II. - Sur les articles 5, 6 et 7 du projet de loi
Les sénateurs auteurs de la saisine considèrent que l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale et contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Il est en outre contraire aux articles 6, 16 et 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. Il en est de même des articles 6 et 7 de la loi qui sont intrinsèquement liés à cet article 5.
- L'article 5 n'affecte pas l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
En effet, l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 25 juillet 1994, dispose que « toute mesure d'exonération totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale (...) donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ».
L'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 institue un « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale ». Il prévoit que la mission de ce fonds est « de compenser le coût pour la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale (...) ».
L'article 5 dispose par ailleurs (art. L. 131-9 du code de la sécurité sociale) que « les versements du fonds de financement se substituent à la compensation par le budget de l'Etat prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette compensation soit intégrale ».
Ledit fonds se substitue donc au budget de l'Etat pour assurer la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales.
En l'absence de l'article 5, cette compensation serait de droit et les crédits nécessaires inscrits au budget général. En quelque sorte, du point de vue de la sécurité sociale et des équilibres de la loi de financement de la sécurité sociale, les montages financiers et l'origine des fonds assurant cette compensation importent peu dès lors que cette compensation est effective et intégrale en application de la loi précitée du 25 juillet 1994.
L'absence ou la suppression de l'article 5 n'aurait donc aucune incidence sur les équilibres de la loi de financement.
Et, dès lors qu'il n'est pas dérogé au principe de la compensation intégrale des exonérations de charges, la présence de cet article 5 n'affecte pas davantage directement et même indirectement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base.
Or l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale précise bien que les lois de financement de la sécurité sociale « ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale ».
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dans son texte initial, avait d'ailleurs inclus, dans les prévisions des recettes de l'article 12, sur la ligne « cotisations effectives », la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales sans s'interroger sur l'origine de cette compensation, qu'elle soit constituée par les dépenses du fonds de financement créé à l'article 5 ou par un reliquat de crédits du budget général.
- L'article 5 n'améliore pas davantage le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
En 1999, la compensation des exonérations de cotisations sociales était regroupée sur une seule ligne des prévisions de recettes en loi de financement de la sécurité sociale et était parfaitement identifiée sous la forme de dépenses budgétaires au chapitre 44-77 du budget de l'emploi et de la solidarité. Ce n'est plus le cas pour 2000 puisque cette compensation disparaît, dans sa quasi-totalité, du budget de l'Etat et se trouve désormais intégrée dans trois lignes différentes des prévisions de recettes en loi de financement de la sécurité sociale.
En première lecture, l'Assemblée nationale a cru bon, en effet, de modifier la présentation des différentes catégories de recettes pour inscrire sur la ligne « impôts et taxes affectés » de l'article 12, les impositions figurant en ressources du fonds de financement (droits sur les tabacs, taxe générale sur les activités polluantes TGAP, contribution sociale sur les bénéfices, taxation des heures supplémentaires) et sur la ligne « contributions publiques » la contribution de l'Etat à ce fonds.
Ces modifications n'ont toutefois pas concerné les droits sur les alcools précédemment inscrits sur cette ligne « impôts et taxes affectés » au titre du Fonds de solidarité vieillesse.
En outre, demeure, sur la ligne « cotisations effectives », la compensation des exonérations de cotisations encore financée sur crédits budgétaires.
A l'évidence, la présence du fonds de financement dans la loi de financement de la sécurité sociale ne contribue donc pas à l'amélioration du contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Et la confusion et la complexité de la présentation législative de la compensation des exonérations de cotisations sociales ne sauraient en aucun cas être compensées par la présence de membres du Parlement dans l'organisme extra-parlementaire que constitue le conseil d'administration du fonds de financement.
- L'article 5 est contraire aux dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique sur les lois de finances.
Il apparaît, en outre, clairement que les dépenses de ce fonds constituent un élément déterminant de la politique de l'emploi de l'Etat et qu'elles relèvent des charges permanentes de l'Etat telles que définies par l'article 6 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. La majorité de ces dépenses était inscrite en 1999 au chapitre 44-77, article 30, du budget de l'emploi et de la solidarité. Par ailleurs, la contribution de l'Etat au fonds de financement figure encore à ce budget pour 2000, au chapitre 44-77, article 10, sous le libellé « exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail (loi du 13 juin 1998) ».
En outre, si l'affectation au fonds de financement de la taxe générale sur les activités polluantes et d'une fraction du produit du droit de consommation visé à l'article 575 du code général des impôts fait l'objet, en application de l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances, d'une disposition spécifique du projet de loi de finances pour 2000, il n'en est pas de même pour la modification de l'affectation d'une partie du produit du droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts. Ce produit a été affecté au Fonds de solidarité vieillesse par l'article 43 de la loi no 93-1352 de finances pour 1994, toujours en vigueur.
La modification de cette affectation, pour en faire bénéficier le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, a été décidée, à tort, par l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Elle aurait dû, à l'évidence, figurer dans le projet de loi de finances pour 2000, conformément à l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances.
L'article 5 est donc contraire audit article 18 en tant qu'il modifie une affectation qui relève de la loi de finances.
Plus généralement, ledit article 18 souligne que l' « affectation est exceptionnelle » et qu'« aucune affectation n'est possible si les dépenses résultent d'un droit permanent reconnu par la loi ».
Ce droit permanent à une compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales décidée par l'Etat a bien été reconnu par la loi du 25 juillet 1994 et ce droit n'est désormais pas contesté.
Dès lors, le principe même du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est contestable quand bien même cette affectation aurait été décidée en loi de finances.
L'article 5 de la loi de financement doit donc être déclaré contraire à la Constitution, de même que les articles 6 et 7 qui lui sont intrinsèquement liés.
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