I. - Toute base constitutionnelle fait défaut à la consultation
que la loi qui vous est déférée tend à organiser
Les seules dispositions de la Constitution prévoyant le recours à des procédures de consultation de la population sont, d'une part, celles de ses articles 11 et 89 - qui le prévoient de manière explicite - et, d'autre part, celle de son article 53, alinéa 3 - où l'idée de consultation est implicite.
L'article 11 encadre la pratique du référendum. Rien ne permet de rattacher à son application une consultation demandant à une partie de la population française de se prononcer sur une perspective de statut ; il ne s'agit en effet ni de l'organisation des pouvoirs publics, ni de réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent, ni de l'autorisation de ratifier un traité susceptible d'avoir des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Les dispositions de l'article 89, relatives à la révision de la Constitution, n'offrent évidemment pas une base plus adaptée.
Quant à l'article 53, alinéa 3, il dispose que « nulle cession, nul échange de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ». Dans votre décision 75-59 DC du 30 décembre 1975 relative à l'autodétermination des Comores, vous avez admis que cet article était applicable au cas de sécession d'un territoire. Vous avez confirmé cette jurisprudence par votre décision 87-226 DC du 2 juin 1987 relative à la loi organisant la consultation des populations intéressées de Nouvelle-Calédonie et dépendances. Or l'objet de la consultation organisée par la loi qui vous est déférée est dénué de tout rapport avec le principe de libre détermination tel que vous l'entendez ; la votation prévue à Mayotte ne serait qu'une étape vers une réforme statutaire, dans un esprit d'auto-organisation.
A l'évidence, la loi qui vous est soumise manque de base constitutionnelle. On ne peut se prévaloir du silence de la Constitution pour créer par la loi une telle procédure, fût-elle de nature purement consultative - s'il s'agit en effet d'une simple consultation, elle est néanmoins censée déterminer l'avenir de Mayotte, en particulier sur le plan institutionnel. Hors la matière des libertés publiques, on ne peut soutenir qu'est permis ce qui n'est pas explicitement interdit par la Constitution.
1 version