C. - Sur l'injonction au Gouvernement
Si le législateur peut, sans méconnaître la Constitution, adopter des dispositions relevant du domaine de compétence du pouvoir réglementaire (cf. votre décision no 82-143 DC du 30 juillet 1982), il ne tire d'aucune disposition de la Constitution le pouvoir d'enjoindre au Gouvernement d'exercer ses compétences dans un délai précis (inconstitutionnalité d'une disposition législative ayant pour effet de prescrire au Gouvernement de déposer un projet de loi : no 89-269 DC du 22 janvier 1990 ; l'application de la loi ne peut être conditionnée par l'obligation pour le Gouvernement de passer une convention avec les organismes professionnels : no 78-95 DC du 27 juillet 1978).
Au cas présent, pour faire en sorte que les salariés payés au SMIC - dont la durée du travail va passer de 39 heures à 35 heures - continuent à être payés comme avant sans pour autant que le taux horaire du SMIC soit augmenté de façon mécanique de 11,4 %, l'article 32 de la loi instaure un système complexe mais transitoire : aux 35 premières heures payées normalement s'ajoute un « complément différentiel de salaire » pour faire la jointure jusqu'à 39 heures. Toutefois, à la demande du Conseil d'Etat, et vraisemblablement pour prévenir un risque d'inconstitutionnalité pour rupture du principe d'égalité devant la loi (cf. infra), le V de l'article 32 dispose « qu'avant le 31 décembre 2002, le Gouvernement... présentera au Parlement un rapport... précisant les mesures envisagées... pour rendre cette garantie sans objet au plus tard le 1er janvier 2005 compte tenu de l'évolution du salaire mensuel de base ouvrier ».
Dès lors, de deux choses l'une :
- ou bien cette disposition législative est sans portée normative pour le Gouvernement, mais alors elle crée, sans limitation de temps, une discrimination inconstitutionnelle entre les salariés rémunérés au SMIC selon que leur durée de travail sera ou non affectée par la loi (cf. infra) ;
- ou bien cette disposition législative est impérative pour le Gouvernement mais alors elle met à la charge de celui-ci une obligation inconstitutionnelle d'avoir, dans un délai maximum de cinq ans, à revaloriser le SMIC au-delà de l'obligation légale alors qu'il s'agit là d'une compétence discrétionnaire du Gouvernement (qu'il n'a d'ailleurs pas exercée en 1999).
Pour l'une ou l'autre de ces raisons, l'article 32 de la loi est donc contraire à la Constitution.
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