- Sur l'ensemble de la loi et sa conformité avec l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité, de clarté et de précision de la loi
Le Conseil constitutionnel insiste, depuis quelque temps déjà, sur l'obligation pour le législateur de respecter l'objectif de valeur constitutionnelle « d'accessibilité et d'intelligibilité » de la loi (CC 16 décembre 1999, no 99-421 DC ; a contratrio CC, 13 janvier 2000, no 99-423 DC) ou encore de « clarté et de précision » de la loi (CC 7 décembre 2000, no 2000-435, considérant no 53 à propos, d'ailleurs, de la liberté d'entreprendre).
Or, d'une manière générale, la simple lecture de la loi déférée ne permet pas aux intéressés de mesurer les modifications de protection que comportera le nouveau système par rapport à l'existant tant en ce qui concerne les personnes couvertes qu'en ce qui concerne les risques assurés.
Ceci est d'autant plus fâcheux qu'au cours des débats il a été assuré que le nouveau système avait pour objectif et pour résultat d'améliorer la situation des intéressés.
Par ailleurs, la loi déférée met en place des mécanismes dont les contours essentiels ne sont pas fixés avec une précision suffisante pour en discerner les conséquences concrètes.
Ainsi sont laissés dans l'ombre des points essentiels. On en recensera ici certains :
Le contenu de certaines prestations (prestations en nature, rentes d'ayants droit, frais funéraires) n'est pas précisé. Pour les prestations en nature, il est renvoyé (à l'article L. 752-4 nouveau du code rural) à un décret dont la teneur n'est pas connue. Pour les rentes d'ayants droit, il est également renvoyé (à l'article L. 752-7 nouveau du code rural) à un décret de sorte qu'en l'état actuel du texte cette prestation reste à définir. Pour les frais funéraires, la formulation du texte de l'article L. 752-10 nouveau du code rural ne permet pas de déterminer si cette prestation est due en cas de décès du seul chef d'exploitation ou de toute personne couverte en AAEXA.
Or, s'il est vrai que relève du législateur la détermination des catégories de prestations et de bénéficiaires et qu'entre dans la compétence du pouvoir réglementaire la définition, pour chaque catégorie de prestations, de la nature exacte de ces prestations ainsi que la définition précise des conditions à remplir par les catégories de bénéficiaires de prestations, l'on ne se trouve pas ici devant une création « ex nihilo » d'une couverture du risque accident du travail des exploitants agricoles mais devant un changement de modalités à cette couverture. Les seules dispositions légales ne permettent pas d'apprécier la parité annoncée d'avantages par rapport au régime applicable aux salariés ni l'amélioration promise par rapport à l'assurance antérieure des exploitants.
Dans le cas d'espèce, la définition précise des prestations est indispensable pour évaluer le caractère effectif de la parité et des améliorations affichées. La clarté et la portée du texte se trouvent donc compromises, dès lors que le législateur se borne à renvoyer cette définition à un décret, sans aucune forme d'encadrement.
La nature, les modalités et le fonctionnement du fonds de réserve des rentes prévu à l'article L. 752-18 nouveau du code rural ne sont pas fixés.
Les modalités de gestion du régime, dans l'attente de la conclusion de la convention CCMSA/Groupement d'assureurs (à signer avant le 15 mars 2002), ne sont pas davantage connues.
Les rapports assureurs - assurés/assujettis à compter du 1er avril 2002 ne sont pas suffisamment précisés. En effet, les contrats d'AAEXA sont résiliés de plein droit au 1er avril 2002 sans que cette résiliation suffise à résoudre toutes les questions posées : les assurés demeurent-ils assujettis à l'AAEXA auprès des assureurs qui les garantissent jusqu'au 31 mars 2002 ou bien ont-ils, à l'occasion de la mise en place du nouveau régime, la possibilité d'exercer un choix auprès d'un nouvel assureur ou de leur caisse de MSA ? Dans l'affirmative, quelles sont les modalités de ce choix ?
Le rôle réel des assureurs AAEXA dans le futur régime et les conditions de leur participation à la gestion de ce régime, les modalités et les conditions de l'habilitation des assureurs autres que la MSA par le ministre de l'agriculture ne sont pas davantage fixés. Quant au rôle du groupement auquel les assureurs sont tenus d'adhérer, il n'est pas précisé puisqu'il est renvoyé à une convention approuvée par arrêté ministériel et dont aucun principe de base n'est fixé par le texte législatif.
Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent donc que la loi demeure opaque et s'affranchit de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité, de clarté et de précision de la loi.
Ainsi, c'est l'ensemble de la loi déférée qui est contraire à la Constitution, dès lors que la procédure conduisant à l'adoption de la loi a méconnu l'article 48 de la Constitution et que le nombre de points essentiels sur lesquels la loi reste silencieuse est tel que c'est sa substance même qui doit être regardée comme méconnaissant l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité, de clarté et de précision de la loi, et qu'en outre le principe de la liberté d'entreprendre a été méconnu.
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