- Sur l'inconstitutionnalité des dispositions relatives à la composition du comité syndical des syndicats mixtes des parcs naturels régionaux
Les articles 205 et 206 ont été introduits dans le projet de loi relatif à la solidarité et au renouvellement urbains par voie d'amendement en première lecture au Sénat.
L'article 205 vient compléter l'article L. 224-2 du code rural en précisant que le nombre de sièges détenus au sein du comité syndical par chaque collectivité territoriale ou établissement public membre du syndicat mixte est fixé par les statuts, par dérogation aux dispositions de l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales. Ce dernier prévoit en effet que ce nombre de sièges doit être proportionnel à la contribution de chaque collectivité ou établissement au budget du syndicat. Par coordination, l'article 206 modifie en conséquence l'article L. 5721-2 du code général des collectivités territoriales.
Sur le fond, ces dispositions, de par leur caractère totalement dérogatoire au droit commun des syndicats mixtes, tiré de la loi du 12 juillet 1999, constituent, quant à l'organisation juridique de ces structures, une violation manifeste du principe d'égalité, affirmé par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par les articles 1er et 2 de la Constitution. Elles tendent ainsi à affecter de manière durable et profonde toute la cohérence des dispositions antérieurement adoptées lors de la loi relative à l'intercommunalité. Les articles 205 et 206 instituent ainsi une véritable dérogation entre les structures au départ identiques et basées sur une même norme juridique que sont les syndicats mixtes.
Cette atteinte au principe d'égalité a été soulignée au cours des débats. Le ministre a en effet estimé, d'une part, que les amendements en cause entraînaient une rupture de l'égalité entre ces structures de par leur caractère dérogatoire aux règles de droit régissant l'ensemble des syndicats mixtes, d'autre part, que la remise en cause du principe selon lequel l'ensemble de ces structures sont constituées et régies en fonction de la loi des parties pouvait ouvrir la voie à de nombreuses autres dérogations (JO Débats, Sénat, séance du 18 mai 2000, p. 2932).
En outre, la trop grande spécificité d'application de cet article, puisque censé s'appliquer aux seuls syndicats mixtes ayant à gérer des parcs naturels régionaux, paraît, au regard de sa particularité, relever davantage d'une décision réglementaire que législative et constitue à ce titre une violation de l'article 34 de la Constitution qui dispose que, s'agissant des collectivités territoriales, la loi ne fixe que des dispositions générales, dispositions qui, au cas particulier, sont susceptibles d'être complétées par le biais d'actes réglementaires ayant justement pour but d'introduire de tels particularismes.
Or, le Gouvernement lui-même, dans un but de simplification et rationalisation, et comme l'indique le ministre dans son intervention (JO Débats, Sénat, séance du 18 mai 2000, p. 2932), n'a, à ce jour, ni jugé opportun, ni jugé nécessaire de modifier les modalités de fonctionnement des syndicats mixtes ayant à gérer des parcs naturels régionaux, souhaitant en cela maintenir une certaine cohérence avec les principes instaurés par la loi du 12 juillet 1999.
Ces dispositions constituent également une violation du principe de la libre administration de ces syndicats mixtes, tiré de l'article 72, alinéa 2, de la Constitution, d'une part, parce qu'elles isolent totalement cette catégorie de syndicats mixtes de l'ensemble de ces structures dont le fonctionnement avait été auparavant clairement défini par la loi du 12 juillet 1999, d'autre part, parce qu'en imposant des modalités particulières de fonctionnement à certaines d'entre elles, ces dernières se trouvent désormais dénaturées puisque ne constituant plus juridiquement des syndicats mixtes.
Enfin, les dispositions contenues dans les articles 205 et 206 portent atteinte au principe constitutionnel de liberté, en ce qu'elles ne permettent pas à une collectivité territoriale, membre de ces syndicats, d'avoir la possibilité de ne plus en être membre. La collectivité ainsi engagée définitivement est obligatoirement liée à cette structure, y compris contre son gré, et n'a plus par la suite la possibilité juridique de s'en séparer.
Sur la forme, la procédure ayant conduit à l'adoption des articles 205 et 206 se révèle manifestement contraire aux dispositions combinées des articles 39, 42, 44 et 45 de la Constitution, et ce à travers une violation manifeste des limites inhérentes au droit d'amendement, violation similaire précédemment sanctionnée par la Haute Cour dans sa décision no 88-251 DC du 12 janvier 1989.
Comme le souligne le Conseil constitutionnel, si « le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative (...), les adjonctions ou modifications ainsi apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée, les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ».
En l'espèce, les articles 205 et 206 ne présentent aucun lien direct, ni avec le projet de loi dans lequel ils s'insèrent qui a trait à l'urbanisme et aux transports, ni avec l'article 204 qui, quant à lui, tend à réaménager le principe de réciprocité en matière de construction en milieu rural. L'article 207, relatif à la construction consécutive à un sinistre, qui succède aux articles 205 et 206, dispose lui à nouveau d'un lien direct avec l'article 204 de la loi.
En outre, à l'occasion des débats ayant donné lieu à leur adoption, l'assimilation de ces deux articles à des cavaliers législatifs fut clairement exprimée à la fois par le rapporteur du texte, qui eut le « sentiment d'être en présence d'un cavalier législatif » mais également par le président de séance qui, quant à lui, précisa que le sentiment exprimé par le rapporteur « correspond(ait) à la réalité » (JO Débats, Sénat, séance du 18 mai 2000, p. 2932).
Pour toutes ces raisons, les articles 205 et 206 doivent être déclarés contraires à la Constitution.
Pour ces motifs et pour tout autre qu'il plairait au Conseil constitutionnel de soulever d'office, les auteurs de la saisine demandent au Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
(Liste des signataires : voir décision no 2000-436 DC.)
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