JORF n°289 du 14 décembre 2000

Sur les atteintes au principe d'égalité

Le périmètre des logements sociaux, défini par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, exclut de fait le parc privé du dispositif de la loi. Il s'ensuit une atteinte au principe d'égalité entre bailleurs sociaux, selon que ceux-ci sont inclus dans le parc « public » ou dans le parc « privé ». Cette question est plus largement celle de la définition qui doit être donnée à la notion de « parc social » et à celle de « logement à vocation sociale ». Dès lors que les bailleurs privés possèdent des logements dont la vocation peut être en partie sociale, sans avoir ce seul objet, il apparaît que le dispositif de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains porte atteinte au principe d'égalité, dans la mesure où le texte ne justifie pas de différence fondamentale de situation entre le parc « public » et le parc « privé ». Se rattache par ailleurs à cet argument la distinction faite entre les différents types de communes concernées ainsi que les types de logements, énoncés aux 1o à 4o de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. De ce point de vue, les différences de soumission à la règle des 20 % de logements sociaux ne sont pas davantage justifiées par des différences de situation clairement identifiables.

A cet égard, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs émis en 1998 de très nombreuses réserves d'interprétation à propos de l'article 51 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, instaurant la « taxe d'inhabitation ». Sa décision du 29 juillet 1998 (no 98-403 DC, précitée) avait certes rejeté le moyen soulevant la rupture d'égalité entre bailleurs publics et privés mais avait reconnu des ruptures d'égalité entre bailleurs privés, qui avaient été palliées en recourant à des réserves d'interprétation constructives.

En l'espèce, le même type de raisonnement est appelé à jouer. Le dispositif mis en place par l'article 55 du texte déféré conduit à instituer une rupture d'égalité entre les différents types de bailleurs, publics et privés, comme entre les collectivités territoriales, sans que les critères soient clairement énoncés dans la loi. Le manque de contenu du critère de « mixité sociale » a déjà été souligné. Par ailleurs, le critère de population dans la commune ainsi que les autres critères retenus pour exclure certaines communes (inconstructibilité, parc naturel régional, types de logements conventionnés, etc.) ne sont, à l'évidence, pas en rapport direct avec l'objet de la loi, pour reprendre les termes de la décision du Conseil constitutionnel de 1998, qui est d'assurer, selon la section 1 du titre II de la loi, « la solidarité entre les communes en matière d'habitat ».

De même, les discriminations entre les communes introduites dans l'article 55 selon le seuil de population ou la localisation de ces communes constituent une atteinte au principe d'égalité entre personnes publiques placées dans une même situation.

Enfin, la recherche de la solidarité entre citoyens ou entre personnes publiques trouve sa limite dans le respect du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé par l'article 13 de la Déclaration de 1789. Le Conseil rappelle à cet égard « qu'il incombe au législateur, lorsqu'il met en oeuvre le principe de solidarité nationale, de veiller à ce que la diversité des régimes d'indemnisation institués par lui n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité de tous devant les charges publiques » (C. const., no 87-237 DC, 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, Rec. 63).


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Sur les atteintes au principe d'égalité

Le périmètre des logements sociaux, défini par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, exclut de fait le parc privé du dispositif de la loi. Il s'ensuit une atteinte au principe d'égalité entre bailleurs sociaux, selon que ceux-ci sont inclus dans le parc « public » ou dans le parc « privé ». Cette question est plus largement celle de la définition qui doit être donnée à la notion de « parc social » et à celle de « logement à vocation sociale ». Dès lors que les bailleurs privés possèdent des logements dont la vocation peut être en partie sociale, sans avoir ce seul objet, il apparaît que le dispositif de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains porte atteinte au principe d'égalité, dans la mesure où le texte ne justifie pas de différence fondamentale de situation entre le parc « public » et le parc « privé ». Se rattache par ailleurs à cet argument la distinction faite entre les différents types de communes concernées ainsi que les types de logements, énoncés aux 1o à 4o de l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation. De ce point de vue, les différences de soumission à la règle des 20 % de logements sociaux ne sont pas davantage justifiées par des différences de situation clairement identifiables.

A cet égard, le Conseil constitutionnel avait d'ailleurs émis en 1998 de très nombreuses réserves d'interprétation à propos de l'article 51 de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, instaurant la « taxe d'inhabitation ». Sa décision du 29 juillet 1998 (no 98-403 DC, précitée) avait certes rejeté le moyen soulevant la rupture d'égalité entre bailleurs publics et privés mais avait reconnu des ruptures d'égalité entre bailleurs privés, qui avaient été palliées en recourant à des réserves d'interprétation constructives.

En l'espèce, le même type de raisonnement est appelé à jouer. Le dispositif mis en place par l'article 55 du texte déféré conduit à instituer une rupture d'égalité entre les différents types de bailleurs, publics et privés, comme entre les collectivités territoriales, sans que les critères soient clairement énoncés dans la loi. Le manque de contenu du critère de « mixité sociale » a déjà été souligné. Par ailleurs, le critère de population dans la commune ainsi que les autres critères retenus pour exclure certaines communes (inconstructibilité, parc naturel régional, types de logements conventionnés, etc.) ne sont, à l'évidence, pas en rapport direct avec l'objet de la loi, pour reprendre les termes de la décision du Conseil constitutionnel de 1998, qui est d'assurer, selon la section 1 du titre II de la loi, « la solidarité entre les communes en matière d'habitat ».

De même, les discriminations entre les communes introduites dans l'article 55 selon le seuil de population ou la localisation de ces communes constituent une atteinte au principe d'égalité entre personnes publiques placées dans une même situation.

Enfin, la recherche de la solidarité entre citoyens ou entre personnes publiques trouve sa limite dans le respect du principe d'égalité devant les charges publiques énoncé par l'article 13 de la Déclaration de 1789. Le Conseil rappelle à cet égard « qu'il incombe au législateur, lorsqu'il met en oeuvre le principe de solidarité nationale, de veiller à ce que la diversité des régimes d'indemnisation institués par lui n'entraîne pas de rupture caractérisée de l'égalité de tous devant les charges publiques » (C. const., no 87-237 DC, 30 décembre 1987, Loi de finances pour 1988, Rec. 63).