Alain VILLAIN ne démontre pas que la notification de son acceptation de la proposition technique et financière est intervenue avant le 2 décembre 2010.
Elle précise que le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que constater, au vu de la pièce n° 3, que l'enveloppe contenant l'acceptation de la proposition technique et financière du projet de M. Alain VILLAIN est datée du 7 décembre 2010.
La société ERDF considère que le projet de M. Alain VILLAIN tombe dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010, l'accord de cette dernière sur la proposition technique et financière ayant été adressé postérieurement au 1er décembre 2010.
Elle ajoute que la demande de M. Alain VILLAIN tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions déclare inopposable l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 en ce qu'il serait rétroactif est irrecevable, le comité de règlement des différends et des sanctions n'ayant ni le pouvoir, ni la compétence pour se prononcer sur la légalité du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF estime en ce sens que le comité de règlement des différends et des sanctions n'a ni le pouvoir, ni la compétence pour faire échec aux dispositions de la réglementation et qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la légalité du décret du 9 décembre 2010.
Elle précise sur ce dernier point que la décision du comité de règlement des différends et des sanctions en date du 29 avril 2011, qui a suspendu l'instruction des demandes de règlement de différends mettant en cause l'application du décret du 9 décembre 2010 jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat, confirme son analyse.
La société ERDF rappelle que le projet de M. Alain VILLAIN tombant dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010, la demande d'injonction sous astreinte d'adresser une convention d'accès au réseau de distribution doit être rejetée.
Elle précise, enfin, qu'il ne relève pas de la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions de se prononcer sur la demande de condamnation au titre des frais irrépétibles.
La société ERDF conclut, en conséquence, au rejet des demandes de M. Alain VILLAIN.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 15 juin 2011, présentées par M. Alain VILLAIN.
M. Alain VILLAIN soutient qu'« à partir de l'instant où ERDF et l'exposant sont d'accord sur la date de signature de la proposition technique et financière, c'est-à-dire la date d'acceptation réelle, et qu'il n'y a pas de contestation sur la date d'envoi ou de réception de cette PTF, il ya tout lieu de retenir la date du 26 novembre 2010 comme date d'acceptation ».
Il invoque que l'obligation de bonne foi dans les relations contractuelles résultant de l'article 1134 du code civil implique, selon la jurisprudence judiciaire, une obligation d'information entre les parties dans leurs rapports précontractuels et contractuels.
M. Alain VILLAIN estime, en outre, que cette obligation existerait d'autant plus dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de raccordement au réseau public de distribution et que les dispositions de l'article 5 du décret du 13 mars 2003, selon lesquelles l'« étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire », mettent à la charge de la société ERDF une telle obligation.
Il soutient que la société ERDF, ayant connaissance de l'imminence du décret suspendant l'obligation d'achat et qui devait entraîner une remise en cause profonde des relations contractuelles entre la société ERDF et les porteurs de projet, aurait dû prévenir M. Alain VILLAIN au plus tard le 1er décembre 2010.
M. Alain VILLAIN ajoute qu'en application de l'article 8.2.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF selon lequel le « délai de validité de l'offre de raccordement est de trois mois. Un courrier de relance est adressé au demandeur dix jours ouvrés avant la date d'expiration de ce délai », la société ERDF aurait dû l'informer de l'arrivée du terme de la validité de sa proposition technique et financière, dans un délai de dix jours.
Il en conclut que la société ERDF aurait dû le prévenir au plus tard le 1er décembre 2010 du fait que la validité de sa proposition technique et financière prendrait fin le 10 décembre 2010, si l'on considère que le décret du 9 décembre 2010 a pour effet de mettre un terme à la validité des propositions techniques et financières.
M. Alain VILLAIN soutient qu'ainsi cette insuffisance d'information de la part de la société ERDF n'a pu purger le délai de validité de la proposition technique et financière qui est dès lors toujours valable.
Il rappelle que conformément à l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui article L. 111-93 du code de l'énergie), la société ERDF aurait dû saisir la Commission de régulation de l'énergie de l'éventualité d'une sortie de file d'attente de son projet, une telle sortie s'assimilant à un refus d'accès au réseau public de distribution d'électricité.
M. Alain VILLAIN ajoute que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne remettent pas en cause les dispositions précitées de l'article 23 de la loi du 10 février 2000.
Il considère que le comité de règlement des différends et des sanctions doit, constatant cette absence de déclaration de sortie de file d'attente auprès de la Commission de régulation de l'énergie, en tirer la conclusion que sa demande de raccordement n'a jamais été refusée.
M. Alain VILLAIN persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 29 juin 2011, présentées par la société ERDF.
La société ERDF estime que la date d'acceptation qui doit être retenue est celle du 7 décembre 2010, date d'envoi à la société ERDF de la proposition technique et financière signée, conformément à la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF et aux dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Elle ajoute avoir respecté ses obligations en adressant une proposition technique et financière à M. Alain VILLAIN le 19 novembre 2010 et en lui indiquant, par courrier du 27 décembre 2010, que son projet entrait dans le champ d'application du décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF soutient également que l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 au projet de M. Alain VILLAIN ne nécessitait pas de notification au titre des dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui article L. 111-93 du code de l'énergie).
Elle indique, enfin, qu'en tant que gestionnaire de réseaux elle n'a fait qu'appliquer les dispositions légales et réglementaires qui concernent son activité, en l'occurrence le décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en triplique, enregistrées le 5 juillet 2011, présentées par M. Alain VILLAIN.
M. Alain VILLAIN soutient que la société ERDF ne conteste pas que l'acceptation de la proposition technique et financière date du 26 novembre 2010 et que, conformément aux dispositions de l'article 1101 du code civil et de la procédure de traitement des demandes de raccordement, la société ERDF n'est pas fondée à se prévaloir de la date de réception de cette proposition technique et financière.
M. Alain VILLAIN persiste dans ses précédentes conclusions et demande, en outre, au comité de règlement des différends et des sanctions :
― d'ordonner que la société ERDF encaisse le chèque d'acompte en règlement de la proposition technique et financière ;
― d'autoriser M. Alain VILLAIN, en cas de restitution du chèque, à consigner la somme qu'il plaira au comité de règlement des différends et des sanctions de déterminer au titre du paiement de la proposition technique et financière, sur le compte CARPA du conseil de la société ERDF, ou à tel séquestre qu'il plaira, et d'en conditionner la libération à la confirmation définitive de la date d'acceptation de la proposition technique et financière.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 23 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 164-38-11 ;
Vu la décision du 20 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par M. Alain VILLAIN.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 7 juillet 2011, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique, représentant le directeur général empêché ;
M. Thibaut DELAROCQUE, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
Le représentant de M. Alain VILLAIN, Me Benoît COUSSY ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Thibaut DELAROCQUE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Benoît COUSSY pour M. Alain VILLAIN ; Me Benoît COUSSY met en doute le fait que M. Alain VILLAIN soit bien l'émetteur de l'enveloppe postée le 7 décembre 2010 et reçue le 9 décembre 2010 par la société ERDF ; Me Benoît COUSSY soutient que la société ERDF ne respecte pas son code de bonne conduite ; Me Benoît COUSSY persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.
Aucun report de séance n'ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 7 juillet 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Les faits :
M. Alain VILLAIN, gérant de l'exploitation VILLAIN Horticulture, est à l'origine d'un projet d'installation de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil d'une puissance de 106,08 kWc.
Le 17 août 2010, M. Alain VILLAIN a déposé une demande de proposition technique et financière auprès de la société ERDF.
Le 20 octobre 2010, la société ERDF a accusé réception de son dossier et l'a informé qu'une proposition technique et financière lui serait envoyée dans un délai de trois mois à compter de la qualification de son dossier, soit le 23 août 2010.
Le 23 novembre 2010, M. Alain VILLAIN a reçu de la société ERDF une proposition technique et financière datée du 19 novembre 2010.
Par courrier en date du 27 décembre 2010, la société ERDF a indiqué à M. Alain VILLAIN, d'une part, qu'elle avait reçu son acceptation de la proposition technique et financière envoyée le 7 décembre 2010, et, d'autre part, que compte tenu de l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010, sa demande de contrat d'achat de l'électricité à produire par son installation était suspendue et qu'il devrait procéder à une nouvelle demande complète de raccordement à l'issue de la période de suspension.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, M. Alain VILLAIN a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
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Sur la prise en compte de la date d'acceptation par M. Alain VILLAIN de la proposition technique et financière :
M. Alain VILLAIN demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF ne démontre pas que la notification de l'acceptation de la proposition technique et financière a été réellement effectuée postérieurement au 2 décembre 2010. Il estime que seule la date de son acceptation de la proposition technique et financière, soit le 26 novembre 2010, doit être retenue.
La société ERDF, quant à elle, produit à l'appui de ses mémoires une photocopie de l'enveloppe envoyée par M. Alain VILLAIN le 7 décembre 2010.
Cette photocopie, dont l'authenticité n'est pas sérieusement contestée, fait apparaître distinctement l'adresse de l'agence de la société ERDF à Rouen, le numéro de la proposition technique et financière transmise à M. Alain VILLAIN ainsi qu'un cachet de l'agence postale de Moyon (50) sur lequel les mots : « République francaise » et la date du 7 décembre 2010 sont parfaitement lisibles.
Pour sa part, M. Alain VILLAIN ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un envoi à une date antérieure à celle du 7 décembre 2010.
La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit en son article 8.3.4 que l'« accord sur l'offre de raccordement est matérialisé par la réception d'un original, daté et signé, de l'offre de raccordement, sans modification ni réserve, accompagné du règlement de l'acompte ou de l'ordre de service signé correspondant ».
La proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production photovoltaïque, en date du 19 novembre 2010, et signée le 26 novembre 2010, est accompagnée d'une « synthèse de l'offre », paraphée par M. Alain VILLAIN, qui prévoit que le « demandeur dispose d'un délai de trois mois, à réception, pour donner son accord sur cette proposition technique et financière par :
― sa signature précédée de la mention manuscrite "Bon pour accord” sur le deuxième original de la présente proposition technique et financière ;
― le versement de l'acompte [...] ».
Il en résulte nécessairement de ces dispositions que la matérialisation de l'accord intervient à la date de réception de ces documents par la société ERDF.
Or, c'est le 9 décembre 2010 que la société ERDF a reçu la proposition technique et financière signée avec un chèque d'acompte qui lui ont été adressés le 7 décembre 2010.
Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de se fonder sur l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 susvisé, la demande de M. Alain VILLAIN tendant à ce que son acceptation soit réputée acquise le 1er décembre 2010, ne peut être que rejetée.
La circonstance que la société ERDF n'a pas notifié à la Commission de régulation de l'énergie la suite qu'elle entendait réserver à la demande de M. Alain VILLAIN est, en tout état de cause, sans incidence sur la date à prendre en compte.
Il n'entre pas dans les missions de la société ERDF d'informer les candidats au raccordement au réseau des mesures que le pouvoir réglementaire envisage de prendre en matière d'accès au réseau.
Sur l'inopposabilité du décret du 9 décembre 2010 :
M. Alain VILLAIN demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que le décret du 9 décembre 2010, notamment, son article 3, lui est inopposable, que le comité de règlement des différends et des sanctions enjoigne à la société ERDF, d'adresser sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à M. Alain VILLAIN une convention de raccordement, une convention d'exploitation et une convention d'accès au réseau de distribution, d'ordonner que la société ERDF encaisse le chèque d'acompte ou, en cas de restitution de ce chèque, que la somme correspondante soit consignée.
La solution de ces demandes dépendant de l'appréciation de la légalité du décret du 9 décembre 2010, il y a lieu, dans ces circonstances, de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de la décision au fond du Conseil d'Etat, saisi d'un recours en annulation de ce décret.
Sur la demande de prise en charge des frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit 3 000 euros :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des dépens ou des frais irrépétibles, cette demande sera rejetée.
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Décide :
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