- Sur l'article 1er et sa conformité avec le principe à valeur
constitutionnelle du respect des droits de la défense
Le Conseil constitutionnel a consacré le principe des droits de la défense en matière non pénale comme un principe à valeur constitutionnelle. A cet égard, il a retenu que les droits de la défense sont garantis dès lors que l'intéressé, dans le cas d'une mesure susceptible de porter atteinte à ses intérêts, est « mis en mesure de présenter ses observations », que « la décision est motivée » et que celle-ci est « susceptible de faire l'objet d'un recours à caractère suspensif » (Cons. const., 18 juillet 1985, no 84-182 DC).
Ainsi, le Conseil constitutionnel a-t-il été conduit à élaborer un système juridique, fondé sur trois conditions et s'imposant au législateur, afin de garantir les droits fondamentaux de la défense.
a) Or, en premier lieu, l'article L. 752-12 nouveau du code rural ne prévoit aucune procédure de nature à garantir les droits des personnes intéressées, c'est-à-dire celles dont les intérêts seront affectés, voire lésés, par une décision de classement.
En effet, si l'article L. 752-19 nouveau du code rural prévoit une possibilité de contestation, le recours est ouvert aux seuls chefs d'exploitation ou d'entreprise ou à l'autorité administrative à l'exclusion de l'ensemble des autres personnes intéressées, à savoir les aides familiaux et les conjoints participant à la mise en valeur de l'exploitation. Ces personnes seront, dès lors, irrecevables à former un tel recours alors qu'elles sont bénéficiaires du régime d'assurance prévu par la loi déférée.
b) En deuxième lieu, aucune disposition de la loi n'assure que les personnes intéressées par les décisions des organismes de mutualité sociale agricole, en particulier les décisions de classement des caisses, seront mises en mesure de présenter leurs observations préalablement à une telle décision de classement, seul un recours « ex-post » étant prévu.
c) En troisième lieu - et contrairement à ce qu'exige le Conseil constitutionnel -, ni l'article L. 752-12 nouveau du code rural, ni aucune autre disposition de la loi, n'impose que les décisions de classement des caisses soient motivées.
De même, aucune obligation n'est faite au ministre chargé de l'agriculture de motiver l'établissement de la liste des différentes catégories de risques qu'il lui incombe d'établir, aucun critère d'établissement de cette liste n'étant fixé par le législateur.
Il en résulte que les pouvoirs des caisses échappent largement aux contrôles, alors même qu'elles se voient chargées de prendre des mesures à l'encontre des exploitants ou entreprises agricoles de nature à leur faire grief, s'agissant notamment des décisions de classement.
Au surplus, aucune disposition de la loi déférée ne prévoit une quelconque garantie concernant les procédures que doivent appliquer les caisses, et notamment pour le respect des droits de la défense des personnes intéressées par de telles décisions.
d) Par ailleurs, l'article L. 752-13 nouveau du code rural tel qu'il résulte de la loi porte atteinte aux droits de la défense, dans la mesure où cette disposition ne prévoit aucune procédure de nature à garantir pleinement les droits des exploitants ou entreprises agricoles.
En particulier, les exploitants ou entreprises agricoles ne disposent d'aucun élément leur permettant, et notamment en termes de délais, de déterminer dans quelles conditions ils perdent le droit de choisir librement leur organisme d'affiliation. Ainsi, ils ne sont pas informés de la décision de l'administration de procéder à une affiliation d'office avant que cette décision n'intervienne de manière effective et ne leur soit donc opposable. En conséquence, les exploitants ou entreprises agricoles ne seront pas mis en mesure de faire part à l'administration de leurs observations.
En outre, et à défaut pour le législateur d'avoir déterminé les conditions dans lesquelles l'affiliation d'office peut être prononcée, l'article L. 752-13, alinéa 2, nouveau du code rural permettra à l'administration de procéder à des affiliations d'office discrétionnaires et non motivées.
e) Enfin, il n'est pas prévu que les refus de délivrance d'autorisation préalable des entreprises d'assurances seront obligatoirement motivés par des fins d'intérêt général ni que le destinataire du refus sera mis à même de connaître les motifs d'un tel refus et de les contester, le cas échéant, devant le juge de l'excès de pouvoir.
Les mêmes observations valent pour le retrait d'autorisation.
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