II. - Cette consultation viole les principes d'indivisibilité
de la République et d'unicité du peuple français
La Constitution dispose, en son article 1er, que « la France est une République indivisible ».
En isolant une fraction de la population nationale pour la consulter, seule, sur une évolution de sa forme institutionnelle, les auteurs de la loi reconnaissent implicitement l'existence d'un peuple mahorais. Ce faisant, ils méconnaissent votre jurisprudence constante en vertu de laquelle la Constitution ne connaît qu'un seul peuple, le peuple français, composé de citoyens, c'est-à-dire d'individus indifférenciés et non de communautés. Dans votre décision 91-290 DC du 9 mai 1991, vous avez déclaré que la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante du peuple français » était contraire à la Constitution, « laquelle ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français, sans distinction d'origine, de race ou de religion » (§ 13). Pour des raisons dans lesquelles il est superflu d'entrer, le respect de ce principe est d'autant plus impératif dans le cas de Mayotte.
Vous avez, récemment encore, souligné la valeur du principe d'indivisibilité dans votre décision 99-412 DC du 15 juin 1999 par laquelle vous avez déclaré que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu'elle conférait des droits spécifiques à des « groupes » de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l'intérieur de « territoires » dans lesquels ces langues étaient pratiquées, portait atteinte aux principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi et d'unicité du peuple français.
Certes, dans le respect de ce principe d'indivisibilité, la Constitution pose, en son article 72, le principe de libre administration des collectivités territoriales. Mais l'objet de la consultation que tend à organiser la loi soumise à votre examen excède manifestement le champ que la Constitution elle-même, votre jurisprudence et la loi ont imparti à l'exercice de la libre administration des collectivités territoriales ; le choix d'un statut échappe en effet au champ de cette libre administration.
Le gouvernement lui-même est conscient des graves faiblesses juridiques dont est affectée la consultation que tend à organiser la loi qui vous est déférée. Le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, soutenant le 23 mars 2000 devant le Sénat ce qui était alors un projet de loi, cherchait à étayer la thèse d'une constitutionnalité de cette consultation. Il ne trouva pas de meilleur argument que celui suivant lequel « l'organisation d'une consultation était tout à fait légitime au regard des principes démocratiques ». Comment avouer plus clairement qu'elle n'était pas légale au regard des principes constitutionnels ?
Dans l'état actuel de la Constitution, le législateur n'est pas habilité à prendre l'initiative d'une telle consultation. C'est au seul pouvoir constituant qu'il appartiendrait d'en ouvrir la possibilité - les réflexions en cours sur l'avenir institutionnel des départements d'outre-mer et d'une collectivité métropolitaine comme la Corse pourraient amener les autorités compétentes à prendre l'initiative d'une révision constitutionnelle en ce sens.
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