JORF n°0034 du 9 février 2013

Décision du 3 décembre 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 6 mai 2011, sous le numéro 197-38-11, présentée par la société HELIO 48, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 522 969 294, dont le siège social est situé 73, rue de Sèvres, 92410 Ville-d'Avray, représentée par son président, M. Antoine d'ACREMONT, ayant pour avocat, Me Jean-Baptiste MOQUET, Cabinet Moquet, 78, avenue Paul-Doumer, 75016 Paris.

La société HELIO 48 a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité d'un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société HELIO 48 développe un projet de centrale photovoltaïque intégrée au bâti, d'une puissance de production installée de 74 kWc, localisé sur le territoire de la commune de Pelouse (Lozère). La société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

La société SOLAFIN' a été mandatée par la société HELIO 48 pour effectuer l'ensemble des démarches de raccordement auprès de la société ERDF. Dans ce cadre, elle a déposé une demande de raccordement auprès de la société ERDF qui en a accusé réception, le 10 août 2010. La demande a été qualifiée à compter du 5 août 2010.

Par courriel en date du 5 novembre 2010, la société ERDF a transmis une proposition technique et financière à la société HELIO 48 qui comportait une erreur concernant la localisation du point de livraison.

La société HELIO 48 a accepté, à titre conservatoire, la proposition technique et financière erronée et a adressé, le 2 décembre 2010, à la société ERDF ladite proposition signée et accompagnée d'un chèque d'acompte de 6,121 €.

Le 7 décembre 2010, la société ERDF a adressé à la société SOLAFIN' une proposition technique et financière corrigée quant à l'emplacement du point de livraison.

Le 9 décembre 2010, la société HELIO 48 a adressé à la société ERDF la seconde proposition technique et financière signée.

Par courrier en date du 12 janvier 2011, la société HELIO 48 a présenté un recours amiable auprès de la société ERDF visant à ce qu'elle soit indemnisée des préjudices ayant pour origine le retard d'ERDF dans la délivrance d'une proposition technique et financière.

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Dans ses observations, la société HELIO 48 soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître du différend qui l'oppose à la société ERDF dès lors que celui-ci oppose un utilisateur d'un réseau public d'électricité à son gestionnaire et est relatif à l'accès audit réseau.
Elle fait valoir que la société ERDF a méconnu sa documentation technique de référence et, notamment, la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable en l'espèce.
La société HELIO 48 précise, tout d'abord, que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement « ERDF-PRO-RAC14_E » en lui transmettant une proposition technique et financière entachée d'une erreur substantielle quant à la localisation du point de livraison.
Elle indique, également, que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement dès lors qu'elle lui refuse l'accès à son réseau en ne lui ayant pas adressé de proposition technique et financière valide et en considérant sa demande de raccordement comme annulée.
La société HELIO 48 ajoute que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement en ne lui adressant pas dans un délai de trois mois une proposition technique et financière valide correspondant à sa demande.
Elle précise que la rédaction de l'article 4.7 de la procédure de traitement des demandes de raccordement ne laisse pas de doute sur le caractère impératif du délai de transmission de la proposition technique et financière et qu'il s'agit d'une obligation de résultat.
La société HELIO 48 soutient qu'admettre que la société ERDF puisse, par sa propre faute, exclure une demande de raccordement présentée dans les formes et délais prévus irait à l'encontre de ses obligations contractuelles. La procédure de traitement des demandes de raccordement ne prévoit aucunement une exclusion de la file d'attente dans cette hypothèse.
Elle précise, également, que ses relations contractuelles avec ERDF étant de nature commerciale, comme l'a estimé le tribunal des conflits le 12 avril 2010, elle peut demander l'exécution forcée du contrat dès lors qu'ERDF ne l'exécute pas.
La société HELIO 48 indique, en outre, que la société ERDF n'a pas respecté les dispositions de l'article 23 de la loi du 10 février 2000 lors du refus de raccordement qu'elle lui a opposé. Elle ajoute que la société ERDF ne lui a notamment pas refusé l'accès au réseau selon des critères non discriminatoire.
Elle soutient à titre subsidiaire que le décret du 9 décembre 2010 ne saurait justifier le refus d'accès qui lui a été opposé par la société ERDF dès lors que celui-ci serait illégal.
La société HELIO 48 fait valoir qu'aux termes des disposition de l'article 38 de la loi du 10 février 2000, le comité de règlement des différends et des sanctions peut, pour régler un différend, faire usage de ses pouvoir d'injonction d'exécution et constater la réalité d'une situation juridique en matière de raccordement au réseau.
La société HELIO 48 demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions :
― à titre principal, de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaire, tout comme sa propre documentation technique de référence ;
― de constater que le refus de raccordement de l'installation de la société HELIO 48 est infondé ;
― à titre subsidiaire, de déclarer l'illégalité par exception du décret du 9 décembre 2010 en ce qu'il méconnaît l'article 23 de la loi du 10 février 2000 ;
― d'enjoindre à la société ERDF de confirmer l'acceptation de la proposition technique et financière pour le projet de la société HELIO 48 n° SDO 05263 selon les dispositions en vigueur le 30 novembre 2010, date d'expiration du délai de transmission ;
― d'enjoindre avec toutes conséquences de droit, à la société ERDF de réintégrer la société HELIO 48 dans la file d'attente à la date du 5 novembre 2010.

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Vu la décision du 27 mai 2011 par laquelle le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l'instruction de la demande jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil d'Etat sur les requêtes tendant à l'annulation du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010.

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Vu la lettre du directeur général, du 29 août 2012, par laquelle il est demandé à la société ERDF de présenter ses observations.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 28 septembre 2012, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, ayant pour avocat Me Romain GRANJON, Cabinet Adamas, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF indique que la société HELIO 48 tend in fine à ce qu'elle écarte l'application du décret du 9 décembre 2010 en lui délivrant une proposition technique et financière en réponse à sa demande de raccordement en date du 31 août 2010.
Elle soutient que le projet de la société HELIO 48 a été suspendu par l'application de l'article 1er du décret du 9 décembre 2010, conduisant à la caducité de l'ensemble de la procédure de raccordement et que la société HELIO 48 ne peut exiger du comité de règlement des différends et des sanctions qu'il déclare inopposable l'application du décret de 9 décembre 2010.
Elle indique, enfin, qu'aucun manquement à la procédure de traitement des demandes de raccordement ne saurait lui être reproché dès lors qu'elle a adressé à la société HELIO 48 une proposition technique et financière dans un délai inférieur à trois mois.
La société ERDF en conclut que les demandes de la société HELIO 48 ne sont pas fondées.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de rejeter l'ensemble des prétentions de la société HELIO 48.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 24 octobre 2012, présentées par la société HELIO 48.
La société HELIO 48 soutient que la société ERDF lui a restitué neuf mois après l'acompte qu'elle avait versé lors de l'envoi de la proposition technique et financière, alors même que la société ERDF avait encaissé ledit acompte le 28 décembre 2010. Elle en conclut que cet encaissement permet de démontrer l'existence d'un accord incontestable entre les parties survenu avant le décret du 9 décembre 2010 précité.
Elle ajoute qu'en dépit de l'envoi tardif de son acceptation de la seconde proposition technique et financière, la société ERDF consciente que son erreur avait provoqué un tel retard, a encaissé le chèque d'acompte à une date ultérieure à l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre de 2010.
La société HELIO 48 considère que, dès lors que le montant de la contribution due au titre du raccordement était déterminé depuis le 1er décembre et que les délais de réalisation des travaux de raccordement étaient connus, la société ERDF aurait dû émettre directement une convention de raccordement, conformément à l'article 8.3.1. de sa documentation technique de référence.
Elle estime se trouver dans une situation similaire à celle qui a fait objet de la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 19 septembre 2012 dès lors que l'offre de raccordement de la société ERDF a été acceptée avant la rectification de l'erreur de métrage, rendant l'accord parfait avec une validité exprimée au 2 décembre 2010.
La société HELIO 48 demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions :
― d'enjoindre la société ERDF de lui transmettre une convention de raccordement aux conditions applicables à la date du 2 décembre 2010 ;
― de dire que le délai de mise en service de dix-huit mois à compter de l'acceptation de la proposition technique et financière commencera à courir à compter de la notification de la décision à intervenir, pour donner son plein effet à la réintégration du projet dans la file d'attente au 2 décembre 2010.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 29 novembre 2012, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient que la cour d'appel de Paris, dans deux arrêts du 4 octobre 2012, a jugé que les dispositions du décret moratoire sont opposables au producteur n'ayant, pas comme en l'espèce, renvoyé une proposition technique et financière acceptée avant le 2 décembre 2010.
Elle ajoute que la décision du comité de règlement des différends et des sanctions du 19 décembre 2012 n'est pas transposable aux faits de l'espèce dès lors qu'elle n'a adressé à la société HELIO 48 qu'une proposition technique et financière.
La société ERDF estime que l'argumentaire suivi par la société HELIO 48 visant à ce que la première proposition technique et financière émise soit qualifiée de convention de raccordement est incohérent au regard de la demande de la société HELIO 48 tendant à ce qu'il soit enjoint à la société ERDF de lui adresser une telle convention de raccordement.
Elle précise, enfin, avoir mis moins d'une semaine pour adresser une proposition rectifiée quant à la localisation du poste de livraison, alors que la société SOLAFIN' a mis un mois pour porter à sa connaissance une telle erreur.
La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu la décision du 6 mai 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 197-38-11 ;
Vu la décision du 4 juillet 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie, relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société HELIO 48 ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terres et autres.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, qui s'est tenue le 3 décembre 2012, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de M. Pierre-François RACINE, président, Mme Sylvie MANDEL, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, en présence de :
M. Mathieu CACCIALI, représentant le directeur juridique empêché et représentant le directeur général empêché ;
M. Jérémie ASTIER, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
Me Jean-Baptiste MOQUET pour la société HELIO 48 ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Gaëlle COGNET.
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Jérémie ASTIER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Jean-Baptiste MOQUET pour la société HELIO 48 ; la société HELIO 48 renonce à contester la légalité du décret du 9 décembre 2010 et persiste dans ses autres moyens et ses conclusions ;
― les observations de Me Gaëlle COGNET et M. Christopher MENARD pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 3 décembre 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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Sur le respect par la société ERDF de sa procédure de traitement des demandes de raccordement :
Il résulte de l'instruction que la demande de raccordement de la société HELIO 48 a été qualifiée par la société ERDF le 5 août 2010 et que la proposition technique et financière a été communiquée le 5 novembre 2010, dans le délai de trois mois, prévu par la procédure de traitement des demandes de raccordement.
Il est constant que cette proposition comportait une erreur de métrage du câble basse tension nécessaire au raccordement de l'installation de production. Toutefois, cette erreur, aisément détectable et réparable dès lors qu'elle portait sur un élément purement matériel qui ne pouvait être contesté, ainsi que l'a reconnu la société ERDF, n'a pas privé de valeur la proposition technique et financière. D'ailleurs, la société HELIO 48, après avoir signalé l'erreur à la société ERDF, a estimé possible de la signer, fût-ce à titre conservatoire.
Dans ces conditions, la société ERDF doit être regardée comme ayant respecté sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Sur la réintégration du projet de la société HELIO 48 dans la file d'attente et la demande d'injonction :
La société HELIO 48 soutient que son projet d'installation de production photovoltaïque doit être considéré comme étant entré et resté en file d'attente depuis le 2 décembre 2010.
La société HELIO 48 demande, également, au comité de règlement des différends et des sanctions d'enjoindre à la société ERDF de transmettre une convention de raccordement sur la base de la proposition technique et financière acceptée le 2 décembre 2010.
L'article 1er du décret du 9 décembre 2010 susvisé dispose que l'« obligation de conclure un contrat d'achat de l'électricité produite par les installations mentionnées au 3° de l'article 2 du décret du 6 décembre 2000 susvisé est suspendue pour une durée de trois mois courant à compter de l'entrée en vigueur du présent décret. Aucune nouvelle demande ne peut être déposée durant la période de suspension ».
L'article 3 de ce même décret ajoute que les « dispositions de l'article 1er ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité issue de l'énergie radiative du soleil dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière de raccordement au réseau ».
Les dispositions de l'article 5 dudit décret précisent, enfin, qu'« à l'issue de la période de suspension mentionnée à l'article 1er, les demandes suspendues devront faire l'objet d'une nouvelle demande complète de raccordement au réseau pour bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat ».
Ce décret est devenu définitif depuis l'intervention de la décision du Conseil d'Etat susvisée en date du 16 novembre 2011 rejetant les requêtes tendant à son annulation.
Il résulte de ces dispositions qu'une société n'ayant pas accepté de proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010, ni renvoyé de convention de raccordement avant la publication le 10 décembre 2010 du décret précité, entre dans le champ d'application de l'article 1er de ce décret et doit, si elle souhaite raccorder son installation de production photovoltaïque à l'issue de la période de suspension, faire une nouvelle demande de raccordement.
L'obligation résultant de l'article 5 du décret du 9 décembre 2010 de faire une nouvelle demande de raccordement prive de toute portée les conclusions de la société HELIO 48 relatives, d'une part, au maintien de son projet en file d'attente et, d'autre part, à la délivrance de la société ERDF d'une injonction de transmettre à la société HELIO 48 une convention de raccordement aux conditions prévalant avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010.
La circonstance que la société ERDF ait encaissé le chèque d'acompte le 27 décembre 2010 et ne l'ait restitué qu'en septembre 2011, est sans incidence sur l'application du décret du 9 décembre 2010. Il en va de même de la circonstance, à la supposer avérée, que les agents de la société ERDF auraient indiqué à la société HELIO 48 que la proposition technique et financière serait réputée acceptée le 2 décembre 2010.
Il résulte de tout ce qui précède, que les demandes de la société HELIO 48 doivent être rejetées.

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Décide :

Article 1

Les demandes de la société HELIO 48 sont rejetées.

Article 2

La présente décision sera notifiée à la société HELIO 48 et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 3 décembre 2012.

Pour le comité de règlement des différends

et des sanctions :

Le président,

P.-F. Racine