JORF n°0179 du 3 août 2012

Décision du 31 mai 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 9 mars 2011, sous le numéro 49-38-11, présentée, d'une part, par la société Ex Cantine Jacou, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nîmes sous le numéro 524 979 226, dont le siège social est situé route de Nîmes, Le Grand-Escalion, 30510 Générac, représentée par son gérant, M. Quentin FROMENT et, d'une part, par la société Homéa Energies, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Tarascon sous le numéro 510 971 997, dont le siège social est situé 24, rue des Charpentiers, 13150 Tarascon, représentée par son gérant, M. Quentin FROMENT, ayant pour avocat Me Arnaud GOSSEMENT, SELARL Gossement Enckell, 73, rue Broca, 75013 Paris.

Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui les oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société Homéa Energies développe, pour le compte de la société Ex Cantine Jacou, sur le territoire de la commune de Jacou (Hérault), un projet de centrale photovoltaïque intégrée au bâti d'une puissance de production maximale de 82,6 kWc.

Le 25 août 2010, la société ERDF a accusé réception d'une demande de proposition technique et financière pour le raccordement au réseau public de distribution du projet de centrale photovoltaïque de la société Homéa Energies, en date du 16 août 2010.

Le 23 septembre 2010, la société ERDF a délivré une proposition technique et financière à la société Homéa Energies.

Le 2 décembre 2010, la société Homéa Energies a retourné la proposition technique et financière signée à la société ERDF, qui l'a reçue le 6 décembre 2010.

Par courrier du 14 février 2011, la société ERDF a informé la société Homéa Energies qu'elle devait, si elle souhaitait bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, adresser une nouvelle demande complète de raccordement à la fin de période de suspension de l'obligation d'achat instaurée par le décret du 9 décembre 2010.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production photovoltaïque n'étaient pas satisfaisantes, les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ont saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d'une demande de règlement du différend qui les oppose à la société ERDF.

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Dans leurs observations, les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies soutiennent que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour trancher le litige les opposant à la société ERDF.
Elles exposent que le comité de règlement des différends et des sanctions doit écarter l'application de dispositions de droit interne contraires au droit communautaire et procéder à une interprétation conforme de ces dispositions de droit interne au regard du droit européen.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies précisent que le décret du 9 décembre 2010 est contraire au droit de l'Union européenne dès lors qu'il est fondé sur la loi du 10 février 2000 qui elle-même viole les directives 2003/54/CE du 26 juin 2003 et 2009/28/CE du 23 avril 2009 en ce que celles-ci ne prévoient pas explicitement un dispositif de suspension de l'obligation d'achat ni même dans leur objectif.
Elles ajoutent que ledit décret viole, d'une part, les principes de confiance légitime et de non-rétroactivité en ce qu'il s'applique rétroactivement à leur situation et, d'autre part, les principes d'égalité et de non-discrimination puisque certaines installations ne sont pas soumises à la suspension de l'obligation d'achat instaurée par le décret.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies soutiennent que le décret du 9 décembre 2010 devrait être écarté par le comité de règlement des différends et des sanctions dès lors que ce dernier est contraire à la loi du 10 février 2000.
Elles considèrent que cette contradiction avec la loi du 10 février 2000 repose, d'une part, sur l'absence de consultation de la Commission de régulation de l'énergie préalablement à son édiction et, d'autre part, sur le fait que l'article 5 dudit décret fixe des nouvelles règles en matière de raccordement sans lien avec la possibilité de suspendre l'obligation d'achat prévue par l'article 10 de la loi du 10 févier 2000.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies estiment que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait leur être appliqué antérieurement à son entrée en vigueur le 10 décembre 2010.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, de :
A titre principal, dire et juger que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée.
A titre subsidiaire, dire et juger que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être opposé aux sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies dès lors qu'il ne saurait être appliqué antérieurement à son entrée en vigueur le 10 décembre 2010.
Par conséquent :
― dire et juger que la société ERDF n'est pas fondée à en faire application à l'encontre des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ;
― enjoindre la société ERDF de valider l'acceptation de la proposition technique et financière ;
― enjoindre la société ERDF de signer délivrer une convention de raccordement à la société Ex Cantine Jacou ;
― enjoindre la société ERDF de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière de raccordement est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement ni, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat.

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Vu la décision du 29 avril 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu son instruction jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur général du 28 mars 2012 par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 27 avril 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocats Me Michel GUÉNAIRE et Me Sylvain BERGÈS, cabinet Gide Loyrette Nouel, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que la demande de règlement de différend est irrecevable dès lors que la société Homéa Energies ne dispose d'aucune habilitation pour agir au nom de la société Ex Cantine Jacou.
Elle estime, également, que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut pas écarter l'application du décret du 9 décembre 2010 dès lors qu'il n'est pas compétent pour apprécier la légalité d'un acte administratif, lequel a en outre été jugé légal par le Conseil d'Etat.
La société ERDF rappelle que le Conseil d'Etat a considéré que le décret du 9 décembre 2010 était conforme au droit de l'Union européenne et soutient que ce décret est conforme aux directives ainsi qu'au principe de confiance légitime.
Elle estime, également, que le décret du 9 décembre 2010 est conforme aux dispositions de la loi du 10 février 2000 ainsi qu'aux principes généraux du droit tels que le principe de non-rétroactivité des actes administratifs et le principe d'égalité.
La société ERDF affirme qu'elle a respecté le délai de trois mois pour délivrer au producteur une proposition technique et financière mais que celui-ci ne l'ayant retournée qu'après l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010, elle était tenue d'interrompre la procédure de raccordement.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer la saisine des demanderesses partiellement irrecevable en tant qu'elle est formée par la société Homéa Energies ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de procéder à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la régularisation de la convention de raccordement et, d'autre part, à la transmission d'un contrat d'achat.
A titre subsidiaire, constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
En tout état de cause, rejeter l'ensemble des conclusions des demanderesses.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 16 mai 2012, présentées par les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies soutiennent que le comité de règlement des différends et des sanctions est une instance juridictionnelle et, en tant que telle, est dans l'obligation d'écarter une règle nationale ou un acte administratif dont l'application serait illégale. Elles ajoutent que le comité a non seulement le droit, mais le devoir, de contrôler que le décret du 9 décembre 2010 a été appliqué dans la légalité.
Elles considèrent que la société ERDF a appliqué de manière illégale le décret du 9 décembre 2010 à la demande de raccordement effectuée par la société Homéa Energies. Elles indiquent que la société ERDF a favorisé l'application dudit décret, alors même que le seul décret du 23 avril 2008 pouvait être légalement appliqué à ladite demande de raccordement.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies soutiennent que la circonstance que le décret du 9 décembre 2010 ait été jugé légal par le Conseil d'Etat ne signifie nullement que celui-ci ait considéré que les gestionnaires de réseaux étaient tenus d'appliquer le dispositif de suspension de l'obligation d'achat.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies soutiennent que la société ERDF n'a pas respecté les délais prescrits par sa procédure de traitement des demandes de raccordement, alors même que ceux-ci sont obligatoires, et a manqué de diligence dans l'instruction de leur demande de raccordement. Elles en déduisent que c'est cette méconnaissance qui ne leur a pas permis d'accepter la proposition technique et financière avant l'entrée en vigueur des dispositions du décret du 9 décembre 2010 et qui a conduit à l'application de ce texte.
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies demandent, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― dire et juger que la société ERDF a méconnu la documentation technique de référence élaborée par ses soins ;
― dire et juger que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée ;
― dire et juger que seules les dispositions visées par la documentation technique de référence, et particulièrement le décret du 23 avril 2008 et son arrêté d'application, peuvent motiver un refus d'instruire une demande de raccordement au réseau.
A titre subsidiaire, dire et juger que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait être opposé aux sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies en raison des manquements du gestionnaire de réseaux publics d'électricité à sa documentation technique de référence.
Par conséquent :
― dire et juger que la société ERDF n'est donc pas fondée à en faire application à l'encontre des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ;
― enjoindre la société ERDF de valider l'acceptation de la proposition technique et financière ;
― enjoindre la société ERDF de délivrer une convention de raccordement la société Ex Cantine Jacou ;
― enjoindre la société ERDF de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la délivrance de la convention de raccordement ni, d'autre part, à la transmission du contrat d'achat.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 25 mai 2012, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut en aucun cas être regardé comme une juridiction et qu'à supposer que le comité se reconnaisse compétent pour écarter un acte réglementaire il ne pourrait pas écarter le décret du 9 décembre 2010.
Elle considère qu'un accord sur l'offre de raccordement entre les sociétés ERDF et Ex Cantine Jacou n'était pas intervenu à la date du 2 décembre 2010 et, en conséquence, qu'elle était fondée à appliquer le décret emportant suspension de l'obligation d'achat.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
A titre principal :
― déclarer irrecevable la demande formée par la société Homéa Energies ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de délivrer une proposition technique et financière ;
― se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à enjoindre la société ERDF de procéder à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat.
A titre subsidiaire, constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
En tout état de cause, rejeter l'ensemble des conclusions des demanderesses.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2008-386 du 23 avril 2008 modifié relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement pour le raccordement d'installations de production aux réseaux publics d'électricité ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 9 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 49-38-11 ;
Vu la décision du 29 avril 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative aux demandes de règlement de différends mettant en cause l'application du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 6 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s'est tenue le 31 mai 2012, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché,
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, et M. Mathieu CACCIALI, rapporteur adjoint ;
Les représentants des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies, assistés de Me Arnaud GOSSEMENT ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Michel GUÉNAIRE.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Arnaud GOSSEMENT et de Me Sarah NATAF pour les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ; les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies persistent dans leurs moyens et conclusions ;
― les observations de Me Michel GUÉNAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.
Aucun report de séance n'ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 31 mai 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur la recevabilité de la demande de la société Homéa Energies :
La société ERDF soutient que la demande de règlement de différend est irrecevable dès lors que la société Homéa Energies ne dispose d'aucune habilitation pour agir au nom de la société Ex Cantine Jacou.
La société Ex Cantine Cajou ayant produit un mandat au bénéfice de la société Homéa Energies, la société ERDF ne peut valablement soutenir que la saisine n'est pas recevable.
Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
La société ERDF demande au comité de règlement des différends et des sanctions de se déclarer incompétent pour statuer sur les conclusions tendant à écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Quant à la demande de contrat d'achat pour l'installation de production de la société Ex Cantine Jacou :
L'article L. 134-19 du code de l'énergie dispose que le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité [...] sur l'accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties [...] ».
Tel n'est pas le cas de la demande de la société Ex Cantine Jacou, relative à un contrat d'achat pour l'installation de production.
Dès lors, une telle demande, en tant qu'elle ne porte ni sur l'accès aux réseaux publics, ni sur leur utilisation par l'installation de production de la société Ex Cantine Jacou ne peut qu'être rejetée, comme portée devant une autorité incompétente pour en connaître.
Quant à la demande de raccordement de l'installation de production au réseau public de distribution :
Il n'est pas contesté qu'une demande de raccordement a été enregistrée par la société ERDF, le 25 août 2010, et qu'il existe un différend sur le raccordement de l'installation de production au réseau public d'électricité, qui entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Sur la méconnaissance par la société ERDF de sa documentation technique de référence :
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que la société ERDF a méconnu la documentation technique de référence, élaborée par ses soins.
La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit dans sa version applicable à l'espèce et en son article 8.2.1 qu'à « compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que la demande de raccordement a été qualifiée par la société ERDF, le 16 août 2010, et que la proposition technique et financière a été notifiée, le 23 septembre 2010, dans le délai de trois mois, par la société ERDF à la société Homéa Energies.
La société Homéa Energies n'est, donc, pas fondée à invoquer la méconnaissance par la société ERDF de sa documentation technique de référence, quand bien même cette obligation ne serait pas une obligation de résultat.
Sur l'application du décret du 9 décembre 2010 :
Les sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies demandent au comité de règlement des différends et des sanctions de dire, à titre principal, que l'application du décret du 9 décembre 2010 doit être écartée et, à titre subsidiaire, que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait leur être opposé en raison des manquements de la société ERDF à sa documentation technique de référence.
Elles demandent, par conséquent, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― dire et juger que la société ERDF n'est donc pas fondée à en faire application à l'encontre des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies ;
― enjoindre la société ERDF de valider l'acceptation de la proposition technique et financière ;
― enjoindre la société ERDF de délivrer une convention de raccordement la société Ex Cantine Jacou ;
― enjoindre la société ERDF de procéder dans ces conditions à la transmission de la demande de contrat d'achat à l'autorité en charge de l'obligation d'achat ;
― enjoindre la société ERDF de confirmer que l'accord sur la proposition technique et financière est intervenu sans que le décret du 9 décembre 2010 ne puisse s'opposer, d'une part, à la délivrance de la convention de raccordement ni, d'autre part, à la transmission du contrat d'achat.
La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut que rejeter ces demandes dans la mesure où elle devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Sauf illégalité manifeste, il n'appartient qu'à une juridiction d'apprécier la légalité de ce décret, ce qu'a fait le Conseil d'Etat en rejetant par sa décision du 16 novembre 2011 susvisée, l'ensemble des moyens d'annulation soulevés à l'encontre de celui-ci, y compris ceux tirés du droit de l'Union européenne.
Toutefois, il entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions de vérifier la bonne application par la société ERDF de ce décret.
Il résulte des termes mêmes des articles 3 et 5 du décret, qu'il doit être regardé comme privant d'effet, pendant la durée de suspension qu'il institue, le décret du 23 avril 2008 susvisé et les textes pris pour son application et, par voie de conséquence, comme traitant, également, du raccordement des installations de production aux réseaux publics d'électricité.
L'article 3 du décret du 9 décembre 2010 dispose que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
Les dispositions de l'article 5 dudit décret précisent enfin qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
Il résulte de ces dispositions qu'une société n'ayant pas notifié au gestionnaire de réseau son acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010 entre dans le champ d'application de l'article 3 de ce décret et doit, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque à l'issue de la période de suspension, faire une nouvelle demande de raccordement.
La société Homéa Energies n'ayant pas notifié, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière, les dispositions de l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 lui sont applicables. Il lui appartient, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution en vue de la conclusion d'un contrat d'achat, de déposer une nouvelle demande complète de raccordement, conformément à ce même article.
Par suite, l'ensemble des demandes des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies doivent être écartées.

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Décide :

Article 1

Le comité se déclare incompétent pour connaître de la demande de la société Ex Cantine Jacou relative à l'achat de l'électricité produite par son installation de production.

Article 2

Le surplus des demandes des sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies est rejeté.

Article 3

La présente décision sera notifiée aux sociétés Ex Cantine Jacou et Homéa Energies et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 31 mai 2012.

Pour le comité de règlement des différends

et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine