Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 janvier 2011, sous le numéro 20-38-11, présentée par la société BEP Solaire, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d'Avignon sous le numéro B 508 426 384, dont le siège social est situé 197, boulevard Albin-Durand, 84200 Carpentras, représentée par son gérant, M. Gérard GLENAT, ayant pour avocat Me Rémi ANTOMARCHI, cabinet Abati Antomarchi, 1, rue André-Colledebœuf, 75016 Paris.
La société BEP Solaire a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau publique de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que la société BEP Solaire développe un projet de centrale photovoltaïque, dénommé « Fillet ― Ferme Bathier David », d'une puissance de production maximale de 130 kW, sur le territoire de la commune de Saint-Julien-en-Vercors (Drôme). La société ERDF est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.
Le 24 juin 2010, la société BEP Solaire a adressé une demande de raccordement auprès de la société ERDF pour son projet de centrale photovoltaïque.
Le 28 juin 2010, la société ERDF a indiqué à la société BEP Solaire que sa demande était considérée comme complète à la date du 24 juin 2010.
Le 2 décembre 2010, la société BEP Solaire a relancé la société ERDF pour la délivrance d'une proposition technique et financière pour son projet de centrale photovoltaïque.
Le 7 décembre 2010, la société ERDF a communiqué à la société BEP Solaire une proposition technique et financière pour le raccordement de l'installation de production photovoltaïque Fillet ― Ferme Bathier David au réseau public de distribution d'électricité, par une liaison souterraine en BT de 220 mètres, raccordée depuis un nouveau poste de distribution publique HTA/BT, sur le départ HTA « Vercors » issu du poste source « Villard de Lans ».
Le 13 décembre 2010, la société BEP Solaire a renvoyé la proposition technique et financière signée, ainsi qu'un chèque d'acompte de 6 944,34 euros.
Le 17 décembre 2010, les conseils de la société BEP Solaire ont saisi la société ERDF d'une réclamation visant à obtenir, à défaut d'une régularisation dans la délivrance de la proposition technique et financière dans les délais impartis, la réparation du préjudice subi au visa des articles 1382 et suivants du code civil.
Le 5 janvier 2011, la société ERDF a indiqué à la société BEP Solaire que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et qu'elle devait, si elle souhaitait bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, adresser une nouvelle demande complète de raccordement à la fin de période de suspension de l'obligation d'achat.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, la société BEP Solaire a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF.
Dans ses observations, la société BEP Solaire soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du non-respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement et des conséquences qui en découlent pour le raccordement au réseau public de distribution de son installation de production aux motifs que le différend oppose un gestionnaire de réseau de distribution à un utilisateur de ce réseau et qu'il porte sur l'accès audit réseau.
Elle estime que la société ERDF n'a respecté ni les textes légaux et réglementaires applicables aux demandes de raccordement au réseau public de distribution d'électricité, ni sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société BEP Solaire affirme ainsi que la société ERDF devait, en application de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 (aujourd'hui devenu l'article L. 111-93 du code de l'énergie), justifier son refus de délivrer une proposition technique et financière, par des impératifs liés à l'accomplissement d'une mission de service public ou par des motifs tenant à la sécurité, la sûreté ou la qualité de fonctionnement des réseaux.
Elle soutient, également, que, selon la délibération de la Commission de régulation de l'énergie en date du 11 juin 2009, le gestionnaire de réseau public de transport doit garantir un accès efficace à ce réseau.
La société BEP Solaire en conclut que la société ERDF a manqué à ses obligations dans le traitement de la demande de raccordement et, qu'ainsi, elle ne saurait se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat d'électricité pour s'opposer à la communication de la proposition technique et financière de raccordement attendue dans un délai de trois mois.
Elle considère, donc, qu'elle pouvait légitimement espérer obtenir une proposition technique et financière dans un délai de trois mois, soit avant la date du 2 décembre 2010 à laquelle une proposition devait avoir été acceptée pour échapper à la suspension de l'obligation d'achat décidée par le décret précité.
La société BEP Solaire demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie de :
― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence ;
Par conséquent :
― traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société BEP Solaire comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 25 septembre 2010 ;
― traiter la proposition technique et financière transmise à la société BEP Solaire comme ayant été établie le 25 septembre 2010 et acceptée immédiatement.
Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 ;
Vu la lettre du directeur, adjoint au directeur général, du 9 août 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 21 mars 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocats Me Michel GUÉNAIRE et Me Sylvain BERGÈS, cabinet Gide Loyrette Nouel, 22, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que la saisine de la société BEP Solaire est irrecevable dès lors que cette société n'a pas communiqué d'extrait K bis de la société en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle expose, également, que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour connaître les demandes de la société BEP Solaire dans la mesure où celles-ci ne concernent pas réellement l'accès au réseau public de distribution d'électricité, mais visent à faire échec à l'application des dispositions du décret du 9 décembre 2010 et à la reconnaissance de la validité d'un contrat d'achat d'électricité.
La société ERDF ajoute que le comité de règlement des différends et des sanctions dans une affaire similaire a rejeté les demandes d'un producteur tendant à ce que le comité constate que son acceptation de la proposition technique et financière soit réputée acquise à une date antérieure au 2 décembre 2010.
Elle précise que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut se prononcer que s'il est saisi d'un différend et que son intervention doit conduire à la résolution dudit différend.
La société ERDF estime que la seule question soumise au comité de règlement des différends et des sanctions est, donc, celle de la méconnaissance de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Elle en conclut, donc, qu'aucun différend n'existe entre les sociétés dès lors qu'il n'y a aucun litige concernant le fait que la société ERDF aurait ou non délivré une proposition technique et financière dans un délai donné à compter de la date de qualification de la demande de raccordement.
La société ERDF expose que le législateur n'a pas imparti de délai impératif pour la délivrance d'une proposition de raccordement et que la Commission de régulation de l'énergie ne disposait d'aucune compétence, en application des dispositions de l'article L. 134-1 du code de l'énergie, pour fixer comme elle l'a fait un tel délai.
Elle ajoute qu'il ressort d'une jurisprudence établie des juridictions administratives et judiciaires qu'en l'absence de sanction expressément prévue, comme en l'espèce, par le texte qui fixe un délai, ce dernier doit être vu comme dénué de valeur impérative et que le comité de règlement des différends et des sanctions a d'ailleurs reconnu le caractère indicatif du délai de trois mois pour la délivrance d'une proposition de raccordement dans sa décision Vol-V Solar du 22 juin 2011.
Elle indique avoir été confrontée à une situation exceptionnelle durant l'été 2010, s'assimilant à un cas de force majeure justifiant le retard de quelque jours dans la délivrance d'une proposition de raccordement à la société BEP Solaire.
La société ERDF précise, enfin, que la reconnaissance par le comité de règlement des différends et des sanctions d'une méconnaissance de la procédure de traitement des demandes de raccordement par le gestionnaire de réseau ne saurait être assimilée à la reconnaissance d'une faute, comme l'a rappelé le comité de règlement des différends et des sanctions dans sa décision précitée Vol-V Solar.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer irrecevable la demande de règlement de différend de la société BEP Solaire.
A titre subsidiaire :
― constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour constater que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;
― constater que le délai pour délivrer une proposition technique et financière n'est pas opposable à la société ERDF ;
― constater que la société ERDF a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique le dépassement de ce délai.
En tout état de cause :
― rejeter l'ensemble des demandes de la société BEP Solaire.
Vu les observations en réplique, enregistrées le 11 octobre 2012, présentée par la société BEP Solaire.
La société BEP Solaire affirme que sa demande est recevable, un extrait K bis ayant été fourni avec les écritures produites par son conseil.
Elle soutient, également, que la société ERDF est soumise à une obligation de résultat, d'une part, car la fourniture de la proposition technique et financière n'est soumise à aucun aléa qui pourrait l'exonérer de sa responsabilité et, d'autre part, parce que le producteur qui demande une proposition technique et financière est totalement dessaisi du processus lié à la « complétude » du dossier et ne participe, donc, pas à la réalisation de cette obligation.
La société BEP Solaire estime que le comité de règlement des différends et des sanctions n'est pas compétent pour juger de la légalité de la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 11 juin 2009 et que le moyen soulevé par la société ERDF tendant à lui rendre ces dispositions inopposables ne peut être qu'écarté.
Elle considère, également, que la création d'une disposition prévoyant le respect d'un délai de trois mois pour la fourniture d'une proposition technique et financière dans la procédure de traitement des demandes de raccordement ne constitue pas une erreur de droit inexcusable, résultant de la prétendue illégalité de la délibération du 11 juin 2009 précitée ; la société étant dans une situation de monopole dans la gestion du réseau d'électricité, il lui appartenait de prendre les mesures nécessaires pour éviter l'illégalité prétendue.
La société BEP solaire ajoute que cette obligation a valeur réglementaire en ce qu'elle est prise en application de la loi du 10 février 2000.
Elle soutient, de surcroît, que la société ERDF a violé le principe issu de l'article 1147 du code civil selon lequel seule la cause étrangère peut justifier l'inexécution d'une obligation, en ce que ni un cas de force majeure, ni le fait d'un tiers, ni une faute de la victime ne sont établis. Elle considère, ainsi, que l'accumulation de mille trois cents demandes de proposition technique et financière ne constitue pas une cause étrangère en considération du nombre d'employés de la société.
La société BEP Solaire demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― mettre en demeure la société ERDF de se conformer aux textes de référence ;
Par conséquent :
― dire que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;
― traiter le projet d'installation de production photovoltaïque de la société BEP Solaire comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 25 septembre 2010 ;
― traiter la proposition technique et financière transmise à la société BEP Solaire comme ayant été établie le 25 septembre 2010 et acceptée immédiatement.
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