I. - Sur les violations des règles de valeur constitutionnelle
relatives à la procédure parlementaire
- Une atteinte aux limites inhérentes
à l'exercice du droit d'amendement
La rédaction définitive de l'article 3 de la loi résulte de l'adoption, lors de la nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, d'un amendement de rédaction globale du Gouvernement. Cet article avait pourtant été adopté par les deux assemblées dans un texte identique.
L'adoption d'un amendement réécrivant un article dans son ensemble se révèle, à ce stade de la discussion parlementaire, manifestement contraire aux dispositions combinées des articles 39, 42, 44 et 45 de la Constitution.
L'article dont est issu l'article 3 de la loi avait été adopté en des termes identiques par les deux assemblées avant la réunion de la commission mixte paritaire. Le Conseil constitutionnel a rappelé dans sa décision no 2000-430 DC du 29 juin 2000 qu'il ressortait des dispositions du deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution que : « des dispositions adoptées en termes identiques avant la réunion de la commission mixte paritaire ne sauraient, en principe, être modifiées après cette réunion ».
Une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (décisions no 86-221 DC du 29 décembre 1986 et no 89-268 DC du 29 décembre 1989) indique d'ailleurs que si « le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative », l'adoption d'amendements portant sur des dispositions déjà votées dans des termes identiques par les deux assemblées n'est conforme à la Constitution que lorsque ceux-ci n'ont pour objet que d'« affecter » ces dispositions. Le Conseil constitutionnel précise que : « les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa I, et 44, alinéa I, de la Constitution ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ».
En l'espèce, la substitution d'une nouvelle rédaction globale à celle adoptée en des termes identiques par les deux assemblées a pour effet non simplement d'affecter celle-ci, mais bien d'en modifier les caractères essentiels. La modification apportée au texte en cours de discussion excède donc manifestement les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement à ce stade de la procédure.
La mise en discussion d'un amendement réécrivant dans son ensemble un article adopté par les deux assemblées dans un texte identique constitue en outre, comme il a été indiqué en séance publique, une violation flagrante de l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale. Celui-ci dispose en effet qu'au cours des deuxièmes lectures et des lectures ultérieures, « la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pu parvenir à un texte identique » et qu'en conséquence « les articles votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte identique ne peuvent faire l'objet d'amendements qui remettraient en cause, soit directement, soit par des additions incompatibles, les dispositions adoptées ». Le dernier alinéa de l'article 108 précise qu'il ne peut être fait exception à ces règles qu'en vue « d'assurer la coordination des dispositions adoptées ou de procéder à une rectification matérielle », ce qui n'était manifestement pas l'objectif de la rédaction proposée par l'amendement du Gouvernement.
Si le règlement de l'Assemblée nationale n'a pas, en lui-même, valeur constitutionnelle, les trois derniers alinéas de son article 108 constituent le prolongement nécessaire des dispositions du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution. C'est en effet grâce à la réduction progressive des dispositions restant en discussion que permet l'article 108 du règlement de l'Assemblée nationale que les deux assemblées peuvent parvenir, au terme de l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi, à l'adoption d'un texte identique. Cette violation du règlement, qui relève d'un détournement de procédure dans sa lettre comme dans son esprit, porte ainsi atteinte au cadre constitutionnel du bicamérisme législatif défini à la fois par l'article 34, alinéa premier, de la Constitution, qui dispose que c'est le Parlement, et non l'Assemblée nationale seule qui vote la loi, ainsi que par son article 45, qui précise les conditions dans lesquelles un texte de loi peut être adopté après l'échec d'une commission mixte paritaire.
L'adoption de l'amendement dont est issue la rédaction définitive de l'article 3 de la loi étant non conforme à la Constitution, il apparaît nécessaire de rétablir cet article dans la rédaction adoptée en des termes identiques par les deux assemblées.
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