JORF n°302 du 30 décembre 1999

  1. Tout d'abord, l'affectation de la TGAP

au fonds est juridiquement sujette à caution

Aux termes de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, « l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances d'origine gouvernementale (...) ». Certes, votre jurisprudence admet dans certaines conditions l'affectation d'une recette. Vous avez notamment décidé que le principe de non-affectation des recettes ne s'opposait pas à l'affectation du produit d'une imposition à un établissement public industriel et commercial (décisions no 82-140 du 28 juin 1982 et no 82-152 du 14 janvier 1983).

Toutefois, l'affectation à laquelle procède l'article 7 de la loi du produit de la TGAP au financement du fonds créé à l'article 5 suscite des réserves très grandes. Elle porte, en effet, en germe un changement radical dans les objectifs poursuivis par cet impôt : instituée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999, la TGAP était destinée à renforcer la lutte contre l'effet de serre et à promouvoir une meilleure maîtrise de l'énergie ; elle était « désaffectée » de l'ADEME pour avoir le caractère d'une recette générale du budget de l'Etat. Aussi l'affectation de la TGAP au financement de la réduction du temps de travail et de l'allégement des charges patronales inverse-t-elle d'une manière radicale la vocation de cette taxe - contribuer à l'amélioration de l'environnement. Adoptée comme un impôt environnemental à caractère dissuasif, la TGAP deviendrait un impôt de rendement : son niveau ne serait, dès lors, aucunement déterminé par la recherche de son efficacité intrinsèque.

L'affectation à laquelle procède l'article 7 de la loi est ainsi en contradiction avec l'objectif assigné à la TGAP. En effet, loin de souhaiter le succès de son effet dissuasif sur les comportement pollueurs, le Gouvernement n'aura aucun intérêt à voir l'assiette de cet impôt se réduire, car il sera destiné à financer des dépenses pérennes.

Aussi l'article 7 de la loi porte-t-il une atteinte sans nuances au principe du consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 34 de la Constitution.

C'est aussi au prix d'un erreur manifeste d'appréciation que l'article 7 de la loi a affecté au fonds créé par son article 5 la TGAP, impôt environnemental dont la pleine efficacité implique nécessairement qu'il ne soit pas mis au service d'objectifs différents et contradictoires. Or vous reconnaissez, depuis votre décision no 81-132 du 16 janvier 1982, qu'il vous appartient de censurer l'erreur manifeste d'appréciation dont le législateur aurait entaché certaines dispositions d'un texte de loi. A quatre reprises depuis, cette technique de contrôle désormais habituelle vous a conduit à déclarer inconstitutionnelles des dispositions de natures très diverses. L'erreur manifeste commise par le législateur dans l'appréciation des conséquences sur la TGAP de l'affectation à laquelle il procède dans l'article 7 a donc pour effet de rendre celui-ci non conforme à la Constitution.


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Version 1

1. Tout d'abord, l'affectation de la TGAP

au fonds est juridiquement sujette à caution

Aux termes de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, « l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances d'origine gouvernementale (...) ». Certes, votre jurisprudence admet dans certaines conditions l'affectation d'une recette. Vous avez notamment décidé que le principe de non-affectation des recettes ne s'opposait pas à l'affectation du produit d'une imposition à un établissement public industriel et commercial (décisions no 82-140 du 28 juin 1982 et no 82-152 du 14 janvier 1983).

Toutefois, l'affectation à laquelle procède l'article 7 de la loi du produit de la TGAP au financement du fonds créé à l'article 5 suscite des réserves très grandes. Elle porte, en effet, en germe un changement radical dans les objectifs poursuivis par cet impôt : instituée par l'article 45 de la loi de finances pour 1999, la TGAP était destinée à renforcer la lutte contre l'effet de serre et à promouvoir une meilleure maîtrise de l'énergie ; elle était « désaffectée » de l'ADEME pour avoir le caractère d'une recette générale du budget de l'Etat. Aussi l'affectation de la TGAP au financement de la réduction du temps de travail et de l'allégement des charges patronales inverse-t-elle d'une manière radicale la vocation de cette taxe - contribuer à l'amélioration de l'environnement. Adoptée comme un impôt environnemental à caractère dissuasif, la TGAP deviendrait un impôt de rendement : son niveau ne serait, dès lors, aucunement déterminé par la recherche de son efficacité intrinsèque.

L'affectation à laquelle procède l'article 7 de la loi est ainsi en contradiction avec l'objectif assigné à la TGAP. En effet, loin de souhaiter le succès de son effet dissuasif sur les comportement pollueurs, le Gouvernement n'aura aucun intérêt à voir l'assiette de cet impôt se réduire, car il sera destiné à financer des dépenses pérennes.

Aussi l'article 7 de la loi porte-t-il une atteinte sans nuances au principe du consentement à l'impôt garanti par l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 34 de la Constitution.

C'est aussi au prix d'un erreur manifeste d'appréciation que l'article 7 de la loi a affecté au fonds créé par son article 5 la TGAP, impôt environnemental dont la pleine efficacité implique nécessairement qu'il ne soit pas mis au service d'objectifs différents et contradictoires. Or vous reconnaissez, depuis votre décision no 81-132 du 16 janvier 1982, qu'il vous appartient de censurer l'erreur manifeste d'appréciation dont le législateur aurait entaché certaines dispositions d'un texte de loi. A quatre reprises depuis, cette technique de contrôle désormais habituelle vous a conduit à déclarer inconstitutionnelles des dispositions de natures très diverses. L'erreur manifeste commise par le législateur dans l'appréciation des conséquences sur la TGAP de l'affectation à laquelle il procède dans l'article 7 a donc pour effet de rendre celui-ci non conforme à la Constitution.