IV-2. Méconnaissance du principe de loyauté
La consultation proposée aux Mahorais n'est pas plus loyale qu'elle n'est claire.
Privée de la finalité institutionnelle qui lui donnait son sens - la transformation éventuelle de Mayotte en département d'outre-mer -, la perspective offerte aux Mahorais de donner à leur île un statut de « collectivité départementale » semble uniquement conçue pour tromper leur attente. Par l'emploi du qualificatif « départemental », le Gouvernement paraît vouloir feindre de donner satisfaction à la revendication départementaliste claire et constante de la population de Mayotte et portée depuis vingt-cinq ans par une très large majorité de ses élus, y compris tous les parlementaires qu'elle a élus depuis qu'elle a choisi son maintien dans la République, alors que les Comores faisaient sécession.
Il est déloyal de prétendre laisser un choix à la population quand aucune alternative réelle n'est ouverte. La consultation organisée par la loi soumise à votre examen n'est qu'un faux-semblant n'offrant à la population de Mayotte que l'illusion d'être consultée. La perspective de la collectivité départementale est à prendre ou à laisser, sans que ne soit ouverte aucune autre option. La loi de 1976 offrait quant à elle aux Mahorais la perspective de choisir entre trois voies d'évolution institutionnelle. Mais peut-être l'idée même de laisser aux Mahorais une véritable liberté de choix a-t-elle paru déplacée aux auteurs de la loi qui fait l'objet de la présente saisine ?
Enfin, le processus même par lequel a été élaboré l'« accord » auquel renvoie la loi qui vous est déférée présente un caractère marqué de déloyauté. Avant la conclusion de tout accord, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer avait défini les conditions qui en garantiraient la validité, dont « le consensus accepté par tous les signataires mahorais (...), à savoir les trois partis politiques représentés au conseil général de la collectivité, les parlementaires et le président du conseil général » était la principale. Au bas du document du 4 août 1999 (en annexe) prétendant enregistrer ce consensus manquaient trois signatures sur six : celle du député, celle du sénateur et celle du représentant du mouvement populaire mahorais, majoritaire au conseil général.
Comprenant que ne serait pas satisfaite l'exigence qu'ils avaient eux-mêmes définie, les promoteurs de l'« accord » ont cru bon de recourir à plusieurs expédients. Une consultation des conseils municipaux a été lancée, sur une question excédant manifestement l'intérêt local et donc leur champ de compétences - le juge administratif est saisi d'un recours sur cette question. Le préfet, représentant du Gouvernement, a en outre inscrit à l'ordre du jour du conseil général dont il est l'exécutif un vote relatif à l'« accord », alors que son objet outrepasse évidemment le domaine de compétence de cette assemblée locale.
De ce consensus introuvable, l'« accord » lui-même porte la trace, quand il stipule, dans son onzième et dernier article, que « L'Etat, les parlementaires, le président du conseil général et les responsables des partis représentés au conseil général de Mayotte se retrouveront en "comité de suivi" tous les ans pour procéder ensemble au bilan de l'application du présent document et définir les orientations nécessaires pour l'avenir. » Les promoteurs de l'« accord » ont ainsi cherché à réintégrer de force dans ce montage infidèle à ses ambitions initiales des personnalités qui s'étaient refusées à y apporter leur caution. Cet « accord » stipule donc pour autrui, en plus de ses autres vices.
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