- L'immixtion excessive de l'administration
dans le fonctionnement des entreprises
Plusieurs dispositions du projet de loi dénaturent la liberté d'entreprendre par l'immixtion abusive ou arbitraire de tiers dans la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
Comme on l'a vu plus haut, ce sont les contrôleurs desURSSAF et les inspecteurs du travail qui auront à s'assurer de la « compatibilité » des durées et des horaires pratiqués dans l'entreprise avec les limites des 35 heures hebdomadaires ou 1 600 heures annuelles et, en cas d'incompatibilité, qui proposeront la suspension du bénéfice des allégements de cotisations patronales.
En conséquence, eu égard à l'imprécision de la loi sur ce point (cf. supra), la prise d'une nouvelle commande ou le respect de délais de livraison imposés par le client - obligeant alors le recours à des heures supplémentaires - va systématiquement exposer l'entreprise à la suspension des aides, en fonction de l'appréciation que portera l'inspecteur du travail ou le contrôleur de l'URSSAF sur la compatibilité des horaires ainsi pratiqués avec les 35 heures, sans que le chef d'entreprise puisse mesurer au préalable les risques financiers que le choix de tel ou tel type d'organisation lui fait encourir. En d'autres termes, c'est à un agent de l'administration qu'il va incomber de décider, en fonction de son appréciation personnelle, si l'entreprise peut faire des heures supplémentaires ou si elle doit embaucher pour réaliser telle ou telle tâche nécessaire au maintien ou au développement de son activité.
Ainsi, par le biais de la réduction du temps de travail et parce que le bénéfice des allégements de cotisations patronales est vital pour la survie de l'entreprise, l'article 19-XV de la loi met de façon excessive et subjective la gestion quotidienne des entreprises sous le contrôle d'autorités administratives, dénaturant ainsi le principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre.
Ensuite, en subordonnant dans les entreprises concernées l'accès au droit à l'allégement de cotisations sociales à un accord d'entreprise signé par une ou plusieurs organisations syndicales majoritaires ou une organisation syndicale minoritaire ayant demandé une consultation du personnel (seule cette organisation peut demander la consultation) - allégements dont on a dit qu'ils constituaient une nécessité vitale pour la sauvegarde de la compétitivité des entreprises -, les articles 19 et 21 de la loi accordent aux organisations syndicales un droit de veto sur l'organisation de l'entreprise (un refus d'accord peut même condamner l'entreprise à disparaître à terme faute de disposer des allégements précités), dépossédant ainsi de façon inconstitutionnelle le chef d'entreprise de son pouvoir de gestion et d'organisation. De fait :
- d'une part, ces accords porteront non seulement sur la réduction de la durée effective du travail à 35 heures (condition d'accès aux versements), mais également sur la compensation financière de la réduction du temps de travail, et, surtout, sur la mise en oeuvre dans l'entreprise de la flexibilité, du décompte du temps de travail des cadres, de l'organisation de la formation hors du temps de travail, etc. ;
- et, d'autre part, le refus du ou des syndicats majoritaires de signer l'accord conduira nécessairement en pratique les autres syndicats à ne pas s'engager. Au demeurant, si un syndicat minoritaire signait l'accord, il serait le seul, à l'exclusion du chef d'entreprise, à pouvoir demander l'organisation d'une consultation des salariés.
Enfin, dans la mesure où l'article 5-I de la loi a pour effet de pénaliser les salariés des entreprises n'ayant pas réduit leur durée collective du travail à 35 heures en leur attribuant une majoration pour heures supplémentaires de seulement 15 % - contre 25 % aux salariés des entreprises qui seront passées à 35 heures -, cet article vise à les inciter à faire pression sur l'entreprise pour qu'elle réduise sa durée du travail. Il constitue de ce point de vue une entrave à la liberté de gestion du chef d'entreprise contraire à la Constitution.
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